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Réseau d'Activités à Distance

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Sommaire


L'intention de cet article est de montrer en quoi les outils du travail à distance peuvent intensifier et démocratiser les services rendus aux chercheurs d'emploi par les consultants en évolution de carrière. Nous nous limiterons à la rédaction du bilan personnel. Mais notre horizon est la création d'emplois et d'activités dans un réseau de télé-assistance, de télé-solidarité et de télé-services.

Introduction

La recherche d'emploi est un travail à plein temps. Cette “époque formidable” qui relie la date de la perte d'emploi à celle de la consolidation dans une nouvelle activité regroupe au moins six activités: le bilan professionnel, le bilan et l'accompagnement personnel, l'élaboration du projet professionnel, la recherche d'informations et de contacts, la montée en puissance, la nouvelle activité consolidée. Tous ces aspects de la recherche d'emploi ou de la création d'activité, peuvent être considérablement modifiés par l'emploi des outils du télétravail. On se limitera à la période qui suit la perte d'emploi ou la reprise en charge pour les chômeurs de longue durée. Nous indiquerons comment le fax et la messagerie électronique peuvent préparer, compléter voire remplacer les séances de dialogue en tête-à-tête du candidat et du consultant.

Plaçons-nous d'abord dans la situation à la fois la plus favorable et la plus classique. Il s'agit de l'outplacement des cadres.

L'outplacement des cadres

Fusion ou recentrage sur son métier de base, une entreprise licencie un cadre compétent et performant. Au nom des services rendus et pour soigner son image, l'entreprise offre les services d'un cabinet de conseil en évolution de carrière. A partir de cet instant, le cadre n'a plus de contact avec son entreprise. Il travaille avec un consultant. Ce dernier rend compte à l'entreprise du résultat de la démarche, non pas d'un point de vue individuel, mais en termes de taux de reclassement et de durée moyenne de reconversion. Généralement, l'outplaceur ne propose pas de situation de substitution à son candidat. Quelques cabinets tiennent les deux bouts de la chaîne et cherchent à assurer l'intermédiation entre les entreprises qui licencient et celles qui embauchent. La plupart des consultants assurent un accompagnement méthodologique, une animation d'ateliers et un appui logistique. Le licencié reste l'acteur de son évolution.

Le soutien logistique est très apprécié. Lieu de rencontre avec d'autres candidats, le cabinet d'outplacement évite la solitude. Il procure un rythme de vie cadencé par de nombreux rendez-vous. Dans un “open space” ou dans un box individuel, le bureau facilite le courrier et les prises de contact. Avec papier, enveloppes et téléphone personnel, le candidat travaille comme avant. Il n'est pas dérangé par ses enfants qui jouent ou regardent la télévision. Son attitude au téléphone est plus “pro” que s'il était dans son fauteuil. La photocopieuse, le télécopieur, les journaux, les annuaires professionnels, le minitel, le traitement de texte et le Kompass sur CD-Rom réduisent les dépenses et les déplacements. Les hôtesses, secrétaires et assistantes du cabinet répondent aux questions, expédient le courrier, aident à la mise en forme des CV et documents, reçoivent les communications téléphoniques avec un professionnalisme qui améliore l'image du candidat.

Dans la phase initiale, les entretiens en tête-à-tête du candidat et de son consultant sont fréquents. Deux à trois fois par semaine ils dialoguent pour nouer une relation de confiance et faire un bilan de la situation. Un entretien plus long réunit le candidat, son consultant et un(e) psycho-graphologue. Préparé par des tests psychologiques simples et une analyse graphologique approfondie, cet entretien est enregistré au magnétophone et le candidat repart avec la précieuse cassette. Le regard d'un professionnel neutre et expérimenté donne au licencié une vision plus objective de lui-même. Selon le cas cet instantané peut mettre fin à la spirale des interrogations ou provoquer une salutaire remise en cause des attitudes et des comportements.

La fréquence des entretiens diminue lorsque le candidat, muni d'un projet qui le motive, se tourne vers ses collègues puis vers le marché.

De nombreux ateliers réunissent quelques candidats qui veulent améliorer tel ou tel aspect de leur démarche avec l'appui méthodologique d'un consultant. Dans un atelier “curriculum vitae”, par l'écho que donnent les autres, chacun prend conscience de l'effet de son CV. Dans l'atelier “présentation”, une caméra vidéo et un magnétoscope permettent de simuler des entretiens d'embauche et d'en faire la critique. Il en ira de même pour la présentation téléphonique, les premières minutes d'entretien, le discours de sa “bande annonce”, la constitution de son réseau d'approche, la connaissance de l'image qu'il donne, la conduite d'entretien, etc. Ces ateliers sont l'occasion de faire connaissance et de confronter les projets. Chacun peut diffuser une information dont il n'a pas l'usage, profiter des connaissances et des conseils de ses collègues.

Les avantages du bureau

La logistique offerte par le cabinet d'outplacement correspond au concept de “bureau de voisinage” proposé par le Conseil Régional d'Ile-de-France. Le fauteuil de télévision et la table de cuisine ne suffisent pas à créer un comportement, des attitudes et un état d'esprit professionnel. Pour tout candidat dont la situation, le logement et l'équipement familiaux ne permettent pas l'installation d'un bureau à plein-temps, les locaux du cabinet d'outplacement sont un bureau de voisinage. Le contact quotidien avec d'autres personnes, qui cherchent, est stimulant. Pour peu que l'on échange quelques services, ces compagnons d'infortune deviennent rapidement des collègues. Loin de ses pantoufles, chacun fait un effort de présentation, de dynamisme et de politesse. Une émulation est possible. Par rapport à la solitude démotivée, le bureau partagé est un garde-fou. Dans la phase initiale de bilan professionnel et personnel, les nombreux rendez-vous avec le consultant obligent le candidat à se lever, s'habiller et se déplacer. Par la suite, le candidat deviendra plus nomade. Il prendra une multitude de rendez-vous qui ne seront pas toujours dans son quartier ni dans celui de son bureau. Alors, s'il ne veut pas que les transports dévorent son agenda et son énergie, c'est d'un bureau mobile qu'il aura besoin. D'autant que la phase “nomade” tend à s'allonger.

Les limites du temps de dialogue

A quoi le candidat et le consultant passent-ils leur temps pendant les nombreux rendez-vous du bilan ? La durée de cette période fondamentale est fonction du traumatisme subi et de la profondeur de la reconversion envisagée. Si la perte d'emploi est délicate pour tous, tous les métiers ne sont pas logés à la même enseigne. Certains licenciés cherchent un nouvel employeur ressemblant au précédent. Pour d'autres, un complément de formation est nécessaire. Pour d'autres enfin, il faut changer de métier ou en inventer un nouveau. Une reconversion importante exige un bilan approfondi.

Le candidat doit prendre une conscience claire de ses compétences et de ses capacités. Il dresse une liste de ses atouts professionnels et personnels. Son consultant l'invite à se remémorer les réussites dont il est le plus fier. Il cherche à isoler les facteurs qui ont concouru à ce résultat. Certains viennent de lui, d'autres de l'environnement. Ce qu'il faisait avec plaisir, compétence et succès il y a dix ou vingt ans, est-il toujours désireux ou capable de le faire ? Cela correspond-il à son aspiration actuelle ? Sa compétence et sa motivation se sont-elles renforcées par la réussite ou émoussées par la répétition ?

Symétriquement, il analyse les situations professionnelles ou relationnelles dans lesquelles il a rencontré des difficultés. Quels sont les travaux qui ne lui conviennent pas vraiment. Ne peut-il pas les laisser ou les déléguer à d'autres ? Quel est son coeur de compétence ? Quel est l'axe majeur de sa motivation ? Finalement, est-il un spécialiste ou un généraliste ? Se sent-il nomade ou sédentaire, explorateur ou bâtisseur ?

Par son écoute autant que par ses questions, le consultant, accoucheur à la manière de Socrate, aide le candidat à dresser le bilan de ce qu'il a envie de réaliser et de ce qu'il ne supportera plus de faire. Tout cela, bien sûr, devra être confronté aux opportunités du marché et aux possibilités en émergence. Mais il importe surtout que le candidat sache ce qui l'a fait vivre jusqu'à ce jour et ce qui le motive pour les temps à venir. Les meilleurs cabinets insistent tout particulièrement sur la profondeur et la sincérité de ce bilan. Car bien sûr le temps presse. Pour être une activité qui se développe, le chômage n'est pas un métier d'avenir. Mais pour trouver un emploi ou créer une activité, il faut mobiliser d'autres forces que pour l'exercer. Il n'y a pas l'inertie d'une organisation bien rodée.

Tout est à réinventer. Il faut même se méfier de la routine de la recherche d'emploi. Petites annonces, candidatures, documentation, rendez-vous, entretiens peuvent devenir un quotidien trompeur. Le candidat doit percevoir les signaux qui indiquent qu'il fait fausse route en suivant celle que tous voient bien pour lui. La peur et l'impatience sont des énergies puissantes. Mais quelles mauvaises conseillères ! Les actions qui rassurent son entourage peuvent tromper le candidat sur son désir.

On aura compris que le candidat et le consultant ne chôment pas pendant leurs entretiens. Le consultant, qui exerce un métier difficile, enchaîne de longues journées de travail. Stakhanoviste du tête-à-tête, il ne décompresse pas souvent. Or il est possible d'alterner les entretiens, la lecture et l'écriture. Changer d'outil, c'est déjà se distraire. D'autant que le candidat, pour soigner son image, a sérieusement besoin de maîtriser le traitement de texte et les outils de communication.

L'intérêt de la rédaction

A priori, la discussion se passe très bien de l'écriture. Mais les paroles passent tandis que les écrits restent. Le consultant qui voit défiler beaucoup de candidats n'a pas toujours une mémoire fidèle et encyclopédique. Pour ne pas transformer les entretiens en répétitions, il doit prendre des notes et les relire. Il sera dispensé de ce travail d'écriture, qui perturbe son écoute, si le candidat rédige le sommaire de son intervention. Certaines écritures ne sont pas lisibles. Toutes les écritures exigent une adaptation du lecteur. La séance sera plus efficace si le candidat arrive à l'entretien avec un document dactylographié dont il donne un exemplaire au consultant.

Pour que le candidat rédige le thème de son intervention, il faut que celui-ci s'inscrive dans une séquence connue. Cela correspond à la réalité des meilleurs cabinets dont les documents méthodologiques ou Guide de Travail Individuel ont inspiré plus d'un organisme d'aide aux chômeurs. C'est la vocation des pionniers d'être imités. Informé des étapes de son parcours rédactionnel, le candidat anticipe la rédaction de certains documents quand la fouille dans son passé professionnel ramène à la mémoire des expériences enfouies.

Au tout début du métier de chômeur, ce travail de dactylographie est une bonne manière de fixer son attention sur un objet concret qui se construit sous les yeux. Une rédaction soignée est d'autant plus utile que chaque document est une mine de renseignements. Le candidat s'en servira pour construire son CV, son press-book, tous ses argumentaires écrits ou verbaux. On aura compris l'avantage du traitement de texte et des possibilités offertes par le copier-coller. Il n'est pas nécessaire d'insister sur le pré-requis de la connaissance du traitement de texte pour beaucoup d'embauches. Pourquoi ne pas faire de cette “époque formidable” l'occasion de maîtriser la B.A.BA de cette technique “incontournable” ?

Les possibilités de la communication asynchrone

La rédaction présente d'autres avantages. Le traitement de texte réalise le miracle du papier toujours lisible après des centaines de corrections et de ratures. Lors de l'apparition du Macintosh, une psychothérapeute écrivait dans la revue “Temps Micro” comment elle débloquait des enfants en échec scolaire. Ils étaient traumatisés par leurs ratures, signes de leurs “erreurs” de style ou de leurs “fautes” d'orthographe. Sur l'écran du Mac, expliquait-elle, la feuille est toujours “propre”. A la relire, les idées sont plus “claires”. Le travail de rédaction, en lui même, est un merveilleux outil de classement des idées et, partant, de clarification mentale. Tout le temps passé à chercher “ses” mots est autant de gagné dans la discussion avec le consultant. Après que le consultant ait joué le rôle d'accoucheur par ses questions socratiques, le papier blanc ou la zone vierge de l'écran prend le relais. “Et maintenant que vas-tu écrire, quelle sera l'idée suivante ?” Il suffit que le consultant soit le destinataire du document pour que sa présence se fasse sentir chez le rédacteur attentif.

Un document rédigé dans le détail est déjà la moitié d'un entretien. Le soin apporté à la forme incite à mettre en évidence les articulations rhétoriques, les enchaînements logiques et les séquences chronologiques. Le candidat se prépare déjà aux questions croisées des futurs chasseurs de têtes et des recruteurs. Le but est de se tendre un miroir, selon l'adage antique: ”connais-toi toi-même”.

Et puisqu'un candidat rédacteur a tracé la moitié du chemin, un consultant lecteur peut parcourir l'autre moitié. Le consultant lit plus vite qu'il n'entendrait le discours improvisé correspondant. L'écriture oblige à une précision que le discours oral ne permet pas. Le temps consacré à la rédaction est économisé par le lecteur. Sans les contraintes de rendez-vous, parfois difficiles à négocier, le consultant lit les textes du candidat au moment qui lui convient le mieux. Il prépare l'entretien futur par des annotations. Le cas échéant, il adresse ses remarques à l'auteur, sans attendre le prochain rendez-vous.

Grâce à la communication asynchrone, les documents arrivent et repartent au rythme qui convient le mieux à celui qui supporte la plus grande contrainte d'agenda pour concilier toutes celles des autres. Et comme le candidat est probablement dans un bureau voisin à rédiger le document suivant, il est toujours possible de discuter quelques minutes devant la machine à café. Sinon, le fax permet bien des miracles d'ubiquité. Il va sans dire qu'une messagerie électronique, en réseau local ou à distance, réduit la manipulation de papier et les temps de transfert. De plus, elle permet au candidat de domestiquer ces nouveaux outils qu'il rencontrera un jour ou l'autre dans sa prochaine activité.

En 1979, avant qu'IBM ne s'éveille à la micro-informatique et que fleurissent les logiciels, j'ai organisé une initiation au Basic sur Commodore pour des comptables au chômage. A l'entrée du stage, les 2/3 des inscrits avaient trouvé un emploi: leur démarche témoignait d'une volonté d'évolution. Résolument, leurs employeurs les ont payés pour apprendre un langage qu'ils n'ont pas utilisé. Dans ce stage, ils ont acquis une image plus familière de l'ordinateur. Ils sont repartis avec une vision plus dynamiques d'eux-mêmes. Cette expérience est le premier moteur de cet article.

La thérapie par l'écriture

Je voudrais aussi montrer qu'il n'y a pas nécessairement de divorce entre la technologie et la profondeur. Les outils contemporains peuvent aider à faire le calme en soi tout comme une promenade en forêt, une excursion en montagne ou la contemplation d'une oeuvre d'art. La beauté et la clarté du texte écrit contribuent à la clarté des idées. C'est d'ailleurs ce qui fait le charme de la lecture. On se sent intelligent à la lecture de certains auteurs, et paisible à la lecture de certains autres.

Les exemples ne manquent pas d'écrivains professionnels qui présentent l'écriture comme une thérapie ou une démarche analytique. L'autobiographie n'a pas le monopole de cette vertu. L'écriture d'oeuvres de fiction provoque aussi une catharsis. Mais dans le cas du bilan professionnel et personnel, c'est bien d'autobiographie qu'il s'agit. Il n'est pas question d'inventer des activités, des missions et des réussites plus belles que nature. Le premier but est de retrouver la mémoire de ses expériences. Il est ensuite de se les raconter à soi-même, sans fard ni honte inutile. Il est enfin de se préparer à les raconter, à bon escient, aux futurs interlocuteurs.

Retrouver la mémoire de soi-même est un travail d'historien.

C'est dans la mise en forme que l'on se rapproche de la littérature. Celle-ci décline les genres: historique, dramatique, romanesque, fantastique, tragique, comique, technique ou humoristique. Pensons aux “Exercices de style” de Raymond Queneau. La même histoire est racontée de multiples manières. Elles explorent peu à peu le contenu. Chacune vise un auditeur particulier.

L'écriture électronique

Ayant montré la valeur de l'écriture et de la communication asynchrone qu'elle permet, je voudrais montrer l'avantage particulier que donne le traitement de texte. Le manuscrit peut circuler par courrier ou par fax aussi bien que le document dactylographié. Mais, pour la démocratisation des services au chômeur, la rédaction sur ordinateur présente d'autres vertus:

La plupart des points ne seront pas développés dans cet article. Mais la démarche qu'ils esquissent explique notre insistance sur la méthode d'écriture.

Envisagé d'un point de vue individuel, le traitement de texte n'est pas assez rapide pour reléguer une écriture manuscrite qu'un fax transporte. Dans le même ordre d'idées, les bouliers des caissières du Goum à Moscou ne sont pas moins efficaces que des calculettes. Par contre, des caisses enregistreuses raccordées en réseau à une gestion des stocks en temps réel, permettent l'émergence d'une nouvelle organisation commerciale. Toutes choses égales par ailleurs, nous nous focaliserons sur le remplacement du boulier par la calculette. Mais notre horizon est un réseau de télé-assistance, de télé-solidarité et de télé-services.

Les rédactions successives

Une des activités les plus fastidieuses est celle qui consiste à recopier sur une feuille blanche le quasi contenu d'une feuille noircie de lettres et de ratures. Un des réels miracles de la micro informatique est le “copier-coller” qui permet de créer une nouvelle version en se limitant aux modifications. Cette fonctionnalité est très utile pour faire du bilan personnel un outil de remotivation.

La première version du bilan est émotionnelle. Elle n'est pas présentable à un recruteur. Elle serait tout aussi déplacée auprès d'un informateur sur le réseau d'approche des employeurs. Le candidat rédige ses documents, les améliore au fil de son évolution et les adapte aux interlocuteurs à qui il les destine.

Malgré l'urgence de retrouver un emploi, il ne faut pas bâcler cette rédaction émotionnelle. Il ne faut surtout pas la censurer sous prétexte qu'elle n'est ni définitive ni présentable. Au contraire, sa sincérité d'aujourd'hui est la condition de la sincérité de celle de demain. “Demain est un autre jour” diraient les spécialistes de la mémoire.

Rappelons-nous Gérard Jugnot, cadre commercial, dans le film “Une époque formidable”. Michel Berthier, qui n'a pas avoué à sa femme sa situation de chômeur, se rend à un entretien d'embauche. Devant la glace des toilettes, il s'auto-excite en répétant: “T'es le meilleur, Berthier. T'es le meilleur, Berthier. T'es le meilleur. T'es un tueur... killer, a killer”. Jedi de retour, il vole au combat: “Que la force soit avec toi, Berthier”. Dans la salle d'attente, malgré ses chaussures fatiguées, il se répète encore:”T'es le meilleur Berthier, t'es le meilleur”.

Le soir, pour donner le change, il comble femme et enfants de cadeaux, simulant une promotion au poste de Directeur des Ventes. Plus dure sera la chute.

Sans prétendre à l'objectivité, la première rédaction doit correspondre à l'émotion de l'instant. En sachant que, par nature, cet instant n'est pas éternel. Il sera suivi d'instants différents auxquels correspondront de nouvelles émotions. L'erreur de Berthier, c'est de se croire dans la disposition où il voudrait être. Berthier saute les étapes et se leurre.

Le traitement de texte permet de reprendre la rédaction selon l'inspiration du moment. Un copier-coller et ça repart. L'émotion favorise les associations d'idées. Celles-ci permettent la remontée des expériences oubliées. La rédaction n'est pas définitive. Elle favorise et renforce l'anamnèse, le souvenir du passé.

L'ordinateur permet aussi de laisser un texte en suspens, faute d'inspiration, et de passer à un autre. Il suffit de préparer autant de textes vides qu'il y a de documents à remplir. Quand une idée vient, on ouvre le dossier puis le texte correspondant et on note ce qui risque de fuir avec l'émotion. C'est ainsi que le candidat préparera des fichiers: “Mes dix plus belles expériences”, “Les cinq situations les plus difficiles”, “Mes compétences”, “Le métier idéal”, “Ma journée idéale”, “Ce que je veux faire avant de partir”, etc. Au fur et à mesure des réminiscences imprévisibles, il choisit le fichier adapté et rédige quelques lignes.

Pour chaque entretien, bien sûr, il fait son possible pour fournir le document prévu à l'ordre du jour. Au retour de l'entretien, il fait une copie du document, met la date du jour sur le double et ajoute les remarques et compléments que lui suggère l'écho du consultant. De temps en temps, il relira les versions anciennes pour mesurer le chemin parcouru. Passé un délai de quelques semaines, il sera surpris par ses rédactions anciennes. C'est l'occasion de faire une nouvelle version à la date du jour. Et peu importe le sens dans lequel va la modification. Une rédaction ancienne lui paraîtra tantôt optimiste, tantôt pessimiste. Qu'importe. Il apprend à regarder en face ses émotions et leur diversité. Il garde la trace de chacune d'elles. Elles participent à son bilan et à son évolution.

Les émotions sont un outil de la remémoration et le moteur de l'évolution. La cible est bien le bilan le plus complet de ses compétences, expériences, relations, motivations et capacités. Les rédactions multiples, en diversifiant les états d'esprit, favorisent l'accomplissement de ce projet. C'est une manière de vivre, en moins spectaculaire peut-être, l'évolution de Michel Berthier qui reconstruira son couple avant de retrouver un emploi à sa mesure. C'est la vérité des souvenirs et la sincérité de l'écriture qui font de ce bilan “une époque formidable”.

La coopération à distance

Sans développer plus avant, on peut dire que cette évolution mineure de l'activité d'outplacement porte en germe son élargissement et sa démocratisation.

Dans les zones rurales, il n'est pas possible de réunir dans le même bureau autant de candidats et autant de consultants que dans une grande ville. L'entretien en tête-à-tête, plusieurs fois par semaines, est une gageure. Mais la diffusion de documents écrits, par courrier, par fax voire par messagerie électronique n'est pas impossible. Mairies, associations, bureaux de poste, entreprises d'insertion, entreprises intermédiaires, services de proximité et réseaux de consultants peuvent fournir chacun une partie de la logistique. Il suffit que le consultant puisse intervenir à distance. Beaucoup ne demandent pas mieux que de se spécialiser dans tel ou tel aspect de leur métier multiforme. Cette spécialisation est pour eux l'occasion d'une recherche plus approfondie et partant d'un service encore plus efficace. La spécialisation va de pair avec la coopération.

Cette nouvelle pratique du bilan professionnel rapproche l'outplacement de beaucoup d'autres initiatives, particulièrement en milieu rural et dans des villes moyennes. Citons les Foyers Ruraux d'Auvergne qui s'inspirent des télécottages britanniques. Ils pratiquent la télé-assistance pour inaugurer la télé-entraide. Citons aussi le réseau des Entreprises d'Entraînement. Par leur matériel, l'activité qu'elles simulent et leur mission pédagogique elles préfigurent une organisation en réseau des organismes du retour à l'emploi.

Au delà du bilan professionnel, la démarche de formalisation des expériences participe “au mouvement des réseaux d'échanges réciproques de savoirs”. C'est l'esprit qui anime les Collèges Coopératifs et l'Université Coopérative Sans Distance du Roannais. Le refus de la distance pédagogique entre l'enseignant et l'enseigné, qui caractérise ce mouvement, ne devrait pas empêcher la “coopération à distance” que permettent les outils du télétravail.

Malgré la force du bénévolat, ces réseaux ne peuvent fonctionner sans le paiement d'une partie des services rendus. Pourquoi ne pas inclure le bilan professionnel à distance dans les services de proximité pour lesquels le “Rapport Bailly” envisage la mise en place d'un “chèque-prestation” ? Ce chèque facilitera la solvabilité de la demande et la maturation de l'offre pour un nouveau champ de l'activité économique.

Conclusion

A court terme, la rédaction de l'expérience professionnelle participera au développement des métiers de proximité dans l'aide à la recherche d'emploi.

A plus long terme, la mise en réseau de l'expérience et du savoir-faire permettra la mise en place des “structures d'ingénierie de projets” tournées vers la création de nouvelles activités. Une formalisation poussée des expériences constituera un capital de savoirs. Des logiciels interactifs distribueront cette encyclopédie. Pourquoi la lutte contre le chômage ne deviendrait-elle pas le laboratoire de la société de la connaissance ?

H. Houdoy

le 17 Mai 96

Atelier d'écriture

Capacités d'initiative et d'innovation

Lieux d'insertion

Réseau d'Activités à Distance


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Mise à jour: 16/07/2003