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15. La théorie générale de l'emploi


Parvenu au chapitre 18 d'un ouvrage qui en comporte 23, Keynes est en mesure "d'assembler les fils" de son raisonnement. Et c'est là que nous mettrons fin à ce retour au texte, qui ne vise pas toute son oeuvre, mais sa théorie du chômage.

Chaque question pratique à explorer implique une représentation adéquate de la réalité. Une seule modélisation ne peut prendre en compte toutes les questions pertinentes. Quelles sont les données du problème pour étudier l'emploi?

"Nous prenons comme données la capacité et la quantité actuelles des forces de travail dont on dispose, le volume et la qualité actuels de l'équipement qu'on possède, la technique existante, le degré de la concurrence, les goûts et les habitudes des consommateurs, la désutilité des divers volumes de travail et celle des activités de contrôle et d'organisation. Nous prenons aussi comme données la structure sociale en tant qu'elle comprend les forces, autres que les variables énumérées ci-dessous, qui gouvernent la répartition du revenu national (Keynes, p. 262)".

Les variables indépendantes sont les paramètres psycho-sociologiques qui caractérisent chaque nation économique.

"Nos variables indépendantes sont, en première analyse, la propension à consommer, la courbe de l'efficacité marginale et le taux de l'intérêt (Keynes, p. 262)".

En résultent l'emploi et le revenu.

"Nos variables dépendantes sont le volume de l'emploi et le revenu national (ou dividende national) mesuré en unités de salaires (Keynes, p. 262)".

Bien que les variables retenues pour la question de l'emploi ne soient pas les plus élémentaires, elles sont suffisantes pour l'analyse.

"Nous pouvons donc, en de nombreux cas, considérer comme variables indépendantes élémentaires: 1. les trois facteurs psychologiques fondamentaux: la propension psychologique à consommer, l'attitude psychologique touchant la liquidité, et l'estimation psychologique du rendement futur des capitaux;

2. l'unité de salaire telle qu'elle est déterminée par les conventions conclues entre les employeurs et les employés;

3. la quantité de monnaie telle qu'elle est déterminée par l'action de la Banque Centrale (Keynes, p. 264)".

Nous laissons la parole à Keynes pour un résumé, dense, de sa théorie de l'emploi.

"Il existe une force qui pousse à accroître le flux de l'investissement nouveau jusqu'à ce que la hausse du prix d'offre de chaque type de capital soit suffisante, eu égard à son rendement escompté, pour faire tomber l'efficacité marginale du capital en général au voisinage du taux de l'intérêt. Cela signifie que les conditions physiques de l'offre dans les industries qui produisent les biens de capital, l'état de la prévision à long terme, l'attitude psychologique touchant la liquidité, et la quantité de monnaie (calculée de préférence en unités de salaire) déterminent conjointement le flux d'investissement nouveau.

Mais une augmentation (ou une diminution) du flux d'investissement s'accompagne nécessairement d'une augmentation (ou d'une diminution) du flux de consommation, car l'état d'esprit du public est en général tel qu'il ne consent à élargir (ou à rétrécir) l'écart entre son revenu et sa consommation que si son revenu est lui-même accru (ou diminué). Cela signifie que les variations du flux de consommation sont, en général, de même sens, (mais de grandeur moindre) que les variations du flux de revenu. La relation entre un accroissement donné de la consommation et l'accroissement de l'épargne auquel il est associé est définie par la propension marginale à consommer. Le rapport, ainsi déterminé, entre un accroissement de l'investissement et l'accroissement correspondant du revenu global, mesurés tous deux en unités de salaires, est donné par le multiplicateur d'investissement.

Enfin, si nous supposons (en première approximation) que le multiplicateur d'emploi est égal au multiplicateur d'investissement, nous pouvons, en appliquant le multiplicateur à l'augmentation (ou la diminution) que les facteurs précédemment indiqués déterminent dans le flux d'investissement, en déduire l'augmentation ou la diminution de l'emploi.

Or une augmentation (ou une diminution) de l'emploi est de nature à élever (ou abaisser) la courbe de la préférence pour la liquidité; il existe trois raisons pour qu'une telle augmentation accroisse la demande de monnaie; d'abord parce que la valeur de la production croît quand l'emploi augmente, même si l'unité de salaire et les prix (exprimés en unités de salaire) ne changent pas, ensuite parce que l'unité de salaire elle-même tend à monter lorsque l'emploi augmente, enfin parce que l'augmentation du volume de la production s'accompagne d'une hausse des prix (exprimés en unités de salaires) due à l'accroissement des coûts pendant la courte période.

La situation d'équilibre sera donc affectée par ces répercussions; et par d'autres aussi. Au demeurant, il n'est pas un seul des facteurs précédents qui ne soit sujet à varier, parfois dans une large mesure, sans qu'on en soit bien prévenu. De là l'extrême complexité du cours réel des événements (Keynes, p. 266)".

Cette analyse marque une nette rupture avec le modèle classique de l'équilibre. Celui-ci était supposé automatique. Or les tendances équilibrantes semblent faire défaut. De plus il avait la particularité merveilleuse de se situer au niveau du plein emploi. Chez Keynes, il y a bien, non formulée, la croyance en une loi de reproduction automatique de la société. Mais celle-ci ne se fait pas au niveau du plein emploi.

"A la vérité, ce système paraît apte à rester pendant un temps considérable dans un état d'activité chroniquement inférieur à la normale, sans qu'il y ait de tendance marquée à la reprise ou à l'effondrement complet. En outre il apparaît clairement que le plein emploi ou même une situation voisine du plein emploi est rare autant qu'éphémère (Keynes, p. 266)".

Nous sommes donc loin de cet équilibre (Walras) doublé d'un optimum social (Pareto).

Puisque Keynes rompt avec la naïveté néo-classique, se pose la question inverse. Si tout n'est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, d'où vient que l'enfer ne soit pas permanent?

"D'après l'analyse antérieure, les conditions de stabilité propres à expliquer les résultats observés sont les suivantes:

1. Lorsque dans une communauté donnée la production augmente (ou diminue) parce qu'on augmente (ou diminue) l'emploi dans les industries d'investissement, la propension marginale à consommer doit être telle que le multiplicateur unissant les deux augmentations (ou les deux diminutions) soit supérieur à l'unité, mais non très élevé (Keynes, p. 267)".

Ce qui, aux yeux de Keynes semble être un fait de nature.

"2. Les variations modérées du rendement escompté du capital ou du taux de l'intérêt ne doivent pas être associées à des variations très considérables du flux d'investissement (Keynes, p. 267)".

Il est vrai que la course poursuite de l'investissement (profit) et du placement (intérêt) empêche l'écart de se creuser.

"3. Lorsque le volume de l'emploi varie, les salaires nominaux doivent varier dans le même sens, mais sans qu'il y ait une grande disproportion entre les deux variations (Keynes, p. 267)".

Et de fait, si les chômeurs faisaient baisser le salaire nominal, comme le voudraient les classiques, la baisse des prix serait beaucoup plus forte. Elle provoquerait une spirale dépressive beaucoup plus violente.

"4. Un flux d'investissement supérieur (ou inférieur) à celui qui existait précédemment doit commencer à provoquer dans l'efficacité marginale du capital des réactions défavorables (ou favorables) dès qu'il se prolonge au delà d'un laps de temps qui, mesuré en années, n'est pas très considérable (Keynes, p. 268)".

Ce qui explique que les phases spéculatives et dépressives finissent par se retourner. Car ce n'est pas tout de comprendre les mécanismes cumulatifs à la hausse ou à la baisse. Il faut expliquer les retournements de tendance. Ce sera l'objet de la théorie du cycle. La durée de vie des équipements contribue à cette régularité temporelle.

La position keynésienne est aussi éloignée de la vision candide des classiques que des visions catastrophiques de Malthus ou de Marx.

"Ces quatre conditions prises conjointement suffisent à expliquer les traits marquants de l'économie que nous connaissons, c'est-à-dire le fait que, sans que les fluctuations de l'emploi et des prix prennent une ampleur extrême, elle oscille autour d'une situation intermédiaire sensiblement inférieure au plein emploi et sensiblement supérieure à l'emploi minimum au-dessous duquel l'existence serait compromise (Keynes, p. 271)".

Comme nous l'avions remarqué, Keynes n'abandonne pas le modèle de l'équilibre. Pour lui, un prix d'équilibre est un prix moyen. Mais il en fait un usage plus cohérent. Les fluctuations de l'emploi se font tantôt au-dessus, tantôt au-dessous de cette situation moyenne. C'est une tautologie rassurante. Le point de vue classique est beaucoup plus paradoxal, puisque l'équilibre et donc la situation moyenne, est celui du plein-emploi. Ce qui les amène à supposer que l'on puisse être tantôt au-dessous (cas fréquent) tantôt au-dessus du plein emploi (contradiction dans les termes). Comme nous le constations, Keynes se refuse à laver plus blanc que blanc. Cela rend sa théorie du cycle beaucoup plus crédible. Et dans la mesure où les cycles économiques ont pour origine des anticipations sur l'avenir, rien ne doit nous pousser à la résignation. Au contraire. Nous pouvons remettre en cause nos représentations. A commencer par celle des fluctuations autour d'une moyenne.

"La libre prédominance des conditions qui précèdent est un fait d'observation caractéristique du monde tel qu'il est et a été, mais non un principe nécessaire qu'il ne serait pas en notre pouvoir de modifier (Keynes, p. 271)".

C'est en quoi Keynes ne naturalise pas le monde qu'il décrit. Contrairement aux classiques pessimistes qui en déduisaient une théorie naturelle de la répartition, une morale de l'épargne et une philosophie du sacrifice, l'analyse keynésienne rejoint l'optimisme de Voltaire. "Un jour tout sera bien, voilà notre espérance. Aujourd'hui tout est bien, voilà l'illusion".

Il nous reste à conclure, apporter nos remarques personnelles et montrer la possibilité de dépasser la critique keynésienne.

Hubert Houdoy

Créé le 2 Mai 1997

Modifié le 10 Novembre 1997.


* Précédents

1. Originalité de Keynes

2. Le chômage classique

3. Les postulats classiques

4. La loi des débouchés

5. Le chômage involontaire

6. Bref résumé de la théorie de l'emploi

7. Les paramètres fondamentaux

8. Le principe de la demande effective

9. L'égalité de l'épargne et de l'investissement

10. La propension à consommer

11. Le multiplicateur d'investissement

12. L'incitation à investir

13. Le taux de l'intérêt

14. La préférence pour la liquidité


* Suite

Conclusion sur la théorie keynésienne du chômage


* Définitions

Les termes en gras sont définis dans le glossaire alphabétique du RAD.


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Mise à jour: 16/07/2003