Réseau



(A) Généralités.



(a) Apparition et acceptions successives. Le mot <réseau> apparaît vers 1180, dans un texte de Marie de France sous la forme <resel> où il désigne un "filet à mailles". En 1240, sous la plume de Guillaume de Lorris, il désigne des entrelacs. Au XIX ème siècle, avec le développement des chemins de fer, il réfère à un "entrecroisement de voies".


(b) Définition. Un réseau est :


- un "ouvrage formé d'un entrelacement régulier de fils, de ficelles, etc., et qui sert à capturer certains animaux" ;


- Vieilli. un "tissu à mailles très larges" ; un "filet" ;


- le "fond d'une dentelle à mailles de forme géométrique".


(c) Etymologie. <Réseau>, <réticulé> et <réticulaire> viennent du nom latin masculin <retis, is> ou <rete, is> signifiant "filet", "rets", "filets pour la chasse et la pêche", "lacs", "réseau", "toile d'araignée", "piège", "séduction", d'où le nom du rétiaire (armé de rets et d'une fourche) qui affronte le gladiateur (armé de son gladium) dans l'arène. <Retiolus>, diminutif de <retis> a donné l'ancien français <reseuil> d'où vient <réseau>.


(d) Un réseau est une forme qui se distingue de la ligne ou du cercle par son foisonnement (multitude de liens) et par sa complexité (principe de récursivité de sa structuration).


(e) Le réseau se distingue de la citadelle par son étendue et par les nombreux trous qu'il laisse sur le territoire.


(f) Vu de Météo-SAT, dans un paysage montagneux, un réseau de ruissellement est particulièrement fractal.


(g) Références littéraires :


- <<Il rentre alors à la maison, pour prendre non pas une arme tranchante (il sait qu'un vilain n'a pas droit d'en faire usage contre une bête fauve), mais un filet enfumé, tressé je crois par le diable, tant le réseau en étoit habilement travaillé. C'est ainsi qu'il compte prendre le malfaiteur. Renart voit le danger et se blottit sous une grosse tête de chou. Berton, qui n'avoit chassé ni vollé de sa vie, se contente d'étendre les rets en travers sur la plate-bande, en criant le plus haut qu'il peut, pour mieux effrayer Renard : "Ah ! le voleur, ah ! le glouton ! nous le tenons enfin !" Et ce disant, il frappoit d'un bâton sur les choux, si bien que Renart, ainsi traqué, prend le parti de sauter d'un grand élan ; mais où ? en plein filet. Sa position devient de plus en plus mauvaise : le réseau le serre, l'enveloppe ; il est pris par les pieds, par le ventre, par le cou. Plus il se démène, plus il s'enlace et s'entortille. Le vilain jouit de son supplice : "Ah ! Renart, ton jugement est rendu, te voilà condamné sans rémission." Et pour commencer la justice, Berton lève le pied qu'il vient poser sur la gorge du prisonnier. Renart prend son temps ; il saisit le talon, serre les dents, et les cris aigus de Berton lui servent de première vengeance. La douleur de la morsure fut même assez grande pour faire tomber le vilain sans connoissance ; mais revenu bientôt à lui, il fait de grands efforts pour se dégager ; il lève les poings, frappe sur le dos, les oreilles et le cou de Renart qui se défend comme il peut sans pour cela desserrer les dents. Il fait plus : d'un mouvement habile, il arrête au passage la main droite de Berton, qu'il réunit au talon déjà conquis. Pauvre Berton, que venois-tu faire contre Renart ! Pourquoi ne pas lui avoir laissé coq, chapons et gelines ! N'étoit-ce pas assez de l'avoir pris au filet ? Tant gratte la chêvre, que mal gist, c'est un sage proverbe dont tu aurois bien dû te souvenir plus tôt. (Anonyme, "Le Roman de Renart", 1200, Livre I, Chapitre III)>>.


- <<Encor, si la saison s'avançait davantage !

Attendez les zéphyrs : qui vous presse ? Un corbeau

Tout à l'heure annonçait malheur à quelque oiseau.

Je ne songerai plus que rencontre funeste,

Que faucons, que réseaux. Hélas ! dirai-je, il pleut :

Mon frère a-t-il tout ce qu'il veut,

Bon soupé, bon gîte, et le reste ?

(Jean de La Fontaine, "Fables", 1668, Livre IX, Fable II, Les deux Pigeons)>>.


- <<Méprisez donc les hommes, et voyez les mailles par où l'on peut passer à travers le réseau du Code. Le secret des grandes fortunes sans cause apparente est un crime oublié, parce qu'il a été proprement fait. (Honoré de Balzac, "Le Père Goriot", 1835, II, L'entrée dans le monde)>>.


- <<Ils étaient au lit lorsque M. Homais, malgré la cuisinière, entra tout à coup dans la chambre, en tenant à la main une feuille de papier fraîche écrite. C'était la réclame qu'il destinait au Fanal de Rouen. Il la leur apportait à lire.

- Lisez vous-même, dit Bovary.

Il lut :

- "Malgré les préjugés qui recouvrent encore une partie de la face de l'Europe comme un réseau, la lumière cependant commence à pénétrer dans nos campagnes. C'est ainsi que, mardi, notre petite cité d'Yonville s'est vue le théâtre d'une expérience chirurgicale qui est en même temps un acte de haute philanthropie. M. Bovary, un de nos praticiens les plus distingués..."

- Ah ! c'est trop ! c'est trop ! disait Charles, que l'émotion suffoquait. (Gustave Flaubert, "Madame Bovary", 1857, Partie II, Chapitre XI)>>.


- <<Salammbô s'avança jusqu'au bord de la terrasse. Ses yeux, un instant, parcoururent l'horizon, puis ils s'abaissèrent sur la ville endormie, et le soupir qu'elle poussa, en lui soulevant les seins, fit onduler d'un bout à l'autre la longue simarre blanche qui pendait d'elle, sans agrafe ni ceinture. Ses sandales à pointes recourbées disparaissaient sous un amas d'émeraudes, et ses cheveux à l'abandon emplissaient un réseau en fils de pourpre. (Gustave Flaubert, "Salammbô", 1862, Chapitre III, Salammbô)>>.


- <<Le tracé des égouts répercute, pour ainsi dire, le tracé des rues qui lui est superposé. Il y avait dans le Paris d'alors deux mille deux cents rues. Qu'on se figure là-dessous cette forêt de branches ténébreuses qu'on nomme l'égout. Le système d'égouts existant à cette époque, mis bout à bout, eût donné une longueur de onze lieues. Nous avons dit plus haut que le réseau actuel, grâce à l'activité spéciale des trente dernières années, n'a pas moins de soixante lieues. (Victor Hugo, "Les Misérables", 1862, Partie V, Livre III, Chapitre I, Le cloaque et ses surprises)>>.


- <<L'écrasement, aux dentelles, croissait de minute en minute. La grande exposition de blanc y triomphait, dans ses blancheurs les plus délicates et les plus chères. C'était la tentation aiguë, le coup de folie du désir, qui détraquait toutes les femmes. On avait changé le rayon en une chapelle blanche. Des tulles, des guipures tombant de haut, faisaient un ciel blanc, un de ces voiles de nuages dont le fin réseau pâlit le soleil matinal. Autour des colonnes, descendaient des volants de marines et de valenciennes, des jupes blanches de danseuse, déroulées en un frisson blanc, jusqu'à terre. Puis, de toutes parts, sur tous les comptoirs, le blanc neigeait, les blondes espagnoles légères comme un souffle, les applications de Bruxelles avec leurs fleurs larges sur les mailles fines, les points à l'aiguille et les points de Venise aux dessins plus lourds, les points d'Alençon et les dentelles de Bruges d'une richesse royale et comme religieuse. Il semblait que le dieu du chiffon eût là son tabernacle blanc. (Emile Zola, "Au Bonheur des dames", 1883, Chapitre XIV)>>.


(h) Voir A partir d'un mot.



(B) Réseau informatique.



(a) Un réseau informatique est un ensemble de lignes (téléphoniques ou radio) capables de transmettre un signal électrique pour relier des ordinateurs.


(b) La "magie" du réseau téléphonique commuté réside dans le fait que, grâce à la commutation, chaque abonné peut joindre, s'il le souhaite, n'importe quel autre abonné, sans qu'il leur soit nécessaire d'établir une ligne téléphonique dédiée entre eux. Il suffit que chaque abonné soit relié à un central et que les centraux soient reliés entre eux. Le réseau physique a beau prendre la forme d'un arbre ou d'une arborescence, tout se passe comme si un réseau très fortement connexe reliait chaque point à tous les autres. C'est aux gestionnaires qu'il incombe de renforcer les lignes là où le trafic s'intensifie durablement. L'histoire récente a montré que pour un autre réseau (le chemin de fer), la baisse du trafic se traduit, un jour ou l'autre, par la fermeture des lignes.


(c) On distingue le réseau local, au sein d'un petit bâtiment et le réseau à distance, sur de plus grandes longueurs.



(C) Histoire.



(a) Le réseau n'est pas né avec l'Internet ni avec le réseau téléphonique commuté.


(b) Le réseau de routes et de chemin est très ancien. Comme internet, le réseau des routes n'est pas centralisé. Les voies romaines, qui mènent plus ou moins à Rome, ne sont qu'un sous-réseau dans un réseau plus vaste, plus ancien, plus diversifié, plus durable.


(c) Le réseau des routes est foisonnant. La plupart des sentiers répondent à des initiatives locales pour des besoins locaux.


(d) Sur les chemins de Compostelle, les abbayes et les prieurés forment aussi un "réseau".


(e) Face à la hiérarchie des relations féodales (relation entre générations, relation entre hommes, relation entre terres), les alliances matrimoniales nobiliaires forment un réseau d'une incroyable complexité. Mais justement, la culture ethnique a toujours masqué ce réseau derrière la ligne trompeuse de la filiation, le lignage.



(D) Structure.



(a) Comme l'arbre ou comme le cristal, le réseau est un type de structure.


(b) On peut aboutir à un réseau :


- soit à partir d'une initiative centralisée (au départ de Rome ou au départ de Paris, La Poste forme un réseau, desservant tout le territoire ; depuis les Celtes et surtout avec la conquête romaine).


- soit à partir de millions d'initiatives locales (vicinales).


(c) Un réseau peut donc résulter d'une pensée organisatrice aussi bien que d'un chaos structurant. Il arrive souvent que l'on attribue à la pensée organisatrice finale tout le travail préparatoire réalisé par des siècles d'un chaos structurant.


(d) Une vision miraculante de la conquête romaine oublie des siècles de commerce crétois, grec, étrusque, phénicien ou carthaginois. Dans l'histoire de l'Eglise, la fondation d'une paroisse est facilement confondue avec le lent développement d'un village. On confond les faits relatés par des documents avec les seuls faits réels.


(e) Des millions de micro-décisions, longtemps chaotiques, peuvent aboutir à un réseau de percolation et donner l'illusion d'une décision collective. Or, les micro-décisions auraient probablement étouffé dans l'œuf toute velléité de constitution ex abrupto d'un réseau total. C'est ainsi que les Gaulois se battent entre eux, jusqu'à ce que Jules César arrive.


(f) Voir Activités en réseau et à distance. Cluny. Définition récursive. Grosses maisons. Histoire hypothétique. Maisons paysannes. NTCI. Objet fractal. Petites maisons. Réseau d'Activités à Distance. Réticulé. RTC. Voie romaine.



(E) MRERS. Mouvement des réseaux d'échanges réciproques de savoirs.



- <<Chacun a des savoirs qui peuvent intéresser les autres, tout le monde est capable d'apprendre et d'enseigner, nous pouvons tous apprendre des autres, apprendre à d'autres. Aquarelle, trompette, histoire de la Chine, langage des signes, mathématiques, tissage, cuisine sénégalaise, rédiger un C.V., jonglerie, géologie, rock ou philosophie des sciences. Voilà le principe simple des Réseaux d'échanges réciproques de savoirs. Ici, tous les savoirs sont considérés comme intéressants, importants pour ceux qui les proposent et ceux qui les recherchent, et pour tout le Réseau. Toute personne, d'où qu'elle vienne et quels que soient son âge, son niveau de formation, son histoire culturelle, et son expérience de vie peut transmettre ses savoirs, ses savoir-faire, ses expériences. Jacques transmet son savoir en philosophie à Monique, Irène et Jean-Claude... Monique enseigne le solfège à Mathilde et Raphaël. Irène partage ses connaissances en aquarelle avec Jacqueline, Rachida et Victor. Victor entraîne en mathématiques Eric qui offre l'anglais à douze personnes de 8 à 60 ans dont Angéla qui offre la cuisine italienne à... Le seul "bien" qui circule est le savoir : nul troc, nul rapport d'argent ni de service dans les échanges, c'est le désir et le besoin qu'en ont l'offreur et le demandeur qui déterminent la valeur du savoir. Chacun est à la fois offreur et demandeur. Ce sont les participants qui construisent eux-mêmes la pédagogie à mettre en œuvre et qui décident de toutes les modalités des apprentissages, selon leurs désirs et leur disponibilité. (Claire Héber-Suffrin, chapitre 2, in Héber-Suffrin, coordinatrice, "Quand l'université et la formation réciproque se croisent". Histoires singulières et histoire collective de formation, L'Harmattan, Paris, 2004)>>.



(F) Réseau et phénomène d'émergence.



(a) La notion de réseau semble propice à l'étude de certains phénomènes complexes ou d'un fait troublant comme peut l'être la conscience.


(b) Réseau de neurones. Dans un réseau fortement connexe et dotée d'une forte réentrance, émergent des phénomènes d'adaptation au contexte. Ils sont à la fois une forme d'intelligence et un exemple de versatilité.


- <<Pour Edelman, il n'y a pas de véritable problème : au sein d'un réseau dense de fibres interconnectées dans les deux sens, des liaisons se produisent et viennent en concurrence jusqu'à ce que les plus efficaces l'emportent, avant d'être à leur tour remplacées par d'autres. On pourrait peut-être assimiler cela à certains effets globaux se produisant (sans que les utilisateurs en soient conscients) au sein du réseau Internet, sous l'influence de contraintes externes ou internes. (in "Automates Intelligents", Vendredi 21 Janvier 2004, document du web)>>.


(c) Une longue expérience d'animation de groupes de réflexion, dont les réunions sont épisodiques, montre qu'un groupe émet des idées, des solutions parfois "géniales", sans qu'aucun des individus (y compris l'émetteur apparent) n'en garde le souvenir d'ici la réunion suivante. Le compte rendu de la réunion précédente est en avance (et en décalage) par rapport à l'état du groupe au début de la réunion actuelle. Le groupe doit donc se reconstituer, comme intelligence collective, et se réapproprier (ou contester, refuser) sa propre opinion ou sa propre création. C'est dans ce contexte, pour favoriser cette remémoration (fut-elle critique, "il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis"), que nous avons élaboré (je n'étais pas seul) le graphe d'exploration des possibles.


(d) William Shakespeare a pris un certain plaisir à illustrer cette versatilité du groupe et de la foule, dans son théâtre ("Coriolan").


(e) Voir Contexte informationnel. Contexte mental. Individu citadelle. Individu réseau.


(f) Lire "Graphes Explorations". "Exploration Possibles".






* * *


Auteur.

Hubert Houdoy

Mis en ligne le Mercredi 2 Juillet 2008



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