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Satisfaction des consommateurs

"Le projet européen n'a été, jusqu'à présent, construit que pour assurer la satisfaction des consommateurs. L'inconvénient est que le consommateur est de plus en plus souvent un chômeur..." (Ph. Séguin)

1. La satisfaction du consommateur mène-t-elle au chômage ?

Les principes de la Communauté Européenne puis du grand marché européen relèvent de l'économie industrielle. Il s'agit de faciliter l'émergence de grandes entreprises, de dimension internationale, capables de relever le "défi américain". L'Europe s'organise comme un marché unique, sur le modèle du continent nord-américain. Les économies d'échelles, obtenues par une production de masse, profiteront aux consommateurs, par la baisse des coûts et des prix.

La satisfaction du consommateur est définie de manière traditionnelle pour la théorie économique classique. Dans un monde stable où les besoins et les techniques changent peu, la concurrence par les prix, l'élimination des concurrents et les économies d'échelles par production de masse chez les vainqueurs sont la voie royale de la baisse des prix payés par le consommateur. C'est le modèle de la concurrence pure et parfaite sur un marché transparent.

La théorie ne prévoit pas le chômage. Car la baisse du prix pour le consommateur dégage un revenu résiduel ou discrétionnaire qui se portera sur l'achat de nouveaux produits. Des capitaux s'investiront dans ce nouveau secteur. Les profits y seront d'abord importants car ils ne seront pas réduits par la concurrence. Ces capitaux investis mèneront à l'emploi de la main-d'oeuvre préalablement licenciée par les concurrents vaincus. Ce nouveau secteur ce developpera rapidement, à la satisfaction des consommateurs, des travailleurs et des propriétaires des capitaux. L'entrée de nouveaux concurrents finira par ramener le taux de profit exceptionnel au niveau normal des autres secteurs. Nous avons décrit ce modèle dans Causes du Chômage, Le chômage d'ajustement.

Cette explication n'est pas "fausse". Elle est un modèle d'intelligibilité pour les débutants en économie, un mythe qui donne du sens à la multitude des évenements quotidiens.

Cette explication n'est pas "juste". La simplicité est son unique qualité. Elle rend le modèle compréhensible et rapidement assimilable. A ce titre, elle mérite d'exister. Et elle ne s'en prive pas.

Mais elle est trop simple pour être "vraie". Toute cette modèlisation est basée sur l'hypothèse simplificatrice que toutes les marchandises se vendent à leur valeur (coût plus profit moyen) et que la valeur de la production est égale à la somme des revenus. La valeur d'échange (prix d'équilibre) est la mesure monétaire de la valeur d'usage (utilité pour le client). Plus exactement: la valeur de la production EST le revenu global; la valeur d'échange EST la valeur d'usage. Il n'y a ni différence ni contradiction entre elles, mais identité. Sur la base de cette tautologie (A=A) il ne peut y avoir que des équilibres. Les équations sont réversibles, comme si le temps n'existait pas. Les systèmes d'équations simultanées permettent de calculer les prix d'équilibre, comme si les crises et le chômage n'existaient pas.

Cette explication ne colle pas à la réalité. Elle l'évacue par principe. Elle ne peut expliquer les déséquilibres parce qu'elle n'étudie pas simultanément et séparément les éléments qui entrent en contradiction. Il faut cesser d'identifier le prix et l'utilité, la valeur d'échange (coût pour le vendeur, hérité du passé productif)) et la valeur d'usage (efficacité pour l'acheteur, attendue pour le futur).

2. Limites de la valeur d'échange.

Dans le discours économique classique, lorsque l'on parle de "satisfaction du consommateur", on pense à la baisse des prix des biens de consommation.

Quand une entreprise diminue ses coûts de production, le plus souvent par une organisation à plus grande échelle, quatre possibilités s'offrent à elle:

La politique européenne compte sur le grand marché européen pour accroître la taille des entreprises européennes. Les grandes entreprises réalisent des économies d'échelles. Elles réduisent le coût par unité produite en répartissant les coûts fixes sur un plus grand nombre de produits. La baisse des prix permet d'atteindre de nouveaux segments de clientèle. La forte production locale sert de base pour la conquête des marchés d'exportation.

Cette politique de croissance des entreprises européennes n'est pas "défavorable" au consommateur. Elle n'est pas non plus "tournée vers" la satisfaction du consommateur. Elle est une politique visant à relever le "défi américain". La baisse du prix de vente est une réduction de la valeur d'échange. Elle ne concerne pas la valeur d'usage des marchandises. Elle ne dit rien de l'utilité pour les consommateurs. Car l'utilité est relative à l'objectif d'un projet. Elle ne dit rien de la "satisfaction" des consommateurs.

Une politique tournée vers la satisfaction des consommateurs ne doit pas négliger les contraintes de productivité du travail, de compétitivité de l'appareil productif et de rentabilité des capitaux. Elle ne se résume pas, pour autant, à la baisse des prix à la consommation, marchandise par marchandise.

La satisfaction du consommateur est globale. La valeur d'usage d'une automobile dépend de la performance de chacune de ses pièces, mais aussi de la disposition des places de parking dans les villes, des stations services dans les campagnes, de la qualité des routes et de la fréquence des embouteillages. La satisfaction des consommateurs dépend des industriels qui produisent chaque marchandise. Elle dépend aussi de la capacité de la nation à produire un mode de vie à la fois dynamique et harmonieux. Ce mode de vie ne serait qu'illusion provisoire s'il n'était tourné vers la productivité globale de la nation et ne participait à un développement durable de la planète. En outre, la satisfaction du consommateur n'implique pas son chômage.

3. Satisfaire le consommateur implique de lui parler.

Nous sommes définitivement sorti de la période des Trente Glorieuses (1945-1975) pendant laquelle la croissance économique fut presque continue. A cette époque, les besoins des consommateurs ne posaient pas de problème. Ils étaient suffisamment évidents.

Cette période de croissance a culminé dans ce que Jean Baudrillard a nommé "La Société de Consommation". Elle a produit, dans les entreprises, ce que John K. Galbraith appelait la technostructure pour caractériser "Le Nouvel État Industriel". Cette technostructure faisait appel à "La Persuasion Clandestine" (Vance Packard). Plus radical, le philosophe Herbert Marcuse définissait l'habitant de cette société comme un "Homme unidimensionnel" (1964).

A cette époque, la différenciation des produits était plus factice que réelle. Il s'agissait surtout de vendre la même fonctionnalité sous des formes et à des prix différents, en fonction du revenu discrétionnaire de chaque segment de clientèle. Mais la caractéristique principale de ces segments était justement le revenu et lui seul. En plus du produit, le marketing vendait de l'image et de la distinction sociale. La différence de prix était un prétexte à une différenciation sociale purement abstraite. Un "must". En bon linguiste, Jean Baudrillard rapprochait cela de l'arbitraire du signe, dans son livre "Pour une critique de l'Economie Politique du Signe". C'était l'époque où l'on annonçait volontiers la disparition du travail et la "Civilisation des Loisirs".

En fait de loisirs, nous constatons, avec Philippe Séguin des salariés et employeurs débordés qui ont tout sauf du temps et des chômeurs dont le temps, absorbé par la recherche angoissée d'un emploi, n'est pas vraiment un loisir. C'est que nous sommes passés d'un besoin de différence à une différence des besoins.

4. Le discours de la publicité

Nous disions que satisfaire le consommateur implique de lui parler. On nous rétorquera que le marketing et la publicité ne font que cela depuis de nombreuses années. C'est que la parole peut être un monologue sans écoute ni réponse.

Curieusement la publicité utilise une technologie push (revues, radio, télévision) qui propulse des messages à destination du consommateur. Un tel discours, trop bavard, n'est jamais un discours technique sur le produit et son usage. Il s'agit surtout de véhiculer une image autour du produit (le bonheur familial) dans laquelle l'effort n'a aucune place. Le discours parle surtout à l'inconscient du consommateur qui lui accorde une attention distraite. Il est souvent à la limite des images subliminaires.

Dans un tel discours, maternant, toujours bienveillant, les contraintes de temps et d'espace sont généralement abolies. Nous sommes dans l'imaginaire. Le discours s'adresse à un consommateur ébahi par tant de miracles et de sollicitude.

5. Le dialogue sur l'usage

Un discours sur l'usage est beaucoup plus difficile à émettre. Il requiert plutôt une technologie pull (point d'accueil, minitel, internet) qui met la documentation à la disposition d'un lecteur motivé et volontaire. La rédaction est pratique et beaucoup plus technique. Un tel phénomène se développe dans la grande distribution (informatique, bricolage) là où l'utilisateur est beaucoup plus producteur de son cadre de vie que consommateur d'images et de symboles.

Dans ce dialogue technique, plus proche du monde de la production mais différent de celui du labeur morcelé, les contraintes de temps et d'espace sont évoquées. Il est question de méthode, de conseils, de tour de main. Nous sommes dans le réel. Le dialogue se déroule avec un consommateur partenaire qui ne demande qu'à suggérer des améliorations autant qu'il accepte volontiers les conseils d'usage.

6. Modes de vie.

Les pays du Nord ont atteint un niveau de développement et de complexité qui pousse à la différenciation des besoins et des modes de vie. Non pas dans le loisir, mais dans le travail. Nos métiers sont différents. Nos lieux de travail sont différents. Nos rythmes et styles de vie changent selon les métiers et les régions.

Les producteurs doivent faire face à une demande diversifiée. Cela change complètement les conditions de la production de masse. Le passage aux petites séries ne permet pourtant pas d'augmenter les coûts et les prix. C'est dans un contexte concurrentiel difficile qu'il faut Concevoir le Produit et l'Usage. Le fait est nouveau et le consommateur n'est pas préparé à définir ses besoins. Car un besoin ne prend son sens que dans un projet personnel ou collectif. C'est tout un apprentissage de l'autonomie qui est requis.

Définir un besoin, dans le cadre d'un projet, c'est inventer un mode de vie. Cela s'applique aux machines pour le monde du travail. Cela s'applique à la consommation finale pour le monde domestique.

Il ne s'agit pas seulement de la particularité du mode de vie national qui détermine la productivité globale de la nation. Nous l'avons expliqué dans les articles en référence. Il s'agit des différences socio-professionnelles entre les modes de travail et les styles de vie qu'ils induisent.

Une première différence, que nous espérons provisoire car nous ne croyons pas à sa fatalité, sépare le mode de vie des gens qui travaillent et celui des chômeurs.

Une seconde distinction, croissante, durable, est celle entre la population active et les retraités dont le nombre et l'espérance de vie augmentent régulièrement.

Une troisième distinction, que la crise de l'emploi salarié ne peut que développer, est celle qui sépare les salariés et ceux qui seront leur propre employeur. Fait curieux, le phénomène etait si peu courant en France que les mots qui nous viennent sont étranger (freelance) ou ancien (profession libérale) et inadapté. Nous pensons que l'entreprise individuelle et l'indépendance salariée sont appelées à se développer considérablement en réponse, non pas à la disparition du travail, mais à la crise du salariat.

Une dernière distinction, qui rejoindra parfois la précédente, est celle qui sépare les travailleurs réunis au bureau ou à l'usine pour une production collective et ceux dont l'activité nécessite une élaboration plus personnelle et peut se faire à distance. Nous parlons du télétravail.

Chacun de ces mode de vie, basé sur un certain rapport au travail, se traduira par des besoins différents. Le télétravail est certainement celui qui modifiera le plus les rythmes de vie, la relation à la famille et la définition de l'habitat. Le remplacement du cycle "dodo-boulot-métro" par un mode de vie plus complexe et plus autonome est le plus significatif de notre avenir proche. Il nous semble que les télétravailleurs seront les premiers à constituer un segment de clientèle auquel s'attacheront les spécialistes du marketing. D'ailleurs, le vocable SoHo désigne déjà le "Small Office/Home Office", c'est-à-dire la très petite entreprise.

En conclusion.

Non, la satisfaction du consommateur ne mène pas au chômage. Ce qui nous a menés au chômage est le développement de la technostructure qui se proposait de gaver un consommateur considéré comme un pouvoir d'achat infini. C'est l'illusion d'une croissance de la production qui ne trouverait pas de limite dans la capacité d'assimilation des techniques nouvelles. C'est la focalisation sur la production matérielle. C'est la minoration des problèmes de traitement de l'information. C'est la confusion de la productivité matérielle avec la productivité globale. C'est l'oubli des contraintes cognitives. C'est le report de l'inflation sur les pays sous-développés. C'est la guerre économique. C'est la confiance dans des marchés aveugles.

Pour relancer la productivité globale il faut dégager des profits et les investir dans les secteurs de la connaissance. Nous devons constater que le mode de vie des consommateurs se différencie. Il se caractérise par la manière dont ils actualisent leurs compétences.

Tout ce qui sera gagné sur le temps de travail immédiat ne sera pas disponible pour des loisirs. La vie de famille ne se déroule pas dans un autre univers que la journée de travail. La productivité locale de l'entreprise consiste à produire plus en moins de temps. Mais ce temps n'est jamais définitivement gagné pour le loisir. La société d'abondance est la sociétés primitive où l'on travaille deux heures par jour pour produire le double de ses besoins. Le temps que dégage la productivité locale est absorbé par le recyclage et la mise à jour permanente des connaissances. La société d'apprentissage a plus d'avenir que la civilisation des loisirs.

La quantité de connaissances, à commencer par la micro-informatique, que nous avons du absorber, utiliser, oublier et renouveller depuis que l'on nous annonçait la "Civilisation des Loisirs" en est une parfaite illustration. Le lecteur sait qu'il pourrait, chaque jour, lire 100 fois plus d'informations. S'il en avait le loisir...

H. Houdoy

le 5 Mars 1997

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Faut-il attendre l'emploi?

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Causes du Chômage, Le chômage d'ajustement

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Mode de vie

Mode de Vie et Chômage

Productivité

Vers la Fin du Travail?

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Glossaire Alphabétique du RAD

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Mise à jour: 16/07/2003