(a) Contrairement à ce que prétendent les néo-classiques ou les ultra-libéraux, la sphère capitaliste et même la sphère marchande (incluant l'économie publique) ne couvrent pas tout le champ de la vie sociale.
(b) Même pour ne comprendre que le fonctionnement de la sphère capitaliste, il faut la re-situer dans la société.
(c) D'une certaine manière, le chômage mesure cet écart entre l'économie marchande et la société.
(d) La production et les échanges économiques supposent une société préalable, car l'échange suppose des règles, des lois (éthiques ou juridiques). La réciprocité est préalable à l'économique.
- <<Rien n'oblige l'homme à produire des biens matériels à l'origine car pour sa subsistance il est tout aussi bien assuré par la nature que tout autre être biologique. Tous les animaux sont gras. L'unique nécessité de produire pour l'être humain est symbolique. La production matérielle est, dès l'origine, une production pour autrui. La production pour soi a sans doute été frappée du même interdit que l'inceste. Le sens de l'économie est d'être humaine, et donc toute marchandise est une parole et non pas l'inverse. (Dominique Temple, "Le commerce ou marché de réciprocité négative", Mars 2003, document du web)>>.
(e) Cette réciprocité est constitutive de l'humanité. C'est probablement de cette émergence commune que provient l'ignorance de son origine. On est ainsi contraint à lui en inventer.
- <<L'économie est-elle donc "encastrée" dans un code éthique ou bien est-elle le résultat de la production des valeurs éthiques ? Si la réciprocité est le moyen de production de sentiments d'humanité qui ne sont la propriété de personne mais l'humanité de tous, et si de tels sentiments s'expriment par des représentations collectives, de telles représentations doivent être respectées de tous, et il est logique qu'elles s'accompagnent de prescriptions et interdits. Dès lors, chacun peut se confier à l'efficience de la parole sans faire intervenir les conditions de sa genèse. Sans doute est-ce la raison pour laquelle nul ne s'inquiète de cette genèse. Aussi la Redistribution paraît-elle un principe : l'expression du Roi, et peu importe qu'elle soit engendrée par la réciprocité centralisée ; et la réciprocité segmentée paraît-elle un principe également qui respecte des valeurs de liberté, de responsabilité et de justice sans qu'il soit nécessaire de prendre en compte que chacune de ces valeurs est le fruit d'une structure de réciprocité particulière. D'où viennent alors les valeurs dites par chacun ou par le Roi, si l'on ne reconnaît pas leur matrice? Il faut leur supposer une origine extérieure à la réciprocité elle-même : les génies, la parenté divine du roi, ou l'idée de la culture émergeant de l'histoire ou des formes les plus organisées de la vie. Dès lors, l'analyse théorique ne parvient pas à dissocier la réciprocité de l'échange : elle sépare en effet la réciprocité des valeurs qu'elle produit, et ne considère que des prestations impossibles à différencier d'échanges réciproques. De ce point de vue, il est rationnel de mesurer l'efficacité des investissements des uns et des autres en termes de rentabilité capitaliste. Les économistes, mais aussi les anthropologues, concluent que les valeurs traditionnelles sont des entraves à la genèse des prix et au développement de l'économie de libre échange, parce qu'elles contredisent la confrontation de l'offre et de la demande. En réalité, sur les marchés de réciprocité, la demande ne se réduit pas à la demande telle qu'elle est conçue dans le système capitaliste, la demande intéressée, mais elle est une demande plus large : la demande que l'autre se considère comme donateur, ce qui suppose, pour celui qui demande, l'obligation de recevoir, et l'obligation de donner à son tour, c'est-à-dire l'obligation de réciprocité. (Dominique Temple, "Le commerce ou marché de réciprocité négative", Mars 2003, document du web)>>.
(e) Pour reprendre l'argumentation de Hobbes sur l'origine de l'Etat et du contrat social, afin de sortir de la guerre de tous contre tous, la guerre elle-même implique une notion préalable de réciprocité.
- <<Nous avons discuté du marché dans la perspective des dons réciproques, mais nous n'avons pas discuté du marché dans la perspective de la compétition. Dans un système de réciprocité des dons sans doute vaudrait-il mieux parler d'émulation plutôt que de concurrence. Dans le système de réciprocité dont nous avons parlé jusqu'à présent l'émulation est ordonnée au bien commun au lieu de l'être par leur intérêt individuel. Lorsque les hommes découvrent les conditions de leur liberté, ils n'ont de cesse en effet de les reproduire et luttent entre eux pour être les premiers dans cette production. Ils en tirent autorité morale et prestige social. Pourtant la question de la compétition n'est pas close avec l'émulation car l'homme n'est pas toujours en situation d'être compétitif pour être le plus grand donateur. Encore faut-il qu'il ait les moyens de produire et donc de donner. On ne peut donc faire l'impasse sur la question de la rareté qu'invoque la théorie libérale pour justifier sa fable célèbre de la guerre de tous contre tous (il faut, en effet, qu'une chose soit rare au vu de sa demande pour qu'elle soit convoitée des uns ou des autres). Ainsi les tenants de cette thèse présument que dès l'origine certaines choses étaient insuffisantes pour satisfaire l'envie de tous, d'où la jalousie des uns et des autres et une violence généralisée à laquelle l'échange aurait mis fin. C'est, pourtant, là, ignorer que dans toutes les sociétés humaines la violence fut aussi maîtrisée par la réciprocité. La partie agressée constatait aisément qu'elle disposait d'un équivalent virtuel du bien perdu, un sentiment de vengeance dont elle pouvait tout aussi aisément constater qu'il disparaissait dès lors que la vengeance était accomplie. Or, la réciprocité permet aux deux adversaires de se reconnaître comme détenteurs d'une conscience qui est tout à la fois celle de l'agresseur et de l'agressé, et dès lors la question vient de choisir entre cette reconnaissance d'une valeur commune, née de la confrontation entre deux violences maîtrisées, et la non-reconnaissance de cette valeur, la guerre n'ayant alors d'autre fin que d'anéantir l'ennemi pour conserver la maîtrise des biens. Dans la réciprocité qui relativise la violence de chacun apparaît un sentiment commun comme dans la réciprocité des dons, qui va permettre à chacun de se nommer pour l'autre comme pour lui-même "homme prestigieux". Les hommes ont partout choisi d'inscrire la violence dans la réciprocité. Celui qui maîtrise la violence par la réciprocité est même reconnu par tous comme un héros, c'est-à-dire libre de tout tribut à la nature primitive. On ne compte pas les communautés humaines qui se réfèrent à un héros fondateur de ce type. (Dominique Temple, "Le commerce ou marché de réciprocité négative", Mars 2003, document du web)>>.
(f) La "société" de Durkheim est le dieu laïc qui remplace la Providence divine.
(g) Voir Champ du social. État et société civile. Ethnie. Exclusion. Inclusion. Nation. Socialement déterminé. Société apprenante. Société civile. Société close. Société d'abondance. Société de connaissances. Société d'informations. Société de marché. Société ouverte.
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Mis en ligne le Lundi 30 Juin 2008
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