Livre



(A) Texte.



(a) Le mot <livre> est utilisé en français depuis 1080. Il vient du nom latin <liber, libri> désignant l'aubier de l'arbre qui a servi de support à l'écriture. Au cours des XIV ème et XV ème siècles, le parchemin est remplacé par le papier, ce qui donne un support parfaitement plat et qui sera capable de boire l'encre. L'impression d'images pieuses ou profanes, sur tissu puis sur papier, précède celle de caractères d'écriture sur papier. Il semble qu'un bien de luxe soit soudainement devenu un bien de consommation. En Avignon, Procope Waldfoghel, orfèvre de Prague, s'engage à enseigner aux habitants de la ville un "ars scribendi artificialiter". Des contrats notariés sont signés en 1444 et 1446. Le développement des moulins à papier (comme le moulin Richard de Bas près d'Ambert) précède de peu l'invention de l'imprimerie.


(b) Les livres imprimés avant 1500 portent le nom d'incunable. Le livre de papier prend sa forme moderne avec l'invention de l'imprimerie, vers 1450, à Mayence, dans l'entourage de l'orfèvre Johannes Gensfleisch dit Gutenberg. Anciens associés de Gutenberg, Johann Fust et Peter Schoeffer, fondent une entreprise. En 1457, leur premier livre imprimé est le "Psautier" de Mayence. Suivent des livres de grammaire et des lettres d'indulgence. L'invention se répand très rapidement et chaque grande ville a une officine : Strasbourg et Bamberg, 1458 ; Subiaco et Rome, 1465 ; Cologne, 1466 ; Augsbourg et Bâle, 1468 ; Venise, 1469 ; Nuremberg, 1470 ; Paris, 1472 ; Lyon, 1473. La Sorbonne a ses premières presses en 1472. L'imprimeur fabrique lui-même ses fontes de caractères. Depuis Venise, la lettera antiqua d'Alde Manuce va conquérir toute l'Europe. A Rome, la bulle "Summis desiderantes affectibus" (Bulle contre la magie, 5 décembre 1484) est la première bulle pontificale imprimée.


(c) Une édition à mille exemplaires impose de chercher la clientèle fort loin. C'est le papetier qui domine le marché. L'imprimeur dépend souvent de lui, comme un travailleur à domicile. Les textes sont complétés par des illustrations. Le "Liber chronicarum" (1493) d'Hartmann Schedel est imprimé par Anton Koberger, maître à Nuremberg et illustré par Michael Wolgemut (1434-1519), maître d'Albrecht Dürer de 1486 à 1489. Les feuilles imprimées sont transportées dans des tonneaux. Elles sont reliées pour la vente finale ou par l'acquéreur, comme Claude d'Urfé (1501-1558). Christophe Plantin (Tours vers 1520 ; Anvers, 1589) s'installe à Anvers comme artisan du cuir, puis comme relieur puis comme imprimeur (herbiers, traités de zoologie). Tout le monde ne fait pas relier ses pages.


- <<– C'est dans l'esprit de la langue, Marie, balbutia Chatoff.

– Ah ! laissez-moi tranquille avec votre esprit, vous m'ennuyez. Pourquoi le lecteur ou l'habitant de la ville ne fera-t-il pas relier ses livres ?

– Parce que lire un livre et le faire relier sont deux opérations qui correspondent à deux degrés de civilisation très différents. D'abord, il s'habitue peu à peu à lire, ce qui, bien entendu, demande des siècles ; mais il n'a aucun soin du livre, le considérant comme un objet sans importance. Le fait de donner un livre à relier suppose déjà le respect du livre ; cela indique que non seulement, il a pris goût à la lecture, mais encore qu'il la tient en estime. L'Europe depuis longtemps fait relier ses livres, la Russie n'en est pas encore là.

– Quoique dit d'une façon pédantesque, cela, du moins, n'est pas bête et me reporte à trois ans en arrière ; vous aviez parfois assez d'esprit il y a trois ans.

Elle prononça ces mots du même ton dédaigneux que toutes les phrases précédentes.

(Fiodor Dostoïevski, "Les Possédés", traduction Victor Derély, Plon, Paris, 1886, Partie III, Chapitre V, La voyageuse)>>.


(d) L'expansion du livre accompagne l'essor économique et culturel de la bourgeoisie. La forme se codifie rapidement : titre, sous-titre, éditeur, chapitres, numérotation des pages et table des matières. La Renaissance imprime tous les textes anciens, au fur et à mesure qu'ils sont redécouverts. Les éditions sont d'abord en latin. La Bible connaît une très grande diffusion (la Vulgate par Gutenberg, dès 1456), surtout avec sa traduction allemande par Martin Luther (1483-1546). Dès 1500, deux cent trente-sept villes ont déjà des presses. Les Guerres de Religions sont suivies par l'instauration de la censure. Sous la Fronde, les auteurs français se font imprimer en Hollande. La province continue, pour contourner les privilèges parisiens. Le format de poche est plus favorable à la clandestinité.


(e) Les romans de chevalerie sont les premiers livres en langue "vulgaire" (romane) et à grand tirage. En 1517, la Bible polyglotte d'Alcala est éditée sous la direction du cardinal Francisco Ximenez de Cisneros. Les éditions latines deviennent minoritaires en France vers 1550. Dans les châteaux, la lecture des livres remplace ménestrels et ministériales.


(f) Avec la révolution industrielle, le livre est complété par le journal (feuilleton, petites annonces), qui augmente les possibilités d'alphabétisation. Puis il est concurrencé ou complété, selon les catégories de la population, par la radio, le cinéma et la télévision. Dans la dernière décennie du XX ème siècle, le réseau Internet et le World Wide Web redonnent vie à la lecture et à l'écriture par la messagerie électronique.


(g) En plus du contenu du site web du Réseau d'Activités à Distance et de divers cédéroms, nous avons publié plusieurs livres aux éditions Alan Sutton et chez L'Harmattan.


(h) Influence bénéfique des livres choisis :


- <<Je leur dois cette conversation qui ne lasse ni ne blesse jamais, ce besoin de silence qu'ils nourissent, ce tranquille bonheur qui n'est pris à personne, ce stimulant indispensable qu'ils ne cessent d'offrir à ma pensée et, dans les heures tragiques, la présence de l'éternel dont ils sont la quête et le signe. (Maurice Zundel, "Hymne à la joie", posthume, 1992, page 83)>>.


(i) Référence littéraire :


- <<Il y avait des livres dans tous les recoins du Volkswagen. À ceux que l'homme avait mis dans ses bagages en partant de Québec s'étaient ajoutés les livres qu'il avait achetés ou que la fille avait «empruntés» en cours de route. Il y en avait dans le compartiment aménagé derrière le siège du conducteur ; dans le coffre à gants où dormait le chat ; derrière et sous le siège du passager ; sur la deuxième tablette de l'armoire [...] Quel que fût l'endroit où l'on se trouvait dans le minibus, on avait toujours un livre à portée de la main. (Jacques Poulin, "Volkswagen Blues", Montréal, 1984, page 158)>>.


(j) Voir Direction. Feuillet. Feuilleter. Folio. Libelle. Moulin à eau. Page. Randonnées photographiques. Vélin.


(k) Lire "Seigneurs Marchands". "Villes Corporations". "Souris Hommes".



(B) Monnaie et poids.



(a) La distinction entre la livre de poids et la livre de compte est due à la progressive dévalorisation du sou d'or et du denier d'argent.


(b) Citation :


- <<C'est au cours du VIII siècle qu'apparu le système de compte monétaire. Le denier d'argent fut l'étalon de ce système monétaire. Ce système se construisit par analogie avec le système pondéral de l'argent. Comme 240 deniers de poids équivalaient à une livre de poids, on en vint tout naturellement à établir une équivalence entre 240 deniers de compte et une livre de compte. De même, comme 12 deniers de poids équivalaient à un sou de poids, alors, 12 deniers de compte valaient un sou de compte. Le système de compte monétaire était construit : 1 £ = 20 s. = 240 d. ; 1 s. = 12 d. La livre et le sou n'étant que de simples expressions numériques pour désigner respectivement 240 et 12 deniers réels d'argent. En France, ce n'est qu'en 1266 qu'apparu une pièce (le gros) valant un sou, et en 1311 une pièce valant une livre (l'agnel). Seul le denier admettait une correspondance entre monnaie réelle et monnaie de compte. (Benoît Santiano, mémoire de DEA, 1997, "Les problèmes monétaires au moyen âge", document du web, 16 septembre 2000, page 126)>>.


(c) Un quarteron est un quart de livre (poids) :


- <<LUBIN.— Comment est-ce que tu fais pour être si jolie ?

CLAUDINE.— Je fais comme font les autres.

LUBIN.— Vois-tu, il ne faut point tant de beurre pour faire un quarteron. Si tu veux tu seras ma femme, je serai ton mari, et nous serons tous deux mari et femme.

CLAUDINE.— Tu serais peut-être jaloux comme notre maître.

(Molière, "George Dandin", Acte II, Scène )>>.


(d) A Venise, dit-on, on peut acheter une <livre de chair> humaine.


(e) Voir Bimétallisme. Ecu. Ducat. Florin. Livre tournois. Mutations monétaires. Monnaie marchandise. Monnaie régalienne. Monométallisme. Trimétallisme.



(C) Métaphore.



(a) Le "livre ouvert" a servi de modèle d'intelligibilité pour le positivisme, qui est une conception forte du réalisme scientifique. Le chercheur se contenterait de lire dans le livre que lui tend la nature. Cette métaphore a, tout au plus, une vertu pédagogique, pour ouvrir la curiosité de l'élève ou du débutant.


(b) Malgré de fortes résistances du scientisme, ce point de vue n'est plus tenable depuis l'apparition de la physique quantique.


- <<Aujourd'hui, il semble devenu évident pour tous ceux disposant d'un minimum de sens critique qu'il n'est plus possible d'envisager l'hypothèse dite positiviste ou réaliste forte, postulant l'existence d'un réel préexistant à l'observateur, que celui-ci se bornerait à décrire de façon de plus en plus approchée grâce au travail scientifique. Cette hypothèse constitue une convention commode dans la vie quotidienne mais ne permet plus d'aborder de façon constructive les questions nouvelles nées du développement des sciences et des techniques, tant au point de vue de la recherche qu'à celui de leurs conséquences politiques et sociales. Il faut dorénavant admettre que la réalité, tout au moins les modèles et produits de toutes sortes résultant de l'activité humaine, est "construite" par cette dernière, d'une façon jamais terminée mêlant inextricablement le constructeur et son œuvre. (Jean-Paul Baquiast, in "Automates Intelligents", Le programme pour une épistémologie formalisée de Mme Mioara Mugur-Schächter", document du web, http://www.automatesintelligents.com/echanges/2004/juin/mrc.html)>>.


(c) Voir Science. Scientisme.


(d) Lire "Réalité Représentations".



(D) Le Livre.



(a) Dans la religion hébraïque, la Bible est <Le Livre>.


(b) Pour les Grecs et les Romains, les livres sybillins contiennent la desciption de l'avenir de Rome. A proprement parler, il n'y a pas d'Histoire, au sens marxiste, ni même d'événement.


(c) Cette notion du "déjà tout écrit" est encore centrale chez Leibniz.


- <<Dieu, le Dieu de Leibniz, puisque nous venons d'en parler, ne connaissait pas l'angoisse du choix entre les possibles : c'est en acte qu'il pensait les possibles et en disposait comme tels dans son Entendement ou Logos ; c'est le "meilleur" que, dans tous les cas, favorise l'étroitesse d'un passage qui est Volonté. Et chaque existence continue d'"exprimer" la totalité de l'Univers. Il n'y a donc pas de tragédie du livre. Il n'y a qu'un Livre et c'est le même Livre qui se distribue dans tous les livres. (Jacques Derrida, "L'Ecriture et la différence", Point, Seuil, 1967, pages 19-20)>>.



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Auteur. Hubert Houdoy Mis en ligne le Dimanche 25 Mai 2008



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