Identification



(A) Terme d'Informatique.



(a) L'identification est une manière de donner un nom ou un matricule unique à chaque élément d'un ensemble.


- Le numéro de Sécurité Sociale est l'identifiant de chaque français.


- Sur Internet, chaque ordinateur connecté au réseau à un numéro d'identification provisoire ou définitif.


- Dans la messagerie électronique, chaque utilisateur à une boîte-à-lettres qui ne correspond qu'à lui seul, sans risque de confusion avec un doublon. (exemple caduque : h-houdoy@calva.net)


(b) Voir Nom court. Nom long.



(B) Terme de Psychanalyse.



(a) L'identification est un mécanisme de constitution du Moi.


- <<La force de l'amour est telle que les objets en lesquels l'âme s'est longtemps complu par la pensée et auxquels elle est devenue inhérente par la glu du souci, elle les traîne encore avec elle-même lorsqu'elle rentre en soi en quelque façon pour se penser ; ces corps, elle les a aimés à l'extérieur d'elle-même par l'intermédiaire des sens, elle s'est mêlée à eux par une sorte de longue familiarité ; mais comme elle ne peut les emporter à l'intérieur d'elle-même, en ce qui est comme le domaine de la nature spirituelle, elle roule en elle leurs images et entraîne ces images faites d'elle-même en elle-même... En elle subsiste le pouvoir de juger qui lui fait distinguer le corps, qui lui reste extérieur, de l'image qu'elle porte en elle : à moins que ces images ne s'extériorisent au point d'être prises pour la sensation de corps étrangers, non pour des modes intérieurs de pensée, ce qui arrive couramment dans le sommeil, dans la folie, ou dans quelque transport. (Saint Augustin, "De Trinitate")>>.


- <<Le soi est cette chose pensante consciente (de quelle substance elle est formée, spirituelle ou matérielle, simple ou composée, il n'importe) qui est sensible au plaisir et à la peine ou en est consciente, capable de bonheur ou de malheur, et qui ainsi est intéressée pour soi-même... Ce à quoi la consciosité de cette chose consciente peut se joindre forme une même personne et un même soi avec elle, et avec aucune autre, et ainsi s'attribue à elle-même et possède toutes les actions de cette chose comme siennes, autant que cette consciosité s'étend, et pas plus loin. (John Locke, "Essai sur l'entendement humain", II, XXVII, 17)>>.


(b) Le Moi est de moins en moins perçu comme une monade et de plus en plus décrit comme un bric-à-brac d'identifications.


- <<L'assomption jubilatoire de son image spéculaire par l'être encore plongé dans l'impuissance motrice et la dépendance du nourrissage qu'est le petit homme à ce stade infans nous paraîtra dès lors manifester en une situation exemplaire la matrice symbolique où le je se précipite en une forme primordiale, avant qu'il ne s'objective dans la dialectique de l'identification à l'autre et que le langage ne lui restitue dans l'universel sa fonction de sujet. (Jacques Lacan, 1949)>>.


- <<L'usage commun de ce mot ainsi que son emploi dans le vocabulaire logico-philosophique ne rendent compte que partiellement du sens que la psychologie et la psychanalyse lui reconnaissent : l'identification n'est pas seulement un processus de reconnaissance (établissement d'une relation de similitude), mais elle est aussi opération constitutive d'une identité du moi et, à ce titre, elle participe d'une dialectique historique qui conduit le sujet, à travers l'Oedipe, à se structurer comme moi en référence aux instances de l'idéal du moi et du sur-moi. Le terme d'identification (pris dans le sens de s'identifier à) recouvre, en psychologie, des expériences diverses qui entrent dans le phénomène de communication : empathie, sympathie, imitation, incorporation, assimilation affective, etc. Après avoir utilisé ce terme dans le sens d'une imitation (liée à la suggestion), Freud lui a reconnu une spécificité dans sa théorie du narcissisme. (Pierre Fédida, "Dictionnaire de la Psychanalyse", page 154)>>.


(c) Même l'opposition du bon objet et du mauvais objet, chez Melanie Klein, suppose une distinction entre le dedans et le dehors et donc une première opposition entre un Moi et un autre. Citation :


- <<Nous sommes donc conduit à admettre l'existence d'une identification très précoce et probablement aussi très sommaire dans sa première phase, identification à une forme conçue comme limite, comme sac : le sac de la peau. La tentative la plus élaborée pour venir combler cette place laissée par la notion freudienne de moi, pour décrire cette "nouvelle action psychique" susceptible de faire passer de l'auto-érotisme au narcissisme, a été proposée par Jacques Lacan avec sa théorie du stade du miroir. Il reprend là, notamment, les observations faites par Wallon, mais en leur donnant une plus vaste portée. (1970, Laplanche, Vie et mort en psychanalyse, page 125)>>.


(d) L'élaboration suivante (1974) sera celle du Moi-peau.


(e) Par rapport aux objets externes, les mécanismes d'identification construisent des objets internes. Partant, ils élaborent une réalité psychique ou nature interne qui ne se confond pas avec un simple reflet de la réalité ou de la nature externe.


(f) Un Moi solide suppose une intégration des introjections positives et des introjections négatives. Melanie Klein a proposé les concepts d'identification projective et de clivage.


(g) Faiblesse du Moi. Dans la lignée limite-dépressive, cette intégration des projections ne semble pas se faire.


- <<Or, dans l'état-limite, il semble que d'une part cette fusion des deux mouvements introjectifs n'a pu se faire (d'où la nécessité de recourir au mécanisme plus archaïque du clivage, comme nous l'avons vu plus haut) et que, d'autre part, la distinction entre les objets partiels extérieurs et les représentations mentales intérieures ne soit pas totalement établie, que la séparation entre le Moi en constitution, l'image objectale et l'image de Soi pose un certain nombre de difficultés. C'est comme si l'état-limite fonctionnait à deux niveaux dans le domaine des défenses de caractère : un niveau élémentaire constitué par les passages dans le comportement et les conduites compulsives et un niveau plus élaboré avec les traits de caractère, les inhibitions ou certaines formations réactionnelles et je pense que là, nous pouvons voir se rejoindre les positions de O. Kernberg et de M. Gressot sur le double secteur du Moi. (Jean Bergeret, "La dépression et les états limites", page 116)>>.


(h) On parle d'identifications primaires dans la période préœdipienne. En liaison avec l'admiration primaire, F. Pasche (1964) a décrit une "identification primaire mégalomaniaque" dans les organisations dépressives.


(i) Pour Jean-Jacque Rousseau, ce niveau primaire serait celui de l'état de nature, quand l'amour de soi prime sur l'amour propre.


- <<Quand il serait vrai que la commisération ne serait qu'un sentiment qui nous met à la place de celui qui souffre, sentiment obscur et vif dans l'homme sauvage, développé, mais faible dans l'homme civil, qu'importerait cette idée à la vérité de ce que je dis, sinon de lui donner plus de force ? En effet, la commisération sera d'autant plus énergique que l'animal spectateur s'identifiera intimement avec l'animal souffrant. Or il est évident que cette identification a dû être infiniment plus étroite dans l'état de nature que dans l'état de raisonnement. C'est la raison qui engendre l'amour-propre, et c'est la réflexion qui le fortifie ; c'est elle qui replie l'homme sur lui-même ; c'est elle qui le sépare de tout ce qui le gêne et l'afflige : c'est la philosophie qui l'isole ; c'est par elle qu'il dit en secret, à l'aspect d'un homme souffrant : péris si tu veux, je suis en sûreté. Il n'y a plus que les dangers de la société entière qui troublent le sommeil tranquille du philosophe, et qui l'arrachent de son lit. On peut impunément égorger son semblable sous sa fenêtre ; il n'a qu'à mettre ses mains sur ses oreilles et s'argumenter un peu pour empêcher la nature qui se révolte en lui de l'identifier avec celui qu'on assassine. L'homme sauvage n'a point cet admirable talent ; et faute de sagesse et de raison, on le voit toujours se livrer étourdiment au premier sentiment de l'humanité. Dans les émeutes, dans les querelles des rues, la populace s'assemble, l'homme prudent s'éloigne : c'est la canaille, ce sont les femmes des halles, qui séparent les combattants, et qui empêchent les honnêtes gens de s'entr'égorger. Il est donc certain que la pitié est un sentiment naturel, qui, modérant dans chaque individu l'activité de l'amour de soi-même, concourt à la conservation mutuelle de toute l'espèce. C'est elle qui nous porte sans réflexion au secours de ceux que nous voyons souffrir : c'est elle qui, dans l'état de nature, tient lieu de lois, de moeurs et de vertu, avec cet avantage que nul n'est tenté de désobéir à sa douce voix : c'est elle qui détournera tout sauvage robuste d'enlever à un faible enfant, ou à un vieillard infirme, sa subsistance acquise avec peine, si lui-même espère pouvoir trouver la sienne ailleurs ; c'est elle qui, au lieu de cette maxime sublime de justice raisonnée : Fais à autrui comme tu veux qu'on te fasse, inspire à tous les hommes cette autre maxime de bonté naturelle bien moins parfaite, mais plus utile peut-être que la précédente : Fais ton bien avec le moindre mal d'autrui qu'il est possible C'est, en un mot, dans ce sentiment naturel, plutôt que dans des arguments subtils, qu'il faut chercher la cause de la répugnance que tout homme éprouverait à mal faire, même indépendamment des maximes de l'éducation. Quoiqu'il puisse appartenir à Socrate, et aux esprits de sa trempe, d'acquérir de la vertu par raison, il y a longtemps que le genre humain ne serait plus, si sa conservation n'eût dépendu que des raisonnements de ceux qui le composent. (Jean-Jacques Rousseau, "Discours sur l'Origine et les Fondements de l'Inégalité parmi les Hommes", 1755, partie I)>>.


(j) Les identifications secondaires ou oedipiennes se mettent en place au cours du complexe d'Oedipe. Le jeu complexe des identifications secondaires manque au caractère psychotique (relation mère-enfant) et à la lignée limite-dépressive (faible distinction au sein du couple parental).


(k) Toujours pour les états-limites, P. Luquet a décrit des "névroses" d'identification, en liaison avec un objet fonctionnel.


(l) Dans La Psychologie de Masse du Fascisme, le psychanalyste Wilhelm Reich a insisté sur une forme d'identification politique. Elle est aussi à la source du chauvinisme d'entreprise à tort dénommé culture d'entreprise.


(m) Voir Cannibalisme. Caractère névrotique. Choix d'objet. Choix d'objet narcissique. Complexe d'Oedipe. Identification thérapeutique. Moi idéal. Repas totémique. Structure oedipienne.



(C) Connaissance.



(a) La connaissance d'un autre mode de vie que le sien permet d'élargir l'identification et d'accroître le champ d'application de la pitié.


- <<Comment nous laissons-nous émouvoir à la pitié ? En nous transportant hors de nous-mêmes, en nous identifiant avec l'être souffrant... Qu'on songe combien ce transport suppose de connaissances acquises ! Comment imaginerais-je des maux dont je n'ai nulle idée ? Comment souffrirais-je en voyant souffrir un autre... si j'ignore ce qu'il y a de commun entre lui et moi. Celui qui n'a jamais réfléchi ne peut être ni clément... ni pitoyable... (Jean-Jacques Rousseau, "Essai sur l'Origine des Langues", chapitre IX)>>.


(b) Voir Du contrat social. Etat de nature. Le contrat social.



(D) Identification impossible.



(a) L'identification à soi-même est une impossibilité.


- <<- François Ewald. Le travail que vous faites est-il pour retrouver cette identité ?

- Jacques Derrida : Sans doute mais le geste qui cherche à retrouver éloigne de lui-même, il s'éloigne encore. On doit pouvoir formaliser la loi de cet écart infranchissable. C'est un peu ce que je fais toujours. L'identification est une différence à soi, une différence (d')avec soi. Donc avec, sans et sauf soi-même. Le cercle du retour à la naissance ne peut que rester ouvert, mais à la fois comme une chance, un signe de vie et une blessure. S'il se fermait sur la naissance, sur une plénitude de l'énoncé ou du savoir qui dit «je suis né», ce serait la mort. (Jacques Derrida, "Une folie doit veiller sur la pensée", entretien avec François Ewald, Magazine littéraire, mars 1991, document du web)>>.






* * *


Auteur.

Hubert Houdoy

Mis en ligne le Mardi 1 er Juillet 2008



Explorer les sites.

Réseau d'Activités à Distance

A partir d'un mot

Le Forez

Roche-en-Forez



Consulter les blogs.

Connaître le monde

Géologie politique


Nota Bene.

Les mots en gras sont tous définis dans le cédérom encyclopédique.