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5. Le chômage involontaire


Sur la base de leurs deux postulats, les classiques n'admettent que deux sortes de chômage: le chômage conjoncturel ou de frottement, dû aux fluctuations conjoncturelles, et le chômage volontaire dû au refus d'un travail supplémentaire pour un salaire jugé insuffisant. Keynes considère que les deux postulats classiques correspondent à la situation de plein-emploi. Il admet le premier postulat mais refuse le second. Cela lui permet de construire un modèle plus réaliste où se manifeste un chômage involontaire.

"Il existe des chômeurs involontaires si, en cas d'une légère hausse des prix des biens de consommation ouvrière par rapport aux salaires nominaux, l'offre globale de main-d'oeuvre disposée à travailler aux conditions courantes de salaire et la demande globale de main-d'oeuvre aux mêmes conditions s'établissent toutes deux au-dessus du niveau antérieur de l'emploi (p. 37)".

Une hausse des prix des biens de consommation par rapport au salaire nominal est une baisse du salaire réel. La hausse de la demande de main d'oeuvre signifie que les entrepreneurs veulent embaucher. La baisse du salaire réel indique que la hausse des prix est favorable aux profits, dans le jeu à somme nulle de la répartition. La hausse de l'offre globale de main d'oeuvre signifie que les salariés veulent travailler. La baisse du salaire réel réduit le nombre de bouches qu'une paire de bras peut nourrir. Les entrepreneurs veulent embaucher, les salariés veulent travailler, et pourtant le plein emploi n'est pas réalisé. Les salariés ne réussissent pas à faire employer leurs bras. Les entrepreneurs ne réussissent pas à employer pleinement leurs capacités de production. C'est un double sous emploi. C'est un chômage doublement involontaire. Pour les classiques une telle situation est impensable. Elle est informulable dans le modèle. Cela ne l'empêche pas de se produire dans les faits.

Le mobile de la production est la recherche du profit. Les rendements sont décroissants. Ils déterminent le salaire réel. L'offre produit sa demande. La monnaie n'est qu'un voile. Les marchandises s'échangent contre des marchandises. L'équilibre de l'offre et de la demande est celui du plein emploi. Il ne peut y avoir que des fluctuations à proximité de cet équilibre. Dans cette belle mécanique, tout écart crée les conditions de sa résorption. C'est le modèle physique du pendule qui tient lieu de modèle d'intelligibilité. Les lois économiques règlent la répartition du produit. Ce qui est gagné pour les salaires est perdu pour les profits. C'est la garantie de l'équilibre dans un jeu à somme nulle. La baisse des salaires augmente les profits. La hausse des profits augmente les investissements et l'emploi. La hausse de l'emploi augmente les salaires, la consommation et l'investissement, jusqu'au plein emploi. La hausse des salaires bloque les profits. Au plein emploi, les investissements ne peuvent s'accroître. Cela tombe bien puisque les salariés ne veulent pas travailler plus. C'est le chômage volontaire. Seule la baisse du salaire réel pourrait restaurer le profit et relancer l'investissement.

Les classiques ne peuvent envisager que deux situations de chômage:

Pour les classiques, des fluctuations locales peuvent générer du chômage dans un secteur. Il ne peut y avoir de surproduction générale. Il ne peut exister de chômage généralisé qui ne soit pas organisé par une coalition, qui ne soit pas un refus temporaire de travailler, autrement dit une grève spontanée, implicite, tranquille et silencieuse. Rétrospectivement, on peut lire le rapport Villermé , rédigé en 1840, pour comprendre dans quelle représentation s'est forgée cette théorie classique du chômage volontaire. Mais la cause est surtout dans le modèle de scientificité des économistes: la mécanique céleste.

En règle générale, dans le modèle classique, toute quantité concrète observable (prix, salaire, profit, production) fluctue autour d'une position d'équilibre. Les prix courants fluctuent autour du prix d'équilibre. Les fluctuations n'existent que par rapport à l'équilibre. Et l'équilibre est le point imaginaire à égale distance des quantités observables. Ainsi le prix d'équilibre est un prix moyen, comme le centre de gravité est un point moyen ou un barycentre. C'est le modèle d'intelligibilité (mécanique de Newton) qui tient lieu d'explication. Autrement dit, l'argumentation se résume à dire: notre théorie est scientifique puisqu'elle ressemble à celle de Newton et que celle de Newton est le modèle de la scientificité. Il ne peut y avoir plus logique qu'une tautologie. La cohérence est dans les définitions et elle se suffit à elle-même. L'image des fluctuations tient lieu de pertinence. L'argumentation complémentaire serait la suivante: notre théorie est pertinente puisqu'elle prévoit des fluctuations et que, dans la réalité, il y a des fluctuations. Hélas, les fluctuations concrètes ne ressemblent pas à celles d'un pendule. Depuis Mandelbrot, nous pouvons dire qu'elles sont fractales et non pas cycliques.

Sémantiquement parlant, l'équilibre et les fluctuations font l'objet d'une interdéfinition. Il n'y a pas de référence à la réalité. Il n'y a pas, non plus d'explication du rapport entre prix courant et prix moyen.

En somme, dans le modèle d'intelligibilité et de comportement rationnel, les travailleurs et les capitaux se déplacent de secteur en secteur à la recherche de la meilleure rémunération. Ils se déplacent de la pauvreté vers l'abondance. Mais il paraît impossible que l'offre et la demande globales de main-d'oeuvre augmentent simultanément sans se rencontrer. Le modèle de l'équilibre et la neutralité monétaire ne peuvent prévoir une telle circonstance. Ce serait un paradoxe. Il ferait éclater le cadre de pensée. C'est bien ce que fait Keynes lors qu'il rédige, laborieusement, la Théorie Générale.

Keynes se propose de nous expliquer comment l'offre globale et la demande globale de main d'oeuvre peuvent s'accroître sans se rencontrer. Prenons connaissance des grandes lignes de son raisonnement, avant de préciser chaque composante et d'approfondir les détails.

Hubert Houdoy

Créé le 2 Mai 1997

Modifié le 3 Novembre 1997.


* Précédents

1. Originalité de Keynes

2. Le chômage classique

3. Les postulats classiques

4. La loi des débouchés


* Suite

6. Bref résumé de la théorie de l'emploi


* Définitions

Les termes en gras sont définis dans le glossaire alphabétique du RAD.


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Mise à jour: 16/07/2003