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Trinité de l'homme


Une publication du RAD - Dialogue:
Notes de Lecture

de Hubert Houdoy

sur "Trinité de l'homme"

de Roger Nifle

http://www.coherences.com

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Roger Nifle: <<L'homme est présent en trois ordres différents:

Il est possible, du moins je le pense, de commenter ce texte en faisant abstraction de sa dénotation ou de ses connotations religieuses. L'ancienne sagesse des peuples s'étant inextricablement liée à leur formulation religieuse, un point de vue anti-religieux risque de jeter l'enfant avec l'eau du bain. Un point de vue a-religieux (une science auto-critique et non réductrice) doit pouvoir sauver l'enfant.

Roger Nifle: <<Le panorama de la trinité de l'homme vient ici pour nous aider à sortir des dualismes, vite réduits en monismes, qui dominent l'époque contemporaine et qui, avec la disparition de l'homme, font disparaître la question de son origine et de sa fin. Il demande l'effort d'un regard neuf sur l'homme.>>

Des schèmes de pensée comme le monisme (un seul principe explicatif du monde), le dualisme (deux principes se partagent l'explication du monde, le plus souvent le Bien et le Mal, la matière et l'esprit, parfois le travail et le capital, voire le masculin et le féminin) ou la trinité (trois principes explicatifs, mais surtout des jeux entre eux qui font que ce n'est pas du dualisme plus un autre principe) sont suffisamment prégnants par eux-mêmes pour avoir une influence qui va bien au-delà du contenu (religieux ou athée) des discours religieux, des modèles scientifiques ou des systèmes philosophiques qu'ils structurent.


L'Existence
Roger Nifle: <<L'existence de l'homme, d'un homme, et celle du monde pour lui, sont indissociables. Ils sont l'un à l'autre immanents. Cela veut dire que l'on ne peut enlever une quelconque partie de l'un ou de l'autre sans que l'un et l'autre disparaissent.>>

Bien sûr, cela n'est pas vrai sur tous les plans. Ce n'est pas du réel qu'il s'agit, mais de ce que nous appelons la réalité apparente. Si un individu disparaît, le réel continue à exister, sous une autre forme très légèrement modifiée du fait de la disparition de l'individu. L'individu disparaît en tant que forme humaine de l'existence, mais ses constituants physiques (atomes) subsistent sous d'autres formes.

C'est dans l'imaginaire de chaque individu que le monde "existe" en tant que collection de représentations, de modèles mentaux. Si l'individu disparaît, toutes ces représentations, toutes ces connaissances individuelles disparaissent en tant que telles. Mais elles peuvent survivre, en partie et sous une autre forme, si l'individu a pris la peine de les communiquer, de les formuler dans une langue partagée avec d'autres, s'il a exprime ses connaissances sous la forme d'informations. Mais on passe alors à une autre manière d'être.

Roger Nifle: <<Si on enlève l'homme du monde il ne reste rien.>>

La représentation que l'homme avait du monde disparaît. Le monde pour lui disparaît puisqu'il ne peut plus l'imaginer, le penser.

En ce sens, chaque homme est particulier puisqu'il produit des représentations particulières du monde, à partir de son propre vécu. Ce que la science et la politique, universelles et réductrices par méthode, risquent d'oublier. Mais encore faut-il le leur rappeler. Car ces représentations internes (images mentales) et personnelles (non partagées) sont réputées ne pas exister si elles ne sont pas exprimées. L'homme n'existe vraiment que s'il s'exprime, ne serait-ce déjà qu'a lui-même (pensée réflexive).

La masse ou la majorité silencieuse sont sensées penser comme ceux qui prennent la parole. Une pensée non exprimée est réputée ne pas exister. D'ou l'importance de l'expression, de la possibilité et de la liberté d'expression.

Le livre a déjà permis une multiplication du nombre des auteurs. Les journaux encore plus. Le web augmente encore le nombre des personnes qui prennent la parole. L'antidote augmente, à la fin d'un siècle où le totalitarisme réducteur n'a été que trop présent.

Roger Nifle: <<Si on enlève le monde à l'homme, il ne reste rien de son existence à lui.>>

L'homme ne peut pas vivre (survie) ni exister (penser) sans le monde qui l'englobe. Par son action, l'homme appartient totalement au monde réel. C'est dans le réel que se déroulent les conséquences, souvent non voulues, de ses actes. Mais c'est dans sa réalité apparente, l'idée qu'il se fait du monde, qu'il élabore ses actions (projet).

Roger Nifle: <<Cette dépendance n'est pas celle d'une quelconque nécessité de survie mais bien plus une question de co-existence immanente, d'aspects différents d'une même existence.>>

Le monde est. C'est la définition minimale du réel ou du principe de réalité. Mais, à ce niveau, de cette manière, il n'a aucun sens. Ce n'est qu'un fait. C'est par l'existence de l'homme, comme être pensant, que le monde prend sens (pour l'homme). Exister n'est pas seulement être, mais avoir un sens, être dans/par une pensée. L'être de l'individu est d'abord un fait. Puis, avec le doute cartésien, la conscience d'exister apparaît avec la pensée réflexive. "Cogito ergo sum". Je pense donc je suis. J'écris, donc je fais savoir que j'existe.

Roger Nifle: <<L'existence d'une chose, l'existence de l'homme, sont ce qu'ils ont de définissable.>>

Le monde est un fait avant que l'homme ne le pense. Le monde existe pour l'homme dans la mesure où l'homme le pense. L'homme se donne donc une représentation du monde. Ce qui n'était qu'un fait extérieur à l'homme devient une existence pour l'homme. Si le monde est, il n'existe pas vraiment pour l'homme avant que l'homme ne s'en donne une définition pour lui. Curieusement, ceci revient aussi à se définir lui-même, dans le monde. Si l'homme est, il n'existe pas vraiment avant d'avoir un projet dans le monde. C'est en quoi le scepticisme et le solipsisme sont des échecs d'une pensée coupée de l'action. C'est bien cela le "cogito ergo sum": interdéfinition, interexistence de l'homme et du monde.

Ce que dit Saussure (Cours de Linguistique Générale) des signes de la langue qui découpent le monde de manière plus ou moins fine est très vrai. Quand il n'y a qu'un seul mot il désigne tout le monde de l'homme qui l'emploie. Et c'est bien le cas du tout premier mot employé par l'enfant (in-fans, qui ne parle pas) lorsqu'il commence à parler, et donc à penser avec les autres. Le tout premier mot-phrase donne sens à l'enfant et à son monde. La signification du premier mot de l'enfant est tout aussi bien "j'existe" que "le monde existe". Un mot unique ne saurait dire plus ni moins que cela. Avant ce mot, l'existence de l'infans n'était qu'un fait. Après ce mot, c'est un nouveau sujet qui existe par la pensée réflexive.

Roger Nifle: <<Etre définissable ou avoir une finitude, caractérise ce qui a une étendue mesurée, d'espace et de temps par exemple.>>

Toute formulation est imparfaite, incomplète, réductrice, limitée, finie, mais, partant, formulable, connaissable, compréhensible, explicitable. Cette finitude réside, de manière certaine, dans la définition. La finitude ou l'infinitude du référent reste problématique, énigmatique.

Roger Nifle: <<C'est ainsi que les existants ont leur existence.>>

Bien que l'être renvoie au réel, fondamentalement inconnaissable sans abstraction ni réduction, l'existence renvoie au connu, au pensé, au vécu et au subjectif.

Roger Nifle: <<Nous en venons à dire que tous les aspects de l'existence de l'homme sont immanents. L'un d'entre eux présuppose la présence ou la possibilité de tous les autres. C'est l'ensemble et sa cohésion qui font l'homme, dans l'ordre de l'existence.>>

Car le modèle du monde que chaque homme produit en lui se trouve être, ipso facto, l'existence particulière de cet homme. La définition que chaque homme se donne du monde est aussi la définition que cet homme se donne de lui-même. Son intention. Mais peut-être pas sa pratique, qui ne dépend pas que de ses représentations et encore moins de sa seule volonté consciente.

Roger Nifle: <<Y a-t-il alors un tout de l'homme, quelque chose qui ne soit ni un aspect, ni une combinaison particulière?>>

Faire un tout, une clôture, de cet ensemble de représentations serait supposer qu'il n'y a aucune contradiction entre les représentations, ni entre les représentations et la pratique. La totalité est-elle vraiment nécessaire?

Roger Nifle: <<La "globalité" d'une existence, n'est encore rien d'autre qu'un "aspect", l'aspect global.>>

La globalité est une représentation synthétique mais simplifiée, gommant les nuances et les contradictions. Toute synthèse n'est jamais la totalité, mais un résumé, d'un certain point de vue.

Roger Nifle: <<L'homme est-il une entité en lui-même, qui ne se réduise à aucun aspect ni même à leur somme? La réponse pour nous est oui. L'homme est une Instance et cette Instance qu'est l'homme n'est pas dans son existence, elle la transcende.>>

Avec l'existence, nous avons vu l'homme en lui-même, dans ses pensées. Maintenant, avec l'instance, nous changeons de point de vue. C'est dans le regard des autres, dans les attentes des autres et dans les actes de parole, que chaque homme est une entité. Les autres lui donnent un nom pour en faire une entité. Mais cette entité n'existe que dans le langage. Elle n'est plus dans les faits. Les autres exigent de lui qu'il parle (au moins de temps en temps) avec un "je". Chaque homme est une entité ou une instance en tant que sujet du verbe (dans la parole) ou sujet de droit (avec des droits et des devoirs).

Roger Nifle: <<Le terme d'Instance est choisi ici, d'une part pour évoquer un lieu d'autorité, de décision, lieu de la responsabilité en l'homme, là où ça répond. Il évoque en outre le fait que ce lieu, nommé Instance, n'est pas achevé mais en devenir, en attente donc. Il n'est pas tout à fait un Etre achevé, c'est pour cela qu'on le nomme ici Instance (cf. Théorie de l'Instance).>>

La capacité de décision est attendue par les autres. La responsabilité est posée et supposée par le droit.

On peut aussi retenir le sens du mot instance dans la théorie des classes ou dans les langages orientés objet. Un objet est une instance d'une classe. Il dispose de tous les attributs propres à la classe (héritage, appartenance) mais avec une valorisation particulière de chacun des paramètres correspondants. Une instance est particulière. Elle peut être unique. Ce passage par l'informatique ne nous fait pas quitter le monde des langages.

Roger Nifle: <<Ce n'est pas dans l'existence que se trouve pour l'homme le siège de son Etre, de son Instance, de son sens. Il n'y a pas dans cette existence de cause à cette existence.>>

L'existence est d'abord un fait (être) puis une conscience d'être (existence) et de l'existence du monde. Mais elle reste hasardeuse voire absurde tant que je ne décide pas, par moi-même et pour moi-même, de lui donner un sens. Cela ne peut se faire seulement dans l'imaginaire des représentations. Cela suppose un projet d'action.

Roger Nifle: <<Il n'y a que des corrélations entre tels ou tels aspects, corrélations qui en caractérisent l'immanence.>>

Un fait ne suppose rien de plus qu'un concours de circonstances qui ont contribué à son existence.


Les trois dimensions de l'existence
Roger Nifle: <<Les trois dimensions principales, significatives de l'homme dans son existence sont représentées par les vecteurs du schéma ternaire.>>

On pourrait rapprocher ce schéma ternaire de l'idéologie tripartite décrite par les nombreux travaux de Georges Dumézil. <http://rad2000.free.fr/glosdi01.htm>

Roger Nifle: <<a) La dimension intentionnelle

C'est celle du sujet, celle qui, en l'homme existant, marque la présence d'un sujet, au-delà duquel un Etre subsiste: l'Instance. C'est, pour un homme, ce que l'on peut appeler sa personnalité, le soi, ses tendances propres, son autorité, la marque de sa liberté le fait qu'il ait une démarche propre, orientée, dirigée de lui-même.>>

L'instance ne serait qu'une particularité hasardeuse, idiote, a-signifiante sans cette intentionalite qui donne sens ou pose la question (jamais définitivement résolue) du sens.

Roger Nifle: <<b) La dimension attentionnelle

Si dans l'existence d'un homme il y a une dimension propre, celle de sujet, il y en a une autre qui correspond à la présence, pour lui, de tous les existants du monde. Ils ne sont présents, pour lui, qu'en tant "qu'objets de considération", soit objets de conscience, soit même objets de présence, d'existence.>>

L'homme, vivant dans le réel mais ne pouvant se le représenter complètement, n'inclut dans sa réalité (personnelle, ou apparente), dont il est le centre, que les objets auxquels il porte une attention particulière. Ceux qu'il rencontre dans son projet.

Roger Nifle: <<Un corps, le notre n'est pas déterminable, ni définissable indépendamment d'un monde dont il fait partie. Si nous pensons être des personnes différenciées, il nous faut accepter que nos existences, bien que différenciables, ne sont pas séparables du monde qui est le leur.>>

Nos existences ne sont différenciables, comme réalités différentes, que par un point de vue qui les place au centre et limite l'horizon. Ce sont nos représentations (imaginaires) qui nous différencient voire nous séparent ou nous isolent. Mais cela n'empêche pas le réel de les englober.

Roger Nifle: <<Seules, nos Instances sont différenciées et séparées.>>

Parce qu'elles sont des représentations subjectives, des connaissances, qui n'existent que de manière séparée, dans le cerveau de chacun d'entre nous. En tant que connaissances individuelles, images mentales, elles n'ont aucun substrat commun. Elles ne peuvent être partagées qu'en étant formalisées, extériorisées, en changeant de forme (de connaissances à informations) et de nature, en vivant une nouvelle vie, extérieure, en tant que signes d'une langue commune, soumis à une tout autre différence.

Roger Nifle: <<Ainsi, il faut y insister, tout ce à quoi nous pouvons porter notre attention, participe de notre propre existence, tout en étant néanmoins plus ou moins partagé. En ce sens notre monde nous appartient personnellement, mais seulement comme copropriété.>>

L'intention seule (J'allais le faire! J'y pensais!) reste dans le monde des représentations. L'attention que je porte aux choses, pour un projet, m'oblige à tenir compte de la réalité extérieure de ces choses, de l'infinité de leurs détails qui dépassent toujours nos représentations mentales. Tandis que mes représentations ne se situent que dans mon imaginaire, font de moi une instance différenciée et séparée, me mettent au centre d'une réalité apparente, l'attention que je porte à l'extérieur me met au contact d'objets qui me résistent et des intentions des autres acteurs.

Roger Nifle: <<c) dimension extensive

De ces deux dimensions de base, découle un produit, la vie proprement dite. L'existence, c'est aussi toute une histoire, de la naissance (ou la conception) à la mort de cette existence. La vie de l'homme, déroulement des événements, des moments de son existence, appartient bien à cette existence.>>

L'histoire, les événements, résultent des rencontres de l'intention et de l'attention, de la vie intérieure (représentations mentales) et extérieure (objets qui nous résistent parce que plus complexes que nos représentations initiales, intentions des autres sujets qui nous obligent à leur porter attention). C'est ainsi que nos intentions se réalisent et que nos attentions modifient nos représentations, perturbent nos intentions.

Roger Nifle: <<L'histoire du corps est aussi intrinsèque à l'existence que le corps lui-même.>>

Parce que notre corps est plongé dans un réel d'une très grande complexité, nous ne pouvons nous limiter à nos représentations personnelles. Chacun de nous produit, certes, la représentation d'une réalité apparente dans laquelle il tente de réaliser ses intentions. Mais, ce faisant, il rencontre d'autres existences et d'autres intentions, qui remettent en cause la capacité de son corps à réaliser les intentions de son esprit (imagination). Nous ne connaissons vraiment notre corps que par ses limites, son histoire qui s'impose à notre intention, se rappelle à notre imagination.


Les trois plans de l'existence
Roger Nifle: <<2) Les trois plans de l'existence

Outre ces trois dimensions fondamentales de l'existence humaine, il est intéressant de considérer trois plans indissociables, selon lesquels l'homme existe.>>

Ils sont déjà implicites dans les commentaires ci-dessus. Mais ils se développent dans l'histoire de l'individu dans un ordre qui n'est pas celui dans lequel nous les avons fait apparaître ci-dessus.

Roger Nifle: <<a) Le plan affectif

Le rapport du sujet à ses objets est un rapport d'affectation de l'un par les autres... Selon ce plan, l'homme est affectivité, mais cette affectivité n'est qu'un des plans de cette existence. Cette affectivité n'est pas un organe mais un vécu.>>

Pour le nouveau-né, tout est d'abord affectivité, sensations. Ou plutôt, l'affectivité ne peut être isolée du factuel ni du cognitif. C'est le syncrétisme originel, le narcissisme primaire (Freud), l'adualisme initial du stade sensori-moteur du développement de l'enfant décrit par Jean Piaget.

Roger Nifle: <<b) Le plan mental ou imaginaire

Tous les objets avec lesquels nous sommes en rapport dans notre existence ont une double présence pour nous. L'une en tant qu'objets auxquels nous sommes confrontés, l'autre en tant que représentations mentales de ces objets.>>

Ce plan ne se développe qu'avec l'acquisition progressive du langage, la fonction symbolique, après le niveau sensori-moteur. Il faut donc passer par:

Roger Nifle: <<c) Le plan factuel ou corporel

Notre existence, c'est aussi un corps physique, mais un corps en mouvement parmi d'autres corps et constitué lui-même de multiples corps. Ce plan d'existence, celui des faits de notre existence...>>

Bien sur, le plan factuel est premier, mais la compréhension d'un corps complexe composé de multiples corps n'est possible qu'à partir du niveau des opérations formelles de la pensée(12 à 15 ans).

Roger Nifle: <<Seule, l'Instance n'est pas de ce monde parce qu'elle le transcende.>>

Je suis réticent à la notion de transcendance. Une transcendance pure (idéalisme absolu), comme une immanence pure (matérialisme absolu) ne sont pas tenables. La transcendance et l'immanence ne sont que relatives. Ce ne sont que des mots-outils pour nous aider à différencier des points de vue dans des réalités complexes.


L'Instance de l'homme
Roger Nifle: <<L'existence de l'homme n'en constitue pas les sens. Au-delà de tous les aspects de cette existence, au-delà de cette existence même, il y a encore à découvrir plus profondément l'Instance de l'homme.>>

Nous voilà au coeur du sujet.

Roger Nifle: <<L'homme, en effet, est d'abord une Instance qui se manifeste dans une existence.>>

Roger Nifle: <<On comprend que l'homme puisse ignorer sa propre Instance et son devenir, de même que le (ou les) Sens de cette existence. Il aura beau scruter cette existence par toutes sortes de sciences humaines, il n'y verra pas son Instance. Cependant, s'il aperçoit que l'homme est sujet dans l'existence, alors il a quelques chances d'accéder au coeur du sujet, à l'Instance et à ses Sens, par une conscience toute particulière, la conscience de Sens.>>

La science, jusqu'au début du XX ème siècle, ne s'intéresse qu'aux propriétés des classes, pas aux instances. Elle cherche l'universel et ne s'arrête pas aux événements. Mais si la science est capable de se critiquer, de tenir compte des limites de ses propres méthodes ou postulats, il n'est pas nécessaire d'aller chercher dans une transcendance ce que ces méthodes réductrices ont d'abord expulsé de son discours.

Roger Nifle: <<L'Instance de l'homme est d'abord le lieu de son Etre, celui de son autorité, sa personne propre aussi. C'est là où ça se décide, ça choisit, ça réagit, ça s'exprime, mais ce n'est pas la décision, le choix, la réaction, l'expression, qui eux appartiennent à l'Existence, dans leur manifestation.>>

L'homme est instance parce que si la science s'intéresse aux classes et à leurs attributs, elle ne peut définir l'explosion combinatoire des attributs. Chaque individu est une instance particulière qui expérimente sa propre originalité ou altérité par rapport au discours général sur les classes.

Roger Nifle: <<L'Instance prend nom de sujet dans l'existence, sujet y est le nom donné à ce qui est au fond une Instance. Le sujet est toujours sujet d'un verbe>>

Chacun doit inscrire sa propre parole dans le monde du discours en utilisant les propriétés et contraintes de la langue. Et en prenant la parole, il devient sujet d'un discours. Pour parler aux autres instances, il se présente comme un "je" et donc comme une unité, lui qui se sent plutôt le "jeu" d'une combinatoire de particularités.

Roger Nifle: <<Il faut considérer que l'Instance, en l'homme, est l'ensemble des verbes dont il peut être sujet, comme chanter, jouer, courir, penser, etc... "l'Instance de l'Homme est l'Etre en devenir".>>

Si le premier mot de l'enfant était l'expression de sa conscience de son existence et de l'existence du monde, il peut être considéré comme un verbe être, le verbe être par excellence. Une sorte de révélation de l'existence. Par la suite, d'autres verbes vont enrichir son vocabulaire et accroître sa capacité de communiquer avec les autres hommes. Le poids de chacun des verbes, y compris le verbe être, sera beaucoup moins fort que le poids, la valeur du premier verbe, du premier mot-phrase (ni nom, ni verbe, ni adjectif, ni adverbe). Ce premier mot est une expérience absolue, une révélation non renouvelable dès que l'enfant découvre le monde du discours. Avec le danger de s'y perdre (la fente et la refente selon Jacques Lacan).

Mais, pour absolu qu'il soit, ce premier mot manque de valeur opératoire. Il n'est que l'intuition d'une unité du monde et du sujet. Un résumé des apprentissages antérieurs (non négligeables pendant la première année de la vie extra-utérine). Ce n'est que par l'apprentissage de la langue, la multiplication des verbes et de leurs adjuvants (sujets, compléments, adverbes), que l'enfant qui s'est découvert "existant", atteint une plus grande dextérité dans la communication.

Roger Nifle: <<Avec la question des verbes et du verbe Etre, est apparue la diversité interne de l'Instance. C'est là un aspect très important. En effet, s'il n'y avait pas de diversité en l'Instance, il n'y aurait qu'unité et ainsi il n'y aurait ni devenir, ni variété d'existence propre.>>

Unité des monismes et diversité dynamique des dualismes se trouvent concilées.

Si le premier mot lui a donné l'intuition de son unité avec le monde, sa compétence linguistique ultérieure le plonge dans une diversité croissante. Plus il cherche à exprimer le monde (extérieur) ou lui-même (intérieur), plus il découvre qu'il lui faudrait de nouveaux mots. "Plus je vais, plus je sais que je ne sais rien". Et pas moyen de sortir du langage. Il se découvre sujet du verbe, dans tous les sens:

Roger Nifle: <<En effet, si l'Etre-sens était UN sans diversité, il ne pourrait qu'Etre sans autres verbes et Etre achevé sans passé ni futur. Or, c'est la diversité des Sens qui fait d'abord que chaque verbe peut être conjugué de mille façons.>>

Son intuition de l'unité du monde, sans disparaître, se disperse au fur et à mesure qu'il cherche à l'exprimer. Mais il peut découvrir qu'il en est de même pour chacun de nous. Son intention peut rencontrer notre attention et réciproquement. La rencontre de l'intention et de l'attention permet alors un début de réalisation (extension) de l'intuition de cette unité.

Hubert Houdoy

Créé le 7 Janvier 1998


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Mise à jour: 16/07/2003