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Inclusion et Exclusion


Ce document du cycle consacré à Keynes est la suite de Production et Appropriation
* Plan

Introduction

1. D'où vient la préférence pour la liquidité ?

2. L'économie plurielle

3. Épargne et exclusion

4. Investissement et inclusion

5. Dominance globale

Conclusion


* Introduction

Dans Production et Appropriation, nous avons montré que l'explication keynésienne du chômage (propension à consommer, préférence pour la liquidité) confond le niveau de la théorie de la valeur et celui de la théorie des prix.

Il nous reste donc à expliquer la préférence pour la liquidité par les contradictions de la valeur.


* 1. D'où vient la préférence pour la liquidité ?

Keynes nie la création monétaire par les marchés financiers. Pourtant, de nos jours, la multiplication du crédit est considérable et indéniable. Le multiplicateur du crédit est aussi important et plus facile à réaliser que le multiplicateur d'investissement. Il s'agit d'une sphère spéculative, la recherche d'un avantage relatif, souvent par les économies d'échelles.

Les secteurs de l'appropriation produisent une forme particulière de l'utilité: des signes de la reconnaissance sociale, une valeur-signe. Cette dimension de la vie sociale ne doit pas être passée sous silence. Les classiques la refoulaient dans la mesure où ils voulaient rejeter l'absolutisme royal et ses Jeux de Cour. Ils écrivaient à une époque où les biens de subsistance et le machinisme jouaient un rôle crucial pour le premier bouclage du système des prix. Les biens de luxe, symbole de l'aristocratie, étaient condamnés par l'idéologie bourgeoise de l'épargne. D'où le scandale de la Fable des Abeilles de Bernard de Mandeville, qui fait "l'éloge du luxe et du vice". Elle était considérée comme subversive par le Grand Jury de Middlesex en 1723. Mais, à son tour, la société marchande a créé ses mécanismes de reconnaissance et de hiérarchie sociales, tout comme la société féodale avait les siens (biens de luxe). Cette sphère spéculative des secteurs de l'appropriation se développe d'autant plus que le besoin d'organisation, pour réduire l'incertitude, n'est pas satisfait par la division sociale du travail sur le marché.

Pour Keynes, reconnaître la multiplication du crédit irait à l'encontre de ce qu'il prenait pour la nécessaire égalité de l'épargne et de l'investissement. Ce serait reconnaître un mécanisme de genèse contraire à l'égalité logique. Pourtant, ce serait sortir définitivement des simplifications abusives du modèle classique. Or les deux phénomènes (épargne-placement, investissement-production) n'ont pas forcément la même ampleur. De fait, ils sont incommensurables. Mais le fétichisme monétaire nous fait croire le contraire.

Il faut abandonner le postulat d'égalité de la valeur de la production et du revenu. D'autant qu'une grande partie de la production ne se fait pas dans la sphère marchande:

Les systèmes de mesure, s'ils existaient, ne seraient pas les mêmes:

L'équivalence générale de la monnaie (valeur d'échange) permet l'interpénétration des mécanismes de production (valeur d'usage) et d'appropriation (valeur signe). L'équivalence générale est performative. C'est pourquoi nous vivons dans une économie de crédit depuis le bouclage historique du système des prix.

La propension à ne pas tout consommer provient du mécanisme d'appropriation. Dans la réalité concrète, contrairement à la théorie de la valeur, il n'y a pas de déterminisme, de loi de reproduction automatique de la société. La production n'est pas faite pour une consommation planifiée par les consommateurs. La production n'est pas subordonnée à la reproduction des individus. Le revenu de la période (salaires, dividendes, intérêts, rentes) sert à la fois à racheter les biens de consommation-biens de luxe et à s'approprier des titres. D'où une contradiction supplémentaire de la valeur.

Dans un modèle stationnaire et cloisonné, les salaires rachètent les biens de consommation et les dividendes rachètent les biens de luxe. Il n'y a ni épargne ni investissement (ni absolus, ni nets).


* 2. L'économie plurielle

Dans la réalité, la société est plus vaste que les marchés. Des activités non-marchandes existent. Tout particulièrement dans le monde domestique de la reproduction individuelle. Ces activités jouent un rôle considérable pour la reproduction de la société. Mais le rapport entre les sphères marchandes et les sphères non-marchandes est en perpétuel changement.

Puisque l'investissement n'est pas nécessairement égal à l'épargne, il y a croissance tant que le gain de productivité résultant de l'investissement génère un profit qui finance les intérêts de l'épargne et assure la reproduction matérielle de toutes les activités nouvelles liées aux appropriations. Ce que nous nommons productivité n'est pas la fantasmatique productivité masculine absolue, mais le produit net ou la productivité naturelle relative.

Puisque l'investissement n'est pas nécessairement égal à l'épargne, au lieu de les identifier ou de les compenser, il faut les étudier dans leurs réseaux de percolations spécifiques (dominance globale). Il faut observer leurs effets d'inclusion et d'exclusion.

La théorie keynésienne reconnaît l'emboîtement de l'économie capitaliste dans une économie marchande, plus vaste, incluant les interventions étatiques. Nous avons souligné que le modèle classique de l'équilibre est tautologique. La théorie classique est une théorie du marché supposé à l'équilibre de plein-emploi. L'équilibre est, par définition, celui du marché, pas celui de la société englobante. Le marché contient toutes les marchandises (et rien que les marchandises) vendues au prix d'équilibre. Le marché exclut la demande non solvable (besoin sans pouvoir d'achat) et les producteurs non compétitifs (produits trop coûteux pour être vendus). De même le marché du travail ne compte que les bouches à nourrir dont les bras ont trouvé à s'embaucher au salaire d'équilibre. Il exclut les personnes sans compétences productives. Il exclut les producteurs, dont les techniques sont obsolètes, qui ne peuvent offrir des salaires suffisants.

La théorie classique, identifiant le marché et la société, ne dispose d'aucun concept et d'aucune méthode pour penser ce qui est extérieur au marché. Pourtant, l'Etat, la famille et l'entreprise citadelle sont des organisations au sein desquelles les relations ne sont pas marchandes. Des transferts en nature sont effectués. Aucune théorie économique ne devrait escamoter ce phénomène de l'inclusion du marché dans un système plus vaste qui ne peut être marchand. Malgré lui, Keynes amorce l'étude de cet englobement.

Pour intégrer la recherche du plein emploi dans la théorie économique, Keynes a du rompre, non sans peine, avec le modèle et la terminologie classiques. Sa démonstration concerne la possibilité du sous-emploi pour des raisons monétaires. Il manque une théorie des causes productivistes du niveau de l'emploi:

Identifier la société à l'économie capitaliste et celle-ci à l'économie de production, c'est s'interdire de comprendre le chômage et donc notre réalité. Par contre, si le marché et la société forment une géométrie variable, leurs mécanismes respectifs provoquent tantôt des phénomènes d'inclusion, tantôt des phénomènes d'exclusion. Mais si l'épargne et l'investissement sont la facette économique sur le marché, l'inclusion et l'exclusion relèvent directement du désir et de la forme que prend la percolation des émotions dans la société.


o 3. Épargne et exclusion

Nous pouvons établir un lien entre l'épargne et l'exclusion:

- En théorie de la valeur, en situation imaginaire d'équilibre (J B Say, Ricardo, absence d'analyse détaillée), il n'y a pas d'épargne.

- En théorie des prix, en modélisation théorique détaillée (Walras), il y a équilibration des marchés par exclusion de marchandises et de producteurs. Une épargne, relative, apparaît. Elle est produite par le déséquilibre des marchés dits équilibrés. Elle provient de la différence quantitative entre la diachronie des coûts et la synchronie du pouvoir d'achat.

On peut considérer que le complément logique de l'exclusion de marchandises et de producteurs du marché est une épargne disponible pour des offreurs (profit extra du producteur) et des demandeurs (rente du consommateur). Il y a épargne, profit extra et exclusion en situation de guerre économique (interne), quand le produit net est négatif ou nul et que la compétition porte sur l'appropriation.


o 4. Investissement et inclusion

Symétriquement, nous établissons une relation entre l'inclusion et l'investissement.

Il y a inclusion de nouveaux travailleurs-consommateurs dans l'économie de marché quand l'investissement et la baisse des coûts ne sont pas compensés par une coûteuse appropriation compétitive, de la part des individus (épargne), de la part des entreprises (sur-capacités compétitives) ou de la part des nations (guerre économique ou militaire). On oublie trop souvent que les surcapacités de production (sidérurgie, automobile) sont un coût de production largement inutile. Ces ressources manquent ailleurs. Pour Robinson Crusoé, même sans marché, dans l'épisode de la pirogue, le temps perdu ne se rattrape pas.

Concrètement, dans une situation complexe où production et appropriation se mêlent, les profits extra de certains producteurs et les rentes de certains consommateurs sont les sources respectives de l'investissement et du placement. Si on veut à tout prix que l'épargne soit une non-consommation, elle est la non-consommation des consommateurs exclus par la faiblesse de leur pouvoir d'achat. Une partie de l'investissement (local, relatif) est le rachat de la capacité de production des producteurs exclus (prix de liquidation) par la faiblesse de leur productivité.

A ce niveau du raisonnement, il n'y a pas d'investissement proprement dit. La production vendue a trouvé une valeur et les producteurs reconnus ont trouvé un revenu. Presque partout la diachronie des coûts a été contredite par les prix, mais dans des proportions différentes. Parler d'équilibre n'a pas beaucoup de sens dès que l'on reconnaît une épargne, une exclusion et un chômage. Les investisseurs éventuels ne sont pas forcément les extra-profiteurs. Les réseaux de percolation permettent des transitions. Il se peut que les investisseurs soient les profiteurs normaux, acculés à réduire leurs coûts pour ne pas disparaître à la prochaine période.


* 5. Dominance globale

Nous pouvons, par la pensée, isoler l'épargne de l'investissement. On sort du schéma classique et du schéma keynésien. Nous pouvons penser l'épargne comme une dynamique différente de celle de l'investissement. Cela nous donne des outils pour étudier la société qui englobe l'économie de marché.

En période de croissance du produit net, cette inclusion peut se faire sans exclusion concomitante. Mais, dans ce cas, il faut supposer, dans d'autres parties du réseau, un investissement réel et productif. On se trouve dans une dominance globale de la production sur l'appropriation. Mais ceux qui réalisent l'investissement réel n'en sont pas forcément les profiteurs (Loi de King). C'est tout le secret de la Fable des Abeilles de Bernard de Mandeville. Quand la logique de production est dominante, un produit net est dégagé. Le luxe des oisifs peut contribuer à la percolation des revenus. Mais ce luxe n'est pas la cause physique du produit net. C'est ce qui s'est passé en Angleterre, lors de l'émergence du système des prix en économie capitaliste. Par contre, ailleurs, le luxe dominateur de la noblesse espagnole n'a pas produit le même développement qu'en Angleterre ou même qu'en France.

Il n'y aura jamais d'application biunivoque entre l'éthique et l'économique, contrairement à ce que suggérait le modèle de la répartition ou l'idéologie de l'épargne. Grâce au concept de dominance globale, on peut expliquer que, dans certaines conditions favorables, les marchés de l'appropriation participent à l'inclusion d'une part plus grande de la société dans le marché. On évite ainsi des théories manichéennes. On retrouve l'ironie de l'histoire, la diversité des situations concrètes, la complexité de la vie où "il faut de tout pour faire une monde". D'où la nécessité d'une pensée de la diversité. On échappe aux dialectiques mortifères de la pensée du même. On aboutit à une analyse plus fine des changements. On explique mieux les contrastes dans les modes de vie, dans l'évolution des attitudes, dans l'apparition de nouvelles valeurs, dans l'invention de nouveaux comportements.


* Conclusion

Ni l'épargne ne finance l'investissement (intérêt classique) ni la monnaie ne fait l'objet d'une préférence psychologique (Keynes). C'est la tendance à l'appropriation, aggravée par la contradiction des déterminations de la valeur, qui provoque la demande de monnaie pour des titres de propriété, en fonction de son équivalence générale.

Le revenu n'est pas la valeur monétaire de la production. Production et appropriation sont différents. L'investissement et la production créent le produit net. L'appropriation et la sécurité créent la propriété. Les comportements sont distincts. Leurs motivations sont opposées. Mais leurs réseaux de percolation s'interpénètrent inextricablement. La dominance globale est fonction du produit net dégagé par la production.

Si l'Economie Politique est la science de la Richesse des Nations, elle oscille entre:

Mais la même théorie ne peut traiter les deux objectifs sans jouer sur les sens du mot richesse. Dans la pratique, ce sont les acteurs qui prennent des décisions, subissent des bifurcations et construisent, dans le détail, des réseaux de percolation. Et, sous-jacent à tous les autres, expliquant les comportements des acteurs, les réseaux de la percolation des émotions.

Hubert Houdoy

Créé le 8 Juillet 1998

Modifié le 1 er Octobre 1998


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* Précédents

1. Originalité de Keynes

2. Le chômage classique

3. Les postulats classiques

4. La loi des débouchés

5. Le chômage involontaire

6. Bref résumé de la théorie de l'emploi

7. Les paramètres fondamentaux

8. Le principe de la demande effective

9. L'égalité de l'épargne et de l'investissement

10. La propension à consommer

11. Le multiplicateur d'investissement

12. L'incitation à investir

13. Le taux de l'intérêt

14. La préférence pour la liquidité

15. La théorie générale de l'emploi

16. Conclusion sur la théorie keynésienne du chômage

17. Critiques à Keynes

Production et Appropriation


* Références bibliographiques

J. M. Keynes, "Théorie Générale de l'Emploi, de l'Intérêt, et de la Monnaie", Payot, Paris, 1966


* Compléments

Une bonne analyse de l'inclusion et de l'exclusion permet de comprendre la mort sociale de l'exclu, la mort du verbe qui l'accompagne et la tentation de la mort de la chair pour y mettre fin.

Les actions d'insertion doivent être précédées ou accompagnées d'une stratégie de renaissance. C'est le but du Chapitre - Renaissance du R.A.D.

Classement Thématique du Chapitre - Renaissance

D'où les Publications des ateliers d'écriture.


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Mise à jour: 16/07/2003