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Nouveaux Modes de Vie
"Les nouvelles activités, c'est la promotion et l'accompagnement de nouveaux modes de vie.... " (Ph. Séguin)
Comme les infrastructures et les richesses du territoire, le mode de vie et la productivité globale d'une nation ne sont pas transportables ni exportables.
Traditions
Les pays qui sont parvenus au capitalisme dans des conditions historiques différentes gardent, un ou deux siècles plus tard, des manières différentes de mener leur développement. C'est l'influence des conditions initiales et de l'inertie des structures. (Théories du chaos, effet papillon, attracteurs).
Il en va de même pour les conditions d'apparition de la démocratie. La Grande-Bretagne, la France, les Etats-Unis, l'Allemagne et le Japon sont des démocraties capitalistes, mais leurs modes de vie et de travail restent dépendants du chaos structurant et aussi d'un certain nombre de choix structurants. Par exemple, la Chine risque d'être longtemps le contre exemple de notre tendance à assimiler développement économique et démocratie. Ce n'est d'ailleurs pas une raison pour abandonner nos valeurs. Justement, les valeurs participent à la définition du mode de vie. Elles ne sont pas aussi facilement exportables que les marchandises "opportunes".
La décolonisation est un phénomène international révélateur de la non exportation des modes de vie. Les guerres de libération nationales furent le plus souvent victorieuses. La colonisation était une tentative d'exportation intégrale de notre mode de vie. Elle a échoué. Dans le même temps, combien de marchandises et de technologies se sont répandues sur toute la planète (blue-jean, voiture, avion, radio, cinéma, télévision, ordinateur, internet)? La généralisation de certaines marchandises et la très grande mobilité internationale de leur production ne signifient pas le nivellement des modes de vie.
L'école laïque, gratuite et obligatoire, la sécurité sociale généralisée, la progressivité de l'impôt, l'existence d'un service public, la liberté de la presse et le parlementarisme font partie de ces facteurs distinctifs.
Aucun pays ne peut échapper à la concurrence internationale. Le mode d'ouverture sur le monde peut connaître des nuances. Il n'est pas indifférent d'exporter des machines-outils, des ordinateurs ou des oeuvres culturelles. Des productions non transportables peuvent faire rentrer les devises par une consommation touristique internationale. Rien n'est plus influent sur le tourisme que le mode de vie. Rien n'est plus favorable au développement de l'emploi que le rapport compétence/coût des bassins d'emploi. Deux facteurs stratégiques qui ne sont pas exportables.
Les infrastructures scolaires, universitaires, hospitalières, routières, ferroviaires, téléphoniques ou télévisuelles sont à la base de la compétitivité d'une nation. La manière de gérer le coût social du chômage, la négociation collective des rémunérations, la résolution des conflits sociaux font partie du mode de vie d'une nation. Les étrangers qui viennent faire du tourisme en France savent bien qu'ils ont une forte probabilité de grève des transports ou des Musées. C'est pourquoi il existe, selon les pays, une relation très variable entre Syndicats et Chômage. C'est aussi pourquoi il faut tenir compte du lien entre Mode de Vie et Chômage.
Certes, il existe de grandes différences entre les modes de vie individuels, selon les régions, les professions et les études. Mais il existe un mode de vie collectif, qui détermine à la fois la productivité globale, la qualité de la vie et la "volonté de vivre ensemble" d'une nation. La place et le rôle de l'Etat font partie de ce mode de vie. C'est ainsi que se distinguent, entre elles, les grandes démocraties.
Le défi que lance le chômage concerne le partage du travail et la gestion du temps collectif de la nation. Cela ne veut pas dire nivellement et réduction systématique du temps de travail. L'expression temps de travail cache au moins autant de réalités différentes que l'expression "agriculture française". Là encore, il faut se méfier des analyses quantitatives qui ne tiennent pas compte de l'existence ou de l'absence de réseaux de percolation des émotions comme des revenus.
Additionner des temps individuels ne donne pas d'emblée des temps collectifs. Le temps collectif est produit par une gestion collective du temps. Il ne s'agit pas de planification comme celle des tâches dans la production d'un artefact. Il s'agit de la percolation des émotions et de la percolation des revenus dans la production de la société. Il s'agit surtout de définir la nature et la faisabilité du produit net. Les travaux ne doivent pas être mutuellement destructeurs ou incompatibles. Il importe que tous aient un revenu. Mais il ne sert à rien de donner du travail à tous, si le travail de l'un ne procure pas du temps aux autres. Ce sont des travaux productifs qu'il faut développer. Même sans monnaie, sans marché et dans le cas d'un seul individu, il peut y avoir crise de surproduction. C'est ce que nous enseigne le mythe de Robinson Crusoé dans l'épisode de la pirogue.
La gestion individuelle et collective du temps doit favoriser l'autonomie de chacun et la réalisation de ses initiatives. Par exemple, il faut mettre fin à la double journée de travail, professionnelle puis domestique. Que cette double journée soit réalisée par les femmes ou partagée avec les hommes est secondaire. Il importe de professionnaliser les activités domestiques. Hommes et femmes choisiront librement d'occuper les emplois ou d'exercer les activités qui les motivent. Chacun pourra se comporter comme un nomade moderne sur des réseaux socio-techniques fournissant tous les services de base. Chacun gagnera sa vie en participant à la conception, l'exploitation, l'entretien ou la maintenance des réseaux socio-techniques qui remplacent progressivement les systèmes naturels des nomades primitifs. Autant de changements des modes de vie.
Personne ne peut être performant et rester "employable" dans une double journée de travail. Toute activité exige un temps de recul et de réflexion pour ne pas sombrer dans la routine. Multiplier les travaux routiniers est sans intérêt ni avenir. Car la routine est plus ou moins rapidement automatisable en tout ou partie. Une éventuelle réduction de la journée de travail professionnelle doit permettre une amélioration de la compétence professionnelle et de la culture générale. Elle ne doit pas viser un rêve autarcique de la cellule familiale (moins de travail en entreprise et plus au domicile). Il faut mener une réflexion, en termes de valeur d'usage, sur la semaine ou l'année de travail. Il faut abandonner les simplifications en termes de valeur d'échange et les niaiseries en termes de temps d'horloge.
Les services d'aide à la personne libèrent du temps dans les familles. Ils permettent à chacun de développer ses connaissances et de maintenir ses possibilités d'évolution professionnelle. La double journée de travail s'y oppose. La professionnalisation des travaux domestique offre l'occasion d'une recherche de productivité collective. Ces services ne sont pas un retour aux travaux ancillaires. Il ne peut y avoir deux catégories de travailleurs.
Les modes de vie à inventer ne peuvent être dissociés des modes de travail qui évoluent. Il est temps d'harmoniser le travailleur contemporain qui développe un comportement au travail et un autre à son domicile. Il ne peut pas y avoir une personnalité pour le travail et une personnalité pour l'amour ou la famille. Cette schize des comportements est culturelle. Son origine est très ancienne. Elle est psychologiquement dangereuse, car elle empêche la percolation des émotions. Elle est économiquement inefficace, car elle freine la percolation des revenus. Le mode de vie d'une nation est donc la base de sa compétitivité. Il exige, de la part de l'Etat, les mêmes travaux d'infrastructure que ceux qui furent réalisés pour le développement de la production marchande.
Les nouvelles activités auront, sur l'entreprise et ses salariés, la même incidence que le développement des activités urbaines sur le domaine féodal et le monde rural. Les nouveaux lieux d'insertion ne doivent pas se contenter d'occuper les chômeurs. Ils sont le laboratoire de la société de demain. Ils apporteront autant de nouveauté et de productivité qu'en apporta le développement des communes urbaines lors de la désagrégation du domaine féodal.
A l'entreprise, les nouveaux pionniers vendent le moyen de capitaliser les connaissances de son personnel. Au salarié, les nouvelles activités apportent un gain de temps. Il pourra se consacrer au développement, productif, de ses compétences et connaissances.
Les modes de vie à inventer, compatibles avec un développement durable de la planète, doivent privilégier l'acquisition du savoir productif et le développement de la connaissance libératrice.
L'échec de la colonisation témoigne de l'impossibilité d'exporter globalement et par la force un mode de vie national. Mais le tourisme témoigne du goût que l'on peut avoir à partager le mode de vie d'autres régions. Entre le tourisme et la colonisation, il existe une autre manière de faire partager son mode de vie: la région virtuelle. Internet donne aux régions les plus reculées mais bénéficiant d'un fort attrait touristique, d'une culture typée et d'une importante diaspora (Irlande, Ecosse, Pays Basque), la possibilité de se connecter sur le monde et d'exporter leur mode de vie uniquement chez ceux qui le souhaitent. Un site web consacré à la région est le moyen de perpétuer un contact culturel entre deux séjours touristiques. Les Nouvelles Technologies de la Communication et de l'Information ne créent d'opportunités de développement que pour ceux qui veulent bien s'ouvrir au vent du large.
Créé le 28 Octobre 1996
Modifié le 26 Juin 1998
ComplémentsFlexibilité, Inflation, Chômage
L'Origine des Organisations Virtuelles
DéfinitionsLes termes en gras sont définis dans le glossaire alphabétique du Réseau d'Activités à Distance.
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