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17.
Critiques à Keynes
Ce document fait
appel à des concepts exposés dans d’autres textes. Tout
d’abord les pages consacrées à la théorie classique du chômage et à
la loi des débouchés . Ensuite, les textes
relatifs à la théorie keynésienne
du chômage. Enfin les pages dédiées au mode de vie et au chômage. D’autres
préambules sont directement cités dans l’introduction.
Plan
Introduction
1. Statut de
la loi des débouchés
2. Lavoisier, Say et Carnot
3. Le retour de l’événement
4. Une
production risquée
5. Quesnay, Smith et Ricardo
6. Le
produit net
Conclusion
Introduction
Nous savons l’importance
donnée par Keynes aux anticipations. Elles sont des
virtualités, qui n’existent que dans les têtes des
acteurs. La propension à consommer,
l’efficacité marginale attribuée au capital et la
préférence pour la liquidité sont des paramètres
psycho-sociologiques fondamentaux. Ce ne sont pas des paramètres
physiques. Il n’y a pas de théorie
substantialiste de la valeur qui tienne. L’équivalence
générale de la monnaie, et, partant, des marchandises, est de
nature symbolique. Elle se déroule dans les esprits, quand des
règles ou des tabous ne l’empêchent pas. Elle ne se confond
pas avec l’ équivalence des formes
d’énergie . En conséquence, aucune logique de
conservation de la somme ne lie ces paramètres entre
eux. Il en irait autrement s’ils étaient des formes (avatars) de
l’ énergie. Faute de ce principe de
conservation, il n’y a pas de déterminisme
mathématique des agrégats, mais des
réseaux de circulation de la monnaie qui se referment plus ou moins
rapidement. Parfois des contagions, des emballements, des cercles vicieux ou
vertueux, bouclent les anticipations, provoquant l’expansion ou la
récession des affaires.
Pour dépasser Keynes, nous
abandonnons le postulat de l’égalité du revenu et de la
valeur de la production. Cette hypothèse est simplificatrice,
caricaturale, mystificatrice. Elle n’est pas nécessaire.
D’autant que la production et l’
appropriation ne forment pas une séquence
nécessaire ni harmonieuse. Des choses non-produites sont
appropriées pendant que des choses produites restent invendues. Dire
que les deux se compensent est une hypothèse ad hoc .
Elle permet de poser l’égalité du revenu et de la
production. Elle ne facilite pas la compréhension de la
réalité.
La production et l’appropriation ne
forment pas un continuum linéaire ni un cercle tranquille. Ce sont deux
logiques, très différentes, qui
s’interpénètrent grâce à l’
équivalence générale de la monnaie .
Elles ne peuvent s’inscrire dans une représentation unitaire et
simpliste. Nous avons montré que les déterminations diachroniques des
coûts de production n’ont aucune raison
particulière d’égaler systématiquement les
déterminations synchroniques de l’
utilité d’appropriation ou, inversement, du
pouvoir d’achat de la monnaie .
L’inflation et le chômage sont dus à des rigidités. Mais la flexibilité
des salaires est difficile à maintenir quand nul ne sait
à quoi s’ajuster. Il faudrait s’adapter à une
productivité arlésienne, que l’on invoque sans la voir. En
effet, l’économie politique classique n’a pas réussi
à fonder le concept de productivité. Il est implicitement dans
les axiomes de base de la théorie. L’égalité du
salaire et de la productivité du travail est, avec
l’équilibre, une donnée du cadre
sémantique de la théorie classique.
La
véritable productivité ne relève pas de
la valeur d’échange . Connaître la
productivité globale relève d’une écologie
politique, à créer sur le concept de valeur
d’usage . Au mieux, chômage et
inflation sont-ils des indices de
l’insuffisance de la productivité globale. Par contre, la
pratique récente de la conception simultanée du produit, du process et de l’usage est un
moyen d’accroître la valeur d’usage. Grâce aux
partenariats, des amorces de réseaux de percolation
assurent la distribution du produit net dans
l’économie et dans la société. La
productivité, toujours relative à un projet, se manifeste
à qui explore le champ des possibles.
Nous avons esquissé une analyse plus concrète du
multiplicateur d’investissement et une théorie des industries motrices. Rappelons
qu’en introduisant la psychologie des entrepreneurs, Keynes a dépassé
l’économisme. En dissociant, mentalement, la production et
l’appropriation, nous pouvons dépasser la théorie
keynésienne. Leur dissociation réelle est l’affaire de
tous.
Enfin, nous avons vu que la nouvelle école
classique conteste la sacro-sainte égalité du salaire et de la désutilité du travail.
Alors, si le roi n’est plus royaliste, il est temps de contester
d’autres égalités postulées par un
modèle de l’équilibre qui est aussi un
modèle unique .
1. Statut de la loi
des débouchés
Du fait de la contradiction
entre synchronie et diachronie de la valeur,
l’égalité n’est pas nécessaire entre
l’offre et la demande. Elle est aussi fortuite que le plein emploi. Mais on peut s’en approcher par
des partenariats.
Contrairement à
l’illusion classique, aucune force ne peut assurer automatiquement cette
égalité. La longue histoire des coûts de
production , parmi lesquels les salaires ne sont
déterminés par aucune productivité
marginale, n’a aucune raison d’aboutir à une valeur qui
coïncide avec une utilité d’appropriation
subjective et instantanée. Le mythe de la rémunération
des facteurs à leur productivité marginale est une
hypothèse ad hoc . Il est le vain espoir
d’assimiler la production et l’appropriation dans un cycle
harmonieux. Le vain espoir, aussi, de modéliser l’action sans les
acteurs. Toute rémunération comporte une part de hasard, une
part de pouvoir, une part de négociation, une part de domination et une
part de séduction.
Loin de s’équilibrer en
permanence, la détermination diachronique des
coûts de production affrontera perpétuellement la
détermination synchronique des utilités
d’appropriation. La loi des débouchés n’est pas le
garant de l’existence d’une main invisible. Elle n’assure
pas l’harmonisation automatique des intérêts individuels.
Elle ne nous met pas à l’abri des crises de surproduction. La loi
des débouchés est une fiction. Mais cette fiction n’est
pas inutile.
2. Lavoisier (1743-1794), Say (1762-1832)
et Carnot (1796-1832)
Nous voudrions pourtant voler au
secours de Jean Baptiste Say. Car nous le considérons comme le
Lavoisier de la science économique.
Chacun sait que la
science physique est basée sur le postulat de la conservation de
l’énergie. Le principe d’ équivalence des
formes d’énergie est à la base de la pratique
mathématique de la conservation de la somme dans la
formulation des transformations énergétiques.
L’équivalence de la chaleur et du travail est le premier principe
de la thermodynamique. “Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se
transforme (Lavoisier)”.
Cette hypothèse ne veut
pas dire que les physiciens savent mesurer la somme énergétique
de l’Univers. Ils se contentent de la postuler. En cosmologie, la
théorie standard a même un gigantesque
déficit de matière invisible et inexpliquée. Or le second
principe de la thermodynamique (Principe de Carnot) relativise le premier en
disant que si tout travail peut se transformer en chaleur, toute la chaleur ne
peut pas se transformer en travail. Pourtant, les travaux de
Carnot et le principe d’ entropie
n’ont pas remis en cause le principe ou discours
fondateur attribué à Lavoisier. C’est que le
principe de Lavoisier et le principe de Carnot ne se situent pas au même
niveau:
De la même
manière, la loi des débouchés pose un
principe de développement économique. Selon ce
principe, l’offre devrait pouvoir créer sa propre demande par les
revenus qu’elle distribue aux facteurs de la production
(théorie de la valeur ). Une hypothèse de
réversibilité autorise une conservation de la
somme : somme des revenus distribués (mais est-ce la valeur de
la production?) égale somme des revenus dépensés (pouvoir
d’achat de la monnaie). C’est ce que nous avons appelé la
fiction méthodologique de la valeur.
Restent à définir les conditions pratiques et
sociales de ce débouché. Nous en sommes loin. Quand le
modèle théorique est trop réducteur, les contraintes
logiques au sein du discours n’ont pas beaucoup d’effet sur la
réalité. Comme le montre l’histoire
des marchés, le débouché n’est pas automatique
et n’a rien de providentiel. Encore faudrait-il que la monnaie des
revenus ne serve qu’à la reproduction des conditions de la
production. Ce qui est plus exceptionnel que spontané.
La
théorie keynésienne pose un second principe. C’est un
principe concret d’irréversibilité. Si tout investissement
d’un entrepreneur crée un revenu monétaire pour un agent,
tout revenu monétaire ne crée pas un profit pour
l’entrepreneur (théorie des prix ). Il y faut,
simplement, des conditions particulières de percolation des revenus
dans le réseau des échanges monétaires. D’où
le risque et l’ incertitude. Les marchés
risqués ne connaissent pas l’automaticité de la
reproduction des investissements. Et la compétition par les
économies d’échelle n’arrange pas les choses. Mais
rien n’interdit de s’en approcher par la coopération.
Ainsi, la loi des débouchés, comme théorie
de la valeur, fournit un cadre sémantique pour étudier un
système productif fictif. On ne peut utiliser ses
hypothèses simplificatrices pour prouver l’impossibilité
des crises de surproduction. Chacun peut les constater. Mais la loi des
débouchés suffit à contester toute théorie de la
crise chronique. Il n’y a pas d’insuffisance nécessaire de
la demande (Malthus, Proudhon). Autrement dit, les conditions
nécessaires à la reproduction ne sont pas des conditions
suffisantes. Et réciproquement. Il faut rechercher théoriquement
et construire concrètement ces conditions. Il faut établir une
percolation des revenus favorable à
l’investissement et à l’emploi. Or, cela ne peut pas se
faire en chambre, à la place de chacun des agents économiques.
Mais on peut expliquer à nos concitoyens que la dictature des
marchés n’est pas une fatalité. Elle n’est jamais
que la conséquence de nos millions de micro-décisions.
Inversement, le principe de conservation de
l’énergie , le “rien ne se perd, rien ne se
crée”, ne nous protège pas de l’incendie, de la
famine ou de la mort. Il n’empêche pas, non plus,
l’accroissement démographique. Il ne permet pas de produire des
machines n’importe comment. L’énergie ne se perd pas.
C’est à nous de la rendre utile: propre à notre usage.
Pour lui donner une valeur d’usage, nous devons la canaliser d’une
certaine manière. En fonction de nos buts. Et toute canalisation a un
coût. Lavoisier a stimulé l’imagination de nombreux
inventeurs. Avec l’impossibilité du mouvement perpétuel,
Carnot n’a pas tari les mécanismes de l’invention. Il a
orienté les recherches dans la bonne direction.
De
même, la loi des débouchés ne nous
autorise pas à nous confier à l’aveuglement d’une
main invisible . Elle ne justifie aucun déterminisme
économique. Au contraire, elle affirme notre responsabilité.
Elle pose la nécessité de notre coopération inventive.
Espérons que l’impossibilité du mouvement
perpétuel en économie renforcera les mécanismes
de la production matérielle. Gageons qu’elle
stimulera les mécanismes de la connaissance.
Efforçons-nous de montrer l’illusion des mécanismes de
l’ appropriation monétaire.
3. Le retour de l’événement
La loi des débouchés montre que la crise
n’est pas une question de principes mais de pratiques et de
circonstances. Comme le principe de Lavoisier, la théorie de la valeur
pose les bases d’un discours scientifique. Elle est un discours
fondateur . Elle n’est pas un discours de
vérité .
La théorie de la
valeur s’écarte des fausses évidences, des
représentations trop concrètes, qui feraient tourner le soleil
autour de la terre, ou rendraient les crises inéluctables. Elle
opère par abstraction. Elle définit un
vocabulaire. Elle construit un nouveau cadre
sémantique . Elle invente un monde imaginaire où les
marchandises produiraient des marchandises (Sraffa) et les revenus
reproduiraient les conditions de ce mécanisme. Elle donne les moyens de
penser notre responsabilité collective.
La
théorie des prix réintroduit les hommes dans
leur liberté et leur responsabilité
personnelles. Elle situe les événements dans
leur irréversibilité. Elle rétablit les
décisions, les actions et
les acteurs. C’est ainsi que Keynes a montré que
le sous-emploi est une question d’ anticipations
négatives de la part des entrepreneurs.
On nous permettra
de rappeler que le débat avait déja opposé Proudhon et
Marx. C’est le principe de la loi de la valeur . Dans
“Philosophie de la Misère”, Proudhon rattachait le profit
aux théories de la sous-consommation. Dans “Misère de la
Philosophie” Marx répond que les marchandises se
vendent “à leur valeur”. C’est dans ce cadre
sémantique qu’il s’efforce de construire sa théorie
de l’ exploitation.
C’est
l’usage que l’on fait de la loi des débouchés qui
est abusif. La loi des débouchés est licite dans la
théorie de la valeur. Elle est illicite dans la théorie des
prix. Une théorie qui montre qu’un système d’achat
et de vente pourrait fonctionner, n’est pas pour autant capable de
démontrer que les crises sont impossibles. Il en va de même dans
tous les domaines. Les concepts d’équilibre et de santé
sont à manier avec prudence. Aucun discours sur la santé ne
prouvera l’impossibilité de la maladie.
4. Une production risquée
Ainsi donc, pour Keynes, l’ emploi ne se
fixe pas sur un marché du travail . L’emploi
dépend de la décision de produire des entrepreneurs (offre
globale) en fonction de leur désir d’action et de l’
idée qu’ils se font de la demande globale.
Chez Keynes, ce ne sont plus les marchandises qui produisent
automatiquement des marchandises en vertu d’une loi de
reproduction automatique de la société . L’emploi
est fixé par de multiples décisions. Ces décisions
s’enchaînent dans un réseau de percolation où
circule la monnaie. Certaines zones peuvent ne pas être
irriguées. D’où le chômage. D’autres peuvent
connaître des inondations. D’où l’inflation. Dans un
monde chaotique, l’emploi résulte de multiples
bifurcations. Personne ne crée, ni ne décide,
l’emploi global. Pas même le Premier Ministre. Mais des millions
de décisions créent, ou ne créent pas, des percolations
qui aboutissent à des emplois ponctuels. Le volume d’emploi
global est fonction de la production globale permise par les
décisions d’investir. Certes, au niveau des
agrégats, il est défini par
l’égalité de l’offre globale et de la demande
globale. Mais cette égalisation, purement imaginaire, se passe dans la
tête de chacun des entrepreneurs. La réalisation,
l’actualisation, ne sont pas jouées d’avance.
Les risques et les dangers principaux sont les suivants:
Nous appellerons marchés
spéculatifs les marchés dont l’activité
consiste à acheter et vendre des biens ou des titres qui n’ont
pas été produits dans la période et qui ne seront pas
investis dans la production, mais dans l’espoir de profiter d’une
augmentation attendue de leur prix (bourse, marché monétaire,
immobilier, etc). Cette augmentation des prix est, en partie, causée
par l’existence même de ces marchés (anticipation de la
hausse). Cette dernière circonstance n’empêche pas des
baisses temporaires (prises de bénéfices) ou des chutes
catastrophiques (crash boursier). Mais chacun espère se tirer à
temps de la situation, en vendant ses valeurs avant les autres (quelques
secondes suffisent).
Les termes de travail improductif et de
marché spéculatif, comme d’ailleurs celui de
productivité ou de produit net, sont très difficiles à
utiliser. Ils n’ont pas de sens absolu. Ils sont relatifs à un
projet coopératif. Or, à ce jour, le libéralisme fait
confiance à la main invisible pour harmoniser les intérêts
individuels. De son coté, la planification intégrale (URSS)
masquait mal la volonté de puissance qui la motivait. Travail
productif, productivité et produit net n’ont de sens, relatif,
que dans des réseaux de partenariats.
Keynes a bien
montré comment la consommation n’est pas au rendez-vous de la
production. Mais il ne s’est pas donné les moyens de comprendre
la productivité, ni l’articulation entre les risques ci-dessus.
Ainsi Keynes n’explique-t-il pas le moteur de la croissance.
Comme la loi des débouchés de Say, le
multiplicateur d’investissement de Keynes n’est
qu’une limite optimale. Il n’est pas une garantie. Or, la
production ne peut se réduire à une décision
d’investir. Il faut savoir quoi, comment et pour qui produire.
D’où la forme, très concrète mais nullement
automatique, du réseau de percolation . Les revenus
distribués par les entreprises reviennent aux entrepreneurs par des
canaux d’irrigation dont la topologie détaillée
(connexe) est aussi importante que le débit global
(agrégats). Une mathématisation pertinente des
débits suppose une détermination concomitante de la forme. A
masse d’eau constante, une myriade de petits ruisseaux irrigue plus
qu’une grande rivière. Imaginez une météorologie
qui, pour simplifier, situerait invariablement la ligne de front sur le 45
ème parallèle, à égale distance des pôles et
de l’équateur.
5. Quesnay (1694-1774),
Smith (1723-1790) et Ricardo (1772-1823)
Un autre
auteur mal compris, est François Quesnay. Un autre concept mal
utilisé, est le produit net. Les Physiocrates voulaient moderniser la
production agricole française. Pour cela, il fallait changer les représentations de la noblesse. La Cour de
Versailles n’était pas favorable au développement des
campagnes. L’obsession des biens de luxe (Colbertisme)
était au détriment de la reproduction des biens de
subsistance . Les Physiocrates connaissaient l’exemple de l’Angleterre. Adam Smith a
rencontré Quesnay, au cours d’un voyage en France, avant de
publier ses “Recherches sur la nature et les causes de la Richesse des
nations”. Mais, tandis que les idées libérales
triomphaient en Angleterre (enclosures), en France, la réaction
nobiliaire a stoppé la transformation des nobles en
propriétaires fonciers. Cet échec politique de Quesnay
s’est doublé d’un rejet théorique par
l’Economie Politique de Ricardo.
Pourtant, il importe de
reconnaître théoriquement et de développer
concrètement un produit net . Cette idée
n’est pas de pure idéologie. Elle peut servir à autre
chose qu’à justifier une aristocratie oisive
(otium). La justification du profit par une
épargne n’est pas plus réaliste que la
justification de la rente par des avances
faites à la terre. En refusant le concept de produit
net , les classiques se privent d’un concept utile.
D’autant qu’ils introduisent, subrepticement, celui de
productivité.
Inversement, le concept de
productivité individuelle, fiction mathématique, que reprendront
les marginalistes, est beaucoup trop dépendant des
hypothèses de la concurrence pure et parfaite. Cette
productivité, imaginaire, n’existe que dans les mots du
modèle de la répartition . Elle fait partie de
son cadre sémantique . Elle est donc cohérente.
Mais elle n’est pas pertinente.
La productivité
réelle n’existe que dans les réseaux concrets d’une
production finalisée. Avant de mesurer une productivité, il faut
avoir le souci d’une reproduction. C’est le souci de la
reproduction qui stimule les partenariats, définit la valeur
d’usage, favorise la percolation et guide les décisions
d’investir. Pour le théoricien, la productivité est une
référence abstraite. Il l’invoque comme la
réalité ou la masse de l’Univers. Elle
est à la fois objective (réelle) et subjective (virtuelle). Une
forme de réalité virtuelle.
De
nos jours, il faut admettre que la productivité globale est purement
fortuite. Elle est le fruit du hasard. Dans un monde de guerres et de
domination, un développement
économique s’est manifesté. Nous n’en avons pas
dégagé toutes les caractéristiques théoriques. Il
n’est pas devenu la motivation profonde de tout un chacun. Si les crises
de surproduction sont la manifestation d’un produit net inutilisable
(tonnes de choux-fleurs invendus), la mévente est bien la manifestation
de l’absence d’intention chez les consommateurs. La durée
de vie d’un produit net fortuit varie selon qu’il s’agit
d’agrumes ou de beurre d’intervention dans la CEE. Le but de la
concertation économique et sociale est d’aboutir à un
produit net délibéré.
6. Le produit net
Posons que la
productivité globale du système productif
(économie de don, économie marchande ou économie
capitaliste) dégage un produit net sur la
période. Sur le plan des agrégats, le produit net peut
être positif, négatif ou nul.
6. 1. Produit
net positif
Si le produit net est positif, nous sommes
dans un jeu à somme positive . Cela ne veut pas dire
que chacun gagne, mais que certains se trouvent détenteurs d’un
profit extra (surplus du producteur) ou d’un
revenu discrétionnaire (surplus du consommateur). La
suite dépendra de l’usage qui sera fait de ces nouveaux revenus.
Il nous faut donc quitter le monde des agrégats pour rentrer dans le
détail des réseaux de percolation. Limitons-nous à deux
exemples caricaturaux:
Les situations réelles courantes sont toujours un
mélange de ces deux exemples caricaturaux. A chaque étape, pour
chaque individu, un revenu fait l’objet d’une décision
d’affectation. C’est chaque micro-décision
qui renforce une logique de production et d’inclusion
ou contribue à une logique d' appropriation et
d’exclusion. En imagination, la transitivité du
réseau monétaire permet toutes les combinatoires de
comportements. Concrètement, les décisions de chacun subissent
une certaine contagion de son entourage. On voit bien la richesse et la
pauvreté se développer par proximité, comme dans le jeu
de la vie (Conway). C’est pourquoi les sommes (agrégats) et les
moyennes (que celui qui a déjà rencontré le
français moyen m’envoie un e-mail !) ne sont pas très
significatives en la matière. Ce qui importe, c’est de savoir
dans quel réseau de percolation nous agissons.
6.
2. Produit net nul
Si le produit net est nul, nous ne
le savons peut-être pas, mais nous sommes dans un jeu à
somme nulle . Ce qui est gagné par les uns est perdu par les
autres. C’est le cadre de pensée le plus
fréquent des auteurs. Les classiques, Keynes et surtout Marx se
focalisent sur la répartition entre les salariés et les
entrepreneurs. La constance du salaire nominal peut recouvrir
toutes sortes de situations. Il y aura baisse du salaire
réel en cas de hausse des prix des biens de consommation.
Cette hausse des prix des biens de consommation peut inciter les entrepreneurs
du secteur à investir. D’où des vagues
d’investissements exerçant leurs effets multiplicateurs. Mais on
voit bien que ce qui importe, c’est de savoir exactement où
s’effectue cette percolation des revenus. Sinon, une casuistique
rigoureuse se perd dans l’ explosion combinatoire des
micro-décisions. Seul un acte de foi peut poser que,
en moyenne, les décisions se compensent. C’est la
définition même de la moyenne. Mais cela est,
sémantiquement parlant , une
tautologie au sein du discours. Cela n’apporte aucune
information concrète et pertinente aux acteurs des réseaux.
6. 3. Produit net négatif
Si le produit net est négatif, nous sommes dans un
jeu à somme négative . La nouvelle
capacité de consommation et de production est inférieure
à celle de la période précédente. La
pénurie provoque les enchères. La logique d’appropriation
est dominante. Les revenus de la période vont exercer une
surenchère sur des produits et services dont le nombre a
diminué. La valeur qui s’instaure sur les marchés est
déterminée par une utilité
d’appropriation spéculative, totalement
instantanée. Comme dans toute contagion de panique, les
déterminations diachroniques des coûts de productions sont
gravement contredites. Réseau physique et
réseau monétaire ne sont plus isomorphes. La
détermination synchronique de l’utilité
d’appropriation est simultanément celle du pouvoir d’achat
de la monnaie. C’est dans ce contexte sans mémoire que se
développent aussi bien l’ inflation que le
chômage. Mais ils gangrènent des
réseaux de percolation différents (inondation,
tarissement).
Là encore, il faut voir les choses de près, sans
compter sur les moyennes.
Un discours réaliste sur la
productivité suppose la prise en compte du produit net. Elle requiert
donc une analyse fine des réseaux de percolation où se
déroulent tant l’appropriation qui accroît
l’incertitude en cherchant à s’en protéger que la
production qui tente de la réduire en l’affrontant par
proximité.
Conclusion
L’optimisme
classique est basé sur un usage illicite de la loi des
débouchés. “Les produits s’achètent toujours
au moyen de produits ou de services; la monnaie n’est que le moyen par
lequel s’effectue l’échange. Puisqu’un accroissement
de la production est toujours accompagné d’un accroissement
correspondant du pouvoir d’achat et de consommation, il n’est pas
possible qu’il y ait surproduction (Ricardo, Principes de
l’Economie Politique)”. Cet argument est spécieux en ce
qu’il mélange théorie de la valeur et théorie des
prix, structures et conjoncture, production et
répartition, technologie et éthique.
Finalement, il escamote les deux problèmes et produit un discours
déterministe, l’ économisme.
Mais la critique, faite par Keynes, à la loi des
débouchés reste au milieu du gué. Il ne remet pas en
cause l’hypothèse simplificatrice de
l’égalité du revenu et de la valeur de la production. Elle
supporte son hypothèse de l’égalité
nécessaire entre l’épargne et l’investissement. Ce
faisant, il revient à une théorie substantialiste de la valeur.
Or, ce cadre sémantique n’est pas compatible avec l’emploi
qu’il fait de paramètres psycho-sociologiques. Keynes ne voit pas
que le système productif qui lui sert de référent est
purement fictif.
Il nous faut donc étudier la production et l’appropriation pour mieux
comprendre la relation entre l’épargne et l’investissement.
Cela nous permettra d’approfondir les concepts d’inclusion et
d’exclusion qui définissent les relations entre les
marchés et la société qui les englobe.
Auteur
Créé le 2 Juin 1997
Modifié le 14 Février 1998.
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à Keynes”
Précédents
6. Bref résumé de la théorie de
l’emploi
7. Les
paramètres fondamentaux
8. Le
principe de la demande effective
9.
L’égalité de l’épargne et de
l’investissement
11. Le
multiplicateur d’investissement
14. La préférence pour la
liquidité
15. La théorie
générale de l’emploi
16. Conclusion sur la théorie keynésienne du
chômage
Suite
Références bibliographiques
J. M. Keynes , “Théorie
Générale de l’Emploi, de l’Intérêt, et
de la Monnaie”, Payot, Paris, 1966
Nicolas L. S.
Carnot , “Réflexions sur la puissance motrice du feu et
des machines propres à développer cette puissance”, Paris,
1824.
D’autres références sont citées
dans:
Bibliographie sur les
Théories Économiques
Compléments
A la
recherche des Déterminations Économiques de la Valeur
Théorie keynésienne du
chômage
Flexibilité, Inflation
et Chômage
Définitions
Les termes
en gras sont définis dans le glossaire
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