Mythe


(a) Dans la hiérarchie des représentations, le mythe est le plus proche de l'inconscient et le plus éloigné de la réalité quotidienne.


(b) Citation :


- <<Le mythe fait appel à l'imaginaire et à la créativité de chacun, à sa part ludique et souveraine, à la possibilité de mutation et d'épanouissement de tout individu. Gilgamesh, Riquet à la houppe, Icare et Tristan représentent des énergies en l'homme, des possibilités de vie. Tandis que le stéréotype fige un caractère, un comportement et enferme un individu dans une classification : le père de famille, l'intellectuel, le séducteur, le sportif, l'homme médiatique, etc. Aussi, pour ma part, ferai-je appel à des figures mythiques qui, à l'opposé du stéréotype, ouvrent, libèrent, transcendent l'individu et lui permettent d'évoluer en s'adressant à sa liberté, à ses ressources intérieures (Jacqueline Kelen, "L'Eternel masculin", page 23)>>.


(c) Du fait même de leur parenté d'inspiration, il semblerait que les mythes soient beaucoup plus anciens (Paléolithique) que leurs reformulations divergentes par l'écriture (à partir du Néolithique). Les premiers nomades étaient beaucoup plus proches les uns des autres que ne le seront les divers sédentaires (culture du blé, culture du riz) et leurs États.


(d) Pour Carl-Gustav Jung, le mythe est essentiel à la vie des sociétés primitives. Citation :


- <<La disposition d'esprit primitive n'invente pas de mythes, elle les vit. Les mythes sont, à l'origine, des révélations de l'âme préconsciente, des affirmations involontaires au sujet de faits psychiques inconscients et rien moins que des allégories d'événements physiques. De telles allégories auraient pu être le jeu oiseux d'une intelligence non scientifique. Les mythes, par contre, ont une signification vitale. Non seulement ils représentent, mais ils sont aussi effectivement la vie psychique de la tribu primitive, qui s'écroulerait immédiatement et sombrerait si elle venait à perdre son patrimoine mythique ancestral, tout comme un homme qui aurait perdu son âme. La mythologie d'une tribu est sa religion vivante, dont la perte signifie, toujours et partout, même chez l'homme civilisé, une catastrophe morale. (Carl-Gustav Jung et Charles Kerényi, Introduction à l'essence de la mythologie, page 109)>>.


(e) Nous ne cessons de produire et de transformer des mythes (équilibres économiques, marxisme, psychanalyse historique, équilibres écologiques). C'est ainsi que les mythes de l'homme violent, du chômeur, de la femme battue, des banlieues, des jeunes, etc. empêchent de voir les réalités correspondantes.


- << Les mythes, c'est bien connu, sont imperméables à l'histoire, car leur mode de validation n'a rien à voir avec la critique historique. Ils n'ont nul besoin d'être attestés par des documents ou des témoignages, il leur suffit (tout comme la rumeur) d'être répétés, répliqués, ré-cités. Ce n'est à cet égard pas un hasard si Freud parlait, à propos des grands «cas» fondateurs de la psychanalyse, de «paradigme» (Paradigma), de «modèle» (Vorbild) ou encore de «patron» (Muster). Ces histoires de cas sont bien moins des comptes rendus d'un traitement (au reste invérifiables, puisque protégés en principe par le secret médical) que des modèles à imiter tant pour les psychanalystes que pour les patients. Leur fonction, autrement dit, n'est pas historico-scientifique, mais identificatoire et émulatoire, chaque nouvelle version du modèle confirmant et justifiant rétroactivement celui-ci. Puisque toute possibilité de vérification et de contrôle expérimental est exclue au principe, il va en effet de soi que c'est seulement la réplication en chaîne du modèle qui validera celui-ci. Ceci, qui vaut pour tous les grands cas-paradigmes de Freud, vaut évidemment encore plus de cet archiparadigme qu'est le cas Anna O. Après tout, n'est-ce pas l'imitation, par Freud et par ses patientes, du traitement de Bertha Pappenheim qui a rétroactivement «prouvé» la validité de cette cure et convaincu Breuer de publier son histoire de cas ! L'archiparadigme, tout comme n'importe quel autre mythe d'origine, est hors temps, hors mémoire et hors histoire, parce qu'il n'a jamais eu lieu avant le second temps de sa réplication. L'histoire de la psychanalyse est une «Imitation d'Anna O.», comme on dit l'«Imitation de Jésus-Christ». (Mikkel Borch-Jacobsen, "Souvenirs d'Anna O. Une mystification centenaire", Aubier, Paris, 1995, pages 22-23)>>.


(f) Deux mythes opposés ("Les Hommes violents" et "L'Eternel féminin") jouent un rôle complémentaire. La stigmatisation des bourreaux nazis empêche de voir la banalité du mal. Pour voir la réalité (fascisme, violence conjugale, société d'exclusion, rôle de l'Ecole), il faut déchirer le voile du mythe. Et c'est bien ce qui se passe dans l'hiatus.


(g) Sous l'effet du mythe, on peut faire mal à un enfant tout en disant, tranquillement ou péniblement, "c'est pour ton bien". On ne pense pas faire le mal, puisqu'on ne se considère pas comme un monstre. Tant qu'on n'est pas monstrueux, on fait le bien. Le mythe masque l'ambivalence de la réalité. On cesse de dire "c'est pour ton bien", quand on comprend que l'on peut commettre le mal, sans être un monstre.


(h) Le mythe favorise la participation des individus, par la dilution des personnalités et par la fusion de celles-ci, aussi bien pour la routine banale que pour la réalisation d'une oeuvre collective. Le mythe est un des éléments de l'emprise, en fascinant le raisonnement.


(i) Le mythe est le souvenir, métamorphosé, de la mise à mort collective d'un bouc émissaire innocent .


- << Le mythe est la trace mémorisée d'une crise de Degree, mais le souvenir de cette crise est systématiquement déformé par l'« effet bouc émissaire » qui préside à son dénouement. Les rites sacrificiels reproduisent la même séquence : on immole des victimes de substitution afin de faire resurgir l'effet pacificateur du meurtre collectif originel et d'éviter ainsi de retomber dans la crise mimétique. (René Girard, "Shakespeare, les feux de l'envie", page 274)>>.


(j) Références :


- Alice Miller, "Am Anfang war Erziehung", Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp Verlag, 1980. Traduction française, "C'est pour ton bien", Paris, Aubier, 1983.


- Daniel Welzer-Lang, "Les Hommes violents", Lierre et Coudrier Editeur, Paris, 1991.


- René Girard, "La Violence et le sacré", Grasset, Paris, 1972.


(k) Certaines belles histoires ne sont que des mythes :


- <<L'une des histoires que l'on entend le plus souvent, à propos de la période de l'occupation et que je démens obstinément chaque fois que je l'entends, c'est la fable selon laquelle Christian X aurait manifesté ses opinions en portant l'étoile jaune. L'histoire est belle symboliquement, mais sans rapport avec la réalité (...) je ne peux prolonger un mythe quand je sais qu'il n'est pas fondé ; ce serait malhonnête (...) En réalité, les Allemands n'ont jamais osé insister pour que les Juifs danois portent l'étoile jaune. (Reine Margrethe II de Danamark, petite-fille de Christian X, "Le métier de Reine")>>.


(l) On assiste parfois à l'émergence du mythe ou de la légende. C'est le cas pour la volatilisation miraculeuse de la "tour du baron des Adrets" à Montbrison.


(m) Voir Adam. Alcmène. Amphitryon. Aphrodite. Arbre de la connaissance. Archétype. Bon sauvage. Cronos. Cueillir les Pommes d'Or du Jardin des Hespérides. Eve. Gaia. Goûter le fruit de l'arbre de la connaissance. Héra. Héraclès. Hermès. Mythe et stéréotype. Ouranos. Pommes d'Or. Récit fondateur. Sauteries de Montbrison. Tour de la Barrière. Travaux d'Héraclès. Vénus. Zeus.






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Auteur.

Hubert Houdoy

Mis en ligne le Lundi 2 Juin 2008



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