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Réseau d'Activités à Distance

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M.A.U.S.S., l’économie de don




* Plan


1. De Marcel Mauss au M.A.U.S.S.

2. L’Utilitarisme est-il un égoïsme?

3. La triple obligation: donner, recevoir, rendre.

4. Économies emboîtées.

5. Utilité ou Valeur d’Usage?

6. Calcul ou Exploration?





1. De Marcel Mauss au M.A.U.S.S.


En 1923 et 1924, l’anthropologue français Marcel Mauss (1872-1950) rédige un “Essai sur le don, forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques”.


Le don est une réalité très embarrassante pour ceux qui voudraient faire remonter la monnaie, les échanges monétaires et la recherche du profit à la nuit des temps. Car le don n’est pas l’intérêt économique. Pourtant le don n’est pas la gratuité. Il crée un lien social par trois obligations: donner, recevoir, rendre.


Il y a quelques années, après le Colloque “Pratique Économiques et Pratiques Symboliques” (Éditions Anthropos), Alain Caillé, Serge Latouche et quelques autres créent le “Mouvement Anti-Utilitariste dans les Sciences Sociales”. Par son titre, le M.A.U.S.S. provoque l’ économisme triomphant.


Mais les temps changent rapidement:



Loin d’avoir définitivement disparu, le don revient en force dans nos sociétés. La dissimulation du travail domestique, dénoncée par Louise Vandelac, en témoigne largement. Le chômage perpétue les relations de solidarité familiale en repoussant l'âge de l’autonomisation financière des enfants. La crise de l’emploi salarié et le besoin d’un nouveau lien social réveillent une pratique qui semblait archaïque il y a moins de 10 ans. Même sans chômage , le nombre des jeunes en formation et des anciens à la retraite renforce la circulation familiale, non marchande, des biens et l’échange de services entre les générations. Au point que l’on constate une crise de la conciliation .






2. L’Utilitarisme est-il un égoïsme?


Les doctrines utilitaristes affirment que la recherche du bonheur constitue la grande affaire des hommes. Elles affirment que ce bonheur est obtenu par un calcul rationnel. Les éléments qui le composent: plaisirs, absence de peine, intérêts, utilités, préférences, sont supposés calculables. Cette hypothèse est à la source de la Pensée Économique Classique pour Adam Smith, Thomas Robert Malthus (1766-1834) , David Ricardo (1772-1823), John Stuart Mill (1806-1873). Cette hypothèse est la base de la théorie de l’ Utilité pour l’École Néo-Classique de Léon Walras (1834-1910), William Stanley Jevons (1835-1882) et Vilfrido Pareto (1848-1923).


Le coeur de la théorie est l’image de la main invisible d’ Adam Smith . Selon cette métaphore, la richesse de la nation et l’intérêt collectif ne sont jamais aussi bien atteints que lorsque chacun poursuit son intérêt personnel.


Avec un tel postulat, il est important de savoir si l’intérêt individuel est l’égoïsme, l’altruisme ou le revenu monétaire maximal. De même importe-t-il de savoir si la morale participe à la définition de l’intérêt collectif ou si la satisfaction du plus grand nombre est la richesse nationale mesurée par la comptabilité du même nom.


On comprend alors que le même mot utilité soit revendiqué pour l'égoïsme ou pour l’altruisme. Chacun part de sa propre vision de l’homme pour illustrer le mécanisme de la main invisible. Car ce qui n’est jamais remis en cause est la double hypothèse de la calculabilité des plaisirs et de l’équilibre général des intérêts.




Si les intérêts individuels correspondaient toujours à l’intérêt collectif, les deux propositions utilitaristes n’entreraient jamais en conflit et ce débat n’aurait pas lieu. La question se pose alors de savoir si les fondateurs de l’économie politique (Bentham, Smith) ont réellement cru en l’hypothèse de “l’harmonie pré-établie des intérêts” ou s’ils ont donné à l’Economie Politique, à la Morale et au Droit la mission de construire cette convergence.


Il est certain que les fondateurs de l’ économie politique ont lutté contre l’absolutisme royal qui se drapait dans l’intérêt général. Tributaires d’un discours religieux fortement relié à l’État Monarchique (Anglicanisme) ils ne pouvaient qu’invoquer une autre vision de la Providence. Leur démarche consistait à remplacer l’argument d’un Dieu éternel inspirant le Prince par celui d’un Créateur agissant à travers l’ensemble de ses créatures. La main invisible relève plus du libre-arbitre que de l’absolutisme. Ils ont critiqué le conservatisme des corporations, prôné le libre-échange, la libre-circulation des grains et des marchandises, la liberté tout court. Croyaient-ils, pour autant, que la démocratie qu’ils appelaient de leurs voeux se résumait à l’anarchie des marchés?


Adam Smith (1723-1790) n’est pas seulement l’auteur des “Recherches sur la Nature et les Causes de la Richesse des Nations” (1776). Il a aussi écrit une “Théorie des Sentiments Moraux” (1759) dont le dernier chapitre, nous rappelle Jean-Pierre Dupuy, s’intitule:”De la corruption de nos sentiments moraux, résultant de notre disposition à admirer les riches et les grands, et à mépriser ou négliger les personnes pauvres et misérables”. Pour Adam Smith, le comportement moral tient compte du jugement de l’autre. Smith suppose qu’il ne s’identifie pas au spectacle social qu’il juge comme une corruption des sentiments moraux. L’homme se comporte de manière à gagner la sympathie de ses contemporains. Et les richesses attirent à la fois l’admiration et l’envie. On retrouve ainsi, aux sources de l’Economie Politique, l’image spéculaire, la recherche d’une appartenance dans le regard de l’autre. D’où l’importance du sens de la vision dans le lien social entre les corps pleins .





3. La triple obligation: donner, recevoir, rendre.


Écoutons Alain Caillé: “il nous semble, au MAUSS et dans le sillage de l’Essai sur le don de Marcel Mauss, que la grande source de l’agir humain réside dans l’obligation doublement paradoxale de donner et de rivaliser de générosité. Dans l’obligation en somme de ne pouvoir satisfaire son intérêt que par le détour du désintéressement.”


Ce paradoxe est tiré d’une analyse du potlatch nord-amérindien. Nous citons cette critique des fondements de l’Economie Politique car les personnes qui perdent leur emploi et les régions qui se trouvent exclues de la division internationale du travail , en perdant les signes économiques de la reconnaissance sociale, doivent réinventer ce qu’Alain Caillé nomme la “socialité primaire”.


Le Réseau d’Activités à Distance se donne pour premier objectif de créer un sentiment d’existence, plus que d’appartenance, entre ses acteurs. Il n’est pas une doctrine économique de l’intérêt individuel. Il n’est pas une doctrine morale de l’intérêt collectif. Il ne remplace pas le lien social et monétaire du travail salarié . Il crée un sentiment d’existence et de participation dans la recherche de l’emploi et dans la création d’activités. C’est à ce titre seulement qu’il renouvelle la triple obligation: donner, recevoir, rendre.


Il ne s’agit pas de proposer un autre modèle de société. Nous constatons que notre société est plurielle. Elle ne se limite pas à ce qu’en résume un modèle. Nous ne confondons pas la réalité du marché et les représentations sociales ou les jugements de valeur à son sujet. Il s’agit de reconstruire des solutions intermédiaires entre l’ exclusion économique et sociale par le licenciement et le retour à l’ économie monétaire par le travail salarié (chercheur d’emploi) ou par l’entreprise (créateur d’activité).


Le don des sociétés primitives est une des formes que prend la vie sociale. Il n’est pas un paradis terrestre . Ce don n’est pas perdu. Il persiste, au moins dans la famille, quand l’ économie capitaliste est triomphante. Il se manifeste là où le capital ne réussit pas à englober la population dans ses relations marchandes et salariales. Car le marché , englobé dans la société , passe par des alternances d’inclusion et d’exclusion. Nous cherchons à comprendre et à développer les mécanismes d’ inclusion (principalement l’ amour inclusif ) en réponse et en compensation aux mécanismes d’exclusion (la domination comme principe , le principe d’exclusion ).





4. Économies emboîtées.


L’économie capitaliste est un sous-ensemble de l’économie marchande. Elle concerne les entreprises qui connaissent la triple compétition des marchandises offertes, du recrutement des compétences rares et de la rentabilité des capitaux investis. Lieu des réalisations et des réussites spectaculaires, elle est un moteur de l’ouverture des communautés traditionnelles. Le marché mondial n’aurait jamais existé sans cette triple compétition. Cette rivalité économique ne doit son dynamisme qu’à elle même. Elle ne saurait prétendre devoir sa rentabilité qu’à elle-même. Elle a toujours un terreau dans lequel elle se développe et dont elle ne reproduit pas toujours la fertilité.


L’économie marchande est un sous-ensemble monétaire de l’économie d’échanges. Elle concerne toutes les activités humaines qui s’échangent contre un paiement monétaire. L’existence de la monnaie et d’un marché concurrentiel permet un développement des activités bien au-delà des collectivités locales. L’économie capitaliste y puise une part non négligeable de son efficacité. Parmi les activités marchandes, l’économie publique joue un rôle considérable dans la fourniture des infrastructures, l’entretien et la reproduction des compétences.


L’économie publique ne relève pas de l’économie capitaliste mais n’échappe pas à l’économie monétaire. Ses ressources, qui proviennent de l’impôt, dépendent de la richesse produite par l’ensemble de l’économie marchande. Ses dépenses contribuent à redistribuer les flux monétaires. La redistribution sociale contribue à irriguer les zones sinistrées par la disparition des entreprises capitalistes et des activités marchandes qui les accompagnent. Elle contribue au maintien de l’économie marchande. Son efficacité joue un rôle considérable dans la compétitivité internationale et le maintien des emplois nationaux. Une irrigation non productive ne fait que répartir les revenus sans maintenir les conditions de la créativité. Maintenir des revenus monétaires à court terme aux sans-emploi tout en provoquant la fuite des emplois à l’étranger par l’augmentation du coût du travail serait une très détestable euthanasie.


L’économie non-marchande est une partie de l’économie d’échanges. La fermeture des entreprises, pour une région, et la perte de l’emploi, pour une personne, les font sortir de l’économie monétaire. Le danger est alors celui de l’isolement social, assisté (Assedic, RMI) ou non (marginalité, SDF). C’est pourquoi l’économie des échanges non-monétaires ou à monnaies de substitution S.E.L. joue un rôle fondamental à la fois dans le maintien du lien social et dans la restauration de la solvabilité.


Il serait catastrophique de sortir durablement de l’économie marchande ou de ne s’y maintenir que sous perfusion. L’économie non-marchande joue un rôle crucial dans le maintien du lien social , de la cohésion régionale et de la compétitivité nationale.


L’économie de don est une partie de l’économie non-marchande. L’économie de don n’est pas une forme de passéisme, un refus de l’ instrumentalité, loin des techniques. Elle n’est pas une forme de refuge, loin des méchants capitalistes. Elle est une forme de mobilisation psychologique et sociale. Elle est une manière de créer des activités utiles non-marchandes avant de créer des activités utiles et marchandes. Ces activités font appel aux mêmes règles de professionnalisme, d’efficacité et de créativité que les activités marchandes ou capitalistes sur lesquelles elles doivent se brancher. Elle participe au parcours d’un chemin de renaissance pour la personne cassée par la crise du travail salarié . Elle permet à un Sujet de se construire, au coeur de l’ individu, par la conciliation toujours personnelle de l’ identité dynamique et de l’ instrumentalité adaptée.


Le meilleur rôle que puisse avoir l’économie sociale à l’égard de l’économie de don est de simplifier les cadres réglementaires. Les règles de l’assistance sociale font plus facilement du chômeur un assisté malgré lui qu’un créateur d’activités nouvelles. Au lieu de condamner les indemnisés à rechercher un emploi qu’il ne faut plus attendre il faut leur donner l’occasion de naviguer dans une “économie plurielle” sans jugement idéologique. Il s’agit de restaurer des vaisseaux capillaires, si fins soient-ils, pour permettre la percolation des revenus nécessaire à la reproduction de l’économie de marché. Car, contrairement aux illusions de toutes les théories économiques, il n’existe pas de loi de reproduction automatique de la société .


Le meilleur rôle que puisse avoir le fisc à l’égard de l’économie marchande est de favoriser la création de son propre emploi par quiconque. Il n’y a plus d’impôt quand il n’y a plus d’assiette. C’est la leçon de l’ étreinte mortelle de l’ État et de l’ entreprise. C’est le danger de l’ implosion pour l’entreprise qui recherche son noyau restreint. C’est le danger de la dissolution de l’ État-nation par un échec de l’État-Providence.


Le Réseau d’Activités à Distance utilise les Nouvelles Technologies de la Communication et de l’Information, dont le World Wide Web et la Messagerie Électronique , pour élargir le réseau des échanges non marchands bien au-delà de la sphère des solidarités traditionnelles (famille, paroisse et commune). Cette ouverture à la globalité est à la fois une multiplication des opportunités de complémentarité et une sensibilisation au nouveau secteur de la connaissance .


Le secteur de la transmission de la connaissance est fortement perçu, en France particulièrement, comme celui de la gratuité apparente. Cela est du à notre tradition d’École Laïque Gratuite et Obligatoire. Cette gratuité trompeuse, mystificatrice, coûte à l’Etat. Elle pèse sur les contributions des citoyens. Internet a aussi une forte culture de la gratuité. Et cela est une bonne chose dans la mesure où elle permet une plus grande distribution des connaissances. Mais cette gratuité rendra l’Internet dépendant de la publicité sur les réseaux socio-techniques . Car la gratuité absolue n’est pas une Utopie. Elle est une contradiction dans les termes . Le rêve de la gratuité absolue témoigne de la fascination pour le plus dangereux des totalitarismes.


Il s’agit, par exemple, de trouver des méthodes de partage de connaissances, d’ assimilation mutuelle et de rédaction coopérative des informations, aboutissant à une publication collective au moindre coût. Cette gratuité doit s’accompagner de la reconnaissance de l’antériorité des apports et du respect des règles de citation.


Dans quels domaines peuvent s’exercer ces activités non-marchandes d’élaboration et de diffusion des connaissances? Dans tous les domaines pour les retraités qui ne sont pas à la recherche d’un revenu. Dans les domaines qui permettent une remontée progressive du non-marchand vers le marchand pour les chercheurs d’emploi et les créateurs d’activités. Sans entrer en compétition directe avec les secteurs les plus capitalistes.





5. Utilité ou Valeur d’Usage?


L’économie de don et l’économie de connaissance ont en commun de créer une relation de personne à personne. La relation marchande, celle de l’achat par l’un et de la vente par l’autre, clôture une production anonyme et inaugure un usage privé. La relation de don (cadeau, présent, compliment, dialogue, amitié) instaure un rapport (plus ou moins durable) de personne à personne, intuitu personae. Elle ne crée pas, pour autant, une organisation réelle (ménage, société, club, association).


Par son abstraction, la relation marchande ou capitaliste est bien adaptée à la production de masse. La relation de don et la mise en commun des connaissances sont des relations concrètes. Elles sont bien adaptées à des projets spécifiques, limités et temporaires. Les acteurs, la fin, les moyens et l’objet sont inséparables.


Il ne s’agit pas de restaurer l’équivalent primitif (kula) du marché mondial par une circulation généralisée des biens de luxe ou de prestige. La société du spectacle y pourvoit largement. Il ne s’agit pas de reconstituer la destruction festive de la richesse (le carnaval de la transgression, le potlatch agonistique ). Le cinéma catastrophe américain se charge pour nous de détruire “La Part Maudite ” (1949) de Georges Bataille (1897-1962).


Le don fait sens (local, relatif) pour le donateur et le donataire. Foin de la rivalité d’érudition, l’échange de connaissances est utile, par l’usage, à tous les partenaires. Cette valeur d’usage n’a de sens que par un projet commun, fut-il limité, simple et bref. Le don n’est pas une fin en soi. Il ne cherche pas à perpétuer la relation qu’il crée. Il est une manifestation de l’ amour inclusif , comme la particule éphémère est une manifestation du vide quantique . De même, la jeune pousse de fougère, en crosse d’évêque, manifeste l’existence d’un réseau de racines sous-jacent. En ce sens, nos sociétés sont définitivement différentes des sociétés “sans Histoire” (Claude Lévi-Strauss, né en 1908). Nous pensons que le don est utilitaire. Il est un moyen au service d’un retour à l’économie la plus ouverte possible (le marché mondial ). Cela peut passer par des échanges en monnaie de S.E.L. à très grande échelle. C’est pourquoi le don peut s’exprimer dans les technologies modernes (internet) et mettre en relation des partenaires distants.


L’économie de don qui peut se développer de nos jours est à la fois permanente dans son ensemble (le réseau) et transitoire pour ses acteurs (le nomade moderne ).


L’économie publique (école, université) reste le lieu de la transmission des connaissances initiales. Comme l’économie capitaliste, elle est le lieu de la transmission de masse (programmes standardisés) des connaissances générales (lois, principes, formules, méthodes). Elle est organisée pour un support de diffusion (de un à tous) qu’il soit local (salle de classe) ou distant (CNED).


L’économie d’échange de connaissances trouve ses acteurs en dehors de l’économie marchande (capitaliste ou publique). Il s’agit de chômeurs, d’étudiants et de retraités, voire de bénévoles en sus de leur occupation rémunérée. Les connaissances sont envisagées sous l’angle de leur personnalisation:


Mais ces connaissances n’en sont pas moins capitalisées pour réduire leur coût de collecte et permettre une large diffusion sur la toile mondiale. Cette diffusion est la forme moderne de la mise en circulation (kula). Le don de personne à personne n’est pas duel ni exclusif. Il est un moment particulier d’une mise en circulation et d’une plus grande ouverture. En ce sens il n’est pas une nostalgie de la communauté familiale ou villageoise. Même si l’intensité des échanges mobilise parfois toutes les richesses de la vie affective. La personnalisation est mise au service d’une circulation, transitive ou infinie, des connaissances.


En ce sens, cette personnalisation concrète se distingue autant de l’égoïsme que de l’altruisme abstraits et indécidables. Nous ne sommes pas dans la sphère du marché, réglée par l’ équivalence générale de la monnaie et la standardisation des marchandises. Nous ne visons ni “l’intérêt” des classiques ni “l’utilité” des néo-classiques. Nous rejoignons la thèse, défendue par Jean-Joseph Goux, selon laquelle: <<la régulation des échanges économiques par l’équivalent général, l’hégémonie croissante de l’argent (en tant que monnaie) comme mesure des valeurs, comme moyen d’échange, et comme forme privilégiée de la richesse, a comme double effet d’induire simultanément la notion de plus en plus insistante d’intérêt, mais aussi, d’une façon tout à fait corrélative quoique distincte et même opposée, celle non moins envahissante d’utilité.>>.


En sus de l’anonymat du marché, nécessaire pour produire des biens standards dont l’utilité, particulière pour chacun, renvoie à l’originalité de son désir, les échanges personnalisés sont régis par une valeur d’usage qui existe au sein d’un projet.


Cette économie du don est une médiation. Elle n’est pas le moyen de créer une totalité ethnique (identité statique ). Elle n’est pas le désir tendu d’une organisation réelle construite comme une citadelle. Cette économie du don permet l’élaboration d’une culture personnelle et non pas collective. Les connaissances restent personnelles quand l’information est collective.


Seule une véritable culture personnelle donne accès à la nouvelle citoyenneté économique (mondiale) et politique (locale). En ce sens, si le chômage la rend urgente à ceux qui ont perdu la perfusion de l’appartenance , l’économie de don est tout sauf un ghetto de marginaux. Elle est tournée vers un projet commun d’entrée dans ou de retour au monde du travail et de la monnaie. L’échange gracieux des connaissances ne met pas en oeuvre d’autres compétences que celles qui émergent dans l’industrie même, chez ceux qui s’efforcent de Concevoir le Produit et l'Usage.


Comme l’exprime Jean-Joseph Goux:





6. Calcul ou Exploration ?


Car il ne faut pas idéaliser le système du don dans les sociétés primitives pendant que l’on critique l’abstraction des échanges monétaires. La circulation des biens de prestige et de pouvoir n’est pas différente de la compétition des entreprises et de leurs dirigeants. Ni la valeur d’échange capitaliste ni la valeur politique des biens de prestige ne relèvent de l’usage concret et de l’appropriation matérielle et cognitive du monde.


Ni le potlatch ni les marchés financiers ne peuvent constituer une main invisible guidant les actions individuelles vers un improbable équilibre économique doublé d’un optimum social. Les marchés sont aveugles. Ils ne produisent aucune connaissance. Justement parce que les prix, purs indices du passé révolu, ne signalent rien, ne mesurent rien du tout. Ni le travail incorporé ni le travail commandé . Ni le désir ni la satisfaction.


Toute la problématique de la maximisation de l’utilité est tautologique et mystificatrice.


Ce que les stagiaires du Réseau d’Activité à Distance savent bien, pour ne plus être pris dans la pseudo-culture d’entreprise , c’est qu’ils doivent donner eux-même un sens à leur démarche de recherche d’emploi ou de création d’activité.

Il n’est pas possible de:


On peut maquiller son corps plein aux couleurs du jour. On ne transforme pas ipso facto sa peau d’échange ni son corps virtuel . Et c’est heureux. Le ferait-on ? On se condamnerait à une mort du verbe souvent pire que la mort de la chair .


Ce que le chômage de longue durée démontre, c’est l’aliénation tranquille de l’ appartenance à une entreprise qui ne peut plus garantir ni votre emploi ni votre employabilité . Ce que découvrent les chômeurs avec qui nous dialoguons chaque jour, c’est qu’ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour donner sens à leur démarche. Sur ce point, ils ressemblent beaucoup à Robinson Crusoé .


Leur démarche est alors une démarche exploratoire. Pas question de se donner une cible et de s’y tenir mordicus. La probabilité d’embauche ou de décollage est trop faible. Il faut savoir surfer sur les circonstances, saisir les opportunités, “Rebondir” sur les rencontres comme sur les obstacles. Et pourtant, cette ligne fractale produite par un chaos de circonstances donne sens à une vie nouvelle. Ce travail est vécu comme une narration. La démarche du chercheur d’emploi et du créateur d’activité ressemble au Graphe d'Exploration des Possibles que mettent en oeuvre les concepteurs les plus au fait des méthodes de conception simultanée du produit, du process et de l’usage.





* Conclusion


L’économie solidaire est un élément d’une société plurielle. Elle se rapproche de l’économie de don. Pourtant elle n’appartient pas à une autre planète. Elle soutient l’économie marchande et sa pointe extrême l’économie capitaliste. Son dynamisme est le garant de la Productivité Globale et de la compétitivité pacifique de la nation.





* Auteur


Hubert Houdoy

Créé le 2 Juillet 1996

Modifié le 19 Mai 1999





* Citations


Elles sont tirées de l’ouvrage collectif:


Qu’est-ce que l’utilitarisme? Une énigme dans l’histoire des idées

Revue semestrielle du M.A.U.S.S. N°6, 2° semestre 1995.

Éditions La Découverte, Paris, 1995.



Voir aussi:





* Informations


Le Monde, 16 Avril 1996


Peter Drucker se fait l’avocat, à côté de l’entreprise et de l’Etat, d’un troisième secteur, non lucratif et concurrentiel, permettant aux citoyens de prendre en main l’école, l’hôpital et les services collectifs de proximité.


Structures et Changements ,

Balises pour un monde différent,

Peter Drucker

Village mondial

Paris

320 pages,

148 F.


Liste des Auteurs nommés sur le R.A.D.





* Compléments


Concevoir le Produit et l'Usage

Division du Travail


Graphe d'Exploration des Possibles

Nouvelles Technologies de la Communication et de l'Information


Mode de vie

Productivité


* NTCI et Développement local


Quelles Informations, quelle Communication ?

Quelles Nouvelles Technologies ?


Relations entre NTCI et développement du territoire

Initiatives illustrant l’impact des NTCI sur le développement


* Liens


Economie solidaire

http://www.chc-ccs.org/solidaire/





* Bibliographie complémentaire


L’Esprit du don

J. Godbout, A. Caillé

La Découverte

Paris, 1992


Le Sacrifice et l’envie

J.-P. Dupuy

Calmann-Lévy

Paris, 1992


Homo oeconomicus.

Enquête sur la constitution d’un paradigme

P. Demeulenaere

P.U.F.

Paris, 1996


Théorie de la justice

J. Rawls

Traduction française C. Audard

Seuil

Paris, 1987


Qu’est-ce qu’une société juste ?

P. Van Parijs

Seuil

Paris, 1991





* Définitions


Les termes en gras sont définis dans le glossaire alphabétique du R.A.D.







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Mise à jour: 16/07/2003