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L'évaluation des activités en formation



Texte de praticien de la Renaissance.

Ce document est une évaluation critique de l'évaluation en formation



o Plan


Introduction

1. Le Retour sur Investissement en Formation

2. Une formation est un tout

3. Impact propre à l'évaluation

4. Quoi et comment évaluer ?

5. Totalité et globalité

Conclusion



o Introduction


Pour fixer un prix de vente, tout producteur doit tenir compte d'un nombre important de paramètres dont le prix de revient, la marge bénéficiaire souhaitée, les prix pratiqués par la concurrence, la nouveauté du produit etc. Ce concentré, cette synthèse des données se retrouvera sous la forme d'un seul chiffre : le prix de vente. Malheureusement, certaines évaluations ne peuvent ainsi se chiffrer aussi directement : l'évaluation de la formation est dans ce cas.


Toute formation a un coût global qui fait intervenir également de nombreux paramètres : prix de la formation, baisse de la productivité durant le temps de formation, coût salarial, augmentation de la charge de travail pour les personnels qui ne sont pas en formation. Or, une formation est sensée accroître la performance des formés, d'où l'idée naissante d'une rentabilité de la formation. Pour prolonger la logique jusqu'au bout, on envisage pour l'employeur de calculer cette rentabilité en fixant au minimum un "retour sur investissement".



o 1. Le Retour sur Investissement en Formation


Cette formule magique, employée par les organismes de formation eux-mêmes dans un but persuasif commercial, sert véritablement de miroir aux alouettes dans la mesure où il n'existe pas une formation mais "des formations" de genre, de qualité, de quantité et de contenu très différents. Peut-on comparer, ne serait ce qu'intellectuellement, une formation à la programmation numérique sur une machine d'ajustage à un séminaire sur la complexité ? Les objectifs, les moyens, les buts, les populations en formation n'ont manifestement rien à voir entre eux. Tenter de les lier par le même concept rassurant (coefficient de retour sur investissement) est incongru.


Il est relativement facile d'évaluer un accroissement de la performance dans une formation technique. Par exemple : savoir ou non programmer la machine d'ajustage, acquérir un savoir-faire en terme de vitesse, précision et qualité. Par contre, évaluer l'impact d'un séminaire sur la complexité nécessitera d'autres analyses, d'autres méthodes, d'autres schémas opérationnels. Mais en aucun cas on ne le fera avec des critères propres à la gestion et aux logiques financières.


Dès que l'on touche la conduite, le comportement, l'attitude propre d'un individu, on s'expose directement à une perte magistrale d'information sur les progrès effectués au cours d'une formation. L'exemple même de cette démarche peut être trouvé dans l'évaluation de la culture générale d'une personne : les tests ou questionnaires sensés nous renseigner sur le degré général de cette culture sont-ils eux mêmes assez généraux ? Par l'intermédiaire de leurs questions, peuvent-ils vraiment représenter en qualité, en quantité ou en genre, un panel significatif de connaissances ? Or, ce panel est impossible à déterminer par définition. Il ne s'agit, ni plus ni moins, de la culture de l'humanité. Je ne parle même pas du sentiment esthétique, des émotions, etc. Eux-mêmes font partie de notre humanité (comme qualité) et de notre patrimoine culturel.



o 2. Une formation est un tout


Une formation est un tout. Elle ne se laisse pas facilement disséquer en ses différents éléments. On tente de croiser l'évaluation des différents facteurs qui la composent : le contenu, les méthodes pédagogiques, le matériel, les conditions d'environnement, la durée, la compétence du formateur, etc. On utilise, le plus souvent, des questionnaires (à chaud, à froid, à mi-parcours, etc). On utilise aussi le recueil d'opinions à l'adresse du groupe de formés. Le problème réside dans le fait que l'on ne sait pas toujours vraiment ce que l'on recherche ni pourquoi.


Demander l'avis des formés sur chaque module à partir d'une échelle de valeur, allant d'excellent à mauvais, ne donne-t-il pas un indice moyen de satisfaction ? Il peut avoir une pertinence ou ne pas en avoir, eu égard aux objectifs primitivement poursuivis.


Les objectifs de l'évaluation d'une formation sont eux-mêmes dépendants du ou des destinataires de l'évaluation :

- les formés (collectivement ou individuellement),

- le formateur,

- le commanditaire,

- d'autres responsables opérationnels ou fonctionnels

- etc.

Il en va encore de même pour les résultats et pour la forme de la restitution de cette évaluation.

On ne rapporte pas de la même façon les résultats d'une évaluation :

- à un responsable opérationnel,

- à un commanditaire,

L'un et l'autre auront besoin d'informations spécifiques. Elles seront adaptées à leurs besoins. Ils devront pouvoir les traiter puis les utiliser à leurs niveaux.



o 3. Impact propre à l'évaluation


L'évaluation a des objectifs qui s'autonomisent par rapport à ceux de la formation en référence. L'évaluation devra être étayée à chaque fois par des outils ad hoc. On perçoit maintenant que la possibilité d'évaluation des formations dépend très directement de nombreux facteurs. Surtout, il n'existe pas d'outil universel pour l'évaluation des formations.


Les professionnels savent qu'il existe des effets induits par la formation :


- changement de lieu, de temps, de contexte, d'entourage,

- dynamique du groupe de la population en formation,

- ouverture des formés à d'autres systèmes,

- défoulement du vécu quotidien,

- ruptures avec les pratiques anciennes,

- etc.

Pourtant ces effets sont rarement évalués. Ils sont encore moins restitués.


Pour séduisante qu'elle soit, la formule du retour sur investissement reste inopérante dans le cadre de l'évaluation des formations et tout particulièrement pour certains contenus. Nous retrouvons cette difficulté dans les mondes scolaire et universitaire. Ils ont comme tâche de former des individus intégrables. Ils pourront donner des citoyens intégrés dans notre société. Le mode de validation des connaissances est encore prétexte à débats passionnels et passionnés entre les tenants respectifs du contrôle continu, de l'examen de fin d'études, des partiels, des compositions, des devoirs sur table ou de la rédaction d'un mémoire.


Les savoirs et savoir-faire finalement validés ne correspondent pas pour autant à une technicité directement transposable en entreprise. Chacun de nous connaît l'importance du décalage qui existe entre les connaissances, leurs utilités multiples et leur applicabilité sur le terrain professionnel.


L'évaluation des formations n'est pas prise en compte dans sa réelle importance :

- ni dans son véritable enjeu,

- ni dans son pouvoir effectif.

Ce fait résulte de l'impossibilité, déjà décrite, d'utiliser des outils fidèles. Les outils manquent tant pour la mesure qualitative ou quantitative de la progression, que pour le repérage des changements dans les aptitudes, dans les comportements et dans les attitudes.



o 4. Quoi et comment évaluer ?


Reprenons le concept même de l'évaluation.


Les résultats des tests d'évaluation utilisés de nos jours sont trop souvent interprétés comme définitifs. Ils ne reflètent qu'une réalité provisoire, partielle et subjective. Ils sont des indices. Au mieux, ils servent d'indicateurs. Ils reflètent une réalité plus globale, à la fois diachronique et synchronique.


Précisons ces points.


L'évaluation est utilisée pour mesurer une performance atteinte par rapport à une performance souhaitée.


Prenons une discipline physique. Soit le 100 mètres plat ! On mesure la performance de l'athlète avec un chronomètre. Tout le monde admet que la durée est l'indicateur de référence. Une longueur de 100 mètres étant toujours la même, le rapport des durées devient un rapport direct des vitesses. En effet, la vitesse est la performance recherchée dans cette discipline. C'est ce qui permet de situer des athlètes qui n'ont jamais concouru ensemble.


Prenons une discipline plus intellectuelle. Soit le jeu d'échec ! Le but du jeu n'est pas de courir. Il est de mettre le roi de l'adversaire en échec, en danger. La performance recherchée est le "mat". Dans ce cas, l'indicateur de vitesse rend plus difficile l'atteinte de la performance. La nature de l'indicateur change. Il devient un indicateur de limite. L'indicateur de la performance est l'obtention du gain de la partie. Le mat est cette ultime séquence d'action qui bloque le roi de l'adversaire provoquant un échec et mat. L'évaluation du joueur peut se faire par un classement indiquant son niveau de jeu par rapport à d'autres adversaires. Rien ne permet d'évaluer la performance pure du joueur. La performance réelle est cette mobilisation de toutes les ressources intellectuelles en vue de développer une certaine stratégie. Ce n'est donc pas l'évaluation des processus de pensée, de raisonnement, de calcul, d'anticipation, de mémorisation etc. que l'on va effectuer ici. C'est le constat trivial du gain ou de la perte de la partie, en suivant les règles et les limites définies.



o 5. Totalité et globalité


Revenons à l'activité de formation. Rappelons le but et le contexte :


- Un formateur s'adresse à une population en formation.

- Le rôle du formateur est de fournir des informations nouvelles à la population.

- La population est dûment choisie pour son profil.

- Chacun d'eux désire acquérir des connaissances nouvelles.

- Les connaissances acquises permettront des compétences, des attitudes, des comportements et des aptitudes nouvelles.

- Les informations transmises ont été dûment choisies, pour ce contexte particulier.


Rappelons aussi que ces critères ne sont pas toujours réunis dans les situations concrètes. Ce fait pose la question des mobiles des décideurs passant la commande d'actions de formations.


Totalité des informations. Il est certain qu'à un moment donné, on peut envisager la totalité des informations qu'il est possible de transmettre dans un temps donné, dans un contexte donné, à une population donnée, avec des outils pédagogiques donnés (écran, tableau, cinéma, vidéo, estrade, table, chaise, etc) et une méthode pédagogique donnée. Il est même raisonnable de se faire une idée précise de la totalité de ces informations. Elle est une limite matérielle de l'activité de formation. Mais nous n'aurons jamais le concept correspondant de totalité des connaissances acquises.


Regardons maintenant les moyens mis en oeuvre. Qu'il soit réel (individu) ou virtuel (cassette vidéo, logiciel, etc), le formateur utilise des mécanismes cognitifs :

- de compréhension. Le procédé est complexe. Il s'agit, ni plus ni moins, que de la transformation des informations nouvelles, transmises à tous, en connaissances personnelles, particulières à chacun.

- de mémoire des informations. Il s'agit de la mémorisation des informations transmises.

- de mémoire des connaissances. Il s'agit de la mémorisation des connaissances acquises.


Les contenus théoriques fournis vont apporter un changement dans la nature des liens entre les connaissances préalablement engrangées. De nouveaux liens entre différentes connaissances vont se créer et accroître les possibilités de réflexion, de synthèse, de résolution de problèmes etc. On voit bien qu'il n'y a pas un rapport direct entre le quantum d'informations transmises et la qualité des connaissances acquises. Il ne peut y avoir un accroissement proportionnel, ni mesurable, des performances. Ne serait-ce que parce qu'il s'agit de nouvelles performances de la part de l'individu formé.


Globalité des connaissances. C'est la globalité des connaissances de tel individu qui va profiter de l'apport informationnel d'une formation. La performance est la performance conjointe du formateur et du formé. Le résultat, définitivement invisible pour tous, c'est la nouvelle configuration de cette globalité. En effet, pour évaluer les connaissances, il faudrait d'abord demander à leur propriétaire de les reformuler en informations. Ce ne sont jamais des connaissances que l'on pourra évaluer. D'où la mesure par les manifestations attendues, comme la compétence dans tel poste ou l'aptitude à décider dans tel service.


D'autre part, les processus de réflexion complexes (rapport au monde) subissent une maturation dans le temps. Ceci exclut la possibilité de savoir si c'est bien telle formation qui a permis la prise de telle décision donnée dans telles conditions repérées. On peut se douter qu'elle y a contribué. Les formations orientées sur les processus de la décision, du management, de la négociation etc. jouent certainement un rôle clé dans les changements d'attitudes des personnes formées. Mais on ne peut déterminer exactement le gain ainsi réalisé. On peut encore moins prévoir le moment où il apparaîtra de manière efficiente et opérationnelle. Il faut remplacer le déterminisme par le possibilisme.


o Conclusion


Enfin, et pour conclure, ce type de formation ne doit pas être considéré comme un luxe. Et encore moins comme une récompense. C'est encore le cas dans de trop nombreuses entreprises. La formation réelle fait très mauvais ménage avec la manipulation.


Au contraire, ce type de formation est un outil primordial. Il concourt à une stratégie à long terme. Il vise l'accroissement des compétences des personnels. C'est le moyen de faire face plus rapidement aux mutations des marchés, des technologies, des flux de production etc. Autrement dit, l'organisation doit être capable de produire des décisions, en parfaite cohérence avec les buts poursuivis.


L'évaluation d'une activité est une chose. La perception de son intérêt stratégique en est une autre. Considérons objectivement les difficultés techniques d'évaluation de certaines formations. C'est ce que nous avons essayé de faire dans ce texte. Mais considérons d'avantage l'intérêt stratégique et politique de la formation. Elle seule peut faire de l'entreprise une organisation apprenante. Il serait dommage de bien évaluer les activités de formation mais d'ignorer leur importance stratégique.


On évaluera toujours trop tard, le manque de formation et ses conséquences. C'est ce que nous constatons avec le chômage et l'exclusion. Pour les personnes cassées par la crise du travail, le besoin de formation devient d'une autre nature. La formation ne prépare pas seulement au parcours de recrutement. Elle doit être considérée comme un véritable chemin de renaissance.


Auteur du texte :

Marc Rosso

ultra@club-internet.fr

Psychologue Clinicien/Consultant RH/Formateur


Tous les mots en gras, dans le texte, sont définis sur le cédérom encyclopédique du Réseau d'Activités à Distance.


Bibliographie :


On trouvera sur Internet un blog, rédigé par Jonathan Pottiez, bien documenté sur les méthodes d'évaluation de la formation :


http://blog.formaeva.com


Mise en page, bibliographie, mots en gras et liens vers le glossaire :

Hubert Houdoy


Document :

Créé le 22 Novembre 1998

Modifié le 4 Décembre 1998

Mis à jour le Jeudi 10 Septembre 2009



o Lectures complémentaires


"L'Apprentissage Individuel"

L'Apprentissage Organisationnel


Encyclopédie d'Entreprise

L'entreprise à l'écoute



o Retours


- Textes de praticiens

- Le Chapitre - Renaissance


- Classement Thématique des Pages du Réseau d'Activités à Distance



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