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A propos du Revenu Minimum de Dignité

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Réponses à Bruno Lemaire

A propos du Revenu Minimum de Dignité


* Plan

Introduction

1. Accord sur le constat de départ

2. Les trois finalités du travail

3. Le Revenu Minimum de Dignité

4. Les trois lieux de l'insertion sociale

Conclusion


* Introduction

Bruno Lemaire, blemaire@mailhost.grolier.fr, Professeur à HEC, nous a adressé un texte sur le Revenu Minimum de Dignité. Il est publié dans les "Tribunes de l'Emploi" qu'animent le Réseau Européen pour l'Emploi et le Réseau d'Activité à Distance. Nous l'en remercions chaleureusement. Il honore les chercheurs d'emploi qui confient leurs CV au REE. Il encourage les créateurs d'activités qui élaborent leurs projets au sein du R.A.D. Notre réponse cherche à montrer dans quel projet, beaucoup plus vaste, peut prendre place un revenu minimum de dignité ou d'existence. Nous espérons qu'un tel projet trouvera un grand nombre d'interlocuteurs pour le débat qu'il requiert. Très loin d'être exhaustives, nos réponses à Bruno Lemaire sont une invitation à élargir et poursuivre le débat.


1. Accord sur le constat de départ

Nous partageons son analyse de la situation. Le monde a profondément changé. Il est temps de changer nos représentations. Le temps où "les personnes au travail étaient relativement interchangeables" est sérieusement révolu. Pour cette première raison, l'impact de la loi Robien, sans être nul, ne peut concerner l'ensemble des entreprises. Il est vrai aussi que nous ne sommes plus dans le contexte où "les thèses keynésiennes auraient pu avoir un certain impact pour lutter contre le non-emploi". Nous ajouterons simplement que les thèses prétendument keynésiennes (politique des hauts salaires, crédit à la consommation, déficit public, relance par la consommation), très peu fondées en théorie, ne sauraient être attribuées à l'auteur de la Théorie Générale.

Nous sommes entrés dans un monde où "il s'agit de vendre avant de produire", non pas dans le sens monétaire du terme, mais par la conception simultanée du produit et de l'usage qui est le moyen de "partager une vision de l'avenir". Notre nouvel environnement est celui de "l'immatériel, de la connaissance et de l'information". Si le capital monétaire compte moins que la mobilisation des intelligences, c'est parce que chaque entreprise et chaque producteur travaille dans des conditions de plus en plus différenciées. C'est pourquoi "il ne s'agit plus de gagner son pain à la sueur de son front, mais d'éclairer sa vie à la lueur de l'intelligence".

Sans jouer sur les mots, ce n'est pas le travail qui disparaît, mais l'emploi salarié qui se raréfie. Et puisque le chômage ne provient pas d'une trop forte productivité, l'amélioration de l'efficacité globale de notre mode de vie commun exige un surplus "d'activités qui ne sont pas nécessairement marchandes". A lui seul, ce changement de la perspective productiviste exige une réflexion approfondie sur le travail. Bruno Lemaire nous propose de dissocier les trois finalités du travail: "le travail, producteur de richesses, le travail, clé de répartition du revenu national, le travail, symbole de reconnaissance et d'intégration dans le tissu social". Cette réflexion est d'autant plus nécessaire que la crise de l'emploi salarié frappe l'Etat-patron au même titre que la grande entreprise. La crise financière de l'Etat oblige à une redéfinition précise de son rôle, tant vis-à-vis du travail et de la production des richesses que vis-à-vis de la citoyenneté et de l'impôt. S'agissant de la solidarité et de la mutualisation des risques, c'est déjà ce à quoi nous invitait Philippe Séguin.


2. Les trois finalités du travail

Bruno Lemaire nous suggère de séparer les trois finalités du travail. Contentons-nous de brèves citations pour resituer son argumentation.

"Les 3 millions 500 000 chômeurs français, 5 millions d'après certains, montrent à l'évidence que pour fabriquer les 8 000 milliards de francs du PIB français, tout le monde n'a pas besoin de travailler, au moins vis à vis de cette finalité".

"Le travail salarié (représentait) 90% de la population activable ces dernières années". Mais rien n'oblige à relier exclusivement le travail à la participation au revenu national, puisque l'Etat en redistribue une part considérable "suivant des critères qui ont pour eux, si l'on peut dire, les plus grandes qualités d'opacité, de variabilité, de politisation ou de corporatisme."

"Un État citoyen devrait intégrer dans ses valeurs, comme principe fondateur, le respect de l'homme et du citoyen, le respect de ses droits et de ses devoirs". "Le devoir de l'Etat est de ne pas faire croire que chacun peut, et doit, trouver un emploi salarial (et, s'il n'en existe pas, de fonctionnaire) pour lequel il n'est peut être pas fait, et pour lequel, très souvent, l'éducation nationale ne l'a pas préparé".


3. Le Revenu Minimum de Dignité

"Pourquoi donc ne pas accorder à chacun de nos concitoyens un revenu minimum de dignité (ou d'existence) égal à un pourcentage précis, fixé éventuellement dans la constitution, correspondant par exemple au quart du PIB (soit environ 2 600 F par mois et par personne, net d'impôt, soit 10 400 F, net d'impôt, pour une famille de 4 personnes)".

"Tous les autres revenus éventuels correspondraient à la productivité marchande, et seraient, eux, imposables (par exemple au taux de 33 % si l'on retient comme taux pour le revenu minimum de dignité 25%)".

"L'intérêt complémentaire de cette mesure, c'est qu'elle pourrait être implantée très vite, puisque cela ne perturberait en rien les lois de la concurrence internationale, européenne ou mondiale. La France reste libre de répartir sa valeur ajoutée comme elle l'entend, et les entrepreneurs et les compétences marchandes seraient elles aussi libres d'entreprendre, ce qui est après tout leur rôle, tout en sachant que tout revenu marchand serait imposé à un taux fixe et connu à l'avance".

"Le revenu de chacun doit nécessairement comporter une part d'un montant identique pour chacun, du nourrisson au quatrième âge - indépendante de ses compétences marchandes, part que j'ai appelée Revenu Minimum de Dignité".

"Mais ceci passe par une révolution culturelle". Ce dont nous ne doutons pas!


4. Les trois lieux de l'insertion sociale

La présentation du Revenu Minimum de Dignité, au milieu de la campagne électorale de Mai 1997, n'est pas une chose facile. On peut sérieusement se demander si l'électorat écoute les promesses électorales, s'il sanctionne de plus en plus rapidement l'usure du pouvoir ou s'il impose délibérément la cohabitation des contradicteurs. Or, le Revenu Minimum de Dignité ne peut être une mesure conjoncturelle. Il ne peut s'agir d'un élément d'un plan de relance. Garanti par la constitution, il doit dépasser les querelles partisanes. Son instauration exige un véritable consensus. Il ne peut disparaître aux élections suivantes. Il fait partie de la définition des règles de la vie économique et de la vie sociale. Il correspond à ce que d'autres appellent "un nouveau contrat social". Ce revenu minimum d'existence ne peut se comprendre que dans une redéfinition des rôles du consommateur, de l'entreprise et de l'État. Séparer les trois finalités du travail nous conduit à distinguer trois institutions spécialisées.

D'où une nouvelle séparation des pouvoirs:

Le XXdeg. siècle a vu le travail, la famille et la patrie prétendre, chacun pour son compte, devenir le seul lieu de l'intégration sociale. Or l'intégration est un phénomène complexe et multiforme. Elle ne s'obtient que par un ensemble de relations. Le revenu monétaire en fait partie, mais il n'est pas tout. L'insertion dans la culture est un autre aspect. Différentes formes de reconnaissance sociale sont tout aussi nécessaires. C'est pourquoi l'intégration n'est jamais totale ni définitive, pour personne. Elle ne peut se confondre avec le conformisme. Elle ne se limite pas à la consommation. Elle suppose un jeu entre des appartenances multiples et souvent contradictoires. Les sociétés modernes se distinguent des communautés primitives par la diversité des lieux de vie. Du fait de la complexité des rôles et des pratiques, il n'y a pas une institution centrale. Toute tentative de fusion des rôles est totalitaire. Ce totalitarisme est inhumain. Par chance, il n'est pas durablement compétitif. Au lieu d'imaginer l'Etat, l'Entreprise ou l'Ethnie comme réalité sociale unique et totalitaire, il faut imaginer leur coopération dans une salutaire division du travail. Cette séparation des finalités laisse à chaque individu la chance et la mission de devenir le Sujet de son existence.

4. 1. L'Entreprise

L'entreprise n'est pas le seul lieu de travail ou d'activité. Elle est le lieu privilégié du travail productif. Certes, tout travail est réputé avoir une utilité, pour celui qui l'organise, pour celui qui s'y adonne ou pour celui qui en bénéficie. Mais nous appelons travail productif le travail qui fait gagner plus de temps aux autres travaux qu'il n'en absorbe lui-même. Il est la condition de la productivité globale. Il est le meilleur garant contre le développement du chômage. Il doit dégager des ressources financières. Il doit les réinvestir dans la création de nouvelles richesses. A ce titre, les bénéfices ré-investis ne devraient pas être imposés. C'est la grandeur et la servitude de l'entreprise. Quand elle joue ce rôle, elle devrait être dégagée de toute contrainte étrangère à sa mission. Quand elle ne joue pas ce rôle, elle perd toute légitimité. Dans ce cas, elle ne doit pas être pénalisée, taxée ou surveillée, elle doit être interdite.

La mission de l'entreprise est de produire toutes les richesses, sous des formes très diverses d'organisation marchande. Il n'y a pas d'entreprise citoyenne. Il faut libérer les entreprises des contraintes imposées par la redistribution sociale. Symétriquement, il faut libérer l'Etat de la production des marchandises. Mais il ne faut pas assimiler l'entreprise au salariat, ni le travail à l'exploitation. Il ne faut pas subventionner l'entreprise pour qu'elle embauche. Philippe Séguin a bien montré l'inefficacité de cette voie. Il faut la libérer pour qu'elle crée des richesses. Il faut la supprimer quand elle favorise ou perpétue la domination. C'est pourquoi il est juste de lutter contre l'esclavage, le travail clandestin et toutes les formes de dépendance économique. Du fait de l'automatisation de la production matérielle et du développement des activités immatérielles, l'entreprise ne sera plus synonyme de salariat. De l'entreprise étendue aux organisations virtuelles, les entreprises en réseau n'ont plus de frontières rigides. Elles se limitent parfois à un noyau restreint. Ne regrettons pas les citadelles du conformisme. Il faut faciliter la fluidification des organisations du travail productif. Elles s'échelonnent graduellement, du travail autonome au réseau international de partenaires.

4. 2. L'État

L'Etat n'est pas un lieu de production matérielle ou immatérielle. L'entreprise est beaucoup plus adaptée que lui à ce but. L'Etat n'est pas, non plus, le monopole de la terreur ou de la force armée. Sa force doit avoir une justification extérieure à elle-même. Faute de quoi elle n'est qu'une dictature barbare, sans légitimité. Puisque l'entreprise se développe sur un marché mondial, qui déborde chaque État, les hypothèses implicites de l'Economie Politique s'effondrent. Il faut redéfinir l'entreprise et l'Etat. Puisque le marché connait des fluctuations, inhérentes à la valeur d'échange, il ne peut contenir, en permanence, l'ensemble de la société. Et puisque le marché atteint la taille du globe, il dépasse définitivement le territoire des plus grands États. Sans préjuger des chances de développement politique des grands marchés (Europe, Amérique, Pacifique), il est urgent de redéfinir le rôle de nos États nationaux.

Le Revenu Minimum de Dignité est le revenu d'un travail de citoyen, indépendant de toute relation marchande (entreprise) et de voisinage. Il est la mise en oeuvre concrète et minimale de la déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen. Il est la reconnaissance de l'individu, non seulement comme force de travail (K. Marx) et potentiel de consummation (G. Bataille), mais comme vocation à devenir un Sujet de sa propre vie (A. Touraine). Il marque la fin de la domination du milieu d'appartenance (religion, clan, ethnie, prétendue race, langue maternelle, région, secte). Il marque la fin de l'impôt comme racket de tout ce qui bouge sur un territoire. Il fait de l'Etat le lieu d'une solidarité en acte. Il permet de passer des droits formels aux droits réels. Loin du racket, l'impôt n'est perçu que pour être redistribué entre les générations. C'est le drame biologique de l'homme de rester si longtemps dépendant des générations précédentes et de redevenir inéluctablement dépendant des générations suivantes. L'impôt, positif ou négatif, est le moyen concret de la redistribution des revenus individuels entre les générations. Il est le moyen concret de reconnaître l'individu comme citoyen avec des droits et des devoirs. L'impôt a pour mission d'assurer la reproduction des générations au-delà de tous les aléas géologiques, climatiques, biologiques, politiques, sociologiques, économiques et psychologiques. L'impôt assure la mutualisation de toutes les occasions de solidarité dans ce qui constitue alors une nation, sans autre raison que cette mutualisation. Toute autre raison serait ségrégative. Le Revenu Minimum de Dignité n'a de sens que s'il s'inscrit dans les principes fondateurs de la Constitution. A ce titre, il requiert des critères d'imposition stabilisés et simplifiés. Il n'appartient pas à la panoplie du pseudo keynésianisme.

4. 3. Le Voisinage,

Comme l'entreprise et l'Etat, la famille traditionnelle est en crise. Elle est toujours un lieu d'intégration, de plus en plus sollicité, mais son champ d'action se rétrécit. Dans les grandes villes, les familles mono-parentales tendent à devenir le cas le plus fréquent. A coté de l'entreprise et de l'Etat, il existe une socialisation de proximité quotidienne. Nous la voyons comme un élargissement et une professionalisation du cadre familial. Puisque la famille tend à se restreindre avec la multiplication des familles mono-parentales, souvent très fragiles, les relations de voisinage se développent. Elles forment un nouveau lieu de médiation. Elles transforment le consommateur passif et captif en un partenaire de la conception des produits. C'est dans ce milieu en émergence que les services à la personne trouveront leur place. Ils sont un lieu d'organisation où l'entreprise trouvera les interlocuteurs du dialogue pour la définition des besoins. C'est dans ce tiers secteur que trouvera à se dépenser le Revenu Minimum de Dignité. C'est là que tout reste à inventer. C'est là que nous verrons se développer une économie de location, rendue nécessaire par le recyclage des produits domestiques en fin de vie. D'où un renforcement du dialogue avec les entreprises. C'est dans l'intensification des relations de voisinage qu'apparaîtront des organisations capables de dialoguer avec l'Etat, sur des bases plus concrètes que le parlement. Ces organisations auront pour nom: hôtel, hôpital, résidence, bureau de voisinage, services de proximité, communes. C'est dans le développement du secteur des relations de voisinage que le projet du Revenu Minimum de Dignité trouvera les conditions de son réalisme.


* Conclusion

Ce très bref commentaire montre déjà que la création d'un Revenu Minimum d'existence ou de Dignité ne peut se comprendre que dans un programme plus vaste. Il implique une redéfinition des rôles respectifs de l'entreprise, du voisinage et de l'Etat. Nous avons vu qu'il inclut une réforme de la constitution et la mise en place du secteur des services à la personne. Il implique le développement d'une véritable pensée économique sur la productivité, la richesse et le chômage. C'est dire la taille du chantier qu'ouvre la contribution de Bruno Lemaire. Elle est en rapport avec la profondeur des mutations contemporaines. C'est pourquoi ce débat n'est pas trop précoce. Il comportera de très nombreuses facettes. Nous ouvrirons nos pages à ceux qui veulent contribuer à sa construction.

Hubert Houdoy

Créé le 15 Juin 1997

Modifié le 24 Juin 1998


* Références Bibliographiques

Horreur et archaïsme économiques sont partout

Bruno Lemaire

Revenu Minimum de Dignité

http://www.reseau.org/emploi/art/bl970514.htm

Gagner dans l'Incertain

Bruno Lemaire et Christian Nivoix

Éditions d'Organisation

360 pages

Entrepreneurs et Entreprises du quatrième type

Bruno Lemaire

Éditions d'Organisation

Vers un nouveau contrat social

Guy Roustang, Jean-Louis Laville, Bernard Eme, Daniel Mothé, Bernard Perret.

Sociologie Économique

Desclée de Brouwer, Paris, 1996

186 pages

Liste des Bibliographies


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Mise à jour: 16/07/2003