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11. Le multiplicateur d'investissement
"En des circonstances données, un rapport défini, qui sera appelé Multiplicateur, peut être établi entre le revenu et l'investissement et, sous le bénéfice de certaines simplifications, entre l'emploi total et l'emploi directement affecté à l'investissement (que nous appellerons l'emploi primaire). Cette nouvelle étape est une partie intégrante de notre théorie de l'emploi car, la propension à consommer étant donnée, elle établit un rapport précis entre le flux d'investissement et les volumes globaux de l'emploi et du revenu (Keynes, p. 130)".
Nous savons que l'emploi ne peut s'accroître que dans la mesure où les entrepreneurs anticipent une augmentation de la consommation. Mais nous savons que sans investissement risqué de leur part, la consommation induite sera toujours insuffisante, puisqu'une partie du revenu ne sera pas consommée. En courte période, en quoi la création d'emploi par les entrepreneurs sera-t-elle récompensée par une augmentation de la demande?
"Les fluctuations du revenu réel examinées dans cet ouvrage sont celles qui ont pour cause l'application de quantités différentes d'emploi (c'est-à-dire d'unités de travail) à un équipement en capital donné; ainsi le revenu réel augmente et diminue en même temps que le nombre d'unités de travail employées (Keynes, p. 131)".
Dans quelle mesure le revenu additionnel créé par les entrepreneurs leur reviendra-t-il comme demande de consommation additionnelle? C'est tout le mystère de la propension marginale à consommer.
"Nous prendrons donc dCs/dRs comme définition de la propension marginale à consommer. Cette quantité est d'une importance considérable, parce qu'elle nous indique comment le prochain accroissement de production se partagera entre la consommation et l'investissement. Car [Delta]Rs = [Delta]Cs + [Delta]Is, où [Delta]Cs et [Delta]Is sont les accroissements de la consommation et de l'investissement; par suite, on peut écrire [Delta]Rs = k[Delta]Is, où 1-1/k représente la propension marginale à consommer.
Nous appelerons k le multiplicateur d'investissement. Il nous indique que, lorsque qu'un accroissement de l'investissement global se produit, le revenu augmente d'un montant égal à k fois l'accroissement de l'investissement (Keynes, p. 132)".
L'investissement des entrepreneurs doit se situer entre le pessimisme de la sous-consommation et l'emballement des périodes spéculatives. En quoi les caractéristiques culturelles d'une nation peuvent-elles donner une idée de son rythme de croissance? C'est l'apport du multiplicateur keynésien. Dans la mesure où les entrepreneur font le pari de l'investissement, quel retour peuvent-ils attendre de leurs consommateurs?
"Un accroissement de l'investissement mesuré en unités de salaire ne peut se produire sans que le public consente à accroître ses épargnes mesurées en unités de salaires. En règle générale, le public n'y consentira que si son revenu global mesuré en unités de salaire croît. Son effort pour consommer une partie de ses revenus supplémentaires stimulera la production jusqu'à ce que le nouveau montant et la nouvelle répartition des revenus laissent une marge d'épargne assez grande pour balancer l'accroissement de l'investissement. Le multiplicateur indique de combien il faut que l'emploi du public augmente pour produire un accroissement de revenu qui suffise à lui faire consentir le surcroit d'épargne nécessaire et ce coefficient est fonction de ses tendances psychologiques. L'épargne étant la pilule et la consommation la confiture, il faut que le supplément de confiture soit proportionné à la dimension de la pilule additionnelle. Si les tendances psychologiques du public sont bien celles que nous supposons, nous avons établi ici la loi qu'un accroissement de l'emploi consacré à l'investissement stimule nécessairement les industries travaillant pour la consommation et détermine un accroissement total de l'emploi qui est un multiple de l'emploi primaire requis par l'investissement lui-même (Keynes, p. 135)".
Le multiplicateur n'est pas une baguette magique. La formalisation mathématique de la Théorie Générale, suivie d'un oubli du texte fondateur a multiplié les apprentis sorciers.
Pourquoi les entrepreneurs continueraient-ils leurs investissement si la demande additionnelle se portait sur d'autres produits que les leurs? Le multiplicateur n'est pas un moteur, il est une limite mathématique un peu simpliste. Le moteur est la confiance que donne une hausse de la demande faisant suite à chaque hausse de l'investissement.
Ne croyons pas que Ford aurait pratiqué sa politique des hauts salaires (fordisme) si ses salariés avaient pu passer leurs loisirs chez Disney ou sur des planches à voile au lieu de rouler dans leur Ford T noire.
L'emploi est productif d'emploi (travaux productifs) si le revenu distribué n'est pas consommé ailleurs que chez ceux qui font le pari de la croissance. Cela suppose un réseau de percolation. Il faut un recyclage des revenus vers ceux qui les distribuent. Les formulations mathématiques des propensions sont trompeuses pour qui les manie sans une connaissance fine des concepts. Les chiffres ne valent que par les concepts qu'ils mesurent avec pertinence. Les affectations que les individus et les institutions font de leurs revenus doivent permettre une percolation des revenus distribués. Les revenus doivent refluer des entreprises qui les versent jusqu'aux entrepreneurs qui prennent le risque initial.
Des observations fines des comportement de consommation sont très utiles. L'Etat peut intervenir pour completer le réseau lorsqu'il manque des canaux d'irrigation. C'est le cas, de nos jours, avec les emplois de proximité.
Les conditions de fonctionnement du multiplicateur keynésien ne se reduisent pas à la valeur (1-1/k) de la propension marginale à consommer. Il faut donc que la nation, éventuellement avec l'aide de l'Etat, construise un réseau de percolation de ses revenus. C'est justement ce réseau qui manque aux pays sous-développés. Cette absence de percolation est caractéristique du dualisme. La construction du réseau de percolation relève plus de la valeur d'usage que de la valeur d'échange. Car il faut une complémentarité des activités économiques. Celle qui facilite à la fois l'irrigation monétaire, les retombées technologiques et la percolation de la confiance. Mais c'est un fait que, dans la Théorie Générale, Keynes n'a pas beaucoup développé les conditions de validité du multiplicateur.
Par contre, Keynes a bien montré que l'effet magique s'arrête au mur du plein emploi.
"Lorsque le plein emploi est réalisé, si on cherche à accroître encore l'investissement, les prix nominaux tendent à monter sans limite, quelle que soit la propension marginale à consommer; on est parvenu, en d'autres termes, à un état d'inflation véritable. Jusque là la hausse des prix s'accompagne d'un accroissement du revenu réel global (Keynes, p. 136)".
De même, Keynes avait prévenu ceux qui utiliseraient sa théorie dans le sens des plans de relance par des travaux publics.
"Si on veut appliquer sans restrictions ce qui précède à l'effet d'un accroissement des travaux publics (par exemple) il faut supposer que cet accroissement n'est compensé ni par une diminution de l'investissement en d'autres directions ni par un changement concommitant de la propension de la communauté à consommer (p. 136)".
S'y ajoutent trois conditions de validité. Elles expliquent l'échec de nombre de politiques prétendument keynésiennes.
"1er. La méthode utilisée pour financer ladite politique ainsi que l'accroissement de la circulation exigé par l'emploi additionnel et la hausse des prix qui l'accompagne, peuvent avoir pour effet d'élever le taux de l'intérêt et par suite de ralentir l'investissement en d'autres directions, si l'autorité ne prend pas les mesures nécessaires (p. 136)".
"2ème. Etant donné les conceptions confuses qui prévalent souvent, le programme du Gouvernement peut nuire à la confiance et par suite accroître la préférence pour la liquidité ou diminuer l'efficacité marginale du capital, ce qui contribue aussi à ralentir l'investissement privé si aucune mesure compensatrice n'intervient (p. 137)".
"3ème. Dans un système ouvert, en relations commerciales avec l'étranger, le multiplicateur du flux d'investissement supplémentaire profite en partie à l'emploi dans les pays étrangers, puisqu'une partie de la consommation additionnelle s'inscrit au passif de la balance des comptes (p. 137)".
C'est bien le piège du dualisme. Il semble que les conditions de validité aient été oubliées par beaucoup de prétendus keynésiens. Notre relecture, au plus près du texte, trouve sa justification dans cet oubli des conditions de validité, par un usage imprudent de la formalisation mathématique.
Créé le 2 Mai 1997
Modifié le 7 Novembre 1997.
6. Bref résumé de la théorie de l'emploi
7. Les paramètres fondamentaux
8. Le principe de la demande effective
9. L'égalité de l'épargne et de l'investissement
Les termes en gras sont définis dans le glossaire alphabétique du RAD.