illustration

Réseau d'Activités à Distance

rad2000.free.fr

Sommaire


Vous lisez

http://rad2000.free.fr/linserti.htm

Lieux d'insertion

"L'échec du RMI... ne s'explique que par la pénurie globale de lieux d'insertion et de débouchés." (Ph. Séguin)


Le Revenu Minimum d'Insertion n'est qu'un minimum de survie faute de lieux d'insertion. Ces lieux d'insertion dont manquent les chômeurs ne sont ni les ateliers nationaux de 1848 ni les stages garderies. Ils sont ceux où s'élabore l'économie solidaire.

Dans ces lieux d'insertion, des créateurs d'activités expérimentent de nouveaux modes de vie qui rendront notre économie plus compétitive.

Pour les exclus du salariat, il s'agit de vivre de manière économique et productive. Quand on ne perçoit plus de salaire, on n'échappe pas à l'économie marchande. Pour vivre, il faut acheter. Pour acheter, il faut un revenu. Faute de salaire, il ne reste que la solidarité, privée ou publique. Mais, pour éviter l'implosion catastrophique de l'emploi salarié, et l'effondrement des finances de l'Etat, la solidarité nationale ne doit pas se traduire par une hausse des prix (impôts de solidarité). Cette solution est illusoire et contre-productive. Elle ne s'attaque pas à la cause du mal: le manque de percolation des revenus.

La solidarité doit s'obtenir par une baisse des coûts. C'est la seule solution applicable à long terme. Pour réduire les coûts, il faut économiser, partager et faire circuler. Il ne s'agit pas de revenir à une économie d'auto-subsistance. Au contraire, c'est ce modèle de l'entreprise citadelle qui est en crise. La création des lieux d'insertion doit donc se méfier des nostalgies passéistes. Aidons l'industrie à produire des biens utiles en grande quantité. C'est le meilleur moyen de réduire leur coût. Mais réfléchissons à la nature des biens qu'il est utile de produire. Et, pour cela, développons la percolation des revenus par la percolation des émotions. Attaquons le mal économique, les causes de la crise, à la racine: le défaut de percolation entre la dynamique de la production et la dynamique des besoins. L'écart des deux dynamique remonte au clivage des représentations entre otium (monde des loisirs) et neg-otium (monde des affaires).

Notre société et notre économie connaissent un profond divorce entre le temps de travail et le temps de loisir. La civilisation des loisirs, que l'on nous annonçait pour nous faire admettre le travail taylorien et la société de consommation, n'est pas au rendez-vous. Ce dédoublement du salarié, pris dans le cycle "dodo-boulot-métro" pourrait être la cause de notre insuffisante productivité globale. Le monde de la consommation ne doit pas être un refuge pour oublier le monde du travail. Cette coupure entre deux mondes qui se suivent sans se compléter est le symptôme d'un profond déséquilibre de notre économie. Notre mode de production et notre mode de consommation se tournent trop souvent le dos. Ce fait massif ne concerne pas seulement les adolescents. Notre mode de vie est dualiste. Il faut lui donner plus de cohérence. Car notre mode de vie est à la fois la base de la compétitivité et celle de la socialité. Le mythe littéraire de Robinson Crusoé nous aide à comprendre les causes et les conséquences de cette dualité entre deux totalités.


Où créer les lieux d'insertion ? L'Histoire nous apporte son éclairage.

La grande entreprise réglait, il y a peu, la vie économique de la société industrielle. Le patron fournissait l'emploi et le salaire. Il n'en a pas toujours été ainsi. L'emploi salarié n'est pas si vieux dans notre histoire, comme le rapelle Dominique Méda. Certaines grandes entreprises semblent perdre ce leadership. Dominique Thierry rappelle que "l'entreprise joue sa légitimité sur la création d'emploi". Ne serait-elle qu'une parenthèse de l'Histoire?

Faisons un retour en arrière.


Crise du servage.

Il y a peu de siècles, la seigneurie réglait la vie de la société féodale. Le seigneur (dominant) fournissait le travail de la terre (producteurs asservis) ou celui des armes (complices de l'asservissement). Son rôle s'était imposé lors des invasions barbares. A la fin des grandes migrations des peuples nomades, le château-fort a perdu de son intérêt défensif. A l'est de l'Europe, les chevaliers teutoniques stabilisaient les nomades des steppes. Peu à peu, affaibli par des guerres de préséance entre les suzerains, le fief a perdu son rôle dominant et organisateur. Le pouvoir royal s'est stabilisé dans les royaumes de l'Europe occidentale. Fortement endettés à la fin de la Guerre de Cent Ans, les seigneurs ont vidé leurs châteaux puis leurs terres de toutes les "bouches inutiles" et de tous les "bras cassés". Licenciés après les suites féodales de "parents pauvres", beaucoup d'anciens serfs se sont retrouvés sur les routes de l'exclusion et du vagabondage.


Ville refuge.

Les chemins ne mènent pas tous à Rome. Mais ils passent bien souvent par des villes. Elles furent les lieux d'insertion de l'époque. Dans les villes sont nés de nouveaux métiers. Ils sont la base de notre société industrielle. Aux yeux des châtelains, qui dominaient les campagnes, les nouveaux métiers étaient inimaginables. Sinon, ils les auraient inventés et organisés eux-mêmes. Souvenons-nous de la leçon! Ce qui parait inimaginable n'est pas, pour autant, impossible. C'est l'erreur du point de vue qui masque le champ des possibles. Trop inconscients des filtres de nos représentations, nous prenons trop facilement notre réalité apparente pour le réel.

La seigneurie, organisée pour la contrainte et par la tradition, ne connaissait pas les échanges marchands. La monnaie n'y avait pas cours. Il n'y avait pas de relations de client à fournisseur. Chacun remplissait les services de son état et de son métier selon la coutume. Organisés en corvées de labeur, les serfs produisaient leur subsistance et celle du châtelain. Leur vie personnelle était réduite au sommeil et aux loisirs des jours de fêtes. L'essentiel de leur temps se passait sur le domaine. Comme toute grande institution établie pour mille ans, la seigneurie caressait le rêve de l'autosuffisance.


Marchands et artisans.

Les villes où se réfugièrent les vagabonds connaissaient la division du travail et les échanges monétaires. Les marchands pratiquaient le commerce de longue distance. Dans chaque ville de foire, ils établissaient des comptoirs. La Hanse Germanique fut un bon exemple de ce réseau de villes marchandes, combinant commerce fluvial et maritime. Partout les marchands s'efforçaient de vendre des produits lointains (biens de luxe) et d'acheter des productions locales (biens de subsistance). Qualité et transportabilité étaient des critères majeurs. Les exigences formulées par les marchands ont contribué à la réglementation du travail au sein des corporations. Les lettres de change circulaient entre les établissements de commerce. La banque et le crédit industriel y trouvent leur origine. Le commerce international a fourni un débouché au travail des exclus du monde féodal.

Tout ce monde urbain, appliqué à l'industrie et au négoce, avait besoin de se nourrir et de se loger. Contrairement aux marchandises spéculatives du commerce de longue distance, les biens de subsistance provenaient des environs, dominés par les seigneurs. A leur tour, les villes ont introduit les échanges marchands au sein du domaine féodal. Les marchands citadins achetaient des matières premières au maître du domaine. Ils lui revendaient des produits manufacturés. D'une certaine manière ils lui ont proposé le premier pacte colonial.

Dépendants des échanges marchands, désireux de se fournir en monnaie, les seigneurs ont transformé les corvées et les redevances en nature de leurs serfs en redevances en monnaie. Peu à peu, la vie des paysans a quitté le domaine pour s'établir sur leur propre lopin de terre. C'est une forme très ancienne de l'externalisation. Devenus colons, fermiers ou métayers, les serfs y ont gagné, durement, la libre organisation de leur travail. Le seigneur y a perdu le contrôle coutumier de la production. Il a multiplié les taxes et les obligations banales (four, moulin) pour tirer avantage de tous les flux de marchandises. Le codage des flux d'hommes est très progressivement remplacé par celui des marchandises.

Pour accroître la production de leur lopin, disponible pour la vente, fermiers et métayers ont acheté, à la ville, de nouveaux outils. Pour les payer, ils ont vendu une autre part de leur production. A leur tour, les "paysans" sont devenus les clients et les fournisseurs des villes. Le paysan cultivait pour la ville dans l'espoir de remplacer son araire traditionnelle par une charrue des nouvelles technologies de l'époque. Les lieux d'insertion d'une société féodale en crise sont devenus le centre d'un nouveau monde productif. Notre industrie moderne est née de l'exclusion du monde féodal.


La ville a élaboré les technologies et formalisé les connaissances.

Les corporations ont inventé et les compagnons ont transmis de nouvelles techniques. Les universités ont donné une forme nouvelle aux connaissances qu'hier les monastères recopiaient. Les imprimeries leur ont donné une diffusion inégalée. Elles ont fait sauter le monopole ecclésiastique de la vérité, du savoir et de la connaissance. Sur la base de cette nouvelle culture, les idées et les arts nouveaux (peinture, musique, armement, matériel agricole, verrerie, etc) se sont répandus dans les royaumes. Les marchands des villes passaient commandes aux artisans des corporations. Ils revendaient aux seigneurs des régions lointaines. Ceux-ci achetaient des produits qu'ils ne pouvaient obtenir sur leurs terres. Ils devaient trouver le moyen de transformer leur domaine en source de nouveaux revenus monétaires. Chaque fois ils devaient abandonner des règles coutumières contre le paiement d'une taxe ou d'un "droit". A défaut de confort et de richesses, les serfs y ont trouvé une liberté de mouvement et d'initiative. Les compagnies des marchands des villes furent les acteurs de la division internationale du travail. En monnayant les libertés communales (villes franches, hanses) le pouvoir royal a su s'allier avec les villes dans sa lutte contre les grands féodaux.


La société technicienne est née en marge du monde féodal.

Lieu d'insertion, la ville a inventé de nouvelles activités. Elle a élaboré de nouvelles formes d'organisation du travail. Elle a imposé la production marchande. Elle a fait de la monnaie l'équivalent général de toutes les marchandises. Elle est la base de la société industrielle.

Rejetés de l'organisation féodale du travail, les citadins ont su faire du domaine seigneurial leur client et leur fournisseur. C'est la grande leçon qu'ils donnent à leurs descendants.

Les lieux d'insertion n'étaient pas dans le domaine féodal. Les serfs qui ont mendié à la porte des châteaux doivent y être encore, à moins qu'ils ne soient morts de faim.

La ville est née de l'invention d'un mode de vie. Les citadins ont organisé, systématiquement, ce que le seigneur ne faisait que malgré lui: la production matérielle. Ils se sont rendus indispensables. Poussés par la nécessité, ils ont créé une nouvelle représentation du monde (perspective), plus universelle.

Aujourd'hui, comme hier, il s'agit d'inventer un nouveau mode de vie.


Crise du salariat

La grande entreprise a réuni des milliers de salariés. Elle s'est développée sur le modèle de l'arsenal. Elle poursuivait le rêve de l'autarcie. Aujourd'hui, elle licencie. Jadis, les seigneurs féodaux ont pratiqué de même, lors du licenciement des suites féodales. Le travail salarié est en recul, comme le furent l'esclavage puis le servage.

Les nouvelles technologies de la communication et de l'information modifient notre perception du travail. Les exigences de la clientèle remettent en cause les règles établies dans les services. Les collègues de travail ne sont plus forcément des voisins immédiats. Les journées de travail ne sont pas forcément identiques, jour après jour. La réactivité exige plus d'initiative, d'invention et d'autonomie.

Les lieux d'insertion, pour les nouveaux licenciés, ne ressemblent pas à ceux d'hier. La crise de la ville les mènera-t-elle vers la campagne, pour y trouver des loyers moins coûteux? Un tel mouvement existe. Il est très nouveau. Il est difficile de dire s'il est significatif, durable et irréversible.

Citadins ou ruraux, les exclus d'aujourd'hui doivent se rendre indispensables au monde industriel. Ils le feront en augmentant la division du travail. Comme les bourgeois d'hier vendaient des produits aux seigneurs et à leurs serfs, les exclus d'aujourd'hui vendront des services à l'entreprise industrielle et à ses salariés. On ne crée pas un monde nouveau à partir de rien. Les nouveaux échanges économiques naissent dans la désorganisation des anciens. Comme les marchands ont monétarisé le domaine féodal, les nouveaux créateurs décloisonneront et ouvriront l'entreprise. Ils accentueront son organisation en réseau. Ils formeront, autour d'elle, des organisations virtuelles.

Les citadins d'hier vendaient aux seigneurs les moyens de la guerre et du prestige (biens de luxe). Par la séduction, ils ont su profiter de la logique de domination de la société féodale. Ils en ont tiré une logique de la production. La transformation du mode de penser est exactement celle qui sépare le Mercantilisme royal de l'Economie Politique bourgeoise.

Les lieux d'insertion d'aujourd'hui s'appuieront sur la logique industrielle. Ils offriront de nouveaux services pour résoudre les problèmes de l'entreprise. Devant la crise du salariat, ils lui fourniront de la souplesse. En utilisant les nouvelles technologies de la communication et de l'information ils vendront aux entreprises les connaissances élaborées que réclame leur course à la productivité. Ainsi se développera le secteur de la connaissance, moteur de la percolation, la véritable productivité industrielle.

Les citadins d'hier vendaient aux "paysans" les moyens de la production qu'exigeait la pression seigneuriale. Avec la disparition des corvées, le travail pour le domaine et sous la direction du seigneur (régisseur) a été remplacé par un travail sur un lopin de terre attribué au paysan (colon). Le peuple de la terre était toujours couvert de charges, mais il prenait en main sa production.

Le développement des relations marchandes a fait éclater le domaine et produit les terroirs autour des villes et des bourgs de foire. Aujourd'hui, l'entreprise externalise son travail comme le furent les corvées. Le contrôle direct des tâches fait place au travail autonome et parfois au télétravail. Ce qui était fait par des salariés regroupés dans des services professionnels est réalisé par des entreprises sous-traitantes. La crise du salariat développe l'emploi autonome.

Les travailleurs indépendants deviennent les fournisseurs de nouveaux services. Leur vie n'est plus clivée entre le travail dans l'entreprise et les loisirs en famille. Ils sont les organisateurs de leur nouveau mode de vie, plus riche, plus complexe, plus ouvert et plus autonome. Ils n'attendent pas une civilisation des loisirs mais ils développent une culture de l'initiative. Tandis que la maison, lieu de la famille, était un refuge contre le monde du travail, perçu comme un labeur, l'emploi autonome fait du travail le lieu des rencontres et des initiatives. C'est tout un mode de vie qui change.

Les créateurs d'aujourd'hui dispenseront les salariés de mener une production domestique en plus de leur production industrielle. Ainsi se développera le secteur des services à la personne, base de la compétitivité nationale. Ce temps libéré, contre paiement des services, sera disponible pour l'acquisition des connaissances. Les salariés pourront préserver leur emploi en maintenant leur employabilité.

Dans le domaine féodal classique, rythmé par les corvées, rien ne laissait présager le développement des relations monétaires. La relation entre le seigneur et le serf n'était pas marchande. Le serf était "attaché" à la terre, dans tous les sens du terme. Quand le domaine n'a plus fourni de terre à tous les bras, le seigneur n'a pu retenir les "bouches inutiles". Un monde "marchand" est né. Il a transformé la domination rurale en propriété foncière.

Aujourd'hui, la grande entreprise industrielle ne sait plus offrir d'emplois à tous ceux qui en cherchent. La transformation matérielle, qui était sa vocation et la source de son organisation, exige de plus en plus de connaissances. Celles-ci doivent se formaliser et s'implémenter dans des bases de connaissances. Un monde "cognitif" va naître. Il exigera beaucoup de souplesse de la part de l'entreprise. Il exigera beaucoup d'autonomie et d'indépendance de la part des travailleurs.

La transition sera rude. Mais il existe une issue pour qui regarde les choses en face.


* Compléments

Base de la compétitivité

Bilan Personnel et Professionnel à Distance

Concevoir le Produit et l'Usage

Division du Travail

Graphe d'Exploration des Possibles

M.A.U.S.S., Le don

Mode de vie

Nouvelles Technologies de la Communication et de l'Information

Organisations Virtuelles

Parabole à Felletin

Productivité

Télétravail et Recherche d'Emploi


* Définitions

Les termes en gras sont définis dans le glossaire alphabétique du Réseau d'Activités à Distance.


* Retour

Faut-il attendre l'emploi?


Reproduction interdite
Association R.A.D. - Chez M.Houdoy - 18, rue Raoul Follereau - 42600 Montbrison - FRANCE.
* Fax: 04 77 96 03 09
Mise à jour: 16/07/2003