illustration

Réseau d'Activités à Distance

rad2000.free.fr

Sommaire


Vous lisez

http://rad2000.free.fr/keynes08.htm

8. Le principe de la demande effective


Comment chaque entrepreneur décide-t-il du montant de sa production et du niveau de son emploi?

"Dans un état donné de la technique, des ressources et des coûts, l'emploi d'un certain volume de travail par un entrepreneur lui impose deux sortes de dépenses: en premier lieu, les sommes qu'il alloue aux facteurs de production (autres que les entrepreneurs) en échange de leurs services, sommes que nous appellerons le coût de facteur de l'emploi en question; et en second lieu, les sommes qu'il paye aux autres entrepreneurs pour les choses qu'il est obligé de leur acheter jointes au sacrifice qu'il fait en utilisant son équipement au lieu de le laisser inactif, ensemble que nous appellerons le coût d'usage de l'emploi en question (Keynes, p. 45)".

Nous donnerons, plus loin, le détail de ces définitions. Habituons-nous à les utiliser.

Notons que l'emploi dépend de la décision d'investir. Celle-ci relève de l'entrepreneur. Il importe donc de comprendre dans quel contexte se déroulent les anticipations des entrepreneurs. Dans la société capitaliste dans laquelle Keynes produit sa Théorie Générale de l'Emploi, de l'Intérêt et de la Monnaie, l'entrepreneur ne gagne ni salaire, ni intérêt, ni rente, ni impôt, mais un profit qui prend sa source dans une marge bénéficiaire.

Le profit, revenu de l'entrepreneur, est une différence entre un coût initial et des recettes ultérieures. Quand il est connu et perçu, il est trop tard pour regretter les coûts. C'est donc le profit attendu qui compte. Et pour éviter les références circulaires, Keynes rapporte ce profit à l'emploi correspondant. L'entrepreneur risque un volume de travail pour percevoir un profit estimé possible, qu'aucun calcul individuel ne saurait déterminer. Ce profit attendu est estimé par la différence entre la valeur de la production résultant de l'emploi et la somme de son coût de facteur et de son coût d'usage.

En risquant son propre revenu, l'entrepreneur crée de l'emploi et génère un revenu global. Celui-ci est égal au coût de facteur et au profit de l'entrepreneur. Le coût d'usage n'est pas un nouveau revenu mais l'amortissement de dépenses antérieures.

"Il s'ensuit que, dans un état donné de la technique, des ressources et du coût de facteur par unité d'emploi, le volume de l'emploi, aussi bien dans les entreprises et industries individuelles que dans l'ensemble de l'industrie, est gouverné par le montant du "produit" que les entrepreneurs espèrent tirer du volume de production qui lui correspond (Keynes, p. 46)".

Plaçons-nous, maintenant, au niveau global de la nation. Pour Keynes, l'emploi ne se fixe pas sur un marché du travail. L'emploi résulte de la décision de produire des entrepreneurs (offre globale) en fonction de l'idée qu'ils se font de la demande globale. L'emploi global est fonction de la production globale permise par les capacités de production disponibles et choisie par les décisions d'investir. L'emploi global est défini par l'égalité de offre globale et de la demande globale.

"Ceci étant, si pour un certain volume de l'emploi N le "produit" attendu est supérieur au prix de l'offre globale, c'est-à-dire si D est supérieur à Z, il y aura un mobile qui incitera les entrepreneurs à accroître l'emploi et, s'il le faut, à élever les coûts en se disputant les uns aux autres les facteurs de production, jusqu'à ce que l'emploi ait atteint le volume qui rétablit l'égalité entre Z et D (Keynes, p. 47)".

"Ainsi le volume de l'emploi est déterminé par le point d'intersection de la courbe de la demande globale et de la courbe de l'offre globale; car c'est à ce point que la prévision de profit des entrepreneurs est maximum (Keynes, p. 47)".

La demande effective est une résultante des opinions des entrepreneurs sur le point où la demande globale est égale à l'offre globale. Tant que le plein emploi n'est pas atteint, à chaque niveau d'investissement décidé par les entrepreneurs correspond un niveau de l'emploi. L'offre globale et la demande globale peuvent s'équilibrer à n'importe quel niveau de l'emploi. Il n'y a pas de marché du travail. Le plein emploi marque une limite supérieure où, selon Keynes, la théorie classique retrouve sa validité.

Il est important de noter qu'il n'y a aucun déterminisme physique dans la théorie keynésienne. Keynes ne prétend pas mesurer le capital ni la production. La mesure du capital ne peut intéresser que les historiens. Elle ne concerne pas les entrepreneurs, qui choisissent à leur échelle, face à leur situation concrète et personnelle.

"En toute circonstance particulière, ne l'oublions pas, les entrepreneurs ont à décider sur quelle échelle ils feront travailler un équipement donné; et lorsque nous disons que l'attente d'un accroissement de la demande, c'est-à-dire une hausse de la courbe de la demande globale, amène un accroissement de la production globale, nous voulons réellement dire que les entreprises qui possèdent l'équipement en capital sont incitées à lui associer un volume global d'emploi de la main d'oeuvre d'un montant supérieur (Keynes, p. 59)".

Cette problématique permet à Keynes de n'utiliser que deux unités de mesure: la monnaie et l'emploi. L'emploi pendant une heure d'une main-d'oeuvre ordinaire servira d'étalon. Il suffira de multiplier par le taux de salaire des travailleurs plus qualifiés pour aboutir au salaire nominal ou unité de salaire.

Dans la courte période l'équipement ne change pas. La variation de la production provient d'un emploi supplémentaire sur un équipement constant.

"Il s'ensuit que nous mesurerons les variations de la production courante en nous référant aux heures de travail appliquées à l'équipement existant (Keynes, p. 63)".

Il n'y a aucune prétention éthique dans la théorie keynésienne. Contrairement à Ricardo ou à Pareto, il constate les salaires, les profits et les taux d'intérêt sans chercher à les justifier. Il étudie les moyens d'atteindre le plein emploi dans le monde qu'il constate et cherche à comprendre. Pour cela, il faut assurer la convergence des anticipations. Celles d'hier et celles d'aujourd'hui. Les anticipations d'hier, en partie matérialisées par des actions productives, ont encore un pouvoir contraignant. Le mort saisit le vif.

"En un certain sens, le volume de l'emploi à tout moment ne dépend pas seulement de l'état actuel de la prévision mais encore des états de la prévision qui ont existé au cours d'une certaine période passée. Toutefois les prévisions passées, qui n'ont pas encore produit tout leur effet, se trouvent incorporées dans l'équipement actuel, en considération duquel l'entrepreneur doit prendre les décisions d'aujourd'hui, et elles n'influent sur ces décisions que dans la mesure où elles sont ainsi incorporées. Il est donc légitime, nonobstant ce qui précède, de dire que l'emploi d'aujourd'hui est gouverné par les prévisions d'aujourd'hui, jointes à l'équipement en capital d'aujourd'hui (Keynes, p. 69).

La valeur provient du coût salarial et du réseau des anticipations dont les plus anciennes sont incorporées dans l'équipement disponible.

La théorie keynésienne est l'ébauche d'une théorie de la décision en réseau ou d'un réseau de centres de décision. Les tentatives de mesure objective de la production globale sont inutiles. Chaque entrepreneur décide en fonction de sa propre situation (état de l'équipement, stocks d'invendus, carnet de commandes). Les prévisions sont révisables au fil du temps. Mais elles ne cessent jamais d'être des prévisions. Par rapport à la situation contemporaine, il manque à Keynes l'expérience du partenariat et les outils logiciels des décisions réversibles. Faute de coopération et d'outils de modélisation, les anticipations restent des idées mobilisatrices. Elles ne sont pas des réalités déterminantes. Seuls les équipements existants jouent un rôle de structuration du champ des possibles.

"On ne saurait donc, même à titre d'approximation, éliminer les prévisions à long terme ou les remplacer par les résultats réalisés (Keynes, p. 70)".

Une théorie de la prévision et de la décision n'utilise pas les mêmes définitions qu'une théorie de l'équilibre entre les prétendues valeurs objectives des marchandises. Voyons donc comment Keynes définit et mesure le revenu, l'épargne et l'investissement.

Hubert Houdoy

Créé le 2 Mai 1997

Modifié le 5 Novembre 1997.


* Précédents

1. Originalité de Keynes

2. Le chômage classique

3. Les postulats classiques

4. La loi des débouchés

5. Le chômage involontaire

6. Bref résumé de la théorie de l'emploi

7. Les paramètres fondamentaux


* Suite

9. L'égalité de l'épargne et de l'investissement


* Définitions

Les termes en gras sont définis dans le glossaire alphabétique du RAD.


* Retours
* Pour votre prochaine visite

Quoi de Neuf sur le RAD?


Reproduction interdite
Association R.A.D. - Chez M.Houdoy - 18, rue Raoul Follereau - 42600 Montbrison - FRANCE.
* Fax: 04 77 96 03 09
Mise à jour: 16/07/2003