Sujet
(A) Etymologie.
(a) L'adjectif variable <sujet>, présent en 1120 dans le Psautier d'Oxford sous la forme <suger>, vient de l'ancien français <subject>, dérivé du latin <subjectus, a, um>, signifiant "placé sous", "placé après", "soumis à", "voisin de", "exposé à", comme participe passé du verbe <subjicio, subjicere>, "mettre sous", "mettre auprès", "mettre sous la main", "présenter", "soumettre", "assujettir".
(b) Le nom masculin <sujet> est présent au XIII ème siècle, avec le sens de "matière", "cause". C'est la matière dont traite un ouvrage ou la cause que défend un orateur. A la fin du XVI ème siècle, il a le sens de "motif". En 1560, pour Ambroise Paré, un sujet est un de ses patients. L'origine est le latin scolastique <subjectum> signifiant "ce qui est subordonné". Le nom <subjectum> est le neutre subjectivé du participe passé <subjectus> cité ci-dessus. Le sujet grammatical du verbe est dérivé du sujet chrétien du Verbe divin.
(c) L'expression <être sujet à> peut venir du latin <suetus>, "accoutumé à". A une époque où toutes les études se faisaient en latin, les condisciples de Bossuet avaient fait le calembour <bos suetus aratro>. La graphie <sujet> aurait englobé et supprimé le <suet>.
(d) Thème. Un texte, un dialogue ou une conversation ont généralement un sujet (qui peut être l'objet de la rencontre). Sinon, il s'agit de bavardage. Le sujet d'un tableau ou d'une oeuvre d'art est le thème dont il traite.
- <<Au sol, contre le pied des tables, contre les chaises, les bancs, les escabelles, et tous les murs débarrassés de leurs tapisseries, on avait appuyé les toiles qui attendaient l'accrochage dans les nouvelles galeries. Les tableaux se chevauchaient : les grands formats derrière, les petits devant.
Main dans la main sur le seuil, Will et Charles apercevaient les voiles bleus des Madones, les masses noires des hommes en armes, les chairs roses des Suzanne et des Marie Madeleine, les cieux tragiques des Christ en croix, les croupes et les sabots des chevaux qui ruaient dans les scènes de bataille. Tous les sujets, toutes les époques se mêlaient. Pour l'heure, Lord Arundel et ses intimes se pressaient sur l'estrade au fond de la salle. Les gentilshommes de la maison, flambeau à la main, se tenaient derrière eux, à l'endroit où, d'ordinaire, courait la high table. Sur toute la largeur de la paroi, on avait aligné les douze tableaux qui venaient d'être nettoyés. Cadre contre cadre, ceux-là ne se chevauchaient pas. Mr Coke, accroupi, une bougie à la main, achevait de glisser dans les châssis un papier, avec le nom de l'artiste et la date de l'oeuvre. Les toiles étaient toutes retournées vers le mur. On n'en voyait que le dos : la trame et le bois. (Alexandra Lapierre, "Le Voleur d'éternité. La vie aventureuse de William Petty, érudit, esthète et brigand", Robert Laffont, Paris, 2004, page 169)>>.
(e) Evolution de la notion de sujet, à partir des découvertes scientifiques du XX ème siècle (Relativité, Physique Quantique et Neurologie) :
- << …le sujet n'est pas une essence, n'est pas une substance, mais n'est pas une illusion. Je crois que la reconnaissance du sujet nécessite une réorganisation conceptuelle qui rompe avec le principe déterministe classique tel qu'on l'utilise encore dans les sciences humaines et notamment sociologiques. (Edgar Morin, "La tête bien faite")>>.
(f) Voir Chante-X. Le Verbe se fait chair. Toponymie. Thème de connaissance.
(g) Lire "Souris Hommes". "Verbe Chair".
(B) Terme polysémique.
(a) Sujet s'oppose généralement à objet.
(b) Mais, selon qu'il est sujet du roi (assujetti) ou sujet de sa propre vie (libéré, responsable), l'individu passe d'une quasi inexistence (d'objet) à celle d'acteur.
(c) C'est pourquoi nous donnons plusieurs définitions, plus précises :
- sujet apprenant ;
- sujet de l'énonciation ;
- sujet de sa propre vie ;
- sujet du verbe ;
- sujet personnel ;
- sujet politique ;
- sujet qui perçoit ;
- sujet sémiotique.
(d) Dans le traité intitulé "De la Trinité", l'évêque saint Augustin fait de la trinité terrestre et charnelle du sujet, de l'objet et de l'amour qui les relie, une première image, quoique très imparfaite à ses yeux, de la Sainte Trinité. L'objet aimé est vite remplacé, tout comme la concubine est renvoyée chez elle ! Restent l'âme (<mens> et non pas anima), l'amour de l'âme pour elle-même et sa connaissance d'elle-même.
- <<Et voilà une image de la Trinité : l'âme, sa connaissance, qui est sa progéniture et son verbe engendré d'elle-même, et en troisième lieu l'amour ; et ces trois sont un et une seule substance. La progéniture n'est pas plus petite, puisque l'âme se connaît autant qu'elle est, ni plus petit l'amour, puisque l'âme s'aîme autant qu'elle se connaît et autant qu'elle est. (Augustin, "De la Trinité", IX, 18)>>.
(e) Le sujet et l'objet sont parfois comme l'onde et la particule :
- <<Le moi s'autoconsidère à la fois comme sujet et comme objet de connaissance, et considère l'environnement objectif en y impliquant sa propre existence subjective. (Edgar Morin, "Le paradigme perdu : la nature humaine", page 150)>>.
(f) Voir Relation de sujet à objet. Relation de sujet à sujet.
(C) Ontologie du sujet ?
(a) Utile, sur le plan de l'expression langagière, du fait des oppositions paradigmatiques, la distinction sujet-objet est plus un leurre qu'une réalité ontologique.
- <<Encore une fois, le paradoxe de la non-action dans l'action, c'est que l'individu devient l'action et qu'il s'agit d'une action non duelle. (...) Quand on est l'action, il ne reste plus aucune conscience de soi pour observer l'action de l'extérieur. Lorsque l'action non duelle se déroule régulièrement, l'acte est ressenti comme fondé dans ce qui est calme et ne se meut pas. Oublier son moi et devenir complètement quelque chose, c'est aussi prendre conscience de sa propre vacuité, c'est-à-dire de l'absence de point de référence solide. (Francisco Varela, "Quel savoir pour l'Éthique", La Découverte, Paris, 1996, pages 58-59)>>.
(b) Voir Dualisme. Dualité.
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Mis en ligne le Lundi 30 Juin 2008
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