Méditation et conscience


par Manon Arcand, auteur de "S'initier à la méditation" (Le Jour Éditeur, Montréal, 1997).


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La Méditation

La plupart d'entre nous percevons la méditation comme un exercice permettant de relaxer, de nous détendre. Cependant, cette perception se limite à l'aspect plus superficiel de la méditation : nous ne voyons que la pointe d'un iceberg. La méditation représente beaucoup plus que cette pointe. La méditation s'inscrit dans un processus naturel d'épanouissement de la conscience où l'état méditatif, à son apogée, correspond à l'état de conscience le plus ouvert, le plus profond et le plus satisfaisant que l'être humain puisse vivre. Ce processus initiatique de la méditation mène à l'Etre : la Conscience pure - ainsi appelée car elle se situe au-delà de la conscience et de l'inconscience relatives -, absolue et totalement libre, la source, l'essence de ce qui est.


La Conscience


La méditation est l'état d'être vigilant, calme et silencieux qui permet de réaliser la nature réelle de l'être, de la conscience. La méditation, en tant qu'exercice, recentre l'être et le détache de tout ce qui n'est pas "je". Elle aide à intégrer les différences, les paradoxes et les distinctions mentales de telle façon que l'essence de la vie se révèle à soi. Cette essence qui EST notre véritable soi, au-delà de notre perception limitée de la réalité.


Le développement de la conscience


Karl F. Dürckheim distingue cinq stades dans le développement de la conscience qui mène à Soi. Cette distinction nous aide à nous situer dans ce développement.


Premier stade


Le premier stade correspond à l'état de conscience que l'on retrouve dans les premières semaines de la vie, celui où la conscience du nouveau-né est diffuse. Le sens du moi, le "je" est indifférencié, flou. La conscience ressemble à un miroir déformant : les formes qu'elle perçoit sont vagues, mouvantes, instables, incohérentes, sans identité claire.


Le "je" ne se perçoit pas comme une entité autonome et ne reconnaît pas le monde extérieur comme étant constitué d'un ensemble d'objets et d'êtres délimités et différenciés de lui ; il se perçoit et perçoit le monde comme un tout, mouvant et changeant, qui n'a pas de sens précis et qui est lui d'une certaine façon car ce tout l'affecte, le touche directement. Le moi du bébé prendra forme au fur et à mesure que celui-ci établira des liens avec la réalité au fil des semaines et des mois à venir, au fur et à mesure qu'il expérimentera la réalité objective à travers ses sens. On peut définir la conscience à ce stade comme étant ni unifiée ni dualiste.


Second stade


Le second stade correspond à l'état de conscience que l'on possède durant les premières années de la vie ; le moi indifférencié et diffus des premières semaines se transforme en un moi égocentrique, un moi existentiel. Ce moi existentiel, comme l'adjectif l'indique, est un "je" conscient de lui-même, de son existence en tant qu'être séparé des autres. A ce stade, l'ego prend forme : "je" n'est pas "toi", "je" n'est pas l'autre, aucun autre. "Je" se vit en tant que conscience centrée sur elle-même : l'enfant est égocentrique. Tout ce qu'il vit, expérimente et perçoit, il le rapporte à lui-même, centre de l'univers autour duquel tout gravite. La conscience de la dualité se précise et se raffine.


A ce deuxième stade, il existe des êtres et des choses différentes de moi, mais ces êtres et ces choses existent pour moi, pour me satisfaire, moi-centre-de-l'univers. Ma conscience ne perçoit pas les autres comme étant eux aussi des "centres de l'univers". La conscience donne une forme au moi, à l'ego, qui se définit et évolue en fonction des expériences positives et négatives que vit l'enfant durant cette période.


Troisième stade


Au troisième stade, la conscience se décentre d'elle-même pour tenir compte des autres. Le moi égocentrique évolue vers un moi altruiste, plus réceptif aux autres, plus ouvert et sensible à la réalité du monde extérieur. Ce moi altruiste constitue l'état de conscience habituel de l'adulte. Cet état de conscience nous permet de porter attention aux autres et de chercher à répondre à leurs besoins. Le moi altruiste reconnaît l'autre comme un être existant au même titre que soi-même.


A ce troisième stade, la conscience s'est élargie : j'ai conscience de l'autre en tant qu'être distinct et AUSSI important que moi. La conscience perçoit toujours l'autre comme étant séparé de "je" mais elle voit maintenant l'autre comme un autre "je", un être équivalent à moi. La perception est duelle : nous sommes deux, moi et ce qui n'est pas moi, mais le "non-moi" a acquis plus d'importance qu'au stade précédent. Cet autre n'est pas seulement différent de moi, il est aussi semblable à moi, il est comme moi, il existe en tant qu'individu tout comme moi.


Quatrième stade


Le quatrième stade se caractérise par une percée de la Conscience pure à travers notre conscience relative et limitée. "Je" prend conscience de l'existence d'un Etre transcendant, plus grand, plus vaste que le moi individuel, que tous les moi individuels. Que ce soit à travers une intuition profonde, une souffrance révélatrice, une joie extatique, une expérience mystique ou une expérience de mort clinique, que ce soit à travers un état altéré de conscience causé par l'absorption de drogues ou que ce soit par la méditation, l'individu ressent, pressent ou perçoit l'existence de l'Etre comme une force, une puissance, une essence, une Conscience au-delà du moi existentiel altruiste. La perception dualiste et limitée de la conscience a fait place, pendant un moment plus ou moins long et bouleversant, à la perception-expérience de l'Etre absolu.


Cette prise de conscience modifie la vision du monde de l'individu. La conscience commence à devenir consciente partiellement d'elle-même, l'Etre commence à se RE-connaître. Souvent, à la suite de cette prise de conscience, l'individu cherchera davantage à se détacher de sa perception limitée et à la transcender pour retrouver cet état de conscience "supérieur", plus riche, qu'il perçoit comme étant plus réel.


Cinquième stade


La conscience accède au cinquième stade lorsque le sens du moi, du "je", de l'individualité se fond dans le Soi absolu, la Conscience pure, indivise. La conscience ordinaire, egotique et dualiste s'efface complètement devant la Conscience pure. Le "je" n'a plus de centre individuel corporel, "je" est dissous dans tout : "je" se reconnaît en tant que l'intégralité de la réalité objective tout en se connaissant comme au-delà de cette réalité manifestée. La conscience réalise son unité, elle reconnaît qu'elle EST la nature de tout. Il n'existe plus pour l'être, la conscience d'un côté et l'inconscience de l'autre : cette dualité, comme toute dualité, a disparu.


Du point de vue de l'évolution de la conscience humaine, le moi se forme ou s'incarne à partir de la Conscience pure et absolue, se renforce, s'affermit dans la perception dualiste du réel pour ensuite être transcendé par cette même Conscience pure.


Du point de vue de l'être unifié, la Conscience unique se projette hors d'elle-même, créant par là la dualité dans laquelle elle se manifeste et se reconnaît. Les stades de conscience décrits ci-dessus représentent des "photos temporelles" de cette manifestation.


Perception du réel


Ces stades ne correspondent pas nécessairement à des étapes successives. La percée du Soi peut déjà être à l'oeuvre chez le jeune enfant, comme le moi indifférencié existe toujours dans des mécanismes d'adaptation comme la psychose et la schizophrénie chez l'adulte. Le moi égocentrique accompagne souvent le moi altruiste. Ces cinq stades correspondent plutôt à des modes de conscience relative qui coexistent dans la manifestation. Ils s'imbriquent dans un jeu d'alternance où chacun des états de conscience est contenu dans l'autre et est susceptible de se manifester à travers les autres.


La méditation permet, à ceux qui la pratiquent pendant des années avec rigueur, constance et persévérance, de réaliser que la perception mentale est une perception biaisée du réel, dans ce sens qu'elle n'informe pas sur la réalité elle-même mais sur la projection limitée du réel dont nous sommes individuellement la manifestation. La méditation, en tant qu'exercice, nous habitue à observer le réel sans le secours du mental, de façon à nous distancer du mental jusqu'à ce que l'esprit se "détache" de lui et perçoive la réalité telle qu'elle est, sans intermédiaire, sans filtre colorant. Nous y rencontrons l'unité, Soi en tant que TOUT manifesté dans la matière. Rencontre ultime où tout nous est donné, où tout est comblé, dans une infinie joie.


Manon Arcand,

Document du R.A.D. créé le 10 Juin 1998


Site web de Manon Arcand


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o Bibliographie


S'initier à la méditation

Guide pour débutants

Manon Arcand

Le jour, éditeur

Québec, 1997


Cet ouvrage est commenté dans le texte intitulé "S'initier à la méditation".


Méditer, pourquoi et comment

Karl F. Dürckheim

Courrier du livre

Paris, 1978


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o Compléments


"La Psychologie Génétique selon Jean Piaget"


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o Mise à jour des liens hypertextuels le Mardi 27 Mai 2008



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