Contradiction en acte



(A) Définition.



(a) Une contradiction en acte est une contradiction logique entre le but poursuivi et les moyens employés.


- <<Te perdre en me vengeant, ce n'est pas me venger. (Pierre Corneille, "Cinna ou la Clémence d'Auguste", 1642, Acte I, Scène I, Emilie)>>.


(b) La contradiction peut être directe, comme le fait de brûler ou tuer les gens pour leur bien.


(c) La contradiction peut être indirecte. C'est le cas du soldat romain qui s'engage dans la légion.


(d) Pour être plus évidente, une contradiction dans les termes, comme <monter en bas>, est moins lourde de conséquences.


"Christophe portait le Christ

Le Christ portait le monde entier,

Dis donc, où Christophe

Pouvait-il poser ses pieds ?"


(e) Ecrire dans son journal intime "Aujourd'hui, rien écrit" n'est pas une contradiction dans les termes, mais une contradiction en acte voire un paradoxe.


(f) Voir Contradictions féodales. Inquisition.



(B) Forme antique involontaire.



(a) Un soldat romain s'engage dans une légion de Jules César, ou dans celles de tout autre empereur, pour éviter la prolétarisation.


- <<On verrait la politique restreindre à une portion mercenaire du peuple l'honneur de défendre la cause commune : on verrait de là sortir la nécessité des impôts, le cultivateur découragé quitter son champ même durant la paix et laisser la charrue pour ceindre l'épée. (Jean-Jacques Rousseau, "Discours sur l'Origine et les Fondements de l'Inégalité parmi les Hommes", 1755, partie II)>>.


(b) Le nombre de guerriers vaincus (Gaulois, Burgondes, Germains, Goths, Francs, Alamans) qu'il aura réduit en esclavage pendant son service augmente la domination des grands propriétaires (son général) sur les petits producteurs indépendants (ses parents).


(c) Quand le vétéran sera enfin devenu un colon (le but de sa vie), par rapport à la villa de son général (le moyen choisi), son travail de cultivateur sera à peine moins dépendant que celui des esclaves. La contradiction se poursuit quand les vaincus s'engagent dans la légion pour obtenir le statit de Romain.


- <<Pour défendre le territoire annexé, Rome disposait d'une faible armée d'occupation qui comprenait, pour la Proconsulaire et la Numidie, une légion de 5 500 hommes et des auxiliaires à pied et surtout à cheval, d'effectif un peu supérieur, soit au total environ 13 000 hommes. Les Maurétanies étaient protégées par 15 000 auxiliaires. En cas de nécessité, les tribus devaient fournir des goums parfois importants. Comme dans le reste de l'Empire, il fallait être citoyen pour devenir légionnaire ; mais l'empereur accordait ce titre aux engagés volontaires à leur entrée au service. Les soldats de la IIIe légion vinrent d'abord des provinces de l'Occident latin, notamment de Gaule. À la fin du I er siècle, on les leva dans l'Orient grec et en partie en Afrique même. Dès lors, le recrutement régional ne cessa de s'étendre. À partir d'Hadrien, les effectifs africains l'emportèrent sur ceux d'Orient. Une liste de légionnaires établie trois ans après sa mort ne comprenait même que des éléments issus d'Afrique et de Numidie. Pour faciliter le recrutement, Rome eut recours, comme dans le reste de l'Afrique, aux enfants de troupe élevés dans la discipline des camps. A partir de la fin du IIe siècle, les fils des légionnaires de Lambèse, dont la situation juridique ambiguë prenait fin en entrant au service, fournirent une proportion de plus en plus importante de recrues. Les corps auxiliaires commencèrent aussi à se recruter hors d'Afrique. Les inscriptions signalent en Numidie des Espagnols, des Lusitaniens, des Chalcidéniens, des Commagéniens ; en Maurétanie, des Espagnols, des Corses, des Sardes, des Gaulois, des Sicambres, des Dalmates, des Pannoniens, des Breuques, des Bretons, des Parthes. (Charles-André Julien, "Histoire de l'Afrique du Nord. Des origines à 1830", 1951, Grande Bibliothèque Payot, Paris, 1994, page 167)>>.


(d) Quelle justification ? La fin ne justifie pas les moyens qui contredisent la fin.


- <<Au reste, on a vu des Etats tellement constitués que la nécessité des conquêtes entrait dans leur constitution même, et que pour se maintenir ils étaient forcés de s'agrandir sans cesse. Peut-être se félicitaient-ils beaucoup de cette heureuse nécessité, qui leur montrait pourtant, avec le terme de leur grandeur, l'inévitable moment de leur chute. (Jean-Jacques Rousseau, "Du Contrat Social ou Principes du droit politique", Livre II, Chapitre IX)>>.


(e) Virgile, né près de Mantoue, vit ses terres confisquées par Octave Auguste pour y caser les vétérans de ses armées. Virgile évoque cet exode des paysans, vers Rome, dans ses "Bucoliques".


(f) Bien sûr, la contradiction est masquée quand un paysan pauvre devient empereur, comme c'est le cas pour Aurélien.


(g) Comme la colonisation romaine établit les vétérans des légions au bout de leurs vingt-cinq ans de service, la tentation est forte de remplacer le propriétaire fourbu par quelques esclaves.


(h) Voir Bagaudes. Dèce. Maximin. Pécule.



(C) Forme moderne organisée.



(a) La science économique se présente comme la science de l'aménagement des ressources rares, pour la satisfaction de besoins illimités.


(b) Cette définition oublie les processus économiques de la création ou du renforcement des besoins.


(c) Dans chaque entreprise industrielle, l'insatisfaction des consommateurs est organisée par le service marketing, pendant que leur satisfaction anime les services industriel et logistique.


(d) La société du spectacle est un développement de la société de consommation.


(e) Généralisation de la notion de publicité ou celle de propagande, la société du spectacle organise la création du besoin par le manque et par la captation du désir.


(f) Le rôle de la société du spectacle est formulé par l'aveu suivant :


- <<TF1 est là pour vendre de la disponibilité intellectuelle à Coca-Cola et Mc Donald's. (Patrick Le Lay, 2004)>>.


(g) La contradiction en acte n'est pas un monopole de Rome.


- <<On est assez bien informé sur la composition sociologique du Parti nazi. On sait que les classes moyennes y étaient surreprésentées et que les cadres du parti en sont issus dans leur majorité. Or le régime, en dépit de ses promesses antérieures, n'a nullement servi les intérêts de la petite bourgeoisie. Comment expliquer ce phénomène ? (Encyclopaedia universalis, article "Troisième Reich")>>.






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Auteur.

Hubert Houdoy

Mis en ligne le Vendredi 27 Juin 2008



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