S'oppose à la pensée de la diversité.
(a) La pensée du même est une étape dans le développement de la pensée. Face à l'angoissante étrangeté de la nature externe (pour les pré-humains comme Lucy) et de la nature interne (l'inconscient exploré par la tradition chamanique et la religion paléolithique), la pensée du même a, indéniablement, quelque chose de rassurant.
(b) Au niveau de l'individu ou de l'ontogenèse, la pensée du même et ses modes de repérage commencent avec le schème de l'objet permanent. Alors, comme pour le héros fondateur du mythe, un ordre émerge du chaos. Pourtant, cet indéniable progrès sur le fantasme persécuteur (Mélanie Klein) a un coût social très lourd (domination, esclavage, femme soumise).
(c) La pensée du même est l'illusion de la croyance en l'existence de totalités.
(d) La pensée du même est un abus des hypothèses simplificatrices dans la pensée organisatrice.
- Usage de l'abstraction comme exclusion.
- Confusion du réel avec ce que produit le logos dans l'imaginaire.
- Effets réducteurs, sexiste et raciste, de la production du logos.
(e) Cette incapacité de produire une véritable pensée de la diversité remonte aux sources de la culture, dans sa prétendue opposition à la nature.
(f) Cette pensée du même (de l'homo) et du masculin (de l'hommo) est aussi une homosexualité inconsciente et une hommo-sexualité triomphante. Elle s'instaure, (pré)-historiquement, avec la prétendue prohibition de l'inceste, qui est un réel échange de femmes entre hommes.
(g) La pensée politique de Jean-Jacques Rousseau est sous le signe de la pensée du même. Elle a besoin d'un ordre et d'un principe de conservation.
- <<Que la matière soit éternelle ou créée, qu'il y ait un principe passif ou qu'il n'y en ait point ; toujours est-il certain que le tout est un, et annonce une intelligence unique ; car je ne vois rien qui ne soit ordonné dans le même système, et qui ne concoure à la même fin, savoir la conservation du tout dans l'ordre établi. (Jean-Jacques Rousseau, "La profession de foi du vicaire savoyard" in "Emile ou De l'éducation")>>.
(h) Le vicaire savoyard qui forme Emile à la religion se persuade que la diversité des systèmes philosophiques ne vient que d'une faiblesse de l'intelligence de leurs auteurs.
- Il a <<conçu que l'insuffisance de l'esprit humain était la première cause de cette prodigieuse diversité de sentiments, et que l'orgueil était la seconde ("La profession de foi du vicaire savoyard")>>.
(i) Ainsi, l'opinion de chaque individu est-elle une caricature, un écart par rapport à la vérité. La volonté générale est la partie commune de toutes les volontés individuelles, quand toutes ces différences ou défauts s'annulent. Une volonté individuelle devient une volonté particulière (étrangère au souverain) par tout ce qui s'ajoute à la volonté commune. Rousseau reconnaît une diversité entre les peuples (liée au sol et au climat), mais il regrette toute différence au sein de chacun d'eux. D'où l'importance de la censure des moeurs, à l'exemple des censeurs de Rome. Cette conviction n'est pas étrangère à sa paranoïa. Il n'en va pas de même pour "L'Esprit des Lois" de Montesquieu.
- <<Montesquieu était parvenu à concevoir une société où l'unité sociale, loin d'exclure le particularisme des intérêts individuels, le supposait et en résultait. L'harmonie naissait du partage des fonctions et de la réciprocité des services. Les individus étaient directement liés les uns aux autres et la cohésion totale n'était qu'une résultante de toutes ces affinités particulières. Et cette société, il croyait la trouver réalisée dans la société française du moyen âge, complétée à l'aide des institutions anglaises. Pour Rousseau, au contraire, la volonté individuelle est antagoniste de la volonté commune. "Dans une législation parfaite, la volonté particulière ou individuelle doit être nulle" ("Du Contrat social", III, 2). Les liens d'individus à individus doivent être réduits au minimum. "La seconde relation [dont traitent les lois] est celle des membres entre eux ou avec le corps entier ; et ce rapport doit être au premier égard aussi petit, et au second aussi grand qu'il est possible, en sorte que chaque citoyen soit dans une parfaite indépendance de tous les autres et dans une excessive dépendance de la cité" (II, 12). Car c'est ainsi que la société imitera le mieux l'état de nature où les individus sont sans liens entre eux et ne dépendent que d'une force générale, la nature. Mais une telle cohésion n'est possible que dans une cité médiocrement étendue où la société est partout présente, où tout le monde est placé dans des conditions d'existence à peu près semblables et vit de la même vie. Dans un grand peuple, au contraire, la diversité des milieux multiplie les tendances centrifuges. Chaque individu tend davantage à suivre son sens propre ; et par suite l'unité politique ne peut se maintenir que grâce à la constitution d'un gouvernement tellement fort qu'il est nécessité à se substituer à la volonté collective et à dégénérer en despotisme (II, 9). Et de même pour l'exclusion des groupes secondaires. (Émile Durkheim, "Le 'Contrat Social' de Rousseau", édition Xavier Léon, 1918, in "Revue de Métaphysique et de Morale", tome XXV)>>.
(j) Références d'usage du terme :
- <<Après l'échec de l'hypostase, autrement dit après l'échec d'une existence à partir du présent, c'est-à-dire l'existence moderne – où justement l'existence temporelle prend la saveur de l'absolu –, il devient nécessaire de chercher une nouvelle voie pour sortir du champ de forces de l'être. Il est impossible de renoncer à l'évasion – même si elle semble échouer tragiquement, c'est une nécessité existentielle, car l'existence est d'ores et déjà structurée comme évasion de l'horreur de l'être. La grandeur de la pensée moderne consiste précisément en ce qu'elle prend au sérieux la nécessité de sortir de l'être anonyme ; son échec tragique ne contredit pas la vérité profonde de sa visée. L'échec de l'hypostase motive chez Lévinas le passage d'une pensée qui reste au plan de l'immanence de l'être, d'une pensée du même sans altérité, à une pensée à la recherche d'une altérité de l'être qui ne serait plus, comme le néant, soumise au champ de forces de l'il y a. Au fait absolu de l'être, à l'être dans son identité totalitaire, il oppose une altérité absolue vers laquelle l'évasion se dirige maintenant – et grâce à laquelle l'évasion devient pensable. Autrement dit, Lévinas réagit à l'expérience de l'enchaînement dans le mal de l'être exactement comme les gnostiques, par la projection d'un dualisme métaphysique : l'altérité est ici opposée à l'essence totalitaire de l'être. (Institut d'Etudes Lévinassiennes, Jens Mattern, "Une gnose à contre-sens : l'évasion de l'être vers le Dieu étranger de la création", document du web)>>.
- <<C'est en effet par la problématique du métissage que nous voulons, dans cette seconde rencontre, éclairer ce qu'il en est de cette étrange et labile représentation que nous nommons " corps ". Nous savons qu'elle n'est jamais une idée transcendante, mais qu'elle est toujours hybridée, intextuée à quelque donnée, socio-anthropologique, culturelle ou imaginaire. Cherchant le corps, on ne rencontre jamais une enveloppe stable, aux contours fixes, mais sans cesse du texte, des textes qui se télescopent, s'interpénètrent, procèdent à des adaptations, des réélaborations sociales et imaginaires. Serait-ce parce que nous savons secrètement que corps et métissage, ne sont jamais que des représentations mélangées, mêlées, infiniment fluctuantes, que certains le veulent toujours plus pur ? Car l'idée de métissage se construit implicitement autour de l'idée de corps, elle-même construite par la philosophie classique, et tramée par l'imaginaire occidental de la maîtrise, du Pouvoir, de l'Universalisme abstrait. Pensée de l'ordre, de la loi, de la frontière et de la clôture mentale (schizophrénique), l'idée de corps est donc un concept hégémonique. Elle est l'imago de l'Occident conquérant (anthropocentrique et ethnocentrique), qui génère toutes sortes d'idéologies inégalitaires, voire totalitaires. La pensée classique, fondée sur le modèle du corps idéel / pur / glorieux, est refus explicite de l'altérité parce qu'elle est une pensée de l'identité, une pensée du même et de l'Unité / Totalité. Ainsi, si nous avons juxtaposé l'idée de corps à celle de métissage, c'est pour mettre en évidence le fait que le corps et la corporéité, ne peut s'appréhender que selon une construction permanente et un devenir historique - et pour déconstruire cette chimère conceptuelle, fondée sur un substrat et une origine métaphysiques. (Quelques pistes pour engager la réflexion sur le colloque "le corps, lieu de métissages", C. Fintz, Edito, document du web)>>.
(k) Voir Créon. Économie du même. Fantasme. Homosexualité de Laïos. Hommo-sexualité de Créon. Hommo-sexualité du verbe. Laïos. Oedipe. Paléolithique. Néolithique. Verbe.
(l) Lire "Réalité Représentations".
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Mis en ligne le Vendredi 27 Juin 2008
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