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Théorie classique du chômage
La
théorie classique du chômage est inséparable du
modèle de l’Équilibre
Classique.
Plan
1. Les prétentions du
modèle
2. Les conditions du modèle
3. Le
chômage classique
1. Les
prétentions du modèle
La théorie
de l’équilibre classique, encore
très littéraire dans les textes de ses fondateurs (Adam
Smith , Thomas Robert Malthus, David
Ricardo, Jean-Baptiste Say), a
été fortement mathématisée par les successeurs.
Cette modélisation donne une plus grande élégance aux
démonstrations. Mais cette formalisation comporte un risque. Elle
pourrait dresser la liste des hypothèses implicites de la
théorie. Elle contribuerait alors à montrer la
virtualité du modèle. Ce qui correspondrait
à l’ intention politique des classiques.
Mais la formalisation peut ne pas s’accompagner de ces
précautions. Elle peut provoquer une confusion entre les
propriétés formelles du modèle mathématique et
celles de la réalité. On entre alors dans une
mystification idéologique. Les auteurs disent rarement que le
modèle, comme un principe d’organisation est
tourné vers l’avenir, comme un projet. Les
auteurs disent rarement que le modèle, comme un principe
d’intelligibilité est tourné vers la construction
d’un nouveau modèle
d’intelligibilité . Les modèles et leurs auteurs
prétendent souvent refléter la
réalité du moment. Beaucoup de discours économiques
jonglent hardiment avec ces deux points de vue (projet,
reflet). Au moins serait-il bien de les faire alterner sciemment. C’est
le rôle que l’on pourrait assigner à une
Théorie de la Valeur , distincte d’une
Théorie des Prix (Keynes).
Considérons les courbes continues et dérivables
représentant des fonctions de production pour l’entreprise et des
niveaux de satisfaction pour le consommateur. Leur
élégance a un intérêt pédagogique
évident. Mais nous risquons de prendre la forme et la position relative
des courbes pour une description fidèle et exhaustive du
réel. Quand la formalisation est tournée vers
la simplicité, elle ne peut prétendre “reproduire”
la réalité. Il n’y a pas une telle continuité ni
une telle dérivabilité dans la
fractalité de la réalité quotidienne des
entreprises et des consommateurs.
D’une certaine
manière, les auteurs classiques faisaient le pari de l’
harmonisation des intérêts . Les
intérêts individuels pouvaient trouver à se concilier sans
intervention autoritaire. Ils refusaient d’obéir à des
règles, prétendument éternelles, découlant
d’une scolastique moyenâgeuse. Ils voulaient prendre en main leur
destin selon leur libre arbitre. Ce pari, plus que jamais, reste à
gagner, après un siècle de totalitarismes. Cela
ne veut pas dire qu’ils voyaient, dans l’égoïsme le
plus étroit et le plus aveugle, la main invisible
guidant le plus grand nombre vers la richesse.
Le
modèle d’équilibre doit être
apprécié pour:
Il a montré sa richesse par les
développements mathématiques qui ont suivi.
La croissance économique constatée dépasse
probablement leurs espoirs les plus secrets.
Les étudiants de première année apprennent
les mécanismes de l’offre et de la demande. Ils découvrent
successivement les marchés des biens, des services, du travail et des
capitaux. Ils assimilent ainsi les multiples
interdépendances qui font la complexité de la
vie économique, sociale et politique. Cette simplification,
optimisée pour l’apprentissage, n’est pas un
reflet de la réalité. En attendant mieux, elle
peut être considérée comme une profitable
propédeutique.
Les premiers auteurs
classiques voulaient construire un autre système économique. Ils
ont réussi. Mais la valeur épistémologique de leur
discours est bien émoussée. Les succès exploratoire,
prophétique et pédagogique ne peuvent empêcher une grave
obsolescence de leur représentation. Pour la
production de connaissances nouvelles, le modèle de
l’équilibre a épuisé sa vertu.
Dans les sciences physiques celui-ci n’a cessé d’être
remis en cause. Le scandale a débuté avec la découverte
du problème des trois corps par Henri Poincaré. Les fonctions
continues et non dérivables (Peano) ont retourné le fer dans la
plaie des scientistes. Actuellement, les théories du
chaos, les fractales et les théories
non linéaires ont renouvelé le paradigme
scientifique.
Construit pour permettre une réflexion en
chambre, le modèle classique ne présente guère de
ressources pour les praticiens. Ni pour la survie du producteur, ni pour la satisfaction du consommateur. Pour des raisons
polémiques, les économistes
néo-classiques ont prétendu éliminer la
théorie de la valeur. Pour des raisons de
généralité, ils ont escamoté la valeur d’usage. Ils ont présenté
les prix comme des sources nécessaires et
suffisantes d’information . C’était passer du
projet d’avenir à la mystification sur le présent. Il
semble pourtant que le système économique manque
sérieusement de boussole. Curieusement, les entreprises
réinventent l’Analyse de la Valeur et le
Dialogue Technique.
2. Les
conditions du modèle
Les critiques
formulées par les marxistes, les keynésiens ou
les néo-ricardiens ont permis de dresser un inventaire des conditions
simplificatrices du modèle pédagogique.
Le
modèle Walraso-Parétien est un modèle de
concurrence pure et parfaite . Il suppose:
Chaque offreur est une goutte d’eau dans
l’océan de l’offre. Chaque demandeur est une goutte
d’eau dans l’océan de la demande.
-
l’homogénéité du produit
Même
fabriqués dans des conditions différentes de coût, les
produits sont identiques.
- la mobilité parfaite
des capitaux
Une totale liberté / fluidité
permet d’entrer ou de sortir instantanément du marché
d’un produit.
- la transparence parfaite des
marchés
Nul n’est sensé ignorer les prix,
les coûts, les quantités, les techniques et les besoins de tous.
Moyennant ces conditions, il est possible d’analyser
l’équilibre de l’entreprise ou celui du marché aussi
bien à court terme qu’à long terme. On peut alors montrer
que l’entrepreneur maximise son profit en choisissant de produire la
quantité pour laquelle le coût marginal (coût de la
dernière unité produite) est égal à la recette
moyenne, soit le prix unitaire constaté par le marché. La
maximisation du profit est devenu l’indicateur de la marche vers
l’équilibre général. Pour l’
harmonisation des intérêts , le démon de
Maxwell est au service de la main invisible .
Bien sur, les économistes n’en sont pas
resté là. Chaque hypothèse a donné naissance
à de nouveaux modèles de concurrence, plus
sophistiqués: monopole, concurrence monopolistique, monopsone,
oligopole, duopole, etc. Puis la Théorie des Jeux a
multiplié les situations combinant une dose de
coopération et une dose de
compétition. En tout cas, la réalité
décrite par ces théories économiques se limite à
l’ économie de marché . Par
définition de l’économie et par construction du
modèle, l’économie de marché ne concerne que la
partie de la vie sociale qui réussit à s’insérer
dans les échanges marchands.
En période
d’expansion, le marché intègre de plus en plus de monde.
Nous parlerons d’ inclusion.
En
période de récession, le marché exclut de plus en plus
d’ entreprises, de ménages
voire d’États. Nous parlerons d’
exclusion.
Il nous faut donc une théorie
de l’insertion de l’économie
capitaliste dans l’économie marchande. Il nous faut aussi une
théorie et une pratique (R.A.D.) de l’insertion de
l’économie marchande dans l’économie non-marchande.
Cette économie solidaire est parfois nommée, à la suite
de Mauss, l’économie de don.
Selon les écoles, cette inclusion exigera
(Marx, Keynes) l’aide de l’État
(économie publique) ou la refusera (ultra-libéraux). Reste
à savoir, problème pratique d’aujourd’hui, si
l’État est le mieux placé pour remettre dans le circuit
social tous les exclus du marché ?
3. Le chômage classique
Par construction du modèle classique, tous les prix sont
déterminés par le marché. Ils assurent
l’équilibre de l’offre et de la demande. Ils traduisent
l’ensemble des anticipations, des offres et des demandes de tous les
acteurs des marchés. Pour Walras, tous les prix de tous les
marchés sont les solutions instantanées d’un vaste
système d’équations simultanées. Ce système
décrit la structure des offres et des demandes.
Il en est
de l’imaginaire marché du travail comme de tous
les autres marchés (biens, services, facteurs de production ou
monnaie). L’offre d’emploi des entreprises fait face à la
demande d’emploi des candidats à l’embauche. Le prix du
travail en résulte. Il s’agit du taux de salaire. Il
détermine la quantité de monnaie qui sera échangée
contre une quantité unitaire de travail.
C’est ce que l’on appelle le salaire nominal . Il
correspond à la fiche de paye. Il ne se confond pas avec le salaire
réel. Entre les deux se trouve le marché de la monnaie. Le
salaire réel correspond à la quantité de
biens et services que l’on peut acheter avec le salaire nominal. En cas
de hausse des prix (inflation) il arrive que les
salariés perdent d’un coté (baisse du salaire réel)
ce qu’ils ont gagné de l’autre (hausse du salaire nominal).
Sur le marché de la monnaie cela se traduit par une baisse du
pouvoir d’achat de la monnaie . En effet, la
théorie quantitative de la monnaie (David Ricardo)
montre que si la quantité de monnaie en circulation augmente, toutes
choses égales par ailleurs, le prix des marchandises (biens ou
services) ne fait qu’augmenter en proportion.
L’équilibre partiel du marché du
travail ne dépend que de l’offre et de la demande de
travail. Le salaire dépend de l’offre et de la demande
momentanées de travail. Le salaire n’est pas défini par
des règlements corporatifs. Il fluctue en permanence. Cela correspond
à la pratique actuelle de certaines entreprises qui modulent le salaire
en fonction de l’activité mensuelle. Pour la théorie
classique, la flexibilité du salaire assure
l’équilibre du marché du travail . Du
point de vue du seul marché du travail, un demandeur d’emploi
reste au chômage s’il demande un salaire qui dépasse le
produit marginal de son travail pour les offreurs
d’emploi. Le chômage individuel provient de la demande d’un
salaire nominal (exprimé en monnaie) trop
élevé. Il y aura plein-emploi si les candidats
savent demander le bon niveau de salaire.
Mais
l’équilibre du marché du travail dépend aussi de
l’équilibre sur tous les autres marchés. Nous avons vu que
les marchés des biens et services jouaient un rôle central.
Encore que cette formule n’ait pas beaucoup de sens dans un
système d’ interdépendances (vertu
épistémologique). Considérons-la plutôt comme une
manière de dérouler notre raisonnement (vertu
pédagogique).
Sur les marchés des biens et
services, la flexibilité des prix assure l’équilibre de
l’offre et de la demande. A l’équilibre, les offreurs
réalisent un profit par la vente de leurs marchandises. En fonction des
profits réalisés (disponibilités monétaires) et
anticipés (espérance de gain), les entrepreneurs vont investir
dans des matières premières et des machines. Ils accroissent la
demande sur ces marchés. A l’équilibre, il y a pleine
utilisation des capacités de production. Les entrepreneurs vont aussi
embaucher sur le marché du travail. A l’équilibre, il y a
plein emploi des candidats qui demandent le bon niveau de salaire.
Dans le modèle classique, le chômage ne peut
correspondre qu’à un déséquilibre provisoire. En
cas de déséquilibre, les ajustements sur les différents
marchés provoqueront un retour à l’équilibre. Le
salaire d’équilibre est celui qui correspond à la
productivité marginale du travail. Supposons donc que
le salaire soit provisoirement au-dessus de son niveau
d’équilibre. Les entrepreneurs vont réduire leur embauche
et réviser à la baisse leurs anticipations de production. Un
chômage va donc se manifester. Les chômeurs qui désirent
travailler à tout prix vont accepter un salaire réel plus bas
que le niveau précédent. Le chômage se résorbe par
la baisse des salaires. L’économie de marché se dirige de
nouveau vers le plein-emploi, la pleine utilisation des capacités de
production et l’équilibre général des
marchés. Dans le modèle classique, le chômage ne peut
provenir que d’un salaire réel trop
élevé.
Selon le modèle classique,
l’État ne peut remédier à une situation de
chômage. Toute politique de l’emploi est
vouée à l’échec. Toute hausse des dépenses
publiques en faveur de l’emploi est prélevée (via
l’impôt) sur les revenus disponibles. La demande des
entreprises et des ménages diminue
dans la proportion même où les dépenses de
l’État augmentent. La consommation publique remplace la
consommation privée sans augmenter l’offre d’emploi. Seule
la baisse du salaire réel (moindre consommation) peut résorber
le chômage et rétablir l’ensemble des équilibres. Ce
point de vue sera critiqué par la Théorie
Keynésienne du Chômage.
Conclusion
Nous développerons, bien sur,
les autres théories économiques du
chômage, à commencer par la Théorie Générale de Keynes. Elles
permettent de découvrir (vertu pédagogique) de nouveaux aspects
de la réalité sociale. Contrairement au modèle classique
de concurrence pure et parfaite , basé sur une
flexibilité de tous les prix, elles insistent chacune sur des causes de
rigidité.
D’une certaine manière, en
prétendant critiquer le modèle classique, elles apportent de
l’eau à son moulin. Les crises et le chômage sont dus
à un manque de flexibilité des prix ou
d’adaptabilité des agents. D’autant qu’elles ne
sortent pas des présupposés de l’équilibre et
qu’avec une mathématisation simpliste, une faible
résolution mathématique , elles accentuent
l’ économisme sous-jacent.
Mais
nous n’oublierons pas que, par définition, les théories
économiques concernées ne peuvent épuiser les questions
qu’elles soulèvent. Pour cette raison, pas plus que dans le texte
présent, nous ne sacrifierons à la formulation
mathématique (voir notre bibliographie). Ce ne sont pas les
mathématiques qui sont en cause, mais les hypothèses implicites
qu’elles véhiculent. Pour rendre les modèles
mathématisables, il faut leur donner des propriétés que
la réalité concernée n’a pas forcément. Les
mathématiques du chaos seraient plus adaptées.
Mais il faudrait renoncer à l’équilibre et à la
généralisation.
Nous insisterons sur la
cohérence interne du discours
(sémantique). Surtout, nous tenterons de montrer
comment chaque micro-monde dont parle un modèle économique
n’est qu’une partie de la réalité écologique
ou sociale qui nous concerne.
Les théories du
marché sont de belles constructions pédagogiques. Rendons-leur
cet hommage. Mais si nous voulons explorer les voies pour sortir durablement
du chômage, nous devons les interroger sur la manière dont elles
prennent en compte l' emboîtement de la sphère
économique dans la vie sociale (vertu épistémologique et
vertu pratique).
Il nous importe de comprendre à quelles
conditions (percolation des émotions ,
percolation des revenus ) le développement de
l’économie de marché peut entraîner le
développement durable des activités humaines.
Mais pour cela, il ne faut pas se réduire à une analyse de la
seule économie de marché. Il faut étudier tout le cadre
politique, social et culturel dans lequel elle se développe.
Auteur
Créé le 22 Mars 1999
Bibliographie Économique
Compléments
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Économiques de la Valeur
Théorie Keynésienne du Chômage
Flexibilité, Inflation et Chômage
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