Réseau d'Activités à Distance

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Télétravail et Recherche d'Emploi

Introduction

Depuis la création du Réseau d'Activités à Distance, en Juin 1996, nous sommes en contact électronique permanent avec des télétravailleurs (indépendants ou salariés), des chercheurs d'emploi et des créateurs d'activités. Les sujets de préoccupation des uns et des autres sont révélateurs des transformations profondes de nos sociétés, quant aux nouvelles formes de travail et quant aux nouvelles attentes vis-à-vis de celui-ci. Nous nous efforcerons, dans ce document, de donner un reflet de ces évolutions.

Une vision technocentrique tendrait à analyser le télétravail comme l'application d'une technologie nouvelle à une définition inchangée du travail salarié. Cette vision optimiste nous annonçait des progrès fulgurants du nombre de télétravailleurs. Elle nous semble, à ce jour, réfutée par les faits. Pourtant, nous serions ravi de nous tromper puisque le télétravail est une partie de notre gagne-pain.

A l'opposé, une vision communautariste ou grégaire du travail verrait dans le licenciement une exclusion définitive de tout lien d'appartenance. Il n'y aurait pas d'autre solution au chômage qu'une assistance toujours plus coûteuse pour les finances publiques. Hélas, une telle situation existe pour une partie non négligeable des personnes sans emploi, parfois depuis deux générations. Mais nous pouvons témoigner que ce n'est pas le cas pour tout le monde. Il faut aider les autres dans leur projet de construire de nouvelles activités.

Pour ces deux visions, les ensembles "télétravail" et "recherche d'emploi" n'auraient aucune intersection. Or, ce qui frappe, au premier abord, c'est de voir une partie de ces deux populations se rencontrer. Nous pensons qu'elles affrontent un même problème d'appartenance. C'est pourquoi nous nous efforçons d'aller plus loin dans la compréhension de cette évolution.

Si l'on adopte un regard panoramique, qui enchaîne une multiplicité de points de vue successifs, on peut comprendre à la fois les obstacles sociologiques au développement du télétravail et certaines stratégies qui se dessinent contre le chômage. On les trouve à la fois dans et au-delà de l'économie solidaire.

Pour qui analyse parallèlement les causes du chômage, la crise du travail salarié, le développement du partenariat et les nouvelles formes de la conception, l'émergence d'une organisation en réseau et les premières organisations virtuelles apparaissent comme des moyens de surmonter la démodernisation et la destruction du Moi auxquelles sont confrontés, à des degrés et sous des formes diverses, les télétravailleurs, les chercheurs d'emploi et certains créateurs d'activités.

En Juin 1996, nous insistions sur l'usage des NTCI tant par les télétravailleurs que par les chercheurs d'emplois et les créateurs d'activité. C'est pourquoi ils se retrouvent autour d'un site comme le RAD ou dans la liste de discussion de l'AFTT. Ce qu'il nous semble, en Octobre 1997, c'est que le problème commun auquel ses populations ont a faire face, est celui de donner un sens personnel à leur activité. Elles doivent concilier l'instrumentalité des NTCI et la construction d'une identité pour éviter soit la solitude soit l'exclusion. Elles y parviennent par le développement des organisations en réseau.

1. Le télétravail

Autonomie

En l'absence de hiérarchique et de collègues, le télétravailleur trouve en lui la motivation à se mettre, chaque jour, au travail. Il ne peut compter sur les rites de la gestion collective du temps de travail. N'étant plus porté par le mimétisme, il doit trouver en lui sa propre norme.

Solitude

Les commerciaux et les cadres nomades sont mieux préparés au télétravail que les sédentaires. La distance comporte un risque de marginalisation. La messagerie électronique assure un contact si le télétravailleur n'est pas seul à l'utiliser. Une entreprise doit développer la messagerie interne et le travail coopératif (groupware) avant d'avoir recours au télétravail.

Organisation

Pour le télétravailleur, bien s'organiser est une nécessité. Tous ceux qui ont travaillé chez eux et qui mettent un peu de passion dans ce qu'ils font, savent qu'ils doivent organiser leur journée et la distribution de leur logement pour que leurs proches sachent reconnaître leur temps de travail de leur temps de loisir.

Ordinateur

Le nouveau travail à domicile nécessite un ordinateur. On ne devient pas télétravailleur sans une bonne accoutumance au système d'exploitation, aux logiciels de production et de communication dont on fait un usage quotidien.

2. La recherche d'emploi

Bilan

La première étape d'une évolution de carrière est un bilan personnel et professionnel. Ce bilan, solide et sincère, est nécessaire pour prendre du recul. Il ramène à la mémoire l'essentiel de l'activité professionnelle. Il fournit des matériaux pour les CV, les lettres de candidature, les réponses aux questions des recruteurs. Faire un bilan profond exige du temps. C'est la condition d'un rebond énergique et durable.

Rédaction

Le bilan est un exercice de rédaction et de reformulation. La première version de chaque document est et doit être émotionnelle. Cette première rédaction permet d'évacuer le stress et le ressentiment. Il va sans dire qu'elle n'est pas présentable à un recruteur. Mais ce n'est pas le critère de la formulation. Le fond et la forme doivent correspondre à l'affectivité du moment. C'est le recul, le feedback des compagnons et la relecture qui rendent la formulation précédente inadéquate. Une nouvelle mouture est élaborée dans un nouvel état d'esprit. Ainsi le candidat rédige ses documents et les améliore au fil de son évolution.

Mobilité

Le candidat à l'emploi est mobile. Il va à la recherche des informations. Il prospecte les stages susceptibles de renforcer ses compétences. Il multiplie les expériences qui stimulent ses capacités. Au contact de ses collègues il rode sa méthode et ses arguments. Il prend et se rend à de nombreux rendez-vous. Il sillonne sa région de résidence. Ses rapports d'affaires le mènent parfois loin de chez lui. Il élargit considérablement le cercle de ses connaissances.

Ubiquité

Pour être pleinement dans ses entretiens, le candidat organise sa permanence. Il donne à ses correspondants plusieurs moyens de le joindre rapidement. Pendant qu'il s'informe sur une entreprise, son répondeur téléphonique enregistre les propositions de rendez-vous. Pendant qu'il voyage dans le train, le fax domestique reçoit les confirmations d'inscriptions. Tandis qu'il s'investit dans un stage, le facteur dépose chez lui la documentation réservée par minitel. Au sortir d'un rendez-vous crucial, il interroge à distance son répondeur téléphonique. Du Web Café le plus proche il relève le contenu de sa boite à lettre électronique.

Assistant personnel

Sur son ordinateur de poche, le candidat note la teneur de chaque entretien de réseau. Son agenda électronique lui rappelle ses rendez-vous. Ses fichiers d'adresses lui permettent d'optimiser ses déplacements et de réagir sans attendre. Du bistrot voisin il adresse un courrier, avant même de rentrer chez lui. En voyage, avec son modem, il expédie un fax d'une prise téléphonique ordinaire. Quand il sort d'un entretien avec Eric, il remercie Jacques qui l'avait renseigné. Dans son fichier, la fiche Eric renvoie à la fiche Jacques. Ayant noté les centres d'intérêt de ses compagnons, il leur communique les informations glanées au cours de ses contacts. Il se demande s'il pourrait faire cela sans son assistant électronique.

3. L'émergence du réseau

Collectif distribué

Le télétravailleur salarié appartient à un collectif de travail, au sein de son entreprise restreinte ou dans le cadre d'une entreprise étendue. Mais la caractéristique principale de ce collectif, qui fait de lui un télétravailleur, est la disparition du collectif de travail en tant que groupe immédiat et permanent. Le groupe est médiatisé par des instruments et les réunions physiques ne sont plus que provisoires.

Appartenance précaire

L'organisation du travail en équipes de projet transforme radicalement le type de l'appartenance. C'est le service homogène (bureau d'études, bureau des méthodes, service informatique) qui disparaît avec la conception simultanée et les équipes de projets. L'affectation à un projet est provisoire. Elle pose le problème de la réaffectation à la fin du projet. De nombreuses entreprises développent l'interim interne et les missions provisoires. Même pour le télétravailleur salarié, l'appartenance change de nature avec la distribution du collectif de travail et la précarité des affectations.

Exclusion surmontée

De l'autre coté, le chercheur d'emploi se trouve dans une situation d'exclusion avec la fin de son travail salarié. Pour échapper à la précarité comme à l'assistance, il est et reste "chercheur d'emploi" dans la mesure où il réussit à surmonter cette exclusion. Sinon, il devient "chômeur". Hélas, aux yeux des autres, il l'est depuis le jour de son licenciement.

Relations nouées

La recherche d'emploi suppose une démarche proactive qui consiste à nouer des relations grâce aux candidatures spontanées, aux entretiens d'embauche, aux entretiens d'enquête et aux entretiens de réseau. L'usage de la messagerie électronique et du world wide web dans la recherche d'emploi font que beaucoup de chercheurs d'emploi sont actifs sur le réseau des réseaux. Leur participations aux listes de discussion sur le télétravail en témoigne.

Activité créée

Mais les éléments les plus actifs de ces discussions thématiques et des organisations virtuelles qui peuvent en émerger, sont les télétravailleurs indépendants. ICertains ont créé une entreprise. D'autres peuvent structurer une activité collective grâce aux ressources logicielles de leurs sites webs.

Réseau animé

Ainsi, une caractéristique commune du télétravail, de la recherche d'emploi et de la création d'activité est la passage d'une logique de l'appartenance, héritée des communautés traditionnelles et de l'entreprise citadelle, à une logique de la participation grâce à la création et l'animation d'un réseau. Bien sur, le télétravailleur salarié se trouve positionné sur un réseau préexistant, tandis que le chercheur d'emploi espère que sa "démarche réseau" se terminera par la signature d'un CDI. C'est pourquoi, entre les deux autres catégories, les créateurs d'activités sont des noeuds stratégiques de ces réseaux.

Conclusion

Il nous semble que le développement des organisations virtuelles ne se limite pas à la composante technocentriste du développement des NTCI mais se comprend dans le cadre de la démodernisation.

L'Etat n'a pas la capacité de réconcilier le mouvement d'industrialisation de la planète et la recherche personnelle d'identité. Ces deux aspects de la modernité ne sont pas associés. Dans la société nationale, la constitution de l'espace public et celle de l'espace privé sont des processus divergents. La démodernisation est le développement et la conscience de cette dissociation. Tandis que le post-modernisme est le constat désabusé de cet écart, la démodernisation est la volonté de l'individu d'assumer ces deux expériences pour être acteur de sa vie. Si la modernité est la séparation des pouvoirs, elle doit se poursuivre au fur et à mesure que l'individu les assume. Et, devenir acteur suppose de ne pas assimiler passivement aux conditionnements du système. On nommera désinstitutionnalisation cette réduction de l'importance des institutions au profit de l'autonomisation individuelle. Les Sujets se libèrent des normes sociales qui reproduisaient les institutions. La désocialisation caractérise le fait que la société, jadis régulée par les institutions et leurs rôles, est tiraillée par les forces des marchés et les initiatives des acteurs. La société (nationale) perd sa belle unité structurelle. Du coup, le système des rôles sociaux perd de sa force contraignante. C'est la représentation d'une société rationnelle, produisant à la fois sa richesse nationale et son identité culturelle, qu'il faut abandonner. Puisque la modernisation se traduit par l'autonomisation croissante des sphères de la vie sociale, la société perd ce rôle unificateur. C'est à chacun de donner sens à son action économique et à sa recherche d'identité.

Il nous semble que nous y participons tant au RAD qu'à l'AFTT.

Hubert Houdoy

Le 15 Juin 1996

Modifié le 7 Octobre 1997

Démodernisation, destruction du Moi

Pourrons-nous vivre ensemble?

Compléments

Bilan Personnel et Professionnel à Distance

Cadre juridique de l'activité

Faut-il attendre l'emploi?

Indépendance salariée, emploi autonome

Lieux d'insertion