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Richesses et Valeur


Une publication du RAD - Dialogue:
Notes de Lecture

de Hubert Houdoy

sur "Richesses et Valeur"

de Roger Nifle

http://www.coherences.com

Aller dans: Salon de lecture


Roger Nifle: <<Tous nos travaux s'appuient non pas sur une logique binaire, condition d'un échange équilibré, mais sur la trialectique, logique ternaire, qui favorise la création de richesses.>>

Hubert Houdoy: Oui. Il est difficile à une logique binaire de ne pas être manichéene (Le pauvre Mani n'est d'ailleurs pas responsable du sens péjoratif donné à sa doctrine qui, au contraire, conciliait toutes les grandes religions).

Les modèles de simulation économique que j'ai développé au début de ma carrière, A la recherche des Déterminations Economiques de la Valeur, montrent aussi que les propriétés d'un modèle sont fonction de la finesse de résolution du modèle. Supposez, comme Ricardo ou Marx, que l'économie se résume à deux secteurs (biens de production, biens de consommation) et vous allez inévitablement vers la catastrophe (baisse tendancielle du taux de profit) ou la fin de l'histoire (état stationnaire, état de tiédeur, warmtod, entropie maximale). La pensée binaire est donc une pensée pessimiste. Remplacez vos deux secteurs par 5 (le premier des grands nombres) et vous avez des propriétés nouvelles beaucoup plus heureuses. Remplacez chaque secteur monobloc par cinq entreprises et de nouvelles propriétés apparaissent. Cette extrême sensibilité aux conditions initiales est caractéristique du chaos (Lorentz, effet papillon, en météorologie). Cette sensibilité à la résolution du modèle est caractéristique de la fractalité.

Roger Nifle: <<Dans un raisonnement secondaire, la valeur est subordonnée à ce qui concourt à l'équilibre de l'échange, elle se mesure. Dans cette perspective, la notion de valeur est seconde, quasi instrumentale.>>

Avec cette double caractéristique:

En fait, ce mode de raisonnement, commun aux Classiques (Smith, Malthus, Ricardo) et à Marx, marqué par l'opposition du travail et du capital, du salaire et du profit, la lutte de deux classes économiques, est un discours qui cherche à penser, entre 1776 et 1870, une nouveauté radicale, le système des prix de notre économie dite capitaliste. Ce discours fondateur est la théorie de la valeur. Il est nécessaire parce que, pour la première fois, dans l'affrontement complexe de sociétés guerrières (Espagne, Angleterre, France, Empire Germanique, Provinces-Unies) et colonisatrices (Afrique, Asie, Amérique) apparaît, presque par accident, un développement économique. Ce développement fortuit qu'aujourd'hui nous voudrions transformer en développement durable. Stimulée par la course à l'appropriation, une production a permis un véritable produit net. Mais les auteurs de l'époque avaient encore bien de la peine à distinguer la richesse appropriée (esclavage, servage, traite des noirs, pillage des amériques) de la richesse produite (blé, coton, laine, charrue, outillage). Ils débattaient longuement sur la place de la monnaie (or, argent) et des biens de luxe (soie, épices, manufactures royales françaises) dans cette richesse.

Roger Nifle: <<Dans un raisonnement ternaire, la richesse est principale, donc la valeur aussi. La création de richesses devient l'enjeu principal, la condition. L'échange est une modalité de cette création de richesses, il n'est pas évalué en fonction de l'équilibre, mais en fonction de la création.>>

C'est la perspective contemporaine du développement durable. La question devient: quelle richesse est réellement durable? Quelle richesse produit et reproduit la richesse? Il s'agit bien d'une richesse produite. Il ne suffit plus de s'approprier des richesses non renouvelables ou de s'enrichir par des rentes de situation.

Dans ce cas ce n'est plus la mesure qui est au centre, mais le Sens.

Curieusement, en simulation, on se retrouve avec le temps au coeur du problème. Et le temps, non pas comme mesure (le temps c'est de l'argent, l'argent c'est du temps de travail payé) mais le temps comme problème de la finalité (quel but donner à notre action pendant le temps que nous avons à vivre? C'est l'angoissant problème de Robinson Crusoé, seul sur son île, en danger d'y mourir sans rencontrer âme qui vive et sans aucune descendance)

Le temps aussi comme cohérence (un mot clef de Roger Nifle) entre la fin et les moyens. Toujours pour Robinson, les moyens qu'il emploie sont fonction de son but ultime et ne peuvent jamais entrer en contradiction avec lui sans rendre son action absurde et provoquer une crise morale. Tandis que nous, en société, nous pouvons accepter un travail idiot et bien payé et (tenter de) nous rattraper dans des loisirs coûteux et passionnants.

Roger Nifle: <<Quand nous sommes disposés dans un sens au sein d'une problématique humaine, ce qui nous apparaît bon, c'est le sens dans lequel nous sommes. Il y a donc de nombreuses ambiguïtés possibles, d'ou des tentatives d'éliminer le Sens de la détermination de l'échange>>

C'est ce que fait la théorie marginaliste qui élimine tout sens au travail et aux produits en supposant que l'achat est la preuve et la mesure de l'utilité. Éliminer tout sens pour obtenir la mesure. Mais la mesure de quoi? Puisque l'on vient de supprimer la signification et donc même l'illusion d'une substance à mesurer. Imaginons la Physique supprimant l'énergie et l'hypothèse de la conservation de l'énergie pour ne plus avoir de problème avec le théorème de Carnot et le rendement des machines thermiques!!! Utilité marginale. Utilité, principe d'utilité

Roger Nifle: <<or, cette position de Sens est négatrice du Sens.>>

Eh Oui.

Roger Nifle: <<Valeur et richesses sont corrélatives>>

Sans l'un, il n'y a plus l'autre. Et les statistiques du Produit National Brut ne mesurent que "les statistiques du Produit National Brut", de même que le test de QI mesure le QI défini par le test de QI.

Roger Nifle: <<La valeur se rapporte aux intentions humaines et aux apports du service ou du bien dans un marché ou une culture donné(e). La détermination des valeurs d'usage et/ou d'échange dépend de l'échelle de valeurs de la communauté.>>

Et même dans plusieurs sens du mot échelle:

Mais là, attention. Quelle est l'échelle des préférences de la société? Qui est la société? Peut-on agréger les préférences individuelles des individus? Le français Condorcet puis l'américain J.K. Arrow (Prix Nobel) ont montré que cela n'était pas possible. Mais peut-être n'y a-t-il pas vraiment de préférences individuelles? Surtout au sens que suppose la démonstration de Gérard Debreu (Prix Nobel et français, comme quoi...). Puisqu'il suppose que si chacun est capable de définir, une fois pour toutes, toutes ses préférences (à 25 ans je prendrai de la marmelade au petit déjeuner, mais à 75 ans, je préférerai de la compote d'abricots et je vendrai mon portefeuille d'actions cette année-la, pour faire une donation entre vifs au profit de chacun de mes 7 enfants, sachant que j'aurai 4 garçons et 3 filles dont 2 auront épousé des golden boys capables de me conseiller les meilleurs placements sachant que mon fils aîné sera conseiller fiscal...) et se comporte toujours en conséquence (chaque fois que je vois une jolie fille je me souviens, à nouveau, qu'amour rime avec toujours), le marché établît spontanément, sans aucun coût de transaction, un optimum économique. Pas surprenant, le modèle est équilibré, par définition, dans la logique binaire qui préside à sa construction. Qui a dit que nous étions dépendants (esclaves dans la caverne) de nos représentations?

Si je reprends l'exemple ci-dessus et qu'au lieu de simuler un comportement-moyen pour chaque année de chaque individu, je simule un comportement-moyen pour chaque mois de chaque individu, j'obtiens un nouveau modèle avec d'autres propriétés. La cohérence des préférences et des choix étant fonction de l'échelle des temps (année, mois, jour, minute, seconde), pour Robinson Crusoé (combien d'années se donne-t-il à vivre? Qu'a-t-il raisonnablement le temps d'entreprendre? Est-ce bien raisonnable d'entreprendre l'extraction de charbon et de fer à 300 m sous terre pour produire un pot de fer pour cuire sa soupe du premier jour avec le sel de ses marais salants, ou faut-il ne passer que 3 mois, la deuxième année, à faire un pot de terre, après avoir passé un an à se construire une cabane solide et rassurante?) comme pour chacun de nous.

Roger Nifle: <<Il n'existe pas de richesse:

Il ne peut s'agir, ici, que de la richesse produite, en fonction d'un objectif, et donc pour un destinataire connu, avec qui on définit le produit et son usage.

Il faut donc:

et c'est bien ce qui se passe avec l'analyse de la valeur (Voir Gaelle Fedoce, http://www.conseil.org/radtech/) dans le cas d'un vrai partenariat entre client et fournisseur, quand les protagonistes ne sont pas seulement le marketing de l'un et le service achat de l'autre, mais (aussi) le concepteur de l'un et l'utilisateur final de l'autre. Ainsi le langage commun ne se limite pas seulement à la valeur d'échange ou prix (de vente pour l'un, d'achat pour l'autre), mais à la valeur d'usage dans son infini détail (forme fonctionnelle pour le concepteur et l'utilisateur du produit, forme technologique pour le responsable du process de production dans le cadre de la conception simultanée du produit et de l'usage)

Forme fonctionnelle, forme technologique, formes multi-fonctionnelles, fonctions:

http://rad2000.free.fr/glosdf03.htm

Par contre, la valeur d'échange est suffisante pour la richesse appropriée. L'écart entre le prix d'achat et le prix de vente creuse un bénéfice, qui est une richesse monétaire.

Roger Nifle: <<Ces trois axes entraînent:

-sur le plan de la production: le critère de l'utilité et de l'efficacité: la valeur d'usage;

-sur le plan des représentations: le critère d'identité et /ou d'identification

-sur le plan des relations: le critère de communauté: la valeur d'échange>>

On a déjà vu la valeur d'usage (forme fonctionnelle pour concepteurs et utilisateurs) et la valeur d'échange (prix pour marketing et service achat).

L'identification, ne serait-ce que celle du produit adapté à un usage et donc à un type bien identifié de clientèle, dans les bases de données relationnelles ou orientées-objet, qui servent de support aux SGDT (systemes de gestion de données techniques) n'est pas un mince problème. Le projet "Bases de Composants pour la Mécanique", monté conjointement par Aérospatiale, Giat, Dcn, Dassault, Peugeot, Legris Industries, Télémécanique, Sgao et Afnor a rencontré de grosses difficultés sémantiques et sémiotiques sur ce point. On en donne un aperçu dans:

Les Bases de Composants

http://rad2000.free.fr/plangene.htm

Et je peux vous certifier que si les techniciens de ces industries ont redécouvert la "Querelle des Universaux" du Moyen-Age, ce n'est pas pour le plaisir de citer le "Nom de la Rose" de Umberto Eco, revu et filmé par Jean-Jacques Annaud.

Roger Nifle: <<Le "bon" sens. Chaque sens est le vecteur d'une "tentative de résolution". Toutes échouent sauf celle portée par le sens qui permet la maîtrise de la problématique. Dans chaque situation sous-tendue par une problématique, il n'y aura de création directe de richesse -évaluée humainement- que si l'intention est dans le "bon" sens>>

Cette formulation peut sembler philosophique (personne n'est parfait). Pourtant, quand on essaye de développer des fonctionnalités nouvelles dans des logiciels de CAO (conception assistée par ordinateur) pour faire qu'ils soient un peu plus que des modeleurs géométriques avec rendu réaliste et méritent la lettre C de Conception, on bute sur de sacrées difficultés:

Vous savez que les informaticiens détestent rompre la chaîne de traitement des données. Noter des informations sur un papier au sortir d'un programme et les introduire au clavier pour alimenter un autre programme est certes une actualisation de l'adage philosophique "errare humanum est" (il est humain de se tromper) mais, même pour l'informaticien le plus fermé à la réflexion philosophique, c'est "une source certaine de bordel dans la gestion et l'exploit' de l'applicatif" (sic, je cite un ancien collègue que je salue au passage).

Nous avons expliqué, dans la modélisation géométrique fondamentale, que même pour calculer une pièce Levier toute simple, comme Fabienne Schouler sait si bien les dessiner, et pour systématiser le principe de sa conception à la demande, un seul logiciel ne peut prendre en charge les différentes représentations successives:

-...

d'où des ruptures, des interfaces, des traductions, le binz quoi! Et les techniciens sont obligés de découvrir la sémiotique après des philosophes comme Roland Barthes, Julia Kristeva ou Umberto Eco. C'est ce que nous expliquions dans le Projet de recherche du RAD.

Roger Nifle: <<Ainsi, un tas de pierres n'est pas une ressource en soi: il ne le devient que si l'on projette de s'en servir pour une construction.>>

Et il est impossible de définir des logiciels d'aide à la conception qui tiennent la route si l'entreprise n'est pas capable de définir une stratégie de conception continuée, en se spécialisant dans un domaine pour lequel on s'efforce d'explorer et de saturer commercialement le champ des possibles.

Exemple, se spécialiser dans les vérins et mettre sur pied uns stratégie de conception /production /commercialisation /maintenance, avec les tarifs adéquats, pour produire, en standard, toute une gamme et, à la demande, une gamme plus vaste encore sur d'autres bases de tarification.

Voir Graphe d'Exploration des Possibles

Roger Nifle: <<Prenons l'exemple de l'humanisme. Les néo-nazis le lient à l'affectivité, donc de leur point de vue, l'amour du prochain n'est pas l'amour du lointain. Aucun acte n'est bien ou mal en soi: il faut s'interroger sur le sens qu'il a dans la communauté de référence. Toutefois, le point de vue, la cohérence ou le consensus ne sont en aucun cas le critère du bien, et ce quelque soit le système d'auto-évaluation; sinon, tous les sens se valent.>>

Toujours pour illustrer ce qui peut sembler abstrait par des problèmes industriels de gens très sérieux qui "bossent (dans la graisse et les copeaux de métal) et payent des impôts":

Prenons le problème de la conception de boîtiers de connexion pour brancher des appareils électriques et électroniques, commandant des machines, sur des rails Kanalis distribuant l'énergie électrique dans les ateliers de production d'un industriel quelconque (pourvu qu'il soit client de produits Télémécanique). Chaque fois que le client commande N km de rail, il commande, pour le même prix, K boîtiers de raccordement qu'il faudra concevoir et fabriquer à la demande, dans un temps restreint. Aucune stratégie commerciale n'est bonne en soi. On peut réduire les coûts, réduire les délais, réduire les quantités de matière, réduire les frais de gestion des articles en nomenclature, réduire la variété... Mais une fois que l'on a choisi une politique ci-dessus ou un mix de celles-ci, il faut adopter des outils de conception et des méthodes de production qui soient en cohérence, dans la communauté de référence qu'est l'entreprise Télémécanique située sur le marché mondial. Toutefois, le point de vue, la cohérence ou le consensus ne sont en aucun cas le critère du bien, et ce quelque soit le système d'auto-évaluation. Il faut respecter la finalité qu'on s'est donne au départ de la politique, ou en changer en conséquence et mettre au rebut les travaux de recherche déjà effectués, sans chercher à les rentabiliser à tout prix dans un contexte inadapté.

Roger Nifle: <<L'intention ou le souci de servir quelqu'un ne peut faire abstraction de la communauté à laquelle il appartient. La simple production de richesses est uniquement un indicateur de richesses, il faut également une intention dans le sens du bien commun. Faire abstraction de ce bien commun, de l'individu, ne pas prendre en compte la communauté ne peut permettre la réalisation d'un service (peut-être un mensonge).>>

Ne demandez pas à un jeune ingénieur de vous mettre en place une démarche "Qualité Totale" dans la conception des coffrets Kanalis si vous n'êtes pas capable, à votre niveau, de définir votre politique commerciale et partenariale à l'égard de votre coeur de clientèle. Les conséquences, quand vous mettez en place des matériels et des logiciels optimisés pour un but, deviennent catastrophiques quand on les applique à d'autres buts.

Pure fiction:

Imaginez un constructeur d'automobile au pays d'Utopia. Pour faire face à un risque de grèves, plus fréquentes que dans d'autres pays et que chez d'autres constructeurs, (et pour des motifs de vente à l'export contre production sur place) il repartit la production de ses véhicules sur plusieurs sites dans le monde, mais sans les spécialiser dans un seul modèle. Cette redondance lui donne une marge de manoeuvre sociale. Tout a été calculé dans cette logique. Les usines sont modernisées et organisées dans ce sens. Survienne un concurrent, venu de ce pays de nulle-part où se lève le soleil, qui lui pique des parts de marché en concevant et produisant ses modèles plus rapidement. Le risque de faillite par concurrence devient plus important que les difficultés sociales. Il faut repenser toute l'organisation de la production mondiale. Il faut re-évaluer la performance de chaque site industriel dans cette nouvelle problématique. Il faut fermer un site qui venait d'être totalement modernisé dans la logique précédente, à la grande surprise des employés et des opinions publiques. Toute ressemblance... fortuite, car la réalité est toujours plus complexe que les exemples pédagogiques.

Roger Nifle: <<Si on s'interroge sur un certain nombre de traditions, on peut ressentir le bien commun, ce qui est une aide au discernement. On peut trouver des critères objectifs, mais pas de critères absolus et définitifs. Qu'est-ce que du bon pain ? Aucune réponse ne suffit, mais, en actes il faut une réponse.>>

Et la différence est importante. Car, si dans la théorie tout ne peut pas être démontré, y compris ce qui semble vrai, comme en arithmétique (Théorème de Godel), dans la pratique il faut bien trancher et agir, même sans avoir consciemment ni délibérément décidé.

Roger Nifle: <<Il doit s'opérer au moins une transformation de ce qui existe. La notion de service rendu peut être un indicateur: si cela ne donne pas de fruits, de bénéfices, il n'y a pas de richesses. La valeur de ce qui ne produit pas de fruit est nulle.>>

La vision binaire et locale fait de toute production une richesse. Il suffit qu'elle soit achetée pour qu'on lui attribue, par définition, une utilité et dans la comptabilité nationale on fait un cumul de valeur ajoutée sur la base du coût de production. Or, ce qui est produit/résultât pour le fournisseur A est point de départ/moyen pour le producteur B et ne prendra de valeur que s'il aboutit à un produit pour le producteur B, acheté et utilisé par le producteur C etc. Mesurer la valeur ajoutée par le cumul des coûts est la plus grande démission intellectuelle qui se puisse imaginer. C'est supprimer ou supposer résolu le problème que l'on se propose d'explorer.

Situation imaginaire:

Un industriel D achète des ordinateurs à un industriel A, des logiciels de CAO à un industriel B et des stages de formation à une société de service C. Du point de vue local, D paye A, B et C qui sont remboursés de leurs coûts et réalisent une marge bénéficiaire. Pendant plusieurs années, les bureaux d'etudes de l'industriel D s'entraînent à reconcevoir des produits anciens, pour bien maîtriser leur nouvel outil. Ils conçoivent même de nouveaux produits. Mais, du fait d'OPAs et de restructurations au sein du groupe de l'industriel D (non je ne donnerais pas de nom), aucun des produits conçus par les Bureaux d'Etudes (BE) de D ne passent en production, puisque la fusion des catalogues de D, D' et D'' amène à réduire les produits qui se cannibaliseraient mutuellement.

Quelle valeur a été produite dans les BE de D pendant ces années? Elle est nulle. Mais puisque la valeur finale est nulle en D, peut-on dire que A, B et C ont concouru à une production de valeur en vendant ordinateurs (A), logiciels (B) et formation (C) à D?

Ainsi des coûts réels peuvent ne pas aboutir à une valeur réelle.

Il est alors absurde de dire que la valeur de la production est égale à la somme des coûts et donc à la somme des revenus distribués à cette occasion. A la Recherche des Déterminations Economiques de la Valeur

Ce qui s'est passé, c'est que le travail dans les Bureaux d'Etudes de D est:

Mais, en aucun cas, cette masse de travail et les coûts y afférent, n'ont généré de revenus pour la firme D. Il y a simplement eu un transfert de revenu ou de pouvoir d'achat de D vers A, B et C, sans création de valeur.

Il se passerait la même chose si, au lieu de laver ma voiture moi-même, je payais mon fils pour le faire ET QUE, au lieu d'utiliser ce temps pour produire de la valeur informationnelle sur le web, je passais tout ce temps à regarder mon fils laver la voiture, lui faire des remarques critiques, marcher dans les flaques pour re-salir la voiture, lui faire recommencer par pur sadisme... en somme si le temps gagné par le travail d'un autre n'était pas utilisé à faire gagner du temps à d'autres.

Le gain de temps est la vraie chaîne de la valeur, de la richesse produite. Elle se déroule en sens inverse de la chaîne de circulation de la monnaie, mais les deux mouvements ne sont pas les symétriques l'un de l'autre.

Dans la chaîne de la valeur, il y a des temps perdus inutilement. Dans la chaîne de la circulation de la monnaie, il y a des ruptures de thésaurisation (Harpagon). Les deux types de ruptures ne sont pas symétriques, ne se compensent pas. Au contraire, elles ajoutent leurs effets néfastes (faillites, gaspillage).

Roger Nifle Roger Nifle: <<Enrichissement individuel, enrichissement collectif

Dans une logique binaire, peut se poser la question de la conciliation de l'enrichissement individuel et collectif. Dans une logique ternaire, le premier n'existe pas sans le second. Le service est la réalisation d'un consensus, qui s'inscrit dans une ou plusieurs communautés, et c'est au sein de celle(s)-ci que se pose la question des services entre individus >>

Il faudrait distinguer le revenu individuel (salaire, dividence, loyer, intérêt) du revenu de l'entreprise (profit) pour éviter des confusions trop courantes entre production et appropriation.

Consensus est un mot multivoque. On peut lui donner plusieurs sens selon le modèle idéal auquel on se réfère. En se limitant à ceux qu'utilise Rémi Bachelet dans sa thèse sur les salles de marché, on aurait un modèle de l'artefact, un modèle du marché et un modèle du réseau.

La planification soviétique cherchait à établir les programmes quinquennaux du Gosplan sur un consensus politique dont le lieu d'élaboration était le gigantesque Parti unique et ses armées de fonctionnaires. C'est toujours le même problème, insoluble, qu'avec Arrow et Condorcet. Il ne peut pas y avoir de consolidation collective des préférences individuelles ni de distribution individuelle fine des préférences dictatoriales. Le Goulag était rempli de zeks qui, malgré tout leur militantisme internationaliste et prolétarien, n'arrivaient pas à traduire en actes individuels et pertinents tout l'amour que le petit père des peuples leur portait.

Si le marché fait circuler l'argent, de client à fournisseur, et les produits, de fournisseur à client, certains supposent aussi qu'il fait circuler les signes (monnaie, prix) nécessaires et suffisants de la signification de l'ensemble de ce qui est produit. Si on pose que le marché fait circuler toute l'information nécessaire à l'orientation de la production commune, il faut être logique et admettre que le résultât (surproduction ici, pénurie là, faillites ailleurs) était voulu par chacun des acteurs du marché, ce qui n'est pas le cas. "Les hommes veulent l'histoire qu'ils font, mais ils ne font pas l'histoire qu'ils veulent (K. Marx)".

En plus de la version artefact, particulièrement bien adaptée à la production automatique, et de la version marché, bien adaptée à la circulation de la monnaie, il existe une version réseau du consensus. Elle est bien adaptée à la circulation/production de la signification pour laquelle on ne s'enferme plus dans une opposition radicale entre signification individuelle et signification collective.

Sémantiquement parlant, les mots "individuel" et "collectif" sont irréductiblement opposés. Leurs sens respectifs naissent de cette opposition binaire. Transformer le sens de l'un de ces deux mots, c'est transformer le sens de l'autre ou, plus probablement les condamner au non usage et à l'oubli. "Individuel" s'oppose à "collectif" comme "haut" s'oppose" à "bas" et "droite" à "gauche". Mais cela ne se passe que dans le dictionnaire. Or, si les hommes vivent en grande partie dans les idées (noosphère) ils ne vivent pas que là (réalité). Et, surtout, les hommes ne vivent pas dans les mots et encore moins dans les dictionnaires.

Sémantiquement parlant "signification" s'oppose à "idiotie" ou à "absurdité". Mais les oppositions binaires des mots ne se transmettent pas à leurs combinaisons:

Il n'y a pas, pour ces couples, les oppositions irréductibles, conventionnelles, de leurs composants.

La signification individuelle et la signification collective ne sont pas opposées. L'une peut exister sans l'autre. Elles peuvent même avoir la même source. Il en va de même de toutes les combinaisons imaginables comme ci-dessus.

Dans le modèle de l'artefact, signification collective peut s'accorder avec signification individuelle. Surtout s'il s'agit d'un processus automatique. Mais quand le modèle de l'artefact s'applique à la société dans son ensemble, signification collective (en fait dictatoriale et folle) s'accorde avec absurdité (voire horreur) individuelle.

Dans le modèle du marché, signification individuelle (choix du producteur, choix du consommateur) peut s'accorder avec absurdité collective (crise, gaspillage, chômage, spéculation, crack, pénurie, surproduction).

Dans le modèle du réseau, signification individuelle et signification collective n'ont pas de raisons particulières de coïncider systématiquement, a priori. Mais elles peuvent s'ajuster.

Mais un ajustement des significations est possible dans le réseau. Et justement grâce à ce qui rend complètement utopique la conciliation des préférences individuelles dans une préférence collective (Arrow, Condorcet) et réciproquement (de Staline au zek).

Revenons à la démonstration de Gérard Debreu.

Ce qu'il y avait d'un "tout petit peu" absurde dans la rationalité des choix individuels planifiés sur la durée d'une vie c'est qu'on n'est jamais sûr de ne pas changer d'avis, d'habitudes ou de préférences, un jour ou l'autre.

Et d'ailleurs pourquoi une seule vie? Si mon fils ne reprend pas mon métier de menuisier, mes sacrifices pour la constitution de mon atelier et de ma clientèle gardent-ils leur signification? Ou si, après lui, c'était son fils qui abandonnait? Hein. Dites-moi! Anno horribilis! Mettez-vous à la place de son Excellence le Comte de Paris. A quoi sert de se soumettre à la tradition si les générations suivantes l'abandonnent? Pauvre France! Tout fout le camp...

Vous me direz: "c'est pour cela qu'il faut confier la responsabilité des choses publiques aux paranoïaques qui ne changent jamais d'avis". ("Non je ne regrette rien", chantent Lénine, Staline, Adolphe, Mao, Pol, Klaus, Maurice Papon). Georges Brassens proposait une autre solution: "Mourrons pour des idées, d'accord, mais de mort len-en-te, d'accord, mais de mort len-en-en-en-te". Maurice, merci pour votre proposition héroïque, (on ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs), mais je crois que je vais m'inspirer de celle de Georges.

Au lieu de produire ses idées tout seul dans son coin. Au lieu de passer de longues années de gestation dure et solitaire avant de les livrer, formelles et définitives, dans une somme (théologique), sur papier bible, aux Éditions de la Pléiade. Imaginons un nouveau support de publication où chacun pourrait réfléchir tout haut. Jeter sur une Toile ses pensées. Que d'autres pourraient lire presque aussitôt. Trouver facilement les brouillons des autres. Comme eux trouvent les miens. Les charger, les reprendre comme s'ils étaient sur ma propre ardoise magique. Les raturer, les développer ou les commenter comme s'ils étaient les miens. Les jeter, illico, sur la même Toile.

Le web ne serait-il pas ce lieu où les significations se produisent, indistinctement et imprévisiblement, individuelles et collectives. En même temps que les textes s'écrivent et se re-écrivent, leurs auteurs rentrent en contact, partiel, marginal, jamais dramatique ni définitif. Ils collaborent à des projets, parfois minuscules, évanescents, parfois plus longs.

Des significations se forment et se déforment selon un processus tout aussi chaotique (ni plus ni moins) que les états de conscience dans le vaste réseau de neurones qui nous sert de cerveau, siège de nos pensées et qui, par un gigantesque abus de langage, fait dire "je" à une bouche connectée à plusieurs milliards de neurones.

Dites-moi quel est le neurone qui dit "je" lorsque vous me parlez, de manière que je sache à qui je parle. Ou bien, dites "nous".

Roger Nifle: <<(l'utilisation individuelle d'une voiture est impossible en dehors d'infrastructures collectives: routes, essence...). Servir l'individu suppose d'engager la problématique dans le bon sens, condition pour servir le bien commun.>>

Parfois à cause de la normalisation imposée par la protection de l'usager, parfois à cause de l'interdépendance des matériels et/ou des logiciels, parfois parce que les produits deviennent communicants (ordinateur, téléphone cellulaire), parfois parce que les normes écologiques, voire le projet européen d'écotaxe, obligent à prévoir le coût écologique du produit pendant sa production, son usage et sa destruction/recyclage, de plus en plus d'industriels découvrent un regain de complexité dans la conception des produits.

Pour une voiture, il faut décliner des modèles en fonction des pays où elle circulera. L'importance de l'infrastructure collective pour les automobiles fait diverger le coût de production propre du véhicule (valeur d'échange) et l'intérêt/le service de son usage dans tel ou tel pays (valeur d'usage). C'est pourquoi il est possible de délocaliser dans des pays à bas salaires la fabrication de marchandises spéculatives ou opportunes. Mais elles ne peuvent trouver leur pleine valeur d'usage sans un environnement complexe constitué de Produits ou services complémentaires. C'est pourquoi nous devons maintenant concevoir, produire et utiliser des Produits en réseaux qui génèrent un très grand besoin d'informations. Et le modèle du réseau (complémentarité technologique) tend à s'imposer, poussé par la concurrence, inhérente aux relations marchandes, (compétition monétaire, jeu à somme nulle), du modèle du marché.

Roger Nifle: <<On ne peut analyser une relation inter-individuelle sans l'inscrire dans un champ commun. Il n'y a pas de relations entre individus qui ne s'inscrivent dans une culture qui leur soit commune. La "communauté" dans laquelle ils se situent est sous-tendue par une problématique humaine sous-jacente, en consensus entre l'ensemble de ses membres, y compris les 2 protagonistes.>>

C'est dans le modèle du reseau que les propositions ci-dessus sont vraies. Une communauté toujours à construire, jamais déjà là, par nature (ethnie) ni par force (Etat).

Roger Nifle: <<Rendre service consiste à faire progresser l'autre vers un plus grand bien, bien individuel et collectif, commun à la communauté en consensus.>>

Et, rendre service devient de plus en plus nécessaire avec la tertiarisation (secteur tertiaire = services) de toutes les activités (minières, agricoles, industrielles). Si chacun continue à raisonner à court terme et courte vue, comme le modèle du marché le lui suggère, c'est la productivité nationale qui s'effondre, les prix de revient nationaux qui augmentent et les emplois qui disparaissent à l'étranger.

Voir: Flexibilité, Inflation et Chômage, Mode de Vie et Chômage, Syndicats et Chômage

Or, ces mêmes forces du marché incitent déjà de nombreuses entreprises à compléter leurs relations purement marchandes (de client à fournisseur) par des relations de partenariat (d'utilisateur à concepteur). Elles réalisent ainsi ce qui était le véritable message de J. M. Keynes: quand on ne trouve pas de produit satisfaisant à son besoin, le faire produire à la commande. Contrairement au modèle du marché, l'information circule entre concepteur et utilisateur bien avant que le produit et la monnaie ne s'échangent dans la relation purement marchande (qui ne disparaît pas pour autant, surtout pour tous ceux qui ne sont pas des partenaires).

Par ce nouveau dialogue en cours de conception, non seulement l'entreprise pyramidale se décloisonne en interne, non seulement l'entreprise citadelle s'ouvre sur l'extérieur, mais les mécanismes monétaires du marché relatifs aux marchandises traditionnelles (biens et services) sont précédés ou accompagnés par une "réalité virtuelle" qui ne cesse de se développer. La conception simultanée du produit, du process et de l'usage utilise toutes les possibilités du calcul IAO (Ingénierie Assistée par ordinateur), de la modélisation géométrique CAO (Conception Assistée par Ordinateur), tant pour le produit que pour le process (de fabrication) de manière à faciliter le dialogue entre tous les spécialistes qui peuvent se plonger dans le produit ou le process virtuel (en cours d'étude) grâce au rendu réaliste des outils de la réalité virtuelle (VRLM).

C'est l'idée sous-jacente aux catalogues électroniques de composants mécaniques. L'utilisateur peut se "voir" en train d'utiliser le produit en situation. Le technicien de maintenance peut désinstaller, démonter, réparer, remonter, réinstaller le produit dans l'écran de CAO. Etc.

Roger Nifle: <<Illustration: aide à la recherche d'emploi

Aider quelqu'un à trouver un emploi est irréalisable en dehors d'un contexte où se situent à la fois le problème de l'emploi et les solutions. Le service est rendu par rapport à la problématique du bénéficiaire de l'aide, celle d'en trouver. On suppose que son bien est d'en trouver, en même temps que c'est un service à la communauté: diminuer le taux de chômage.

Dans une logique binaire, si, dans le cadre d'utilisation d'une subvention publique, il prend le poste d'un autre, il n'y a pas de création de richesses: l'un est servi, mais l'autre est desservi. Idem si le travail est une forme d'esclavage.

Alors que dans une logique ternaire, le problème n'est pas strictement d'avoir un emploi, mais aussi de participer à la production de richesses.>>

C'est pourquoi une logique ternaire ne peut pas échapper à la question de la productivité du réseau, qui ne se confond nullement avec le problème de la rentabilité qui appartient à la logique binaire du modèle du marché (jeu à somme nulle où les gains de l'un sont les pertes de l'autre). Le réseau est le lieu qui permet des jeux à somme positive (gain collectif) car les actions y sont finalisées (mais pas de manière dictatoriale comme dans le modèle de l'artefact).

Roger Nifle: <<Prenons l'exemple d'un paysan bolivien dont l'unique source de revenus est la culture du pavot. L'usage modéré de la drogue, habitude culturelle, n'a rien de commun avec le commerce mafieux de la drogue. Ce système d'esclavage dans lequel le paysan est prisonnier, existe de par l'intention de quelqu'un.>>

Le mal est parfois une intention délibérée. Il est encore plus souvent le résultât d'un refus d'intention, la somme de millions d'adaptations individuelles à ce que chacun considère comme une fatalité (le système, les marchés). Chacun croit appartenir à un système qui le dépasse. Mais le système n'existe, et ne semble tel, que par la somme des actions individuelles. Autrement dit, chacun participe, mais à un système qu'il n'a pas choisi et que donc il croit subir. Or le marché nous incite fortement à limiter notre horizon à ce que nous vendons (notre travail) et achetons (nos biens de consommation) tandis que la politique nous demande notre avis, en moyenne une fois tous les deux ans. Tout le reste semblant être la responsabilité des "ils" des "autres" ou des "méchants".

Roger Nifle: <<Qu'il soit conscient ou confus, le choix de la communauté de référence est un acte majeur. On doit prendre position sur la problématique retenue, et renoncer ainsi à une certaine omnipotence. D'ou l'importance du choix du lieu d'être...>>

Ce qui suppose la fin ou le déclin de LA communauté d'appartenance et le développement de multiples communautés/projets de participation. Ces communautés sont le meilleur moyen d'élargir notre domaine d'intervention concrète et de responsabilité pratique.

Roger Nifle: <<Les intérêts particuliers et collectifs se conjuguent dans une logique de concourance, à l'articulation des différentes communautés>>

L'articulation entre les communautés est faite par des individus autonomes qui participent volontairement à plusieurs projets. Ils y négocient leurs participations en fonction de leurs intérêts individuels et reçoivent en fonction de leur participation.

Roger Nifle: <<La mondialisation des échanges peut être interprétée de deux façons.

1/ Le niveau où cela se traite est mondial.

C'est le niveau possible où se pose la question de la responsabilité intentionnelle de l'être humain. World / Welt / Vir = âge d'homme. L'humanité accède à un certain niveau de conscience, voire de maturité. La mondialisation permettra alors d'embrasser l'ensemble des communautés.>>

A ce niveau, les intentionnalité restent rares. Seules les entreprises transnationales ont une intentionalite à ce niveau. Mais elle se limite volontairement à la sphère du marché, sans revendiquer de responsabilité dans la sphère de la société, comme le font certains Etats (gendarmes du monde) ou l'ONU.

Par contre les efficiences y sont nombreuses. Beaucoup d'actions individuelles (habitudes d'achats, choix d'épargne, mode de vie) ont non seulement une efficacité locale (nourriture, chauffage, transport, rémunération) mais une efficience globale, qui sans être intentionnelle est très réelle (pollution, mouvements boursiers, inflation, délocalisation).

Roger Nifle: <<2/ Les lois de l'economie mondiale s'imposent à tous.

C'est une croyance destructrice, qui dépossède l'homme de ses lois économiques et qui entraîne l'effondrement des économies nationales ou régionales sous-jacentes. Les discours sur les lois de l'économie mondiale sont souvent des leurres utilisés par les dirigeants, avec la complicité des intellectuels: il faut établir un distingo entre les faits et les discours médiatiques.>>

Peut-être faudrait-il préciser ce que l'on entend par "loi"? Il y a d'un coté des "défis" et de l'autre des "conséquences".

Il n'y a donc pas d'autres lois que celles que notre vision trop locale (nos achats et nos ventes) nous incite à projeter sur des "ils" mystérieux et malins.

Mais si le marché nous enferme dans une très petite niche écologique, les réseaux nous permettent de communiquer bien au-delà de notre cadre de vie.

Roger Nifle: <<Si elles créent véritablement des richesses, les entreprises contribuent par leur activité à l'évolution humaine, à la civilisation. Il ne devrait pas être accepté qu'elles jouent simultanément sur deux tableaux: prétendre participer à la création de richesse et s'exonérer de charges et de responsabilités.>>

D'où, selon votre idée, des droits et des devoirs adaptés aux objectifs que chaque groupe se donne. Et pour cela, il faudrait tenir compte de l'efficacité (effets internes) et de l'efficience (effets externes). L'une relève du marché. L'autre relève du réseau.

Roger Nifle: <<Exemple d'une crise de surproduction

Une crise de surproduction peut s'interpréter de deux façons.

1/ La production est inadéquate.

L'intentionalite du producteur n'est pas en phase avec les consommateurs.

2/ Il y a consensus sur un sens qui n'est pas le bon.>>

Des millions de micro-décisions inadaptées finissent par provoquer de véritables conséquences alors que chacun pensait que son action était négligeable et, donc, n'avait pas de sens et n'impliquait aucune responsabilité. Souvent, les choses n'ont pas de sens par ce que nous ne voulons endosser aucune responsabilité. A la limite: "responsable mais pas coupable".

Vouloir que les choses aient un sens, c'est:

Roger Nifle: <<Le sens appartient notamment à l'acteur et au bénéficiaire. Mais la satisfaction du bénéficiaire n'est aucunement un critère de création de richesses. Certains consensus ou conventions, y compris des démocraties, se fondent sur un sens qui n'est pas le bon.>>

La démocratie réelle ne peut se limiter au droit de vote et à la liberté d'agir selon les lois du marché. Une telle position est négative.

Elle trouve son origine dans la tradition de la lutte contre l'absolutisme (royal et religieux) dans un monde statique où le role collectif de l'humanité sur la planète restait encore limité.

Aujourd'hui, nous n'avons plus à vivre selon des lois morales qui prétendaient découler d'une explication de la création du monde (problème collectif éternel mais purement contemplatif d'un monde statique). Nous n'avons plus à nous émanciper de ces lois anciennes. Cessons de nous battre contre les tyrans de nos arrières grands parents.

Aujourd'hui, nous avons des problèmes collectifs très historiques et très pratiques, à résoudre rapidement, du fait de notre influence très considérable sur notre environnement. Nous pouvons, certes, nous contenter de l'efficacité locale de nos actions. Nous devons, aussi, nous préoccuper de leur efficience globale. Cessons d'accuser le système, les marchés, des conséquences globales de nos propres micro-décisions. Mettons-nous en position de mesurer et de contrôler l'impact de nos actes individuels minimes multipliés par des millions ou milliards d'acteurs humains homologues. Les réseaux (partenariat, conception simultané, organisations virtuelles) nous permettent de faire circuler le sens (valeur d'usage) avant les marchandises. Alors que le marché fait circuler les crédits bancaires (qui créent les capitaux flottants) bien avant les marchandises et le travail nomade.

(Bon sens) Roger Nifle: <<Pour le trouver, il faut se référer en amont au plus profond de la nature humaine. Les êtres humains n'ayant pas été créés par l'homme, aucun d'entre eux ne peut décréter ce qui est le bien de l'homme.>>

Ces deux phrases, qui posent très indirectement le problème de la vérité, me semblent très différentes:

Ce n'est pas dans le secret des origines que peut se trouver la solution, mais dans le(s) projet(s). Même comprendre le monde (Science) est un projet d'intelligibilité qui ne sera jamais fondé mais toujours risqué. Aucun principe, même initial, n'est jamais à l'abri d'une réfutation. Même le Principe de Conservation (matière ou énergie) reste un axiome problématique et non pas une certitude ou une vérité. Les incertitudes sur la densité de matière de l'univers et donc sur la réversibilité ou non de son expansion manifestent que le principe de Lavoisier reste et restera une hypothèse indémontrable. Par contre, il permet bien des intimidations. Ne serait-ce que, pendant toutes ses études, tout élève qui l'oublie se retrouve avec un zéro à son devoir de physique.

Par contre, un projet de survie de l'espèce humaine, sur terre puis dans l'espace, aurait le mérite d'être beaucoup plus clair. Ni plus ni moins fou que le projet d'intelligibilité du monde (rationalisme, scientisme, religion), mais beaucoup plus contestable / discutable / négociable dans ses conséquences. Chaque citoyen pourrait demander à être éclairé sur la contribution de tel programme scientifique ou technologique particulier à ce programme plus vaste (auquel il adhérerait ou pas). Le récent Téléthon montre que quand (1) il a le choix, (2) il est informé, alors il comprend et donne très volontiers.

Roger Nifle: <<La voie de l'homme est la progression. L'enfant est un être humain en devenir, en voie d'accomplissement de lui-même. Mais il est plus facile d'activer la régression que la progression, c'est-a-dire d'obtenir un consensus sur un mauvais sens, puis de mesurer la demande, puis de la légitimer.>>

Il est intéressant de relire Piaget pour comparer l'apprentissage individuel par lequel nous passons (plus ou moins) tous, et ce que le faible apprentissage organisationnel nous autorise à utiliser pleinement parmi les compétences si difficilement acquises.

Nos institutions pour prétendues adultes (le monde du travail) ne favorisent pas l'usage de compétences dont l'acquisition initiale (système éducatif) coûte pourtant si cher à la société. Est-ce l'école qui ne prépare pas à l'entreprise ou l'entreprise qui fait régresser les adultes dans des comportements infantilisés/infantilisants? Voir L'Apprentissage Organisationnel, Psychologie Génétique.

Nous acceptons trop facilement, au sortir de l'école, de renoncer à écrire ou parler, sous prétexte que nous ne sommes ni enseignants ni hommes politiques. Cloisonnés dans un métier au coeur d'une entreprise isolée sur le marché, nous renonçons à une parole d'homme libre, sous prétexte que nous ne sommes pas payés pour cela. Aujourd'hui, en tout cas, les réseaux nous donnent une merveilleuse occasion.

Roger Nifle: <<Théorie du penchant originel. La première conscience de l'être humain, prénatale, est d'ordre affectif. La naissance est une coupure plus ou moins brutale du milieu. Le nouveau-né se confond avec son affect, la nouveauté est source de souffrance. Tout au long de sa vie, à chaque fois que son existence est menacée, il aura tendance à régresser en recherchant ce climat affectif, en effectuant un repli archaïque.>>

Les discours que les sociétés tiennent sur elles-mêmes, par l'intermédiaire de leurs représentants officiels, visent surtout à rassurer et jouent donc sur cette tendance à la régression. C'est pourquoi les discours officiels doivent être minoritaires, épisodiques, par rapport à une multitude de dialogues interindividuels, qui, ayant moins d'enjeux collectifs, sont plus libres et moins dépendants des poncifs. Si le livre, grâce à Gutenberg, a déjà multiplié le nombre des auteurs, internet est une transformation beaucoup plus importante, comme en témoigne déjà la multiplication des sites (parfois réduits à une home page).

Roger Nifle: <<Régression. Certaines chaînes de télévision, certaines publicités qui utilisent l'enfant comme objet de désir, agissent -efficacement- sur les tendances régressives. Elles peuvent objecter que c'est à la demande du public, qu'il existe donc un consensus. Or le nombre n'est pas le critère déterminant. Placer les téléspectateurs dans des situations de régression absolue, c'est les rendre complices et denier leur humanité. Ceux qui fabriquent ce type d'images se retrouvent dans ce schéma. Il s'agirait plutôt de recréer des liens entre les activités humaines et le devenir commun au lieu de les rompre.>>

Un médium "de tous vers tous", comme internet, est beaucoup moins sujet à ce travers qu'un médium "de un vers tous" comme la télévision. Mais, cette caractéristique technique étant rappelée, il y a un possibilisme, mais il n'y a pas de déterminisme. Internet ne sera un lieu de dialogue que si nous osons le faire.

Hubert Houdoy

Créé le 7 Janvier 1998


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Mise à jour: 16/07/2003