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Flexibilité, Inflation et Chômage


Sommes-nous condamnés à choisir entre inflation et chômage?

* Préambule

Nous avons déjà expliqué en quoi la théorie classique du chômage est inséparable de la théorie de l'équilibre. Sémantiquement parlant: la flexibilité des prix assure l'équilibre de chaque marché, par définition des mots prix, équilibre et marché. Nous ne reviendrons pas sur ce point. Pour les classiques, toute rigidité est défavorable à l'équilibre. Elle provoque soit l'inflation soit le chômage.

Sans remettre en cause les hypothèses les plus centrales (continuité, dérivabilité, prévisibilité exhaustivité), nécessaires à sa mathématisation, la théorie néo-classique s'est efforcé de tenir compte des rigidités que nous pouvons constater dans la réalité économique. Tandis que la flexibilité parfaite assure simultanément l'équilibre, le plein-emploi et la neutralité monétaire (absence d'inflation), chaque rigidité entraîne un certain déséquilibre. Il semble alors qu'à défaut de rester à l'équilibre il faille naviguer, comme dans le détroit de Messine, entre le tourbillon de Charybde et l'écueil de Scylla. Toute rigidité oblige à choisir entre les remous inflationnistes et le naufrage des chômeurs. C'est tout au moins ce que suggèrent des travaux récents. Ils s'efforcent de répondre à Keynes en replaçant sa "Théorie Générale" dans un cadre qui se voudrait encore plus général.

Nous avons aussi expliqué que nous ne croyons pas à la réalité de l'équilibre. Il suffit de regarder autour de soi pour s'en convaincre. La théorie de l'équilibre est une hypothèse simplificatrice qu'il est temps de faire tomber. Pour les classiques elle permettait de produire un discours laïque sur la main invisible. Elle remplaçait la Providence qui avait justifié la monarchie de droit divin. Pour les néo-classiques, elle était un argument contre la théorie marxiste de la disparition du capitalisme. Pour les économètres elle est une commodité permettant la mathématisation. Mais ce qui est gagné en concision est perdu en réalisme. Nos propres travaux de modélisation ont montré que l'on peut se passer de cette hypothèse improbable. Il nous paraît inutile de singer la physique du XIXdeg. siècle. La scientificité d'un discours ne réside pas dans sa forme (mathématiques et anglais). Elle est dans sa cohérence conceptuelle et son adéquation avec les faits. Faute de disposer de mathématiques adéquates, il nous semble préférable de se passer de formalisation que de réalisme et de pertinence.

Pourquoi présentons-nous des théories dont nous réfutons à la fois les hypothèses (équilibre) et la formalisation (mathématiques)? D'abord, parce qu'à défaut de refléter les ajustements économiques réels, elles témoignent des représentations que les milieux dirigeants se font de leur marge de manoeuvre. Ensuite, parce que les théoriciens s'écartent de plus en plus des conditions de l'équilibre et que, ce faisant, ils font l'auto-critique de leur modèle d'intelligibilité ou de leur norme de scientificité.


* Plan

Introduction

1. Rigidité et chômage

2. Inflation et chômage

3. Inflation et chômage d'équilibre

4. Chômage et compétitivité

5. L'information asymétrique

Conclusion


* Introduction

Dans sa forme initiale et la plus pure, la théorie classique ne connait pas le chômage. Elle n'admet qu'un chômage volontaire ou refus de travailler plus. Le très fort développement du chômage pendant la Crise de 1929 a décidé Keynes à sortir du modèle classique de l'équilibre de plein emploi. Après la Seconde Guerre Mondiale, les pays capitalistes ont lancé de grands travaux de reconstruction et de modernisation. Cette intervention de l'Etat a souvent été présentée comme une illustration de la politique keynésienne. Pendant les Trente Glorieuses (1945-1975) le chômage et les fluctuations économiques ont semblé régresser. Puis la croissance a commencé à s'essouffler. L'inflation (hausse des prix) et le chômage (sous-emploi) ont progressé. Ils furent l'objet de publications et de controverses. Le plaidoyer pour la flexibilité s'est accompagné d'analyses concrètes des rigidités. Sans changer leurs principes de base, les modèles ont gagné en pertinence.

L'équilibre n'est plus la configuration permanente. Il n'est plus qu'un point de référence. Les économistes distinguent plusieurs situations de chômage et plusieurs situations d'inflation. Ils les définissent par leurs écarts à cet équilibre imaginaire. Il semble qu'il faille choisir entre les deux maux. Mais il arrive que l'on connaisse les deux situations simultanément. C'est la cas de la stagflation, situation de stagnation de la croissance et d'inflation des prix. Les chercheurs s'efforcent de repérer des comportements et des situations qui contribuent à la permanence et à l'ampleur du chômage. Les théoriciens adoptent des hypothèses nouvelles sur l'asymétrie des informations. Ils introduisent les phénomènes d'opinion et de confiance dont nous savons qu'ils furent au centre de la théorie keynésienne. Il leur arrive de parler d'un chômage classique du à un trop fort salaire réel et d'un chômage keynésien du à une trop faible demande. Cette distinction nous parait significative d'un changement de référence, d'un abandon progressif de l'équilibre. Car le chômage classique devrait se définir comme un chômage (faible) à proximité de l'équilibre. Tandis que le chômage keynésien est un équilibre mais de sous-emploi.

Nous tenons à rappeler que Keynes n'est pas un théoricien de la sous-consommation ni de la demande insuffisante. Car ces théories s'appuient sur la comparaison d'agrégats comptables auxquels Keynes ne croyait guère. Keynes est un théoricien de l'investissement et des anticipations. Certes il n'est pas un théoricien de la croissance, il n'explique pas le phénomène multiplicateur de l'investissement, mais il montre les conditions de son déroulement initial, l'incitation à investir. L'action suppose un pari. Selon Keynes, pour expliquer le chômage il faut expliquer ce qui décourage l'action. Sa théorie n'est pas physique, elle est essentiellement monétaire. Pour Keynes, la cause majeure du sous-emploi réside dans le taux de l'intérêt. Son niveau élevé réduit l'incitation à investir. Seul l'investissement peut accroître la productivité et nous rapprocher du plein-emploi sans provoquer l'inflation. Nous ne parlerons pas de chômage keynésien mais de chômage prétendument keynésien. Les travaux sur la flexibilité sont donc une tentative pour expliquer les déséquilibres constatés (inflation, chômage) tout en restant proche des hypothèses de Walras. Une critique keynésienne de ces analyses reste possible.


1. Rigidité et chômage

Pour rester fidèle aux hypothèses classiques et dans un but de simplification pédagogique, supposons que l'économie ne comporte que trois marchés: les produits (services), le travail et la monnaie. Selon l'identité de Walras, l'équilibre sur deux marchés implique l'équilibre sur le troisième. C'est pourquoi les auteurs étudient les marchés des biens et du travail en supposant la neutralité de la monnaie sur le troisième. En transformant l'équilibre en un point de référence, on peut définir trois configurations déséquilibrées de l'économie.

1. 1. Le chômage classique

a) Le chômage classique provient d'une faible demande des entreprises sur le marché du travail. Le salaire réel trop élevé interdit la hausse de la production et de l'emploi.

b) Quand les prix sont flexibles à la hausse et à la baisse:

c) Quand les prix sont flexibles à la hausse et rigides à la baisse:

La baisse du salaire réel rétablit l'embauche et la production des entreprises.

d) Quand le salaire nominal est rigide, les prix flexibles à la hausse et rigides à la baisse:

La baisse du salaire réel rétablit l'embauche et la production des entreprises.

1. 2. Le chômage prétendument keynésien

Les néo-classiques nomment "keynésien" un chômage que leur théorie ignorait. Mais ils lui donnent une explication que Keynes réfuterait. Pour Keynes, comme pour les classiques, le chômage est toujours du à un salaire réel trop élevé. Mais, contrairement aux classiques il ne croit pas à la baisse du salaire nominal. C'est la baisse du taux de l'intérêt qui doit restaurer l'investissement et l'emploi. Or, les classiques éliminent le marché monétaire du raisonnement que nous essayons de traduire.

a) Le chômage prétendument keynésien est une situation dans laquelle:

b) Quand les prix sont flexibles à la hausse et à la baisse:

c) Quand les prix sont flexibles à la hausse et rigides à la baisse:

d) Quand le salaire nominal est rigide, les prix flexibles à la hausse et rigides à la baisse:

Cette situation se développe comme un cercle vicieux. Elle est totalement défavorable à l'investissement des entreprises. Depuis l'après-guerre, on préconise une politique de dépenses publiques pour sortir de cette étreinte mortelle et relancer l'investissement des entreprises. Ce sont les politiques de relance. On compte sur l'effet multiplicateur des investissements pour établir un niveau plus élevé de la demande et de l'emploi. Mais cet effet multiplicateur suppose des industries motrices et une certaine situation du commerce international. En fait, les dépenses publiques proviennent d'un déficit chronique et provoquent l'inflation. Nous sommes donc au coeur de l'inflation et du chômage. Cette forme de chômage est particulièrement durable.

1. 3. L'inflation rampante ou contenue

a) L'inflation rampante est une situation dans laquelle:

Non seulement les ménages ne peuvent acheter tout ce qu'ils demandent mais les entreprises ne peuvent produire tout ce qu'elles voudraient. On a un excès généralisé de la demande. Ne pouvant consommer tout ce qu'ils désirent, les ménages ont une épargne réelle supérieure à leur épargne spontanée. On parle d'épargne forcée. L'économie est dans les starting blocks mais il manque une force de travail disponible.

b) Quand les prix sont flexibles à la hausse et à la baisse:

c) Quand les prix sont flexibles à la hausse et rigides à la baisse:

d) Quand le salaire nominal est rigide, les prix flexibles à la hausse et rigides à la baisse:

Mais le plein-emploi ne peut augmenter l'offre des entreprises. L'inflation réduit l'encaisse monétaire puis la demande des ménages.

Ces trois situations de viscosité ou de rigidité provoquent soit le chômage soit l'inflation. Elles marquent une difficulté pour la sphère capitaliste à remplir l'ensemble de la sphère sociale:


2. Inflation et chômage

Une certaine rigidité du salaire nominal produirait deux formes de chômage mais empêcherait le développement d'une véritable inflation. En faisant abstraction du marché monétaire, nous semblons avoir le choix entre le chômage et l'inflation. Mais l'inflation n'est pas n'importe quelle hausse des prix. Une mauvaise récolte de café provoque une hausse conjoncturelle du prix du café, elle ne provoque pas ipso facto un mouvement inflationniste. On parle d'inflation quand la hausse des prix se poursuit après la disparition du phénomène conjoncturel qui l'a déclenché. Par contre, l'indexation des salaires sur les prix provoque une spirale inflationniste des salaires et des prix. La conséquence devient une nouvelle cause. Car toute hausse des prix provoque celle des salaires (indexés) et toute hausse des coûts salariaux entraîne une hausse des prix des produits et services. Il semblerait que, dans certains cas, le chômage compense ce mouvement. La hausse du chômage freine la hausse des salaires et ralentit l'inflation. Nous avons donc un chômage participant à un mécanisme d'équilibrage.

En 1958, A. W. Phillips a mis en évidence, dans le cas du Royaume-Uni, une relation décroissante entre le taux de variation des salaires et le taux de chômage. De nombreuses études on confirmé ce phénomène dans beaucoup de pays. Nous allons donc analyser les formes et les conséquences de cette relation. Nous introduirons des raffinements, de plus en plus complexes, comme les changements technologiques et la concurrence internationale.

En situation de neutralité de la monnaie (pas d'inflation) et de neutralité des techniques (pas de changement de productivité) le salaire nominal est constant quand l'offre et la demande globales de travail coïncident. Un certain niveau de chômage peut subsister à l'équilibre. (Nous devrons l'expliquer). On parlera donc de chômage d'équilibre. Ce sont les variations du chômage réel autour de ce chômage d'équilibre qui déterminent le niveau du salaire nominal.

Nous avons donc un mécanisme d'équilibration tout-à-fait dans la tradition classique. Mais au lieu d'être parfaite (absence de chômage), l'équilibration se déroule avec un certain coût social: le chômage d'équilibre. Cela suppose donc que la sphère capitaliste trouve, dans la société, une sphère non-capitaliste, voire non-marchande, pour assurer la survie, la dignité et l'espoir des chômeurs qui semblent sacrifiés au dieu de l'équilibre. Nous sommes déjà loin de l'ultra-libéralisme, ou libéralisme économique globalisateur, qui prétend se passer de toute sphère étatique et de tout secteur associatif ou coopératif.

On explique ce mécanisme de régulation par des délais d'ajustement ou de propagation entre les prix à la consommation et les salaires d'une part, entre les coûts salariaux et les prix de vente des entreprises d'autre part. Il y a donc une course poursuite entre les prix et les salaires. Entre les deux, tantôt le profit se trouve compressé, tantôt il trouve le moyen de se rétablir.


3. Inflation et chômage d'équilibre

La hausse du chômage au dessus du niveau du chômage d'équilibre pèse sur le taux du salaire nominal. Elle réduit le coût salarial inclus dans les produits. Cette baisse du coût de production est en partie favorable aux profits et en partie favorable à la baisse des prix. L'inflation va diminuer et les profits vont augmenter. Du fait de l'indexation des salaires sur les prix, la baisse des prix va maintenir la tendance à la baisse du salaire nominal. De l'autre coté, l'augmentation des profits pousse à l'augmentation de la production et à la productivité du travail. La hausse initiale du chômage est favorable à la réduction de l'inflation et à la profitabilité des entreprises. La réduction de l'inflation et la restauration de la profitabilité des entreprises font que le mécanisme de hausse du chômage ne sera pas auto-entretenu. Il y a bien un mécanisme d'équilibration.

On peut dérouler le raisonnement dans l'autre sens et montrer que la baisse du chômage est favorable au développement de l'inflation et réduit la profitabilité des entreprises. La baisse du chômage relance l'inflation.

Le mécanisme est basé sur un retard d'ajustement des salaires par rapport aux prix et sur un retard d'ajustement des prix par rapport aux coûts. Les entreprises profitent de leur position d'intermédiaires. C'est ainsi que les profits peuvent s'accroître pendant les périodes d'ajustement des prix aux salaires.

Contrairement aux hypothèses classiques initiales, la progression du salaire réel ne suit pas l'amélioration de la productivité du travail. Ce point est très important. Car pour les classiques, le prix du travail est égal à la productivité du travail. C'est la condition de l'équilibre et l'équilibre est la condition de cette égalité. Cette identité est donc une tautologie. La plus tenace de toute. Celle qui dispensait de définir la productivité. Il suffisait d'observer le niveau du salaire. Cet abandon d'une des hypothèses les moins fondées de la théorie classique est un recul de l'idéologie et un progrès de la pertinence.

3.1. Si l'indexation des salaires sur les prix n'est pas complète, la croissance de l'inflation réduit le salaire réel et restaure plus rapidement les profits. Dans ce cas, le chômage ne régule pas seulement le salaire nominal, il régule aussi le salaire réel par le biais du taux d'inflation. Il est alors possible de rompre les hypothèses classiques sur l'égalité du salaire et de la productivité du travail. Au lieu de s'appuyer sur cette égalité postulée, on doit distinguer les situations selon l'évolution relative de l'un et de l'autre.

En longue période, il existe une relation décroissante entre le taux d'inflation d'un pays et son taux de chômage. C'est, pour les spécialistes, la courbe de Phillips de long terme. Quand le chômage est faible et pèse faiblement sur les salaires, il faut une forte inflation et de longs délais pour rapprocher la croissance du salaire réel de la productivité du travail qui la permet (mais que personne ne connait). Pour chaque taux de chômage, il existe un taux d'inflation qui rapproche le salaire réel et la productivité du travail.

Il y a donc une régulation entre l'inflation et le chômage qui provoque une régulation entre le salaire et la productivité. Par contre, moins les partenaires sociaux tiennent compte de la productivité, plus le chômage d'équilibre risque de s'établir à un très haut niveau. Il semble que ce soit tout particulièrement le cas dans les pays européens.

3.2. Si l'indexation des salaires sur les prix est complète, les salariés ne sont pas victimes d'une illusion monétaire à propos de leur salaire nominal. La hausse du chômage pèse sur le salaire nominal dont la baisse se répercute intégralement, mais avec retard, sur les prix. La réduction des prix se traduit intégralement par une baisse des salaires. Les transformations de la productivité se répercutent sur les profits et sur les prix. Toute la répercussion sur les prix est transmise aux salaires. La répartition salaire / profit reste stable. Il existe donc un taux de chômage pour lequel l'inflation est stable. C'est le chômage d'équilibre. Il faut noter que le chômage servant de référence n'a pas forcément d'explication préalable. Il faut donc admettre un défaut préalable d'équilibration ou la méconnaissance de la productivité ou la non neutralité de la monnaie. Le chômage d'équilibre est donc le chômage qui n'accélère pas l'inflation. En anglais: Non Accelerating Inflation Rate of Unemployment (NAIRU).

Dans le cas d'une indexation complète des salaires sur les prix, le taux d'inflation d'un pays ne dépend pas de son taux de chômage. Ils ne se régulent pas mutuellement. Rien ne pousse vers le taux de chômage d'équilibre. Il manque le mécanisme régulateur sur les profits. Il faudra tenir compte de la monnaie et de l'intervention de l'Etat. Pour réduire le taux d'inflation, la politique monétaire devra être importante et passer par une forte hausse transitoire du taux de chômage. Mais il y a danger que les acteurs s'habituent à ce chômage et adaptent leurs comportements à sa permanence. C'est bien souvent le déséquilibre du commerce extérieur qui poussera l'Etat à intervenir contre l'inflation.


4. Chômage et compétitivité

L'indexation totale des salaires garantit les profits et dissuade les entreprises de lutter contre l'inflation. La France a bien connu cette configuration quand le CNPF reprochait au gouvernement de ne pas dévaluer assez souvent. Nous battions des records d'inflation avant de nous reconvertir dans celui du chômage. Puisque l'équilibre n'est pas maintenu automatiquement, le salaire réel et la productivité peuvent diverger grandement. C'est alors le chômage et l'inflation qui sont pris dans une spirale. Le mécanisme d'équilibration sera beaucoup plus coûteux et très indirect.

Les prix ont une influence sur le niveau de la demande:

En cas d'indexation complète des salaires sur les prix, les ressorts de rappel entre inflation et chômage sont plus faibles. C'est alors l'économie internationale et la nécessaire compétitivité qui vont servir de garde-fou.

En introduisant les effets du commerce extérieur, il faut tenir compte des taux d'inflation relatifs et des changements dans les valeurs des monnaies (dévaluations compétitives). Plus l'indexation des salaires sur les coûts de consommation est complète, plus l'inflation étrangère importée aura de répercussion sur les salaires nationaux et donc sur l'inflation nationale. Si le chômage est inférieur au chômage d'équilibre, l'inflation nationale n'est pas contenue. Elle tend à se développer. Elle est entretenue par les inflations de tous les pays d'où proviennent les importations. L'inflation nationale devient supérieure à l'inflation étrangère. Comment peut-on sortir de cette spirale? Après la spirale des salaire et des prix et la régulation mutuelle de l'inflation et du chômage, nous découvrons la régulation de la compétitivité et du chômage.

Mais cette règle n'est valable qu'en cas de flexibilité. Il faut que la production suive la restauration de la compétitivité (agressivité commerciale) et que l'emploi accompagne la croissance de la production (pas de substitution forcée du capital au travail).

En cas de rigidités de la production et de l'emploi, l'ajustement du chômage à la restauration de la compétitivité peut se faire attendre. Dans un pays faiblement compétitif et à fort chômage, le chômage va augmenter du fait des importations de produits moins coûteux. Comme le chômage est supérieur au chômage d'équilibre, l'inflation baisse et la compétitivité s'améliore avec la hausse du chômage. Si le pays n'est pas très agressif à l'exportation, ses exportations n'augmentent pas. Il faudra attendre que ses importations diminuent pour réduire l'inflation, le déficit extérieur et le chômage. Vient un moment où la compétitivité est suffisante pour réduire le chômage effectif. Et, dans la mesure où la compétitivité continue à s'améliorer (pas de hausse des salaires) le chômage d'équilibre lui-même commence à baisser.

En effet, une baisse durable du chômage doit concerner non seulement le chômage effectif, mais le chômage d'équilibre, c'est-à-dire les tendances nationales à une hausse des salaires plus rapide que la productivité. C'est une telle désinflation compétitive qu'a connu la France après s'être trop longtemps adonné aux dévaluations compétitives. En maintenant la parité du franc avec le mark, la France s'est contrainte à une lutte contre l'inflation. Elle est devenue sensible aux dévaluations compétitives des autres pays (Italie, Espagne). Elle a du supporter un chômage supérieur au chômage d'équilibre national. C'est à ce prix que fut rétablie la compétitivité. A l'inverse, les pays qui ont pratiqué des dévaluations compétitives ont stabilisé leur chômage, mais ils n'ont pas réussi à réduire leur taux d'inflation. Ils ont donc un chômage d'équilibre plus élevé. Leur chômage, plus faible que le notre, sera plus difficile à réduire. Leur inflation rend plus difficile leur intégration dans le marché unique. L'absence de l'Euro les met à la merci de l'exportation de l'inflation américaine. Un jour où l'autre ils devront pratiquer la même politique. Et ils devront le faire contre un Euro stabilisé et non pas contre des monnaies fluctuantes.


5. L'information asymétrique

Nous avons pu constater que l'accroissement de la pertinence des modèles se payait par un abandon de l'hypothèse de l'équilibration automatique et immédiate. Mais certains classiques trouvent cela trop keynésien. Les plus classiques des classiques, les monétaristes, ont préféré sacrifier une autre hypothèse: celle de l'information parfaite. C'est ainsi que le leader de l'Ecole de Chicago, Milton Friedman, a donné une nouvelle interprétation de la courbe de Phillips.

A l'équilibre du marché du travail subsiste un chômage de friction. Il est du au temps de transfert des compétences d'une entreprise en difficulté vers une entreprise en développement. C'est ce que nous avons appelé le chômage d'ajustement et que les monétaristes nomment le chômage naturel. Nous savons aussi qu'à l'équilibre de plein-emploi, seule la baisse du salaire réel peut accroître la demande de travail des entreprises et l'offre de travail des ménages. Toute hausse de la demande, venant des ménages ou de la dépense publique, ne peut provoquer qu'une hausse des prix. Pourtant, il se pourrait que le salaire réel ne fasse pas l'objet de la même représentation dans la tête des salariés et dans celle des employeurs. Et c'est le point de départ de la nouvelle école classique. Il y aurait asymétrie dans l'information.

Des représentations différentes

Cette asymétrie dans les représentations fait que l'équilibre du marché du travail ne détermine pas simultanément le salaire réel effectif et l'emploi d'équilibre. La négociation porte sur une relation entre l'emploi d'équilibre et l'écart entre le niveau de prix anticipé et le niveau de prix qui sera réalisé. On passe alors d'un déterminisme des chiffres (que nous réfutons) à une logique des anticipations (qui nous parait plus réaliste). On quitte une nature imaginaire pour une culture bien réelle. La pensée keynésienne progresse même chez ceux qui la refusent. Le terrain d'analyse se déplace, des rapports entre les marchandises vers les négociations entre les hommes.

Conséquences pratiques

En quoi ce changement de point de vue modifie-t-il les effets d'une hausse accidentelle de la demande ou d'un plan de relance du gouvernement?

En cas de hausse de la demande, la production des entreprises s'accroît (avec un peu de retard) et les prix augmentent (à cause du retard et à cause de la demande des entreprises). La hausse des prix provoque la baisse du salaire réel et une augmentation de la demande des entreprises qui n'ont pas fini de satisfaire la demande. La réduction du chômage fait croître le salaire nominal.

Et c'est là qu'intervient la réalisation ou la réfutation des anticipations des salariés. Si les prix qui servent de référence aux salariés n'augmentent pas, ils identifient la hausse du salaire nominal à une hausse du salaire réel. En conséquence, ils augmentent leur offre de travail. L'augmentation concomitante de l'offre et de la demande de travail permet la réduction du chômage (de friction) et l'augmentation de la production des entreprises.

Une analyse plus fine, qui remplacerait les moyennes et les agrégats du modèle par les entreprises concrètes, montrerait que si le multiplicateur keynésien ne fonctionne que pour les industries motrices, la hausse de la demande profite aux salariés des autres secteurs. "L'augmentation de l'emploi d'équilibre est donc une fonction croissante de l'erreur d'anticipation des salariés (Artus, Muet, page 43)". Il se pourrait aussi qu'elle soit une fonction croissante de la diversification des activités et de la proportion des salariés qui ne consomment pas leur propre production. C'est notre interprétation du multiplicateur keynésien. Mais pour cela, il faut remplacer les lois générales par des analyses concrètes, pays par pays. Ce devrait être le rôle des instituts nationaux de statistiques.


* Conclusion

Ce rapide panorama des relations entre l'inflation et le chômage est très instructif.

Il contient:

Il reste en deçà de la critique keynésienne qui contestait:

Il manque donc:

Il nous reste donc:

Nous serons alors en mesure de dresser un bilan réaliste des conditions économiques d'un développement durable. Celui-ci ne doit pas être confondu avec la guerre économique à laquelle nous nous livrons beaucoup trop souvent. Certes la guerre économique est plus spontanée que le développement social. Elle correspond aux motivations inconscientes des acteurs. Elle est inévitable quand on croit naïvement, ou que l'on feint de croire hypocritement, à la main invisible du marché. Pourtant, ses résultats ne sont pas plus rentables que les ravages des guerres militaires. Comme dans les campagnes de Pyrrhus, les victoires apparentes réservent de cruelles surprises. La concurrence des nouveaux pays industrialisés ressemble aux lendemains de la bataille d'Héraclée (280 avant Jésus-Christ). C'est toute l'ironie de l'Histoire.

Hubert Houdoy

le 29 Mai 1997


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* Bibliographie

La plupart des points abordés sont très bien exposés et illustrés dans:

Théories du Chômage,

Patrick Artus et Pierre-Alain Muet,

Economica, Économie Poche

Paris, 1995

Les meilleurs sources du débat résident dans les ouvrages inauguraux:

The relation between unemployment and the rate of change of money wage rates in UK

A. W. Phillips

Revue: Economica

Novembre 1958

The role of monetary policy

Milton Friedman

American Economic Review, 1968

Volume 58

Pages 1 à 17

D'autres références sont citées dans:

Bibliographie sur les Théories Économiques

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Mise à jour: 16/07/2003