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17. Critiques à Keynes




Ce document fait appel à des concepts exposés dans d’autres textes. Tout d’abord les pages consacrées à la théorie classique du chômage et à la loi des débouchés . Ensuite, les textes relatifs à la théorie keynésienne du chômage. Enfin les pages dédiées au mode de vie et au chômage. D’autres préambules sont directement cités dans l’introduction.





* Plan


Introduction

1. Statut de la loi des débouchés

2. Lavoisier, Say et Carnot

3. Le retour de l’événement

4. Une production risquée

5. Quesnay, Smith et Ricardo

6. Le produit net

Conclusion





* Introduction


Nous savons l’importance donnée par Keynes aux anticipations. Elles sont des virtualités, qui n’existent que dans les têtes des acteurs. La propension à consommer, l’efficacité marginale attribuée au capital et la préférence pour la liquidité sont des paramètres psycho-sociologiques fondamentaux. Ce ne sont pas des paramètres physiques. Il n’y a pas de théorie substantialiste de la valeur qui tienne. L’équivalence générale de la monnaie, et, partant, des marchandises, est de nature symbolique. Elle se déroule dans les esprits, quand des règles ou des tabous ne l’empêchent pas. Elle ne se confond pas avec l’ équivalence des formes d’énergie . En conséquence, aucune logique de conservation de la somme ne lie ces paramètres entre eux. Il en irait autrement s’ils étaient des formes (avatars) de l’ énergie. Faute de ce principe de conservation, il n’y a pas de déterminisme mathématique des agrégats, mais des réseaux de circulation de la monnaie qui se referment plus ou moins rapidement. Parfois des contagions, des emballements, des cercles vicieux ou vertueux, bouclent les anticipations, provoquant l’expansion ou la récession des affaires.


Pour dépasser Keynes, nous abandonnons le postulat de l’égalité du revenu et de la valeur de la production. Cette hypothèse est simplificatrice, caricaturale, mystificatrice. Elle n’est pas nécessaire. D’autant que la production et l’ appropriation ne forment pas une séquence nécessaire ni harmonieuse. Des choses non-produites sont appropriées pendant que des choses produites restent invendues. Dire que les deux se compensent est une hypothèse ad hoc . Elle permet de poser l’égalité du revenu et de la production. Elle ne facilite pas la compréhension de la réalité.


La production et l’appropriation ne forment pas un continuum linéaire ni un cercle tranquille. Ce sont deux logiques, très différentes, qui s’interpénètrent grâce à l’ équivalence générale de la monnaie . Elles ne peuvent s’inscrire dans une représentation unitaire et simpliste. Nous avons montré que les déterminations diachroniques des coûts de production n’ont aucune raison particulière d’égaler systématiquement les déterminations synchroniques de l’ utilité d’appropriation ou, inversement, du pouvoir d’achat de la monnaie .


L’inflation et le chômage sont dus à des rigidités. Mais la flexibilité des salaires est difficile à maintenir quand nul ne sait à quoi s’ajuster. Il faudrait s’adapter à une productivité arlésienne, que l’on invoque sans la voir. En effet, l’économie politique classique n’a pas réussi à fonder le concept de productivité. Il est implicitement dans les axiomes de base de la théorie. L’égalité du salaire et de la productivité du travail est, avec l’équilibre, une donnée du cadre sémantique de la théorie classique.


La véritable productivité ne relève pas de la valeur d’échange . Connaître la productivité globale relève d’une écologie politique, à créer sur le concept de valeur d’usage . Au mieux, chômage et inflation sont-ils des indices de l’insuffisance de la productivité globale. Par contre, la pratique récente de la conception simultanée du produit, du process et de l’usage est un moyen d’accroître la valeur d’usage. Grâce aux partenariats, des amorces de réseaux de percolation assurent la distribution du produit net dans l’économie et dans la société. La productivité, toujours relative à un projet, se manifeste à qui explore le champ des possibles.


Nous avons esquissé une analyse plus concrète du multiplicateur d’investissement et une théorie des industries motrices. Rappelons qu’en introduisant la psychologie des entrepreneurs, Keynes a dépassé l’économisme. En dissociant, mentalement, la production et l’appropriation, nous pouvons dépasser la théorie keynésienne. Leur dissociation réelle est l’affaire de tous.


Enfin, nous avons vu que la nouvelle école classique conteste la sacro-sainte égalité du salaire et de la désutilité du travail. Alors, si le roi n’est plus royaliste, il est temps de contester d’autres égalités postulées par un modèle de l’équilibre qui est aussi un modèle unique .





* 1. Statut de la loi des débouchés


Du fait de la contradiction entre synchronie et diachronie de la valeur, l’égalité n’est pas nécessaire entre l’offre et la demande. Elle est aussi fortuite que le plein emploi. Mais on peut s’en approcher par des partenariats.


Contrairement à l’illusion classique, aucune force ne peut assurer automatiquement cette égalité. La longue histoire des coûts de production , parmi lesquels les salaires ne sont déterminés par aucune productivité marginale, n’a aucune raison d’aboutir à une valeur qui coïncide avec une utilité d’appropriation subjective et instantanée. Le mythe de la rémunération des facteurs à leur productivité marginale est une hypothèse ad hoc . Il est le vain espoir d’assimiler la production et l’appropriation dans un cycle harmonieux. Le vain espoir, aussi, de modéliser l’action sans les acteurs. Toute rémunération comporte une part de hasard, une part de pouvoir, une part de négociation, une part de domination et une part de séduction.


Loin de s’équilibrer en permanence, la détermination diachronique des coûts de production affrontera perpétuellement la détermination synchronique des utilités d’appropriation. La loi des débouchés n’est pas le garant de l’existence d’une main invisible. Elle n’assure pas l’harmonisation automatique des intérêts individuels. Elle ne nous met pas à l’abri des crises de surproduction. La loi des débouchés est une fiction. Mais cette fiction n’est pas inutile.





* 2. Lavoisier (1743-1794), Say (1762-1832) et Carnot (1796-1832)


Nous voudrions pourtant voler au secours de Jean Baptiste Say. Car nous le considérons comme le Lavoisier de la science économique.


Chacun sait que la science physique est basée sur le postulat de la conservation de l’énergie. Le principe d’ équivalence des formes d’énergie est à la base de la pratique mathématique de la conservation de la somme dans la formulation des transformations énergétiques. L’équivalence de la chaleur et du travail est le premier principe de la thermodynamique. “Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme (Lavoisier)”.


Cette hypothèse ne veut pas dire que les physiciens savent mesurer la somme énergétique de l’Univers. Ils se contentent de la postuler. En cosmologie, la théorie standard a même un gigantesque déficit de matière invisible et inexpliquée. Or le second principe de la thermodynamique (Principe de Carnot) relativise le premier en disant que si tout travail peut se transformer en chaleur, toute la chaleur ne peut pas se transformer en travail. Pourtant, les travaux de Carnot et le principe d’ entropie n’ont pas remis en cause le principe ou discours fondateur attribué à Lavoisier. C’est que le principe de Lavoisier et le principe de Carnot ne se situent pas au même niveau:


De la même manière, la loi des débouchés pose un principe de développement économique. Selon ce principe, l’offre devrait pouvoir créer sa propre demande par les revenus qu’elle distribue aux facteurs de la production (théorie de la valeur ). Une hypothèse de réversibilité autorise une conservation de la somme : somme des revenus distribués (mais est-ce la valeur de la production?) égale somme des revenus dépensés (pouvoir d’achat de la monnaie). C’est ce que nous avons appelé la fiction méthodologique de la valeur.


Restent à définir les conditions pratiques et sociales de ce débouché. Nous en sommes loin. Quand le modèle théorique est trop réducteur, les contraintes logiques au sein du discours n’ont pas beaucoup d’effet sur la réalité. Comme le montre l’histoire des marchés, le débouché n’est pas automatique et n’a rien de providentiel. Encore faudrait-il que la monnaie des revenus ne serve qu’à la reproduction des conditions de la production. Ce qui est plus exceptionnel que spontané.


La théorie keynésienne pose un second principe. C’est un principe concret d’irréversibilité. Si tout investissement d’un entrepreneur crée un revenu monétaire pour un agent, tout revenu monétaire ne crée pas un profit pour l’entrepreneur (théorie des prix ). Il y faut, simplement, des conditions particulières de percolation des revenus dans le réseau des échanges monétaires. D’où le risque et l’ incertitude. Les marchés risqués ne connaissent pas l’automaticité de la reproduction des investissements. Et la compétition par les économies d’échelle n’arrange pas les choses. Mais rien n’interdit de s’en approcher par la coopération.


Ainsi, la loi des débouchés, comme théorie de la valeur, fournit un cadre sémantique pour étudier un système productif fictif. On ne peut utiliser ses hypothèses simplificatrices pour prouver l’impossibilité des crises de surproduction. Chacun peut les constater. Mais la loi des débouchés suffit à contester toute théorie de la crise chronique. Il n’y a pas d’insuffisance nécessaire de la demande (Malthus, Proudhon). Autrement dit, les conditions nécessaires à la reproduction ne sont pas des conditions suffisantes. Et réciproquement. Il faut rechercher théoriquement et construire concrètement ces conditions. Il faut établir une percolation des revenus favorable à l’investissement et à l’emploi. Or, cela ne peut pas se faire en chambre, à la place de chacun des agents économiques. Mais on peut expliquer à nos concitoyens que la dictature des marchés n’est pas une fatalité. Elle n’est jamais que la conséquence de nos millions de micro-décisions.


Inversement, le principe de conservation de l’énergie , le “rien ne se perd, rien ne se crée”, ne nous protège pas de l’incendie, de la famine ou de la mort. Il n’empêche pas, non plus, l’accroissement démographique. Il ne permet pas de produire des machines n’importe comment. L’énergie ne se perd pas. C’est à nous de la rendre utile: propre à notre usage. Pour lui donner une valeur d’usage, nous devons la canaliser d’une certaine manière. En fonction de nos buts. Et toute canalisation a un coût. Lavoisier a stimulé l’imagination de nombreux inventeurs. Avec l’impossibilité du mouvement perpétuel, Carnot n’a pas tari les mécanismes de l’invention. Il a orienté les recherches dans la bonne direction.


De même, la loi des débouchés ne nous autorise pas à nous confier à l’aveuglement d’une main invisible . Elle ne justifie aucun déterminisme économique. Au contraire, elle affirme notre responsabilité. Elle pose la nécessité de notre coopération inventive. Espérons que l’impossibilité du mouvement perpétuel en économie renforcera les mécanismes de la production matérielle. Gageons qu’elle stimulera les mécanismes de la connaissance. Efforçons-nous de montrer l’illusion des mécanismes de l’ appropriation monétaire.





* 3. Le retour de l’événement


La loi des débouchés montre que la crise n’est pas une question de principes mais de pratiques et de circonstances. Comme le principe de Lavoisier, la théorie de la valeur pose les bases d’un discours scientifique. Elle est un discours fondateur . Elle n’est pas un discours de vérité .


La théorie de la valeur s’écarte des fausses évidences, des représentations trop concrètes, qui feraient tourner le soleil autour de la terre, ou rendraient les crises inéluctables. Elle opère par abstraction. Elle définit un vocabulaire. Elle construit un nouveau cadre sémantique . Elle invente un monde imaginaire où les marchandises produiraient des marchandises (Sraffa) et les revenus reproduiraient les conditions de ce mécanisme. Elle donne les moyens de penser notre responsabilité collective.


La théorie des prix réintroduit les hommes dans leur liberté et leur responsabilité personnelles. Elle situe les événements dans leur irréversibilité. Elle rétablit les décisions, les actions et les acteurs. C’est ainsi que Keynes a montré que le sous-emploi est une question d’ anticipations négatives de la part des entrepreneurs.


On nous permettra de rappeler que le débat avait déja opposé Proudhon et Marx. C’est le principe de la loi de la valeur . Dans “Philosophie de la Misère”, Proudhon rattachait le profit aux théories de la sous-consommation. Dans “Misère de la Philosophie” Marx répond que les marchandises se vendent “à leur valeur”. C’est dans ce cadre sémantique qu’il s’efforce de construire sa théorie de l’ exploitation.


C’est l’usage que l’on fait de la loi des débouchés qui est abusif. La loi des débouchés est licite dans la théorie de la valeur. Elle est illicite dans la théorie des prix. Une théorie qui montre qu’un système d’achat et de vente pourrait fonctionner, n’est pas pour autant capable de démontrer que les crises sont impossibles. Il en va de même dans tous les domaines. Les concepts d’équilibre et de santé sont à manier avec prudence. Aucun discours sur la santé ne prouvera l’impossibilité de la maladie.





* 4. Une production risquée


Ainsi donc, pour Keynes, l’ emploi ne se fixe pas sur un marché du travail . L’emploi dépend de la décision de produire des entrepreneurs (offre globale) en fonction de leur désir d’action et de l’ idée qu’ils se font de la demande globale.


Chez Keynes, ce ne sont plus les marchandises qui produisent automatiquement des marchandises en vertu d’une loi de reproduction automatique de la société . L’emploi est fixé par de multiples décisions. Ces décisions s’enchaînent dans un réseau de percolation où circule la monnaie. Certaines zones peuvent ne pas être irriguées. D’où le chômage. D’autres peuvent connaître des inondations. D’où l’inflation. Dans un monde chaotique, l’emploi résulte de multiples bifurcations. Personne ne crée, ni ne décide, l’emploi global. Pas même le Premier Ministre. Mais des millions de décisions créent, ou ne créent pas, des percolations qui aboutissent à des emplois ponctuels. Le volume d’emploi global est fonction de la production globale permise par les décisions d’investir. Certes, au niveau des agrégats, il est défini par l’égalité de l’offre globale et de la demande globale. Mais cette égalisation, purement imaginaire, se passe dans la tête de chacun des entrepreneurs. La réalisation, l’actualisation, ne sont pas jouées d’avance.


Les risques et les dangers principaux sont les suivants:


Nous appellerons marchés spéculatifs les marchés dont l’activité consiste à acheter et vendre des biens ou des titres qui n’ont pas été produits dans la période et qui ne seront pas investis dans la production, mais dans l’espoir de profiter d’une augmentation attendue de leur prix (bourse, marché monétaire, immobilier, etc). Cette augmentation des prix est, en partie, causée par l’existence même de ces marchés (anticipation de la hausse). Cette dernière circonstance n’empêche pas des baisses temporaires (prises de bénéfices) ou des chutes catastrophiques (crash boursier). Mais chacun espère se tirer à temps de la situation, en vendant ses valeurs avant les autres (quelques secondes suffisent).


Les termes de travail improductif et de marché spéculatif, comme d’ailleurs celui de productivité ou de produit net, sont très difficiles à utiliser. Ils n’ont pas de sens absolu. Ils sont relatifs à un projet coopératif. Or, à ce jour, le libéralisme fait confiance à la main invisible pour harmoniser les intérêts individuels. De son coté, la planification intégrale (URSS) masquait mal la volonté de puissance qui la motivait. Travail productif, productivité et produit net n’ont de sens, relatif, que dans des réseaux de partenariats.


Keynes a bien montré comment la consommation n’est pas au rendez-vous de la production. Mais il ne s’est pas donné les moyens de comprendre la productivité, ni l’articulation entre les risques ci-dessus. Ainsi Keynes n’explique-t-il pas le moteur de la croissance.


Comme la loi des débouchés de Say, le multiplicateur d’investissement de Keynes n’est qu’une limite optimale. Il n’est pas une garantie. Or, la production ne peut se réduire à une décision d’investir. Il faut savoir quoi, comment et pour qui produire. D’où la forme, très concrète mais nullement automatique, du réseau de percolation . Les revenus distribués par les entreprises reviennent aux entrepreneurs par des canaux d’irrigation dont la topologie détaillée (connexe) est aussi importante que le débit global (agrégats). Une mathématisation pertinente des débits suppose une détermination concomitante de la forme. A masse d’eau constante, une myriade de petits ruisseaux irrigue plus qu’une grande rivière. Imaginez une météorologie qui, pour simplifier, situerait invariablement la ligne de front sur le 45 ème parallèle, à égale distance des pôles et de l’équateur.





* 5. Quesnay (1694-1774), Smith (1723-1790) et Ricardo (1772-1823)


Un autre auteur mal compris, est François Quesnay. Un autre concept mal utilisé, est le produit net. Les Physiocrates voulaient moderniser la production agricole française. Pour cela, il fallait changer les représentations de la noblesse. La Cour de Versailles n’était pas favorable au développement des campagnes. L’obsession des biens de luxe (Colbertisme) était au détriment de la reproduction des biens de subsistance . Les Physiocrates connaissaient l’exemple de l’Angleterre. Adam Smith a rencontré Quesnay, au cours d’un voyage en France, avant de publier ses “Recherches sur la nature et les causes de la Richesse des nations”. Mais, tandis que les idées libérales triomphaient en Angleterre (enclosures), en France, la réaction nobiliaire a stoppé la transformation des nobles en propriétaires fonciers. Cet échec politique de Quesnay s’est doublé d’un rejet théorique par l’Economie Politique de Ricardo.


Pourtant, il importe de reconnaître théoriquement et de développer concrètement un produit net . Cette idée n’est pas de pure idéologie. Elle peut servir à autre chose qu’à justifier une aristocratie oisive (otium). La justification du profit par une épargne n’est pas plus réaliste que la justification de la rente par des avances faites à la terre. En refusant le concept de produit net , les classiques se privent d’un concept utile. D’autant qu’ils introduisent, subrepticement, celui de productivité.


Inversement, le concept de productivité individuelle, fiction mathématique, que reprendront les marginalistes, est beaucoup trop dépendant des hypothèses de la concurrence pure et parfaite. Cette productivité, imaginaire, n’existe que dans les mots du modèle de la répartition . Elle fait partie de son cadre sémantique . Elle est donc cohérente. Mais elle n’est pas pertinente.


La productivité réelle n’existe que dans les réseaux concrets d’une production finalisée. Avant de mesurer une productivité, il faut avoir le souci d’une reproduction. C’est le souci de la reproduction qui stimule les partenariats, définit la valeur d’usage, favorise la percolation et guide les décisions d’investir. Pour le théoricien, la productivité est une référence abstraite. Il l’invoque comme la réalité ou la masse de l’Univers. Elle est à la fois objective (réelle) et subjective (virtuelle). Une forme de réalité virtuelle.




De nos jours, il faut admettre que la productivité globale est purement fortuite. Elle est le fruit du hasard. Dans un monde de guerres et de domination, un développement économique s’est manifesté. Nous n’en avons pas dégagé toutes les caractéristiques théoriques. Il n’est pas devenu la motivation profonde de tout un chacun. Si les crises de surproduction sont la manifestation d’un produit net inutilisable (tonnes de choux-fleurs invendus), la mévente est bien la manifestation de l’absence d’intention chez les consommateurs. La durée de vie d’un produit net fortuit varie selon qu’il s’agit d’agrumes ou de beurre d’intervention dans la CEE. Le but de la concertation économique et sociale est d’aboutir à un produit net délibéré.




* 6. Le produit net


Posons que la productivité globale du système productif (économie de don, économie marchande ou économie capitaliste) dégage un produit net sur la période. Sur le plan des agrégats, le produit net peut être positif, négatif ou nul.


6. 1. Produit net positif


Si le produit net est positif, nous sommes dans un jeu à somme positive . Cela ne veut pas dire que chacun gagne, mais que certains se trouvent détenteurs d’un profit extra (surplus du producteur) ou d’un revenu discrétionnaire (surplus du consommateur). La suite dépendra de l’usage qui sera fait de ces nouveaux revenus. Il nous faut donc quitter le monde des agrégats pour rentrer dans le détail des réseaux de percolation. Limitons-nous à deux exemples caricaturaux:




Les situations réelles courantes sont toujours un mélange de ces deux exemples caricaturaux. A chaque étape, pour chaque individu, un revenu fait l’objet d’une décision d’affectation. C’est chaque micro-décision qui renforce une logique de production et d’inclusion ou contribue à une logique d' appropriation et d’exclusion. En imagination, la transitivité du réseau monétaire permet toutes les combinatoires de comportements. Concrètement, les décisions de chacun subissent une certaine contagion de son entourage. On voit bien la richesse et la pauvreté se développer par proximité, comme dans le jeu de la vie (Conway). C’est pourquoi les sommes (agrégats) et les moyennes (que celui qui a déjà rencontré le français moyen m’envoie un e-mail !) ne sont pas très significatives en la matière. Ce qui importe, c’est de savoir dans quel réseau de percolation nous agissons.


6. 2. Produit net nul


Si le produit net est nul, nous ne le savons peut-être pas, mais nous sommes dans un jeu à somme nulle . Ce qui est gagné par les uns est perdu par les autres. C’est le cadre de pensée le plus fréquent des auteurs. Les classiques, Keynes et surtout Marx se focalisent sur la répartition entre les salariés et les entrepreneurs. La constance du salaire nominal peut recouvrir toutes sortes de situations. Il y aura baisse du salaire réel en cas de hausse des prix des biens de consommation. Cette hausse des prix des biens de consommation peut inciter les entrepreneurs du secteur à investir. D’où des vagues d’investissements exerçant leurs effets multiplicateurs. Mais on voit bien que ce qui importe, c’est de savoir exactement où s’effectue cette percolation des revenus. Sinon, une casuistique rigoureuse se perd dans l’ explosion combinatoire des micro-décisions. Seul un acte de foi peut poser que, en moyenne, les décisions se compensent. C’est la définition même de la moyenne. Mais cela est, sémantiquement parlant , une tautologie au sein du discours. Cela n’apporte aucune information concrète et pertinente aux acteurs des réseaux.


6. 3. Produit net négatif


Si le produit net est négatif, nous sommes dans un jeu à somme négative . La nouvelle capacité de consommation et de production est inférieure à celle de la période précédente. La pénurie provoque les enchères. La logique d’appropriation est dominante. Les revenus de la période vont exercer une surenchère sur des produits et services dont le nombre a diminué. La valeur qui s’instaure sur les marchés est déterminée par une utilité d’appropriation spéculative, totalement instantanée. Comme dans toute contagion de panique, les déterminations diachroniques des coûts de productions sont gravement contredites. Réseau physique et réseau monétaire ne sont plus isomorphes. La détermination synchronique de l’utilité d’appropriation est simultanément celle du pouvoir d’achat de la monnaie. C’est dans ce contexte sans mémoire que se développent aussi bien l’ inflation que le chômage. Mais ils gangrènent des réseaux de percolation différents (inondation, tarissement).

Là encore, il faut voir les choses de près, sans compter sur les moyennes.


Un discours réaliste sur la productivité suppose la prise en compte du produit net. Elle requiert donc une analyse fine des réseaux de percolation où se déroulent tant l’appropriation qui accroît l’incertitude en cherchant à s’en protéger que la production qui tente de la réduire en l’affrontant par proximité.




* Conclusion


L’optimisme classique est basé sur un usage illicite de la loi des débouchés. “Les produits s’achètent toujours au moyen de produits ou de services; la monnaie n’est que le moyen par lequel s’effectue l’échange. Puisqu’un accroissement de la production est toujours accompagné d’un accroissement correspondant du pouvoir d’achat et de consommation, il n’est pas possible qu’il y ait surproduction (Ricardo, Principes de l’Economie Politique)”. Cet argument est spécieux en ce qu’il mélange théorie de la valeur et théorie des prix, structures et conjoncture, production et répartition, technologie et éthique. Finalement, il escamote les deux problèmes et produit un discours déterministe, l’ économisme.


Mais la critique, faite par Keynes, à la loi des débouchés reste au milieu du gué. Il ne remet pas en cause l’hypothèse simplificatrice de l’égalité du revenu et de la valeur de la production. Elle supporte son hypothèse de l’égalité nécessaire entre l’épargne et l’investissement. Ce faisant, il revient à une théorie substantialiste de la valeur. Or, ce cadre sémantique n’est pas compatible avec l’emploi qu’il fait de paramètres psycho-sociologiques. Keynes ne voit pas que le système productif qui lui sert de référent est purement fictif.


Il nous faut donc étudier la production et l’appropriation pour mieux comprendre la relation entre l’épargne et l’investissement. Cela nous permettra d’approfondir les concepts d’inclusion et d’exclusion qui définissent les relations entre les marchés et la société qui les englobe.





* Auteur


Hubert Houdoy



Créé le 2 Juin 1997

Modifié le 14 Février 1998.





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* Précédents


1. Originalité de Keynes

2. Le chômage classique

3. Les postulats classiques


4. La loi des débouchés

5. Le chômage involontaire

6. Bref résumé de la théorie de l’emploi


7. Les paramètres fondamentaux

8. Le principe de la demande effective

9. L’égalité de l’épargne et de l’investissement


10. La propension à consommer

11. Le multiplicateur d’investissement

12. L’incitation à investir


13. Le taux de l’intérêt

14. La préférence pour la liquidité

15. La théorie générale de l’emploi


16. Conclusion sur la théorie keynésienne du chômage




* Suite


Production et Appropriation





* Références bibliographiques


J. M. Keynes , “Théorie Générale de l’Emploi, de l’Intérêt, et de la Monnaie”, Payot, Paris, 1966


Nicolas L. S. Carnot , “Réflexions sur la puissance motrice du feu et des machines propres à développer cette puissance”, Paris, 1824.


D’autres références sont citées dans:


Bibliographie sur les Théories Économiques





* Compléments


A la recherche des Déterminations Économiques de la Valeur

Statut de la valeur et de la plus value dans le cadre d'une articulation entre économie et psychanalyse

Causes du chômage

Division du Travail


MAUSS. Économie de don

Projet de recherche

Théorie classique du chômage


Théorie keynésienne du chômage

Flexibilité, Inflation et Chômage

Mode de Vie et Chômage


Syndicats et Chômage

Vers la fin du travail?





* Définitions


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Mise à jour: 16/07/2003