Individu


(a) D'un point de vue biologique, un individu (terme de 1242, signifiant alors "être appartenant à une espèce") est tout être organisé, considéré seul. L'individu s'oppose, biologiquement à l'espèce et sociologiquement au groupe ou à la société. Dans certains usages du mot, l'individu se distingue du sujet, de la personne et de l'acteur. En latin , l'adjectif <individuum, a, um> signifie "qui ne se distingue pas", "embrouillé", "confus", "indistinct", "obscur", "indivisible". Le nom neutre <individuum, i> signifie "atome", "insacable".


- <<Quand je me trouve convaincu par la raison d'autruy, d'une opinion fauce; je n'apprens pas tant, ce qu'il m'a dit de nouveau, et ceste ignorance particuliere : ce seroit peu d'acquest : comme en general j'apprens ma debilité, et la trahison de mon entendement : d'où je tire la reformation de toute la masse. En toutes mes autres erreurs, je fais de mesme : et sens de ceste reigle grande utilité à la vie. Je ne regarde pas l'espece et l'individu, comme une pierre où j'aye bronché : J'apprens à craindre mon alleure par tout, et m'attens à la reigler. D'apprendre qu'on a dit ou fait une sottise, ce n'est rien que cela. Il faut apprendre, qu'on n'est qu'un sot. Instruction bien plus ample, et importante. (Michel Eyquem, seigneur de Montaigne, "Essais", 1595, "De l'Expérience")>>.


- <<La nuit s'avançait. J'aperçus le ciel, quelques étoiles, et un peu de verdure. Cette première sensation fut un moment délicieux. Je ne me sentais encore que par-là. Je naissais dans cet instant à la vie, et il me semblait que je remplissais de ma légère existence tous les objets que j'apercevais. Tout entier au moment présent je ne me souvenais de rien ; je n'avais nulle notion distincte de mon individu, pas la moindre idée de ce qui venait de m'arriver ; je ne savais ni qui j'étais ni où j'étais ; je ne sentais ni mal, ni crainte, ni inquiétude. Je voyais couler mon sang comme j'aurais vu couler un ruisseau, sans songer seulement que ce sang m'appartînt en aucune sorte. Je sentais dans tout mon être un calme ravissant, auquel chaque fois que je me le rappelle, je ne trouve rien de comparable dans toute l'activité des plaisirs connus. (Jean-Jacques Rousseau, "Les Rêveries du promeneur solitaire", 1782, Deuxième promenade)>>.


(b) Le sujet n'est pas l'individu. L'individu ne devient sujet que par la volonté d'être un acteur. Pour d'autres, au contraire, c'est la mort de Dieu et la mort de l'homme qui peuvent laisser espérer la naissance de l'individu.


- <<Les conditions qui ont favorisé la domination du médecin-sujet sur la maladie-objet sont encore à l'œuvre, parce que le savoir contemporain repose précisément sur le cloisonnement et l'exclusion discursive (Foucault, 1971). (Jean-François Pelletier, "Politique de santé mentale et thèse de la réclusion", thèse de doctorat)>>.


- <<L'annonce du Dieu mort proférée par Nietzsche, celle du trépas de l'homme faite par Foucault, libèrent le terrain aux fins d'une nouvelle naissance, où l'humanisme et les droits de l'homme disparaissent, pour la pure et simple raison que la figure appelée par les voeux des nietzschéens français rend caduc le recours à des appareils idéologiques destinés au recyclage ou à l'anéantissement des pulsions et des énergies revendicatrices. Dieu célébré, l'homme divinisé n'ont produit, réellement, que l'aliénation et l'assujetissement, l'appauvrissement, l'amoindrissement des individus, leur sacrifice aux léviathans multipliés. (Michel Onfray, "Politique du rebelle. Traité de résistance et d'insoumission", Grasset, 1997, pages 177-178)>>.


(c) Par une équilibration de l'accommodation (une adaptation à l'environnement) et de l'assimilation (une intégration active des données de l'environnement), l'acteur cherche à modifier ou à transformer l'environnement plutôt que d'être déterminé par lui.


(d) Cela n'est possible que dans la communication et la reconnaissance mutuelle. L'individu est aussi un des trois niveaux d'organisation.


(e) Histoire. La reconnaissance de l'individu, c'est-à-dire de la personne, au sein de la famille, du clan, de la tribu ou de l'ethnie n'est pas une idée naturelle ou spontanée. Dans bien des cas, un "coupable" peut être livré, à la place d'un autre, à ceux qui réclament justice.


- <<Ce n'est qu'au XVIIIe siècle, dans la "société bourgeoise" que les différentes formes de l'ensemble social se présentent à l'individu comme un simple moyen de réaliser ses buts particuliers, comme une nécessité extérieure. Mais l'époque qui engendre ce point de vue, celui de l'individu isolé, est précisément celle où les rapports sociaux (revêtant de ce point de vue un caractère général) ont atteint le plus grand développement qu'ils aient connu. L'homme, est, au sens le plus littéral un "zoon politikon, (animal politique) non seulement un animal sociable, mais un animal qui ne peut s'isoler que dans la société. La production réalisée en dehors de la société par l'individu isolé - fait exceptionnel qui peut bien arriver à un civilisé transporté par hasard dans un lieu désert et qui possède déjà en puissance les forces propres à la société - est chose aussi absurde que le serait le développement du langage sans la présence d'individus vivant et parlant ensemble. Inutile de s'y arrêter plus longtemps. Il n'y aurait aucune raison d'aborder ce point si cette niaiserie, qui avait un sens et une raison d'être chez les gens du XVIIIe siècle, n'avait été réintroduite très sérieusement par Bastiat, Carey, Proudhon, etc., en pleine économie politique moderne. (Karl Marx)>>.


- <<la notion d'individu est relative à une organisation hiérarchique des pouvoirs politique, économique, juridique, philosophique et médical propre à une époque, à une civilisation particulière. Cette civilisation est celle de l'humanisme. Celui-ci, comme toute civilisation, est né dans un contexte et mourra dans un autre. (Jean-François Pelletier, "Politique de santé mentale et thèse de la réclusion", thèse de doctorat)>>.


(f) On peut dater de Jean-Jacques Rousseau l'importance prise par l'individu. Contrairement à Voltaire et aux philosophes, ce qui compte pour lui, ce ne sont pas les idées (circulant dans la société) mais les sentiments, en particulier le sentiment intérieur. L'abolition du droit de primogéniture par la Révolution française est une illustration de cette reconnaissance de l'individu, et non plus de sa position sociale ou de son rang dans la fratrie. Le complexe d'Oedipe, reconnu par Freud, n'aurait pas pu naître avant cela.


- <<Dans l'Europe moderne, et surtout dans les parties qui ont pris la plus grande part au progrès, les doctrines les plus opposées à ces anciens principes règnent aujourd'hui. La loi ne détermine pas par qui une opération industrielle sera ou ne sera pas conduite, ni quels procédés seront légaux. C'est aux individus à choisir librement. En Angleterre, on a même rapporté les lois qui obligeaient les ouvriers à faire un apprentissage ; on croit fermement que, dans toutes les professions où un apprentissage est indispensable, sa nécessité suffira pour l'imposer. L'ancienne théorie voulait qu'on laissât le moins possible au choix libre de l'individu, que toutes ses actions fussent autant que possible dirigées par une sagesse supérieure ; on était assuré que, livré à lui-même, il tournerait mal. Dans la théorie moderne, fruit de l'expérience de mille ans, on soutient que les choses où l'individu est seul directement intéressé ne vont jamais bien, que laissées à sa direction exclusive ; et que l'intervention de l'autorité, excepté pour protéger les droits d'autrui, est pernicieuse. On a mis longtemps à tirer cette conclusion, on ne l'a adoptée que lorsque presque toutes les applications de la théorie contraire eurent produit leurs désastreux résultats, mais elle prévaut maintenant partout dans les pays les plus avancés, et à peu près partout, du moins en ce qui regarde l'industrie, chez les nations qui ont la prétention d'être en progrès. On ne veut pas dire que tous les procédés soient également bons, et toutes les personnes également aptes à tout, mais on admet aujourd'hui que la liberté qu'a tout individu de choisir par lui-même est l'unique moyen de faire adopter les meilleurs procédés et de mettre chaque opération aux mains du plus capable. (John Stuart Mill, "De l'assujettissement des femmes", chapitre I, traduction Émile Cazelles, 1831-1907)>>.


(g) Par définition du mot (mais pas de la chose, comme le montre Freud), l'individu est une unité indivisible.


(h) Un individu est un membre d'une espèce.


- <<Vous n'oubliez pas sans doute que je suis votre plus ancienne connaissance dans cette spirituelle famille : puis-je vous demander, à ce titre, comment vous nous trouvez tous ?


-- Voilà une question bien étendue, miss Vernon, et comment oserai-je y répondre, lorsque j'arrive à peine dans le château ?


-- Oh ! la philosophie de notre famille est superficielle. Il est bien des nuances délicates caractérisant les individus qui exigent l'attention d'un observateur, mais les espèces, -- c'est le mot technique des naturalistes, je crois, -- les espèces se distinguent au premier coup d'oeil.


-- S'il faut dire ce que je pense, il me semble qu'à l'exception de M. Rashleigh tous mes cousins ont à peu près le même caractère.


-- Oui, ils tiennent tous plus ou moins de l'ivrogne, du garde-chasse, du querelleur, du jockey et du sot ; mais, comme on dit qu'il est impossible de trouver sur le même arbre deux feuilles exactement semblables, de même ces heureux ingrédients, n'étant pas également répartis sur chaque individu, forment une agréable variété pour ceux qui aiment à étudier les caractères. (Sir Walter Scott, "Rob-Roy", 1817, traduction Auguste Defauconpret, édition Furne, Paris, 1830, Chapitre VI)>>.


(i) Voir Corps plein. Corps virtuel. Individu citadelle. La profession de foi du vicaire savoyard. Moi-peau. Peau d'échange. Peau d'inscription. Pensée collective. Solipsisme.


(j) Lire "Economie Temps". "Trois Niveaux".







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Auteur.

Hubert Houdoy

Mis en ligne le Lundi 30 Juin 2008



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