Initier Meditation


S'Initier à la Méditation


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o Cycle


Quinzième document du "Cycle Robinson"


Il est la suite de Mise Mutuelle. "La Mise en Valeur Mutuelle" (misemutu.htm)


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o Plan


Introduction

1. La méditation

2. Les états méditatifs

3. Le paradoxe de la conscience

4. La réalité dualiste

5. Le désir et les émotions

Conclusion


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o Introduction


Nous savons que la méditation sauve "Robinson Crusoé" de la dépression. Ce dialogue particulier est accessible au naufragé solitaire. La méditation crée des sujets, là où il semblerait n'y avoir que des objets. C'est elle qui fait émerger une "Ile de Robinson", à partir de l'île du désespoir. Bien qu'elle se définisse comme une recherche de l'absolu, la méditation est le contraire du totalitarisme. Tandis que celui-ci cherche un absolu objectif et unipolaire, la méditation relativise et subjectivise l'absolu. En d'autres termes, la méditation donne accès à la globalité. Parfois liée à des croyances orientales, dans son expression, la méditation est ou peut être indépendante de la religion. Elle ne cherche pas l'absolu chrétien. Pour le méditant, même s'il emploie ce terme, Dieu n'est pas le double du réel. Le divin n'est pas dans un ailleurs inaccessible. Il est dans l'existence même de la réalité. Expérience de l'être apaisé, la méditation rapproche la culture et la nature. Sa pratique inscrit la réalité dans la conscience de chaque individu. Tandis que la pensée nous pousse à toujours distinguer, couper et séparer, la méditation rappelle que dans l'être humain il y a d'abord le fait d'être. La méditation est une expérience d'être. La simple joie d'être est un trésor qu'après Gilgamesh chacun de nous peut découvrir. Tel Epicure, le sage la cultive. La joie permet un détachement de l'ego. Partageable, située au-delà du plaisir et du déplaisir, la joie ne s'oppose pas au désir. Elle nous évite d'en être esclave.


Dans le cas de Robinson Crusoé, le détachement que procure la méditation est illustré par le refus de la propriété, des honneurs, de la richesse et du pouvoir dont il fait preuve. Son humanité (qualité) résulte de ce dialogue silencieux. La méditation règle la bonne distance de l'être (Soi) par rapport au verbe (je) comme à la chair (ça). Il s'agit de la distance au réel comme de la distance à soi-même. Pour Robinson, la méditation n'est jamais séparée de l'action. Son travail amoureux est une méditation en actes.


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o 1. La Méditation


<<La méditation est pratiquée depuis des millénaires dans tous les pays du monde. Elle relève d'une longue tradition spirituelle de l'individu qui, dans sa recherche de paix et d'harmonie, a trouvé en elle un trésor. Inspirée par des grands maîtres et des mystiques qui ont manifesté un détachement, une sagesse et un amour profonds durant toute leur vie (pensons, entre autres, à Bouddha, à Jésus, à Ramana Maharshi, à Krishnamurti et au Dalaï-Lama), la méditation est apparue comme le moyen par excellence de développer ce détachement, cette sagesse et cet amour. L'approfondissement du détachement et de l'amour-compassion développe chez l'individu une attitude qui permet l'émergence de la réalisation-prise de conscience de sa nature essentielle, absolue. Cette réalisation de l'Absolu constitue l'objectif premier de la méditation. ... Chercher à comprendre rationnellement l'Absolu, c'est comme chercher à connaître le goût d'un fruit sans jamais y goûter ; on en est réduit à émettre des hypothèses et on se rend vite compte que personne ne peut nous <donner> son expérience, que personne ne peut nous transmettre le goût véritable du fruit en question. Nous devons y goûter nous-mêmes. L'Absolu sera toujours une réalité subjective, personnelle. La méditation est un processus, une voie préparatoire en vue de goûter au divin, que nous sommes fondamentalement, pour prendre conscience personnellement de cette réalité. (Manon Arcand, "S'initier à la méditation", p. 15-17)>>.


Il est possible de distinguer méditation et religion. D'abord par l'absence de dogme. La méditation est parfois présentée comme une recherche de l'absolu. Ce n'est pas une version répandue de l'absolu chrétien, situé en dehors du monde et après la vie terrestre. Cet absolu est d'abord la qualité de l'être. Il n'y a que le fait d'être qui soit absolu. L'être n'est pas avant ou au-delà du réel. L'être est le réel. La qualité première du réel est d'être. La méditation, qui s'adresse à tous, rappelle que tout être humain partage cette caractéristique d'être.


On peut pratiquer la méditation sans cultiver le mystère. La part de mystère qui entoure la méditation peut être réduite par l'abandon de tout jargon. Il reste toujours un élément de mystère constructif, car la démarche d'intériorité que le méditant engage pour mieux se connaître reste mystérieuse, à lui-même comme aux autres. Nous savons que la connaissance n'est pas transmise d'un individu à un autre. Elle passe par des informations qui ne sont comprises que par ceux qui ont une forte expérience commune. C'est pourquoi la méditation s'expérimente avant tout. La méditation n'est pas un discours de vérité ni une démonstration, comme le cogito. Au contraire, elle consiste à court-circuiter le plus possible le langage et la pensée. La méditation retrouve l'Etre infini quand les distinctions du verbe introduisent partout des coupures et des oppositions, pour définir des objets finis.


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o 2. Les Etats Méditatifs


Il est possible de considérer la méditation comme une simple technique de relaxation. Mais, pour ceux qui s'y consacrent pleinement, les états méditatifs peuvent aller jusqu'à des expériences de conscience extrême. La religion catholique parlera d'illumination pour désigner, dans son vocabulaire propre, une unité d'amour entre le moi et Dieu. L'hindouisme parle de samadhi. Le méditant prend conscience d'être dirigé de l'intérieur par le Soi. Vous savez que tout est accompli par quelque chose avec quoi vous êtes en union constante. Le bouddhisme zen désigne par éveil une sorte d'explosion mentale, un <<changement brusque et soudain du niveau de conscience, ... une vision très claire de la conscience pure et sans frontière du Soi. Toutes les limites ont disparu : le Soi est. L'être éveillé vit dans le même monde matériel que nous ... mais il expérimente le monde d'une façon radicalement différente : l'unicité dans la multiplicité. (Manon Arcand)>>.


Pour ceux qui pratiquent la méditation dans le cadre d'une recherche spirituelle, l'objectif de leur pratique assidue est la réalisation du Soi. Si un sage peut atteindre un <<état d'illumination permanente et irréversible : il a réalisé le Soi, le Soi est réalisé>>. Il s'agit d'un état de dépersonnalisation sans angoisse, qui ne se confond pas avec ceux de la psychose. Avant de parvenir à cet état, le sage est souvent <<confronté à une terrible peur : la peur de mourir>>. Nombreux sont ceux qui reculent, une ou plusieurs fois, avant de poursuivre leur quête de l'absolu. Ils n'en perdent pas, pour autant, les effets bénéfiques de la méditation, tant physiques que psychologiques. Mais cette peur illustre la force de l'illusion ethnique contre laquelle progresse le méditant. La promesse d'éternité, par la filiation et la transmission d'héritage, nous dispense d'assumer consciemment la mortalité. C'est aussi ce qui nous empêche d'expérimenter la solidarité de notre nature interne et de la nature externe. Car la méditation ne cherche pas à fuir la réalité. Elle cherche, au contraire, à nous réconcilier avec le réel.


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o 3. Paradoxe de la Conscience


Nous ne pouvons connaître la réalité qu'à partir de notre conscience. Le niveau de notre conscience limite celui de notre connaissance. Celle-ci exige ensuite le langage pour être transmise comme information. Or, la pratique de la méditation cherche à développer l'évolution de la conscience. Il s'agit d'un processus naturel d'évolution. Mais le développement de notre conscience passera par une désactivation du langage et de la pensée.


Depuis le Moyen-Age, on distingue trois modes de présence consciente. Ils ont pour noms : concentratio, meditare, contemplare. Ils définissent la <qualité de notre présence au réel>. Ces modes mesurent à quel point nous réussissons à nous <dés-identifier de notre ego>.


- La concentratio est notre état de conscience habituel. Nous faisons quelque chose, nous nous percevons comme l'auteur de nos actions. Nous pensons être dans le réel parce que nous sommes dans le bruit et la fureur. En fait, nous percevons une réalité apparente, que nous projetons par le filtre de nos représentations.


- Meditare désigne une présence passive, comme détachée de la réalité objective. Le méditant a réussi à instaurer le silence et la paix du mental. Il <regarde quelque chose se produire>. Il est le <témoin conscient de ce qui se passe en lui et autour de lui>. Cet état de conscience nous rappelle, face au bavardage de notre imaginaire, que le réel n'a pas besoin de notre pensée organisatrice pour être. La réalité continue à être quand nous ne cogitons pas. Et surtout, la réalité est d'autant plus perceptible en nous (notre nature interne) que notre pensée est en silence.


- Contemplare, est un état <exceptionnel et rare>. Il désigne une <expérience de "présence consciente universelle">. Le méditant n'a <plus conscience des limites de sa personne et du monde>. Il est <devenu l'univers entier>. Le méditant <se perçoit comme pur Etre, au-delà du mental définissant>.


Il y a, dans ces définitions, une forme de paradoxe. Ce qui, pour l'homme de la rue, semble l'état de présence maximale au réel est considéré comme un évitement de la réalité par l'être éveillé : celui qui a atteint la réalisation du Soi. <Nous vivons constamment dans le refus et l'évitement d'une partie de la réalité. D'autant plus que nous distinguons toujours avec l'ego>. Blaise Pascal parlait du divertissement.


La raison de ce paradoxe est simple. Nous ne pouvons connaître toute la réalité. Nous pouvons encore moins la résumer dans une phrase facilement communicable. Nous pensons toujours dans une réalité apparente (le plus grand modèle de la réalité que notre ego soit capable de contenir en un instant donné). Mais nous agissons toujours dans le réel qui, lui, est unique. C'est pourquoi nous n'obtenons pas toujours le résultat escompté. D'autant que nous ne sommes pas seul. Les autres sont différents de nous. Et nous ne sommes pas loin de penser que le réel ou le monde nous en veut. <L'enfer, c'est les autres (Jean-Paul Sartre)>. Nous explorons la réalité matérielle avec les catégories de notre pensée. Elles sont puisées dans notre langue naturelle. Elles projettent sur l'Univers notre système d'oppositions qui construit nos signifiants et connote nos signifiés.


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o 4. La Réalité Dualiste


Ce n'est pas la réalité qui est dualiste. C'est notre réalité apparente qui est dualiste. La réalité dualiste est le fruit de notre perception dualiste. Celle-ci découle directement du verbe. Le "je" d'où dérive notre ego est d'abord un élément grammatical. Il y a quelque culot à forcer des milliards de neurones à dire "je" comme un seul homme. Pourtant, <le "je" est la source de l'ego>. Nous habituons les enfants à dire "je". Puis ils prennent conscience que ce "je" est une personne séparée, physiquement autant que grammaticalement. On aura reconnu le stade du miroir. C'est <la conscience du "je" qui crée l'ego et qui génère la dualité>. L'ego est nourri de toutes les catégories de la langue naturelle. Celle-ci est un vaste système d'oppositions. C'est ainsi que : <Le "je" ne peut prendre conscience de lui-même qu'en distinguant la "conscience" du "je">. Et la dualité se propage, de proche en proche. Avec la pensée du même, la perception dualiste a néanmoins permis à l'espèce humaine de faire son petit bonhomme de chemin. Mais au prix de l'égoïsme. Cette perception dualiste de la réalité me sépare des autres. L'ego joue un rôle important dans cette perception. Bien sûr, l'égoïsme, est essentiel à notre équilibre psychologique. Mais <plus je perçois et interprète la réalité à travers le filtre de l'ego, plus je renforce l'idée que je suis - et ne suis que - cet ego>. Notre conscience egotiste <crée la réalité objective, des objets matériels et physiques>. Mais notre conscience <s'identifie à la réalité que perçoit le mental>. Notre conscience se leurre sur sa propre nature. Notre être et notre pensée qui nous le cache, sont entre deux natures (nature interne et nature externe). L'image que nous nous faisons de la réalité matérielle externe crée symétriquement l'image que nous nous faisons de nous même. D'où la tendance au clivage de l'être en deux mondes et à la coupure de l'ego. Mais l'ego n'est pas l'être. <Les pensées ne sont pas un obstacle à l'être, elles n'ont aucun effet sur l'être.> L'expérience d'être est très utile pour sortir de l'ego et de la pensée. L'expérience d'être est nécessaire pour diminuer le rôle de la pensée. Elle nous concentre sur l'être, la première caractéristique du réel.


La dualité n'est pas fondamentalement dans la réalité. Elle réside dans un certain mode de notre perception. La dualité est <produite par l'ego qui distingue>. Elle prend sa source dans les oppositions paradigmatiques. Pour retrouver l'unité dans la diversité, c'est-à-dire concevoir la réalité comme un ensemble, les techniques de méditation cherchent avant tout à désactiver le mental. Pour relativiser le verbe, elles s'appuient sur la conscience du corps. C'est pourquoi nous la considérons comme un élément important du dialogue du verbe et de la chair. Le méditant s'efforce d'être attentif à tout ce qui est. Pendant la méditation, il ne réfléchit à rien. Le but est de saisir la globalité. Le méditant acquiert ainsi, en complément et en opposition à la pensée analytique, une compréhension plus intuitive des choses. Cette pratique fournit déjà une paix intérieure. Ce bien-être physique et psychologique est un heureux préalable à toute expérience spirituelle plus poussée.


Mais, parmi les "Trois Niveaux d'Organisation", nous n'en sommes qu'au niveau ethnique des signes. Même si la langue et la culture véhiculent des systèmes de valeurs (positives, négatives), elles ne sont jamais aussi chargées d'affects que les symboles du niveau individuel. Les symboles affectés rattachent, de manière psychosomatique, notre verbe à notre chair. La méditation cherche à provoquer un détachement émotif. Il ne s'agit nullement de se détacher du réel. Au contraire, il s'agit de nous détacher de l'illusion de notre réalité apparente, par une critique, non mentale, non langagière, de nos représentations. <Moins influencé par ses propres pensées, sentiments et émotions, moins affecté par ses réactions égoïstes>, nous avons <plus d'ouverture du coeur>. En temps normal, <notre perception est facilement altérée>. Elle est un <obstacle à la compassion>. Par le détachement émotif qu'elle procure, la méditation nous rend plus "à l'écoute" du réel. Ce qui suppose de développer une neutralité affective, pour ne pas projeter nos émotions sur le réel et croire les y lire ensuite. Or, c'est déjà ce que font les représentations collectives de l'ethnie. Le détachement émotif, au niveau individuel, est d'autant plus nécessaire qu'un clivage des représentations est opéré au niveau ethnique. Ce clivage est un prolongement de l'illusion ethnique (séparation radicale de la culture d'avec une nature refoulée). Le détachement émotif est la condition préalable au dialogue du verbe et de la chair.


La technique pour assumer ses émotions n'est certainement pas de se couper de ses émotions. Le retour du refoulé ne manquerait pas de se produire, en méditation ou ailleurs. Au contraire, seules les émotions exprimées peuvent disparaître sans laisser de souffrances dans le corps. Sinon, le besoin de combler un manque est le plus sûr chemin vers les drogues et vers la consommation d'alcool. Il ne s'agit pas, non plus, de nier l'ego car il nous est nécessaire. L'épanouissement de l'ego est essentiel à notre adaptation à la réalité matérielle. Au contraire, nous avons vu Robinson Crusoé assumer les trois fonctions politiques. Il faut d'abord une intégration de la personnalité, <l'acceptation consciente de nos contradictions>, avant que ne soit possible le détachement de l'ego, cette "individualité possessive".


La méthode générale de la méditation peut se ramener à quelques termes simples. D'abord les vigilance et silence intérieurs. Comme il nous est impossible d'arrêter nos pensées, une technique consiste à diriger toute notre attention sur une seule pensée, jusqu'à ce que s'installe provisoirement le silence. Puis on recommence. Avec l'attention vigilante, vous vous comportez comme le <témoin silencieux de la vie en vous et autour de vous>. De manière générale, il s'agit de développer la conscience du sujet-témoin. Vous ne devez pas vous identifier à votre pensée, à votre vision ou à votre émotion. <Laissez-les défiler devant votre conscience et dans votre corps>. Vous êtes le sujet qui perçoit. Vous n'êtes <pas ce que vous percevez>. Le but est toujours de faire le vide mental. Il nous détache de l'ego. Or l'ego n'est ni le Soi ni le réel. Simplement, quand le vide mental nous détache de l'ego, le Soi peut occuper la place. Nous pouvons développer une conscience pure.


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o 5. Le Désir et les Emotions


L'abandon, l'effroi, la solitude et l'angoisse que connut Robinson Crusoé sont grandement soulagés par la pratique de la méditation. Les états méditatifs permettent de recentrer l'énergie. Ils fournissent un <repos régénérateur à l'intérieur d'un état d'éveil>. Rendre l'énergie disponible pour l'action contribue ainsi à guérir la dépression.


Une solitude assumée peut se développer. Un réel besoin de solitude apparaît avec la pratique régulière de la méditation. On recherche moins le divertissement. On découvre que <la solitude est une compagne quotidienne de notre vie>. Il nous paraît normal de quitter pour évoluer. Et c'est ainsi que <nous nous détachons des choses (émotions, situations, illusions, etc) qui nous faisaient souffrir>.


La méditation nous aide à reconnaître nos peurs. Là encore, il n'est pas question de les refouler, mais de les laisser passer. <Elles ne sont pas nous>. L'angoisse, quand à elle, résulte du conflit entre un désir et une défense, tous deux inconscients. L'état méditatif, par la vacuité de l'esprit, nous aide à découvrir notre part d'ombre refoulée dans l'inconscient. Cette part obscure, qui agit à l'insu de notre volonté, est constituée par nos penchants, nos pulsions. Nous ignorons ou même nions leur existence. Notre part d'ombre provoque un clivage, une division, dans notre conscience. Le conseil est toujours du même type : <quand un conflit intérieur se révélera laisser son contenu se manifester sans chercher à le modifier ni y résister>. Ego n'est pas tout. Pourtant, il se prend pour la totalité. Le Soi est plus global.


Les états de souffrance, sont liés à notre désir, à notre identification et à notre résistance au déplaisir :


- Désir et souffrance. Une fois satisfait, le désir produit un vide intérieur. Celui-ci laisse <remonter à notre conscience nos échecs passés, nos désirs insatisfaits ou nos besoins non comblés>. D'où la tentation de replonger dans le désir et le plaisir. C'est ainsi que l'on devient esclave du désir. Il peut être bon d'écouter les conseils du vieil Epicure.


- Souffrance et identification. La <souffrance provient de notre identification à cet ego différenciateur>. La distinction sujet / objet nous joue des tours. Nous nous identifions seulement à nos sensations (sujet). Nous excluons les sensations des autres, que nous considérons comme des objets. A l'inverse, la compassion ne connaît plus cette différence. Avec la compassion, nous considérons tous les plaisirs (nôtres, vôtres, leurs) et toutes les douleurs avec le même détachement. Car ils sont, mais ils ne sont pas nous. Ils sont plaisirs et douleurs. Et nous sommes.


- Résistance et souffrance. Nous voudrions <vivre ce qui nous plaît et fuir les émotions et les sensations qui nous déplaisent ; nos émotions réapparaissent souvent de façon déguisée. Ce qui fait souffrir, c'est l'énergie que nous mettons à refuser de vivre pleinement nos émotions désagréables>.


Il faut donc savoir jongler avec plaisir et joie. Si le désir nous motive et procure le plaisir, il procure aussi le déplaisir. Chercher à refuser le déplaisir entraîne la souffrance. Ni le désir ni le plaisir ne sont condamnables. Mais le plaisir et le déplaisir sont dépassables dans la joie. La joie <part du coeur>. Elle survit au plaisir comme au déplaisir. Le désir vient du verbe. La souffrance s'expérimente dans la chair. Cultiver la sensation d'être est un dialogue du verbe et de la chair. La joie d'être résulte de ce dialogue. <Se dés-identifier de l'ego permet donc de réaliser le Soi> ou de connaître cet amour du réel que Clément Rosset nomme l'allégresse.


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o Conclusion


Robinson Crusoé n'est pas connu pour avoir été un <être réalisé> ayant poussé très loin le détachement de l'ego. Mais, grâce aux explications de Manon Arcand, nous comprenons mieux comment la méditation et la solitude ont pu contribuer à ce qu'il surmonte l'angoisse, la dépression, l'abandon et le désespoir. Le mérite de cette pratique est de créer des sujets là où le verbe et ses dialectiques dangereuses ne mettent que des objets. C'est ainsi que Robinson n'est jamais seul. Comme Hamlet, ce ne sont pas "des mots" qui pourraient le satisfaire. La méditation est un double dialogue silencieux. Robinson dialogue avec sa nature interne (ç, la part d'ombre) et sa nature externe (l'île du Désespoir). C'est parce que l'île est de "sa" nature qu'elle devient "son" île et non pas sa propriété. C'est l'ouverture à la globalité. La mise en silence des distinctions du verbe permet d'échanger, d'intervertir, la nature interne et la nature externe. Robinson expérimente leur solidarité : le fait d'être. Il comprend que si sa vision de la nature est colorée par ses émotions, son travail sur la nature est aussi un travail sur lui-même. La solidarité de l'être peuple son île de sujets à son image. Au même titre que lui, ils sont tous membres de l'organisation Crusoé. Sa méditation en silence se poursuit par une méditation en actes avec eux (rivières, fontaines, ruisseaux... animaux, plantes, océan). Son projet de "Mise en Valeur Mutuelle" en est la manifestation pratique.


A l'opposé de Robinson, dans le bruit et la fureur de la société politique, l'illusion ethnique poursuit son chemin. Elle structure les représentations du réel. Elle accentue leur clivage par les divisions du travail. L'opposition du masculin et du féminin tend à devenir celle de la production et de la reproduction, dans toutes les sphères de la vie.


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o Auteur


Hubert Houdoy

Créé le 14 Juin 1998.

Modifié, le 14 Décembre 2001, le 3 Novembre 2002, le 29 Janvier 2004


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Dialogue avec Manon Arcand


HH (Hubert Houdoy) : Comment différencier le vide que laisse le plaisir de celui qu'instaure la méditation ?


MA (Manond Arcand) : Selon mon expérience, le vide que laisse le plaisir est une satisfaction, un bien-être paisible, qui dure un certain moment. Le vide qu'instaure la méditation s'exprime par la profondeur de la satisfaction expérimentée et par la longueur de temps que dure cette satisfaction : l'expérience des débutants permet de rencontrer le même vide que l'on retrouve dans le plaisir, après une expérience plaisante, très agréable. L'approfondissement de l'état méditatif permet de rencontrer un vide de plus en plus grand et "plein" en même temps, un vide de plus en plus riche et satisfaisant, jusqu'à des sommets extatiques de bien-être et d'amour, de liberté et de paix, un vide plein de paix et d'amour, de vie et d'harmonie, de joie et de silence. Des mots qui prennent, dans la pratique méditative, un sens extrêmement profond et vrai. Très paradoxal, cette expérience de vide plein et riche, de vacuité en fait.


HH : Je suppose que tous deux laissent remonter des émotions.


MA : Pas nécessairement, mais parfois oui. Il y a souvent peu ou pas d'émotions dans la méditation : seulement l'observateur neutre et ouvert.


HH : Est-ce la manière de passer du plaisir à la joie qui caractérise la méditation ? Je ne crois pas que ce point soit développé.


MA : Non, en effet. C'est un point intéressant, à développer davantage. Expliquer ces différences d'états permet de mieux saisir ces expériences de joie et de paix que nous vivons peu et qui sont pourtant si recherchées. Je crois que je vais retenir l'idée pour mon prochain livre, où je vais écrire un chapitre sur le "vide parfait", comme un auteur et sage le nommait.


Ajouté le 15 Juillet 1998.


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o Précédents


econtemp : Economie du temps

robinson : Robinson Crusoé


lilerobi : L'île de Robinson

travnarr : Le travail comme narration


propposs : Propriété ou possession

troinive : Trois niveaux d'Organisation


oedifata : Oedipe, Fatalité ou Parcours ?

oedifami : Une lecture familiale d'Oedipe


oedirobi : Quel Oedipe pour Robinson ?

verbchai : Comment le verbe se fait chair


amoumeme : L'Amour du Même

hainautr : La Haine de l'Autre


misemutu : La mise en valeur mutuelle


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o Suite


Avec Louise Vandelac

prodrepr : Production Reproduction. "La Production et la Reproduction"


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o Complément


Un texte de Manon Arcand sur les cinq stades d'évolution de la conscience.


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o Bibliographie


S'initier à la méditation

Guide pour débutants

Manon Arcand

Le Jour, éditeur

Québec, 1997


De cet ouvrage sont issues, pour le glossaire du R.A.D., les citations suivantes :

Absolu chrétien

Assumer ses émotions.

Attentif à tout ce qui est.

Attention vigilante.

Combler un manque.

Compassion.

Concentratio.

Conscience du sujet-témoin.

Conscience egotiste.

Conscience extrême.

Conscience pure.

Contemplare.

Démarche d'intériorité.

Dépersonnalisation sans angoisse

Désir et souffrance.

Détachement de l'ego.

Détachement émotif.

Effets bénéfiques de la méditation

Ego.

Égoïsme.

Émotions exprimées.

Énergie disponible pour l'action.

Épanouissement de l'ego.

Esclave du désir.

État méditatif.

Etre éveillé.

Etre infini.

Éveil.

Évitement de la réalité.

Évolution de la conscience.

Illumination.

Intégration de la personnalité.

L'ego n'est pas l'être.

Meditare.

Méditation et religion

Méditation

Modes de présence consciente.

Mystère constructif.

Nier l'ego.

Paix intérieure.

Part d'ombre.

Perception dualiste.

Plaisir et joie.

Quitter pour évoluer.

Réalisation du Soi.

Réalité dualiste.

Recentrer l'énergie.

Reconnaître nos peurs.

Résistance et souffrance.

Saisir la globalité.

Samadhi.

Se couper de ses émotions.

Soi.

Solitude assumée.

Souffrance et identification.

Sujet qui perçoit.

Techniques de méditation.

Unité dans la diversité.

Vide mental.

Vigilance et silence intérieurs.


Site web de Manon Arcand


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Hubert Houdoy


Mise à jour des liens hypertextuels le Mercredi 28 Mai 2008



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