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Pensée économique sur le chômage
"Nous souffrons, véritablement, d'une insuffisance de la pensée économique sur le chômage."
(Ph. Séguin)
Les termes en gras sont définis dans le Glossaire Alphabétique du RAD.
1. L'économisme
L'insuffisance de la pensée économique sur le chômage provient d'un refus d'approfondissement sur la nature de la valeur, les conditions de la croissance et la définition de la productivité.
La pensée économique s'intéresse presque exclusivement à la valeur d'échange des marchandises et à la rentabilité des capitaux. Cet intérêt est légitime. Il correspond aux indicateurs de bonne gestion des entreprises. Ce souci ne saurait être critiqué. Mais cet intérêt est trop partiel. Car la valeur d'échange et la bonne gestion ne pourront jamais nous donner d'informations sur ce qu'il est utile de faire. Et prendre les critères de gestion pour des critères d'opportunité est une illusion dangereuse. C'est s'en remettre à une bien problématique "main invisible" pour décider de notre avenir. Un acte de foi pour le moins risqué.
La théorie de l'équilibre entraîne ce souci exclusif pour la valeur d'échange et la rentabilité des capitaux.
L'importance des mécanismes économiques dans la société est récente à l'échelle de l'Histoire. L'Economie Politique est encore peu connue, mal comprise et souvent caricaturée. Son statut épistémologique est très ambiguë. L'Utilitarisme M.A.U.S.S.est souvent confondu avec le Machiavélisme.
Même quand elle achète massivement des actions Paribas ou Euro-Tunnel, l'opinion publique n'est jamais très loin de la position de l'Eglise qui condamnait le prêt à intérêt. Les mécanismes monétaires et financiers normaux ne sont jamais bien distingués des pratiques douteuses et délictueuses. Le grand frisson du salarié à qui l'entreprise distribue des actions! Le rôle des marchés à terme est peu compris. Il est difficile de distinguer une "situation spéculative" d'une "pratique spéculative". D'autant que l'économisme, dernier bastion du rationalisme, ne cherche pas à faire la différence.
Face à une opinion publique réservée, les économistes veulent constituer leur discipline en un domaine scientifique isolable et autonome. C'est probablement l'erreur fondamentale. Pour ce faire, ils cherchent à montrer qu'il existe une normalité économique, sans avoir recours au moindre critère éthique. D'où la théorie, tautologique, de l'équilibre.
A l'équilibre des marchés et des prix, les marchandises s'échangent à leur valeur, les capitaux ont une égale répartition, le travail est justement rémunéré, la croissance est harmonieuse, les coûts comparatifs règlent au mieux la division internationale du travail, les taux de change harmonisent les flux de capitaux, les prix ne sont pas gonflés par l'inflation et cet équilibre est un optimum social.
"Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles".
"Là tout n'est qu'Ordre et Beauté, Luxe, Calme et Volupté".
C'est peut-être vouloir en faire trop à la fois. D'ailleurs l'opinion publique, qui n'en demande pas tant, n'est jamais bien convaincue par ce discours.
2. Pensée ouverte
A moins d'avoir passé de longues années à raisonner sur des modèles d'équilibre, chacun peut constater que les situations quotidiennes ne sont ni équilibrées ni réversibles. Mais l'Economie Marginaliste ne peut renoncer à ce modèle qui fait corps avec son projet épistémologique de rationalité.
Il est primordial de fonder solidement un discours scientifique de la vie en société. Il est inutile de fonder un discours économique distinct des discours sociologique, linguistique, etc.
Philippe Séguin a raison de montrer que le lancinant problème du chômage exige une pensée plus ouverte. "Plus que jamais, l'économique, le social et le culturel doivent être traités ensemble..."
Plus la discipline économique cherche à être neutre et isolée de la sociologie, de la linguistique ou de l'ethnologie, plus elle est amenée à formuler des hypothèses contraires aux observations de la vie courante et des autres disciplines. C'est le cas pour l'homo oeconomicus. Ce n'est pas comme cela qu'elle atteindra ni la confiance des citoyens ni la réfutabilité.
La persistance du chômage est un grave défi pour la pensée économique qui nie sa possibilité même. Les modèles d'équilibre ne sont pas sans intérêt. Ils permettent de réfuter certaines propositions. Mais ils ne sont que des preuves par l'absurde. Ainsi en est-il de la Loi des Débouchés de Jean-Baptiste Say. Ce brave homme a raison de dire que les dépenses faites pour la production créent, ipso facto, le revenu pour l'acheter. Mais de là à déduire qu'il ne peut y avoir de crise durable et que le chômage est un refus de travailler! La réalité n'est pas obligée de ressembler à nos raisonnements les plus élégants.
Constatons donc la permanence récente du chômage. La recherche de ses causes ne manquera pas de relativiser la théorie économique de la valeur d'échange. Car la théorie des prix ou de la valeur d'échange confond la nécessaire simplicité d'un modèle d'intelligibilité avec l'infini foisonnement de la réalité quotidienne. Rien n'oblige les marchandises à se vendre à leur coût et rien ne prouve que chacun soit rémunéré en fonction de la productivité marginale de son apport. Tout cela n'existe que dans les modèles d'intelligibilité qui permettent d'expliquer aux étudiants débutants la multitude des causes d'interdépendances entre les marchés.
En fait, il y a un déséquilibre permanent entre la propagation comptable des coûts et la circulation des revenus par la dépense. Plusieurs systèmes de propagation et d'anticipation se font et se défont en permanence. Rien ne garantit un quelconque équilibre, même quand la situation n'a rien de catastrophique. Et puisque les prix ne sont pas des prix d'équilibre, ils sont de pures quantités abstraites. Ils ne mesurent rien, ils ne reflètent rien, ils n'expliquent rien, ils ne montrent rien. Mais ils provoquent néanmoins, selon leur signe, la perte ou le profit, la richesse ou la misère. Ces oracles sibyllins ne peuvent guider des marchés aveugles. Alors rien n'interdit aux hommes de se concerter pour lancer leurs projets. L'alternative aux marchés n'est pas pour autant la planification. Il est temps de sortir de cette opposition tragique des XIXdeg. et XXdeg. siècles. Le moindre projet de partenariat entre deux entreprises comporte plus d'intersubjectivité informante que l'ensemble de tous les prix courants.
3. Valeur d'usage.
Les prix étant sensés véhiculer toute l'information du monde, les théories ne s'intéressent qu'à la valeur d'échange. La valeur d'usage des marchandises est abandonnée par les économistes. C'est pourtant elle qui permet de convaincre l'utilisateur ou le consommateur de "payer le prix" qui répercute les coûts.
Par leur valeur d'usage, les marchandises ne font pas moins système que par leur valeur d'échange. Mais, voilà, on ne peut forger de discours neutre sur un hypothétique équilibre des valeurs d'usage. Il n'y a pas de valeur d'usage sans projet ni finalité. Dès que l'on s'intéresse aux buts, et comment faire autrement, la discipline économique perd sa belle indépendance politique et morale, son isolement et sa neutralité. De plus, il faut s'intéresser aux détails techniques qui font le charme et la complexité de la vie industrielle. Finies les élégantes fonctions de production continues et dérivables.
Améliorer la valeur d'usage d'un produit, c'est dialoguer avec l'utilisateur et non pas avec l'acheteur. C'est rentrer dans la logique technique et fonctionnelle de l'utilisation. Sans oublier le coût de production, la prise en compte de la valeur d'usage conduit au partenariat avec les clients-utilisateurs. Finie la technostructure qui pense à la place du client. Au lieu de se laisser guider par les prix dans un catalogue, on élabore l'usage en fonction de son projet.
En intégrant la valeur d'usage, on dépasse la théorie simpliste du marché généralisé. On découvre le système productif des marchandises interdépendantes. On comprend la reproduction du mode de vie. Bien sur, la concurrence ne disparaît pas. Elle est conditionnée par les interdépendances. On explique pourquoi les entreprises recourent à la conception simultanée du produit et de l'usage.
L'intérêt pour la valeur d'usage introduit la technique dans la pensée économique. La technique ne se résume pas à des équations. Les fonctions de production ne sont pas continues et dérivables. Les décisions exigent plus de concertation et d'invention que de calculs. Les choses deviennent nettement plus complexes mais beaucoup plus réalistes. La valeur d'usage est trop précise pour que l'on résume le système productif en une marchandise composite (Sraffa). Il ne s'agit plus d'une valeur d'échange abstraite.
4. Il faut abandonner le rêve d'un modèle général.
Le modèle de l'équilibre n'est qu'une propédeutique pour débutants. Finies les théories générales sans Histoire ni Géographie. Mais on gagne de coller à la réalité contemporaine. On peut tenir un discours qui se rapproche de celui de l'action réfléchie. La prise en compte de la valeur d'usage permet de distinguer les travaux productifs des travaux improductifs. Non pas d'un point de vue idéologique, mais par opportunité locale, dans la logique relative d'un projet. Il ne suffit pas que la monnaie circule, sans goulot, pour que les activités créent des activités. Il devient possible de construire des scénarios, de réalistes projets de croissance concertée. Au lieu d'observer les politiques et les industriels, l'économiste devient partenaire. La discipline économique sort de son splendide isolement.
La prise en compte de la valeur d'usage ne permet pas d'analyser les causes générales de la croissance, mais les possibilités de croissance ici et maintenant. Il n'y a pas de théorie générale de la valeur d'usage. Il s'agit toujours de l'usage de tel produit, dans tel contexte, pour tel but de tel acteur. Cet intérêt renouvelé pour la valeur d'usage s'explique par le basculement récent des marchés de vendeurs, dominés par la technostructure, à des marchés d'acheteurs, soumis aux fluctuations de la demande. Tout en restant des économies de production matérielle, nos sociétés deviennent des sociétés de connaissance par l'importance qu'y prend la compréhension des besoins de l'utilisateur. L'ergonomie cognitive en est la meilleure illustration.
Par les interdépendances que manifeste la valeur d'usage, par les partenariats auxquels elle incite, l'espace économique n'est plus seulement le champ clos de la concurrence des capitaux investis dans la production. Cette concurrence abstraite est une contrainte inéluctable. Elle n'est pas le but. La réalisation de la valeur des marchandises est aussi problématique que la satisfaction du consommateur. L'intérêt pour la valeur d'usage permet de considérer l'espace économique comme un champ d'exploration de possibilités techno-sociales. Le graphe d'exploration des possibles permet de concevoir les chemins concrets d'une croissance concertée. En complément des simplifications de la valeur d'échange, on retrouve la complexité de la réalité quotidienne.
5. Productivité globale.
Il est alors possible de produire un discours réaliste sur la productivité globale du système productif.
Le discours actuel insiste, à juste titre, sur la forte productivité de la production matérielle automatisée. C'est à tort qu'on lui attribue la cause du chômage. Car en ne parlant que de cette productivité partielle et locale, on laisse croire à une productivité globale de même ampleur. L'insistance sur les vitesses de traitement et les performances des ordinateurs accentue encore cette illusion. Or, depuis plus de 10 ans, toutes les analyses constatent une baisse de productivité dans les bureaux malgré le développement et l'usage des logiciels de bureautique. Ces analyses sont trop vite oubliées.
Pour avoir une vraie pensée économique sur le chômage, il faut des concepts et des outils pour mesurer la productivité globale du système productif. La productivité n'a de sens que relativement à un projet. La prise en compte de la valeur d'usage permettra d'atteindre cet objectif.
La valeur d'échange ne concerne qu'un marché à l'équilibre. La productivité globale d'un marché n'a aucun sens puisqu'il n'a pas de but. Par contre, la productivité globale d'un ensemble de partenaires peut s'évaluer en regard de leur objectif commun de création de nouveauté.
Il n'existe pas de Science Économique générale. Il peut exister une manière scientifique de poser les problèmes particuliers de chaque époque et de chaque pays, dans la réalité de son territoire, dans la négociation de ses rémunérations, dans l'organisation de son travail et en fonction de l'invention de son mode de vie.
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Compléments
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Relations entre NTCI et développement du territoire
Initiatives illustrant l'impact des NTCI sur le développement