Arbitraire


(a) L'adjectif <arbitraire>, apparu en 1397, vient du latin <arbitrarius, a, um> signifiant "relatif à l'arbitre", "arbitral", "qui dépend de la volonté", "qui dépend de la décision du juge", arbitraire", "incertain". Est <arbitraire> ce qui dépend de la seule volonté ou de l'appréciation personnelle de chacun. La nature arbitraire d'une décision est liée à l'existence d'un libre arbitre chez l'individu humain.


- <<Cette démarche d'avoir supplié quelques-uns de vous, comme il a fait, de détourner vers moi leurs suffrages, qui pouvaient si justement aller à lui, elle est rare, puisque dans ces circonstances elle est unique, et elle ne diminue rien de ma reconnaissance envers vous, puisque vos voix seules, toujours libres et arbitraires, donnent une place dans l'Académie française. (Jean de La Bruyère, "Discours prononcé dans l'Académie française le lundi quinzième juin 1693)>>.


(b) Aimer le goût de l'anis ou celui de la menthe est arbitraire. Le fait est soumis au désir de chacun. En latin, <libido> et <libidinosus> ont, parmi d'autres, le sens de "arbitraire".


- <Des goûts et des couleurs, on ne discute pas>.


(c) La mode est la chose la plus arbitraire et la plus instable qui soit.


- <<Ces mêmes modes que les hommes suivent si volontiers pour leurs personnes, ils affectent de les négliger dans leurs portraits, comme s'ils sentaient ou qu'ils prévissent l'indécence et le ridicule où elles peuvent tomber dès qu'elles auront perdu ce qu'on appelle la fleur ou l'agrément de la nouveauté ; ils leur préfèrent une parure arbitraire, une draperie indifférente, fantaisie du peintre qui ne sont prises ni sur l'air ni sur le visage, qui ne rappellent ni les moeurs ni la personne. Ils aiment des attitudes forcées ou immodestes, une manière dure, sauvage, étrangère, qui font un capitan d'un jeune abbé, et un matamore d'un homme de robe ; une Diane d'une femme de ville ; comme d'une femme simple et timide une amazone ou une Pallas ; une Laïs d'une honnête fille ; un Scythe, un Attila, d'un prince qui est bon et magnanime. (Jean de La Bruyère, "Caractères", De la mode)>>.


(d) Ce n'est plus tout à fait le cas de la beauté.


- <<L'agrément est arbitraire, la beauté est quelque chose de plus réel et de plus indépendant du goût et de l'opinion. (Jean de La Bruyère, "Caractères", Des femmes)>>.


(e) L'arbitraire désigne la possibilité, pour un pouvoir absolu, d'imposer son bon plaisir, sans justification (usage des lettres de cachet, des fonds secrets) ni limitation légale.


(f) Pour ce pouvoir absolu, sûr de détenir la vérité et la vraie religion, ce sont les opinions des autres qui sont arbitraires (lisez fausses, sans fondement) :


- <<Ainsi rien n'a retenu la violence des esprits féconds en erreurs ; et Dieu, pour punir l'irréligieuse instabilité de ces peuples, les a livrés à l'intempérance de leur folle curiosité, en sorte que l'ardeur de leurs disputes insensées, et leur religion arbitraire est devenue la plus dangereuse de leurs maladies. (Jacques Bénigne Bossuet, "Oraison funèbre de très haute, très excellente et très puissante princesse Henriette-Marie de France, Reine de la Grande-Bretagne")>>.


(g) Les catégories que nous utilisons pour la pensée sont largement arbitraires. Mais, étant à la base même de nos classements, souvent inconscients, ces catégories nous semblent naturelles. De même, les "voitures" (véhicules automobiles) sont choses toutes naturelles aux personnes nées à partir du dernier quart du XX ème siècle. Ce sera bientôt le cas pour l'Internet. En attendant l'introduction 'bateau' du devoir de Français : "De tous temps, les hommes ont puisé leur inspiration sur le world wide web, aussi nous demanderons-nous, avec Sainte-Beuve, si ...".


(h) Le processus de fait de naturalisation réussit à faire de l'arbitraire de la domination et, en particulier de la domination masculine, une prétendue nécessité biologique voire cosmique.


- <<Loin que les nécessités de la reproduction biologique déterminent l'organisation symbolique de la division sexuelle du travail et, de proche en proche, de tout l'ordre naturel et social, c'est une construction arbitraire du biologique, et en particulier du corps, masculin et féminin, de ses usages et de ses fonctions, notamment dans la reproduction biologique, qui donne un fondement en apparence naturel à la vision androcentrique de la division du travail sexuel et de la division sexuelle du travail et, par là, de tout le cosmos. (Pierre Bourdieu, "La Domination masculine", page 29)>>.


(i) Voir Arbitraire du signe. Division politique du travail. Division sexuelle des émotions. Division sexuelle du travail. Domination masculine. Doxa. Historicisation. Opposition paradigmatique.


(j) Lire "Domination Masculine".


Hubert Houdoy


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