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Thématique, Paradoxe de la Normalité

• (a) l'idéal de l'intégration,
• (b) l'idéal de l'individu normal.

La comparaison de Monsieur Toulemonde (individu, personne) avec tout le monde (population) est une comparaison à la fois permanente et impossible. Et d'ailleurs, tout le monde voit bien que Monsieur Toulemonde CHERCHE à ressembler à tout le monde PARCE qu'il N'EST PAScomme tout le monde.

Voir Paradoxe de la normalité. Norme naturelle. Norme culturelle. Gens normaux. Exclusion de Monsieur Toulemonde.

Dialectique du modèle et de la série. Le modèle absolu est l'idéal que cherchent à imiter tous les termes de la série. La gradation des termes de la série se fait en fonction du nombre de caractéristiques du modèle que les termes de la série ne remplissent pas. Dans la série, chaque terme fait fonction de modèle relatif pour le terme immédiatement inférieur. Les termes de la série sont généralement des individus ou des objets concrets. Mais une série peut aussi comporter des termes abstraits. En effet, deux termes concrets qui diffèrent entre eux par plus d'une caractéristique laissent, entre eux, une place vide. Cette place vide peut fonctionner comme le modèle de conception d'un futur objet concret.

Voir Norme naturelle. Norme culturelle. Gens normaux. Exclusion de Monsieur Toulemonde. Famille. Dynastie. Les Bases de Composants.

Différent. Être différent est la caractéristique et le drame de Monsieur Toulemonde. En effet, ce pauvre Monsieur Toulemonde (vous et moi) est différent tant de l'individu normal (maximum, modèle, idéal) que du français moyen (moyenne statistique). Autrement dit, Monsieur Toulemonde est différent de tout le monde.

• La différence la plus importante, irréductible, réside dans le fait que Monsieur Toulemonde est un individu concret. Tandis que l'individu normal, le français moyen et tout le monde sont des individus ou des populations abstraites.
• Une autre différence est que tous les individus concrets sont différents entre eux. Biologiquement, malgré leurs efforts éventuels (Michael Jackson) leurs corps pleins laissent voir des traits distinctifs.
• Point de vue dynamique. Les différences requièrent un processus d'assimilation pour réaliser une intégration psychologique dans le corps virtuel. Il en va de même pour l'intégration sociologique dans une globalité.
• Point de vue statique. Les différences provoquent bien des différents entre Monsieur Toulemonde et les gens normaux. C'est alors que l'intégration sociologique dans une totalité statique prend les formes de l'intégrisme ou du totalitarisme.

Voir Exclusion de Monsieur Toulemonde. Trauma. Normalité comme soumission. Paradoxe de la normalité. Exclusion. Descente aux enfers. Bizutage. Harcèlement. Mobbing. Personne cassée. Renaissance. Chemin de renaissance.

Domination comme principe. La domination est un principe fondateur de la société comme de la culture. Considérer la domination comme un principe ne vise pas à la naturaliser, bien au contraire. Pour l'atténuer et la supprimer, il importe de la comprendre.

• Comprendre le principe de la domination est certainement le meilleur moyen d'apprendre à s'en passer. Car si la domination s'impose si facilement, comme servitude volontaire, c'est qu'elle protège l'individu de quelques choses qui lui semblent pires: la différence, être différent, ne pas être comme tout le monde, le chaos ou la diversité.
• La domination est un fait très largement observable. Ses formes les plus connues sont (i) la domination politique des prêtres et des guerrier sur les producteurs et (ii) la domination masculine sur les femmes et les enfants. La domination masculine a produit la séduction féminine.
• La domination est aussi à la base de la hiérarchie. La hiérarchie auto-reproductible peut se développer parce qu'elle contient la domination comme principe.
• Le principe de la domination est un principe d'intelligibilité pour une population primitive d'êtres humains. Le principe de la domination rend l'Univers intelligible pour l'ethnie. Par le même mouvement l'ethnie affirme son existence et sa culture face au monde.
• Le principe de la domination est aussi un principe d'organisation pour la société.
• Nous faisons une distinction verbale entre l'intelligibilité et l'organisation. Mais ces deux principes ne sont pas vraiment séparables. Ils constituent la domination comme principe fondateur, unique. La domination organise la société en la hiérarchisant. Elle rend le chaos intelligible en cachant la diversité dans la pensée du même. Dissocier l'intelligibilité et l'organisation sera justement le moyen d'introduire le ver dans le fruit.
• A l'inverse, pour se maintenir, la domination doit fonctionner comme un principe simplificateur.

Voir Domination masculine. Signifiant Phallus. Phallus. Prohibition de l'inceste. Normalité comme soumission.

Exclusion de Monsieur Toulemonde. Description du mobbing. Drame du conformisme.

(a) Tout-le-monde soupçonne Monsieur Toulemonde d'être différent. Il n'est pas vraiment le français moyen. Certes, il y a un minimum de ressemblance. Mais il n'y a pas identité. Il y a une différence. Malgré tous les signes d'appartenance qui se lisent sur sa peau d'inscription, le corps plein de Monsieur Toulemonde comporte des traits distinctifs. Si bien que Monsieur Toulemonde ne ressemble pas en totalité à tout-le-monde. En un mot, terrible, il est différent. Et d'une différence irréductible.

(b) Et d'ailleurs, tout le monde voit bien que Monsieur Toulemonde CHERCHE à être comme tout le monde PARCE qu'il N'EST PAS comme tout le monde. D'où la très vive réaction des gens normaux:

• Est-ce normal d'être différent ? questionna l'enfant d'éléphant.
• Que dis-tu, enfant d'éléphant ? barrit le chef des éléphants.
• Rien ! Je ne dis rien ! recula l'enfant d'éléphant.
• C'est louche de n'être pas comme tout le monde ! gloussa le dindon.
• C'est dangereux de n'être pas comme tout le monde ! dit le canard impassible.
• C'est dangereux pour lui ! plaignit la petite poule rousse.
• C'est surtout dangereux pour nous ! grogna le cochon.
• Nous ferions bien de nous méfier de lui ! aboya le petit roquet.
• Nous ferions mieux de le chasser tout de suite ! hurla à la mort le gros chien jaune.

Et c'est ainsi que Monsieur Toulemonde a découvert, à ses dépends, le mécanisme de l'exclusion.

L'exclusion directe serait donc provoquée par le soin que tout-le-monde met à être comme tout-le-monde. Pourtant, l'individu normal EST pas comme tout le monde. Ce qui ne l'empêche pas d'être le modèle absolu fantasmatique de la série des gens normaux et l'idéal de Monsieur Toulemonde.

Voir Normalité comme soumission. Domination comme principe. Modèle et série. Dialectique du modèle et de la série.

Français moyen. Individu imaginaire. Formule désignant une moyenne statistique qui n'a aucune existence concrète dans le réel, mais une considérable existence sémiotique ou symbolique dans l'imaginaire.

• Existence sémiotique: Le français moyen n'existe que dans l'imaginaire des ordinateurs de l'I.N.S.E.E. Il ne s'agit pas des disques durs. Il s'agit d'un espace imaginaire où sont sensés se dérouler les programmes et vivre les objets informatiques.
• Existence symbolique: Le conformiste s'efforce de ressembler au français moyen, c'est-à-dire à personne ou à tout le monde. C'est ainsi qu'il manque à la fois son objectif déclaré et la possibilité d'être lui-même.

Précision importante, que le QUID ne mentionne pas: Le français moyen est né à la frontière du pays de nulle part, à la veille des calendes grecques.

Voir Norme naturelle. Norme culturelle. Gens normaux. Différent. Normalité comme soumission.

Individu normal, être imaginaire. Modèle absolu de normalité des individus concrets. C'est ainsi que, comme tout le monde, Monsieur Toulemonde cherche à être un individu normal.

• Bien qu'être imaginaire, l'individu normal n'est pas le français moyen. Le français moyen est une moyenne abstraite, la négation de la série, l'effacement statistique de tous les écarts à la norme. Il n'est donc pas un idéal, mais une moyenne, un constat, un résumé abstrait des individus concrets.
• L'individu normal est la norme, le modèle, l'idéal. Il est le Moi-idéal des gens normaux de la série. Il est l'idéal du Moi de Monsieur Toulemonde. Il porte les espoirs de chacun. Il est un maximum abstrait des individus concrets. Il réalise ce que Monsieur Toulemonde voudrait pouvoir réaliser en souffrant de ne pouvoir le faire, son intégration psychologique et son intégration sociologique.
• L'individu normal est normatif. Comme le normatif est dominant, l'individu normal impose le respect au Moi à la manière du Sur-Moi.
• L'individu normal est tellement bien intégré qu'il EST pas comme tout le monde.
• Il apparaît ainsi que le classique: "tu ne pourrais donc pas être comme tout le monde" est, en fait, une injonction paradoxale.

Voir Paradoxe de la normalité. Norme naturelle. Norme culturelle. Le normal est normatif. Exclusion de Monsieur Toulemonde. Désir et souffrance. Souffrance. Souffrance et identification.

Injonction paradoxale, ordre et paradoxe. Ordre reçu mais impossible à exécuter. Faire une injonction paradoxale c'est donner un ordre qui contient, de manière indissociable, une affirmation et sa contradiction.

• La contradiction peut être directement exprimée en une seule phrase. C'est la cas dans: "Moi qui suis français, je puis vous affirmer que tous les français sont des menteurs.
• La contradiction peut être distribuée entre deux injonctions différentes mais immanquablement reliées lors de la réalisation ou du passage à l'acte. L'ordre divin "croissez et multipliez", combiné à la condamnation du péché de chair, le péché originel indélébile, aboutit à une injonction paradoxale que l'on pourrait formuler ainsi: <copulez pour vous reproduire car je vous le demande, mais, ce faisant, vous commettez un péché contre moi>.
• Une injonction paradoxale est donc un paradoxe, une proposition auto-contradictoire. Puisqu'il s'agit d'un ordre, c'est une double contrainte dont les effets psychologiques sont très perturbateurs. A ce jour, nous n'avons pas trouvé mieux pour produire une irréductible culpabilité voire (selon Grégory Bateson) une très grave schizophrénie.
• Une injonction paradoxale ne suppose pas toujours un dominant et un dominé. Il est possible de se faire à soi-même une injonction paradoxale: c'est tout le charme et toute l'efficacité du paradoxe de la normalité.

Voir Individu normal. Norme naturelle. Norme culturelle. Tout le monde. Monsieur Toulemonde. Exclusion de Monsieur Toulemonde.

Le normal est normatif. Le normal est "ce que dit la norme". Ce faisant, le normal est celui qui produit la norme. Il n'est pas possible d'être normal sans se poser (ou être posé) comme norme. On devient alors le lit de Procuste qui sert à normer, exclure ou éliminer les anormaux. Ainsi, le normatif est dominant.

Voir Norme naturelle. Norme culturelle. Gens normaux. Individu normal. Exclusion directe. Mécanisme d'exclusion.

Le normatif est dominant. Puisque la norme est recherchée dans la nature (norme naturelle) alors qu'elle est produite par la culture (norme culturelle), elle est:

• soit une libre convention entre hommes libres;
• soit un principe de domination.

Mais la norme a besoin d'être universelle pour être ou paraître normale. Il est difficile d'imaginer que des individus différents puissent s'imposer une norme excluante et exclusive de manière universelle. Jusqu'à ce jour, il n'est pas possible de citer une assemblée générale des hommes libres de l'humanité. A ce jour, une convention entre hommes libres reste donc une légende. Il faut conclure que le normal est normatif. La norme n'existe que si elle est imposée. Nous aboutissons ainsi au paradoxe de la normalité.

• La norme est recherchée par les individus comme un principe d'intelligibilité.
• La norme est imposée par la totalité comme un principe d'organisation.

Nous constatons une contradiction à la base de l'illusion ethnique. Il nous faut donc explorer la contradiction de la domination comme principe et de la normalité comme soumission.

Voir Tout le monde. Exclusion de Monsieur Toulemonde. Français moyen.

Modèle absolu. Le modèle absolu est le modèle commun à tous les termes de la série, dans la dialectique du modèle et de la série. Le fait le plus intéressant est que si la série concrète des termes se construit en référence à un modèle absolu, celui-ci n'a pas besoin d'être concret.

Voir Modèle relatif. Modèle et série.

Modèle et série. Le modèle ou modèle absolu s'oppose à la série des termes qui se définissent à la fois par leur ressemblance générale au concept, à l'intention, du modèle et par le nombre de leurs différences vis-à-vis des caractéristiques du modèle. Un tri alphabétique dans une liste de noms (individus, objets, fichiers, concepts) élabore une série de termes.

Voir Dialectique du modèle et de la série.

Modèle relatif. Dans la dialectique du modèle et de la série, chaque terme de la série est un modèle relatif pour le terme immédiatement inférieur. C'est ainsi que s'opère, de proche en proche, un tri alphabétique ou une hiérarchie féodale. Il est donc inutile de fournir un modèle absolu pour ordonner une série.

Voir Modèle absolu.

Monsieur Toulemonde. Monsieur Toulemonde est une personne concrète. Et c'est bien là son drame.

• Tandis que le français moyen est un individu imaginaire qui ressemble, par définition, à tout-le-monde, Monsieur Toulemonde est un individu réel qui s'efforce de ressembler à tout-le-monde pour être normal.
• Monsieur Toulemonde est une victime du paradoxe de la normalité. Tout-le-monde soupçonne Monsieur Toulemonde de ne pas ressembler parfaitement à tout le monde. Et d'ailleurs, tout le monde voit bien que Monsieur Toulemonde CHERCHE à ressembler à tout le monde PARCE qu'il N'EST PAS comme tout le monde.

Voir Paradoxe de la normalité. Norme naturelle. Norme culturelle. Gens normaux. Différent. Pas comme tout le monde.

Normalisation. (a) Industrie et services. Ensemble de règles techniques élaborées en commun, par l'accord des producteurs et des utilisateurs. Le processus de normalisation (définition de la norme) vise à spécifier, unifier, simplifier en vue d'un meilleur rendement dans tous les domaines des activités de production matérielle. La norme est une cible pour le producteur de l'artefact et une référence pour son client ou son utilisateur.

• (b) Politique. Retour à une situation normale.

Voir Modèle de la cible. Modèle de l'artefact.

Normaliser. (a) Soumettre à une normalisation. (b) Se normaliser. Devenir normal.

Voir Norme. Norme culturelle.

Normalité. Qualité de l'individu normal ou de l'objet normalisé.

• (a) S'agissant de l'objet normalisé. La normalité est la qualité d'un objet ou artefact produit par des hommes et qui satisfait aux normes de qualité que les mêmes hommes ont définies pour lui, dans un processus de normalisation.
• (b) S'agissant de l'individu normal. La normalité est une quête impossible. L'individu normal est un être imaginaire. Monsieur Toulemonde est un individu concret. Comme tout le monde, il est différent, il EST pas comme tout le monde. Le paradoxe de la normalité aboutit à ce que le processus de normalisation soit, par nature, un mécanisme d'exclusion.

Voir Domination comme principe.

Normalité comme soumission. La recherche de la normalité est une soumission soit au conformisme des gens normaux, soit à la norme de l'individu normal.

L'individu normal est soit le modèle soit l'idéal:

• Il est le modèle, le Moi-idéal des gens normaux. Ils se croient conformes au modèle absolu.
• Il est l'idéal du Moi de Monsieur Toulemonde. Ce à quoi il voudrait s'identifier.

L'individu normal porte les espoirs de chacun. Il est un maximum abstrait des qualités des individus concrets. Il réalise ce que Monsieur Toulemonde voudrait pouvoir réaliser en souffrant de ne pouvoir le faire:

• son intégration psychologique (instances) et
• son intégration sociologique (institutions).

Voir Désir et souffrance. Résistance et souffrance.

Norme. (a) Principe (abstrait) servant de règle ou de loi. (b) Document (concret) où se trouve décrite la norme. Cf. la norme AFNOR.

Norme culturelle. Toute norme est culturelle. Il ne peut y avoir de norme naturelle.

• L'expression <norme naturelle> est une contradiction dans les termes. Toute norme est culturelle, artificielle, normative. Le normal est normatif.
• Mais, à son tour, l'expression <norme culturelle> est une tautologie. Elle dit le même deux fois, en deux termes distincts et successifs.

La culture, quand elle se veut distincte et opposée à la nature, est une norme, rien qu'une norme. Autrement dit, elle ne peut rien nous apprendre par son arbitraire. La culture sans nature est une norme vide. Elle n'a pas de fond. Elle ne peut rien fonder.

Voir Horreur des camps. Gens normaux.

Norme naturelle. L'expression <norme naturelle> est une contradiction dans les termes. La nature est à la fois interne et externe à l'individu. Elle est un processus qui le traverse. Nous pouvons connaître la nature externe dans son extériorité d'objet et la nature interne dans son intériorité de sujet.

• La nature est diversité des formes visibles et créativité des machines désirantes. Son mode de fonctionnement "naturel" ou spontané est chaotique. Son état "normal" est le chaos.
• Le normal est normatif. Le normal est ce qui dit la norme. Ce faisant, le normal est celui qui produit la norme. Il n'est pas possible d'être normal sans se poser (ou être posé) comme norme. On devient alors le lit de Procuste qui sert à normer, exclure ou éliminer les anormaux.

Voir Mécanisme d'exclusion.

Paradoxe, énoncé qui contient une contradiction qu'il s'avère impossible d'éliminer. On peut l'illustrer par l'histoire suivante:

Après un combat dont il sort vainqueur, un général romain avise un valeureux guerrier gaulois et lui parle en ces termes. "Dis-moi quelque chose: si ce que tu dis est vrai, tu seras décapité sur le champ, si ce que tu dis est faux, tu seras jeté aux lions lors de mon triomphe à Rome". Après un bref instant de réflexion, le gaulois répondit: je serais jeté au lions". Dans l'impossibilité d'exécuter sa promesse de mise à mort, le général romain fit libérer le guerrier vaincu. En effet:

• S'il le faisait décapiter, le guerrier aurait dit quelque chose de faux et aurait du être donné aux lions.
• S'il le jetait aux lions, le guerrier aurait dit quelque chose de juste et aurait du être décapité.

Au contraire d'une prophétie autoréalisatrice, cette prophétie ne pouvait produire aucune réalisation.

• Rassurez-vous! Cette histoire est racontée par un français. Et tous les français sont des menteurs. Vous pouvez me croire, je suis français.

Voir Injonction paradoxale. Double contrainte. Contradiction dans les termes.

Paradoxe de la normalité. L'impossibilité d'une norme naturelle dans un monde humain qui se définit d'abord comme culturel (illusion ethnique) fait que le normal est normatif et que le normatif est dominant.

• La norme humaine est à la fois imposée par la domination de tout le monde sur chaque individu et recherchée par chaque individu qui voudrait tant être comme tout le monde.

Le paradoxe de la normalité se trouve donc concentré sur la définition de l'individu normal:

• Il est le modèle absolu de tous ceux qui veulent être comme tout le monde.
• Étant le seul à être comme tout le monde, il EST pas comme tout le monde.

Il est impossible de sortir du paradoxe tant que l'on cherche une normalité impossible. Le seul moyen est d'admettre la différence et la diversité.

Voir Nomade moderne. Sujet. Acteur.

Pas comme tout le monde. Il est très pénible pour un enfant ou un adulte de découvrir qu'il n'est pas comme tout le monde. Il se sent, il se croit, exclu.

• Paradoxalement, c'est la situation de tout un chacun, que nous personnalisons comme Monsieur Toulemonde, de n'être jamais, éventuellement malgré les pressions reçues et les efforts fournis, comme tout le monde. Car la différence est aussi fondamentale que le fond de ressemblance grâce auquel elle se manifeste. C'est la nécessaire dialectique de l'identité et de l'altérité.
• Le paradoxe de la normalité est résumé par les caractéristiques de l'individu normal. Tandis que l'individu normal, dont la définition est d'être vraiment comme tout le monde, est le modèle des gens normaux et l'idéal-du-Moi de Monsieur Toulemonde, il se trouve, par la même définition, ÊTRE pas comme tout le monde.

Voir Modèle et série. Hiérarchie. Exclusion. Exclusions. Dialectique du modèle et de la série. Exclusion de Monsieur Toulemonde.

Principe d'intelligibilité. La domination fonctionne d'abord comme un principe d'intelligibilité.

• Devant une réalité chaotique, qui offre tant de diversité et de variabilité, la pensée de nos lointains ancêtres et notre pensée contemporaine cherchent à trouver des invariants et des normes. L'idéal serait de trouver des normes naturelles. Mais, justement, dans un Univers de diversité, une <norme naturelle> serait une contradiction dans les termes. D'où la seule solution d'une norme culturelle. On remplace alors la contradiction par la tautologie. Ce faisant, on ne voit peut-être pas que l'on fait divorcer la représentation et la signification.
• On troque la justification naturelle par le geste arbitraire, inaugural, culturel. Ce ne peut être que celui d'un héros fondateur, fondateur d'une culture sans nature. On fonde, dans le même mouvement, la culture, la norme, la simplification, la réduction, l'abstraction, en somme, la pensée du même.
• Réduire la diversité au même c'est produire l'imaginaire. C'est produire la culture. Ce n'est pas changer la nature. Le geste inaugural du héros fondateur (Zeus) n'a pas supprimé le chaos structurant ni le chaos primordial. Il les a simplement cachés sous le tapis. Le discours fondateur est un discours clos. Le héros fondateur a produit une histoire, une chronique, une mythologie, un tissu de légendes, un tissu social, un tissu de mensonges. C'est le tissage comme première machine sociale.
• Le spectacle social de la domination et de la hiérarchie occupe le devant et même toute la scène culturelle. Le chaos de la nature est réduit au silence dans la mesure où il est recouvert par le bavardage tonitruant du spectacle social.
• Par la hiérarchie auto-reproductible, la domination fonctionne aussi comme principe d'organisation.

Voir Fonder. Prohibition de l'inceste. Codage des flux. Modèle d'intelligibilité.

Principe d'organisation. La domination fonctionne comme un principe d'organisation. Les manifestations concrètes de ce principe d'organisation sont:

• la chaîne hiérarchique que l'on trouve depuis des siècles dans les armées.
• la hiérarchie pyramidale de l'organisation féodale de suzerain à vassal.
• la hiérarchie pyramidale des empires, des royaumes, des régions.
• la division capitaliste du travail entre propriétaires du capital et salariés.
• la hiérarchie des salaires comme principe hiérarchique avant tout.
• la traditionnelle domination masculine et le devoir conjugal de la femme.
• l'inféodation des tâches domestiques familiales au salarié chef de famille.

Dans tous ces cas, souvent vieux comme le monde, on retrouve la relation hiérarchique. Elle réduit les différences des individus à la similitude d'une relation indéfiniment récursive. Et là, pour le coup, on passe vraiment de la nature à la culture.

Voir Logique du même. Logique de la diversité. Domination comme principe. Principe simplificateur. Principe d'intelligibilité.

Principe de la domination. La domination est un principe fondateur et auto-justificatif. Elle n'est pas le moyen d'autre chose qu'elle-même. Ainsi, la domination ne peut s'expliquer par une énigmatique exploitation. Si on voulait faire découler la domination d'un autre principe, ce serait de la pensée du même. Mais, en fait, la domination comme principe et la pensée du même émergent, ainsi que la culture sans nature, par le même geste fondateur. Ils sont pris, tous les trois, dans une relation de présupposition réciproque. La domination fonctionne avec l'efficacité d'un principe simplificateur.

Principe simplificateur. La domination est un principe simplificateur. Elle satisfait les attentes de la pensée du même. Elle affirme la possibilité d'une culture.

• La domination et la pensée du même sont posées par le même geste fondateur que la culture sans nature ou l'illusion ethnique. Toutes trois visent à supprimer le chaos primordial de la réalité et à lui substituer un ordre. On supprime le chaos parce qu'il est inintelligible. Mais on ne peut le supprimer de la réalité. Alors on le supprime de notre vision. C'est cette vision ordonnée qui constitue notre culture. Sans l'admettre, on se retrouve avec (i) un réel chaotique comme une globalité et (ii) un imaginaire ordonné comme une totalité.
• Pour éliminer la diversité des sujets ou des objets, on les réduit à la similitude d'un principe abstrait. C'est la relation hiérarchique produite par la domination comme principe.

Relation de domination. La relation de domination est à la base des organisations hiérarchiques. En effet, chaque relation hiérarchique est une simple relation de sujet dominant à objet dominé. La relation de domination s'impose souvent par la force, parfois par la force des forts, souvent par la force des faibles. Mais elle impose surtout la simplicité de la domination comme principe. N'était l'exclusion qu'elle implique, la domination n'aurait pas de principe concurrent.

Rappelons les données du choix organisationnel qui aboutit à la domination comme principe d'organisation:

• La domination offre la similitude récursive de la hiérarchie.
• La réalité offre la complexité chaotique des machines désirantes.
• La liberté offre l'autonomie et le risque dans la diversité des sujets.

Il n'est pas surprenant que le choix de la domination comme principe soit reproduit, jour après jour, depuis des millénaires. Il est plus simple d'éliminer la réalité et la liberté. Au moins par principe. C'est le principe d'exclusion qui introduit la contradiction dans la belle organisation hiérarchique de la domination. Chassez le naturel (interne et externe) et la réalité revient au galop.

Voir Chaîne hiérarchique. Relation hiérarchique.

Relation hiérarchique. La relation hiérarchique est itérative ou récursive. Il s'agit d'une relation de sujet à objet. La caractéristique majeure de l'organisation hiérarchique est sa très grande stabilité de principe. Bien sûr il peut arriver que la réalité (interne ou externe) vienne perturber cette belle construction de l'imaginaire. La hiérarchie auto-reproductive désigne cette capacité à enchaîner des maillons de hiérarchie dans une chaîne hiérarchique. Chaque relation hiérarchique est une simple relation de sujet dominant à objet dominé.

Série. Suite, succession. Ensemble de choses analogues. Suite de termes se succédant d'après une loi déterminée. Cette loi suppose un fond commun de ressemblance (à un modèle implicite ou explicite) et un ensemble de différences, fonctionnant comme des traits distinctifs (qualitatifs) et susceptibles d'ordonner les termes de la série.

Voir Sériation ordinale. Modèle. Chaîne hiérarchique. Relation hiérarchique.

Série de termes. Suite ou succession de termes (mots, objets, individus, etc) susceptibles d'être ordonnés ou triés selon une loi de progression dans la série. Exemples: le tri alphabétique de mots, le tri pondéral d'objets. Toute la série des termes s'oppose à son modèle absolu. Chaque terme de la série s'oppose à son modèle relatif qui le précède dans l'ordre de la série.

Voir Modèle et série. Dialectique du modèle et de la série.

Similitude récursive de la hiérarchie. Puissance de la hiérarchie comme forme concrète de la domination et comme substrat du processus de normalisation de la pensée du même.

• La hiérarchie a la propriété de se reproduire elle-même. Nous parlons de hiérarchie auto-reproductible.
• La hiérarchie est une manifestation concrète de la domination. La domination est le principe, abstrait, sous-jacent à la hiérarchie.
• Ce qui peut expliquer la hiérarchie, c'est la domination comme principe. La domination est un principe simplificateur. Elle satisfait les attentes de la pensée du même.
• La force de la hiérarchie auto-reproductible réside dans une contradiction entre la domination comme principe et la normalité comme soumission. C'est le paradoxe de la normalité. Ce paradoxe se cristallise sur les caractéristiques nécessairement contradictoires de l'individu normal.
• Par la dialectique du modèle et de la série, un individu normal, normatif et dominant, mais inexistant peut servir de modèle absolu à une série de termes. La série a l'avantage d'éliminer la diversité (qualitative) et de la ramener à une sériation ordinale.
• La hiérarchie produit du même à partir de la diversité. En effet, à chaque maillon de la chaîne hiérarchique, la relation hiérarchique est toujours la même.
• La hiérarchie dispense de produire une pensée de la diversité. Elle introduit de l'ordre. Elle empêche aussi de voir la réalité du chaos.

Voir Le normal est normatif. Le normatif est dominant.

Termes de la série. Ensemble de termes appartenant à une série. Ce sont, par exemple, les mots d'une liste alphabétique. Les termes peuvent être les seigneurs, vassaux et suzerains, dans la chaîne hiérarchique de l'organisation féodale. Ce sont aussi les niveaux de rémunération dans la hiérarchie des salaires. Ce sont enfin les nombres successifs d'une progression arithmétique.

• La série s'oppose globalement à son modèle absolu (implicite ou explicite).
• Chaque terme de la série est un modèle relatif pour le terme immédiatement inférieur.

Voir Modèle et série. Dialectique du modèle et de la série. Chaîne hiérarchique. Relation hiérarchique.

Tout le monde. Tout-le-monde est la référence permanente, impossible et paradoxale, de la normalité. Tout-le-monde est une population imaginaire que nous n'aurons jamais la chance de rencontrer concrètement. Mais tout-le-monde n'est pas banal.

(a) Tout-le-monde peut être identifié à:

• une personne (Monsieur Toulemonde),
• un groupe, (mimétisme, imitation)
• une organisation réelle, (pseudo-culture d'entreprise),
• une foule, (psychologie de masse du fascisme),
• une ethnie (identité ethnique, pensée du même, identité culturelle, identité intemporelle) ou
• l'humanité dans son ensemble, (la nature humaine).

(b) L'existence sémiotique et l'existence symbolique de tout-le-monde est très proche de celle du français moyen. D'ailleurs, de source sûre, nous pouvons affirmer que le français moyen est persuadé qu'il agit et qu'il pense comme tout le monde.

(c) On peut constater quelques propriétés intéressantes de cette population imaginaire:

• Associativité: tout le monde s'associe à tout le monde (sur une plage quasi-vide par exemple)
• Réflexivité: tout le monde fait comme tout le monde (miroir).
• Transitivité: si tout le monde fait comme tout le monde, tout le monde fera comme tout le monde.
• Stabilité: elle découle directement de la transitivité.
• Fractalité: de la personne à l'humanité, tout le monde est un objet fractal ayant une propriété de fragmentation récursive.

(d) Ces différentes propriétés ne sont pas loin de produire une totalité (société totalitaire), elle même composée, récursivement, de totalités (individu citadelle).

(e) Pourtant, un grain de sable vient s'introduire dans cette belle machinerie. Le français moyen soupçonne Monsieur Toulemonde de ne pas ressembler parfaitement à tout le monde. Et d'ailleurs, tout le monde voit bien que Monsieur Toulemonde CHERCHE à ressembler à tout le monde PARCE qu'il n'EST pas comme tout le monde.

• C'est louche de n'être pas comme tout le monde ! dit le dindon.
• C'est dangereux d'être pas comme tout le monde ! dit le canard.
• C'est dangereux pour lui ! suggéra la petite poule rousse.
• C'est surtout dangereux pour nous ! grogna le cochon.
• Nous ferions bien de nous méfier de lui ! aboya le petit roquet.
• Nous ferions mieux de le chasser tout de suite ! hurla le gros chien jaune.

Et c'est ainsi que Monsieur Toulemonde a découvert, à ses dépends, le mécanisme de l'exclusion.

(f) L'exclusion serait donc provoquée par le soin que tout-le-monde met à être comme tout-le-monde.

(g) Le problème, c'est qu'il n'est pas donné à tout le monde d'être comme tout le monde voudrait être. L'individu normal semble être le seul à réaliser cet idéal. C'est d'ailleurs en quoi il EST pas comme tout le monde.

(h) En réalité, personne n'est comme tout le monde. tout le monde EST pas comme tout le monde.

Voir Paradoxe de la normalité. Norme naturelle. Norme culturelle. Gens normaux. Différent.

Hubert Houdoy

Créé le 14 Octobre 1998

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Mise à jour: 16/07/2003