Absolu chrétien
(a) La conception chrétienne, la plus courante et la plus officielle, de l'Absolu est la vision divine d'un Dieu créateur. Dieu étant éternel, il est inaccessible directement par l'homme.
- <<C'est ainsi que, contemplant Dieu dans ses oeuvres, et l'étudiant par ceux de ses attributs qu'il m'importait de connaître, je suis parvenu à étendre et augmenter par degrés l'idée, d'abord imparfaite et bornée, que je me faisais de cet être immense. Mais si cette idée est devenue plus noble et plus grande, elle est aussi moins proportionnée à la raison humaine. A mesure que j'approche en esprit de l'éternelle lumière, son éclat m'éblouit, me trouble, et je suis forcé d'abandonner toutes les notions terrestres qui m'aidaient à l'imaginer. Dieu n'est plus corporel et sensible ; la suprême Intelligence qui régit le monde n'est plus le monde même : j'élève et fatigue en vain mon esprit à concevoir son essence. Quand je pense que c'est elle qui donne la vie et l'activité à la substance vivante et active qui régit les corps animés ; quand j'entends dire que mon âme est spirituelle et que Dieu est un esprit, je m'indigne contre cet avilissement de l'essence divine ; comme si Dieu et mon âme étaient de même nature ; comme si Dieu n'était pas le seul être absolu, le seul vraiment actif, sentant, pensant, voulant par lui-même, et duquel nous tenons la pensée, le sentiment, l'activité, la volonté, la liberté, l'être ! Nous ne sommes libres que parce qu'il veut que nous le soyons, et sa substance inexplicable est à nos âmes ce que nos âmes sont à nos corps. S'il a créé la matière, les corps, les esprits, le monde, je n'en sais rien. L'idée de création me confond et passe ma portée : je la crois autant que je la puis concevoir ; mais je sais qu'il a formé l'univers et tout ce qui existe, qu'il a tout fait, tout ordonné. Dieu est éternel, sans doute ; mais mon esprit peut-il embrasser l'idée de l'éternité ? Pourquoi me payer de mots sans idée ? Ce que je conçois, c'est qu'il est avant les choses, qu'il sera tant qu'elles subsisteront, et qu'il serait même au-delà, si tout devait finir un jour. Qu'un être que je ne conçois pas donne l'existence à d'autres êtres, cela n'est qu'obscur et incompréhensible ; mais que l'être et le néant se convertissent d'eux-mêmes l'un dans l'autre, c'est une contradiction palpable, c'est une claire absurdité. (Jean-Jacques Rousseau, "La profession de foi du vicaire savoyard" in "Emile ou De l'éducation")>>.
(b) Certes, la prière existe, mais elle ne laisse ni trace écrite ni accusé de réception. La présence auprès de Dieu est réservée à ceux qui auront gagné leur paradis, pendant leur présence sur Terre.
(c) Une autre tendance, généralement combattue comme hérésie, cherche à faire de Dieu une réalité intérieure.
- <<Dieu s'est fait homme, cela indique simplement que l'homme ne doit pas chercher son salut dans l'Infini, mais placer son Ciel sous la terre ; le mirage d'un monde supra-terrestre avait mis les esprits humains en fausse posture vis-à-vis du monde terrestre : il tenait à l'enfance des peuples. (Nietzsche, "Sur le christianisme", 1862)>>.
- <<Le déclin de la religion catholique est un autre facteur qui a favorisé la popularité de la méditation dans son aspect initiatique, spirituel, c'est-à-dire dans le rapport que celle-ci permet d'entretenir avec le divin, l'Absolu. Le christianisme nous a presque toujours présenté l'Absolu, Dieu, comme un Etre de l'au-delà, inaccessible, auquel nous devions obéissance et qui nous culpabilisait souvent ; il ne nous incitait pas à l'expérimenter de l'intérieur mais à lui obéir de l'extérieur, comme un enfant obéit à un père qui détient l'autorité suprême... Ne pouvant nous appuyer sur notre propre expérience du divin, nous avons du nous en remettre à la compréhension que nous ont transmise ses représentants, ce qui a engendré de l'incompréhension entre le discours officiel sur Dieu et notre propre expérience dans la vie quotidienne. (Manon Arcand, "S'initier à la méditation", pages 16-17)>>.
(d) Autres références :
- <<Et ce que je veux constater aujourd'hui, du haut de cette tribune, c'est que ceux-là mêmes dans l'Eglise qui dénoncent le plus violemment les vicissitudes, les incertitudes, l'inconsistance de la pauvre raison humaine, sont obligés, beaucoup plus qu'ils ne l'avouent, de marcher à sa suite et de se rallier de siècle en siècle aux idées qu'ils avaient d'abord exclues et abandonnées. L'absolu chrétien et catholique a été obligé, de génération en génération, à composer, à transiger avec une réalité sociale et intellectuelle qui le débordait. A l'origine, les premières générations chrétiennes ont pu prendre au mot la parole du maître qui annonçait qu'une génération ne se passerait point sans que le fils de l'homme apparût sur les nuées pour juger les hommes. Il a bien fallu, les jours se succédant, accueillir une interprétation moins littérale ; et c'est pour vivre, et c'est pour durer dans le monde naturel d'aujourd'hui que l'Eglise a dû s'organiser. Elle est donc devenue non plus simplement la messagère d'un royaume nouveau à échéance immédiate, mais une puissance temporelle terrestre, mondaine, à calculs lointains, et là elle s'est heurtée nécessairement à d'autres puissances terrestres, à d'autres puissances temporelles, à des royaumes, à des empires avec lesquels il a bien fallu qu'elle négociât, qu'elle transigeât, qu'elle définît le partage des attributions et des droits ; et c'est un premier glissement, c'est une première diminution des prétentions absolues de l'origine. (Jean-Jaurès, "Laïcité et République sociale", Chambre des députés, séances des 21 et 24 Janvier 1910)>>.
- <<A Octave Mirbeau : Monsieur, je viens de lire votre généreux article et je ne veux pas attendre une heure pour vous remercier. La page 311 est glorieusement démentie. Vous remercier ! hélas ! comment le pourrais-je sans sottise ? Votre tempérament est trop analogue au mien pour que vous ne sentiez pas ce que votre vaillance a dû me faire éprouver. Vous êtes le premier. Cela dit tout. J'ignore ce que vous avez risqué pour moi, car il n'y a pas de feuille plus hostile à Léon Bloy que le Journal, et tous les Xau de la boutique ont dû frémir. J'admire que vous ayez pu vous arranger de mon Absolu chrétien. Car enfin l'auteur de vos livres est séparé de moi par plusieurs abîmes. On a beaucoup parlé de mon orgueil parce que je suis un solitaire. Et comment pourrais-je ne pas être un solitaire ? (Léon Bloy, "Mon Journal")>>.
(e) Scientisme. La science aussi a généralement perdu son absolu scientiste.
- <<En voulant défendre l'existence de Dieu, le croyant, aujourd'hui, a l'impression d'une cause perdue d'avance. "Il est frappant de constater qu'aujourd'hui on ne prouve plus guère Dieu, comme le faisaient saint Thomas, saint Anselme ou Descartes... Les preuves restent d'ordinaire sous-entendues... La philosophie, elle s'établit dans un autre ordre. Elle ne dit pas que l'homme total nous attend dans l'avenir : comme tout le monde, le philosophe n'en sait rien." (Merleau-Ponty). Voilà où nous en sommes. Le chrétien est sur la défensive, mais le philosophe est lui-même devenu modeste. Il ne croit plus au triomphe de la science. Il ne croit pas à l'absolu chrétien, mais il ne croit plus à un autre absolu, scientifique ou marxiste. L'athéisme ne croit pas posséder toute la vérité. En tout cas il ne fait plus de la science le nouvel absolu. Le scientisme est passé de mode. Renan attendait de la science la révélation du monde "véritable", de l'"infini réel". Aujourd'hui, cette idée ne fait plus recette et passe pour obscurantiste. Ce n'est plus de la science qu'on attend le salut aujourd'hui. Alors ? ("Théologie pour les Nuls", IV, Les Maîtres du soupçon, document du web, avril 2007)>>.
(f) Voir Auctoritas. Transcendance. Discours de vérité. Parole de vérité. Existence de Dieu. Méditation et religion. Quiétisme. Unamuno.
(g) Lire "Initier Méditation".
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Auteur. Hubert Houdoy Mis en ligne le Mardi 27 Mai 2008
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