Croyance


(a) Définition. La croyance est "le fait de croire", "l'action de croire, c'est-à-dire de tenir pour vrai", la "conviction", la "foi", la "confiance", la "conviction religieuse".


(b) Etymologie. Le latin <credo, is, didi, ditum, credere> signifie "donner sa confiance", "avoir confiance en", "se fier à (quelqu'un)", "ajouter foi", "s'en rapporter à", "se fier (aux paroles de quelqu'un)", "être persuadé de", "penser", "regarder comme", "tenir pour", "remettre entre les mains de", "faire crédit de". Il désigne un acte de croyance plus actif que notre croyance passive.


(c) Antiquité. La croyance antique est un choix, une alliance, la décision d'appartenir à un camp. William Shakespeare illustre ce fait, dans "Coriolan", quand les tribuns du peuple refusent de croire à l'attaque de Rome par le guerrier dont ils ont prononcé le bannissement.


(d) Question de la croyance. La démarche scientifique a généré une sorte de neutralité qui, par certains aspects, est une forme d'incroyance. Or, les présupposés de cette démarche doivent à leur tour être interrogés. En effet, la science, elle aussi, tend à ignorer ce qu'elle juge incroyable. Et l'incroyable doit d'autant plus être admis (après vérification) et expliqué.


- <<En 1926, A. N. Whitehead déplorait «le manque de séparation nette entre le christianisme et les grossières lubies des vieilles religions tribales» («Christianity lacks a clear-cut separation from the crude fancies of the older tribal religions»). Le théologien protestant Rudolf Bultmann disait franchement que le récit évangélique ressemble trop à tous les mythes de mort et de résurrection pour ne pas en être un. Il se voulait croyant malgré tout, résolument attaché à un christianisme purement «existentiel», débarrassé de tout ce que l'homme moderne tient légitimement pour incroyable «à l'époque de l'automobile et de l'électricité». Pour extraire de sa gangue mythologique son abstraction de quintessence chrétienne, Bultmann pratiquait une opération chirurgicale baptisée Entmythologisierung ou démythisation. Il retranchait impitoyablement de son credo tout ce qui lui rappelait la mythologie. Il tenait cette opération pour objective, impartiale, rigoureuse. En réalité, il conférait non seulement aux automobiles et à l'électricité mais à la mythologie un véritable droit de veto sur la révélation chrétienne. Ce qui, dans les Evangiles, rappelle le plus les morts et les réapparitions mythologiques des victimes uniques, c'est la Passion et la Résurrection de Jésus-Christ. Peut-on démythiser le matin de Pâques sans anéantir le christianisme ? A en croire saint Paul on ne le peut pas : «Si le Christ n'est pas ressuscité, disait-il, votre foi est vaine...» (l Corinthiens 15, 17). (René Girard, "Je vois Satan tomber comme l'éclair", Éditions Grasset & Fasquelle, 1999, page 12)>>.


(e) La question est de savoir s'il existe une pensée qui ne suppose pas une croyance, préalable ou simultanée.


(f) Certaines virtualités (comme l'éventualité d'un conflit nucléaire) ont une présence qui peut dépasser celle du réel (l'état actuel). C'est dire que l'homme habite plus dans ses désirs ou dans ses angoisses que dans la réalité. Il en ressort que le croyable et l'incroyable sont souvent plus importants que le réel et l'irréel.


- <<«L'explosion des bombes atomiques en 1945 a clos une guerre "classique", elle n'a pas déclenché de guerre nucléaire. La terrifiante "réalité" du conflit nucléaire ne peut être que le réfèrent signifié, jamais le réfèrent réel (présent ou passé) d'un discours ou d'un texte. Du moins aujourd'hui. Et cela nous donne à penser l'aujourd'hui, la présence de ce présent à travers cette fabuleuse textualité. Mieux et plus que jamais. La multiplication croissante des discours - voire de la littérature - à ce sujet constitue peut-être un processus de domestication apeurée, l'assimilation anticipatrice de cet inanticipable tout autre. Pour l'instant, aujourd'hui, on peut dire qu'une guerre nucléaire localisable n'a pas eu lieu, elle n'a d'existence que par ce qu'on en dit et là où on en parle. Certains pourraient donc l'appeler une fable, une pure invention : au sens où l'on dit qu'un mythe, une image, une fiction, une utopie, une figure de rhétorique, un phantasme, sont des inventions. On peut aussi appeler cela une spéculation - voire une fabuleuse spéculation. Le bris du miroir serait finalement, à travers un acte de langage, l'événement même de l'acte nucléaire. Qui peut jurer que notre inconscient ne l'attend pas ? N'en rêve pas ? Ne le désire pas ?» L'avenir de la vérité. Ces propos de Derrida, encore une fois, ne témoignent d'aucun catastrophisme. Tout d'abord parce qu'ils ne prophétisent ni ne prévoient rien. Le non arrivé est imprésentable : même s'il devait arriver, il ne se présenterait pas. Le non arrivé ne renvoie pas à une possibilité non encore actualisée, non encore réelle ou présente. Il restera toujours ce qu'il est : possible et, à ce titre, inanticipable. Sa vérité est sans apocalypse : «Pas de vérité, pas d'apocalypse» Une vérité qui ne révèle rien échappe au dévoilement et à la visibilité. On ne verra pas arriver la catastrophe. Dès lors, la menace du pire, parce qu'on ne peut que lui tourner le dos, est aussi possibilité de la chance et injonction à venir : «L'effacement absolu de toute trace possible "est" la seule trace ineffaçable comme trace du tout autre» Nous risquons certes de «passer, comme des somnambules suicidaires, sourds et aveugles, à côté de l'inouï», mais ce risque est la ressource même de l'avenir, «cette invention du tout autre est la seule invention possible». On voit alors que le non arrivé abrite aussi bien la possibilité du pire que celle de la justice ou de la démocratie. Puisque vous citez cette ancienne phrase ("en un texte déjà où nous croyons être"), je me demande si aujourd'hui, au bout d'un long chemin, ce n'est pas au mot "croyons" que je ferais porter toute la charge. Dans la polysémie, en vérité l'homonymie des verbes croire (croire que ceci peut arriver, croire en la parole de quelqu'un, croire en quelqu'un, autant de choses différentes mais le plus souvent possibles, vraisemblables, donc croyables, et donc indépendantes de la pure croyance), j'insisterais sur cette autre croyance, la croyance par excellence - qui n'est possible qu'à croire en l'impossible. Le miracle serait l'ordinaire de la pure croyance. Et le "texte où nous croyons être", autre nom pour ce lieu, le lieu en général, il ne m'intéresse que là où l'impossible, c'est-à-dire l'incroyable le cerne et le presse, me faisant tourner la tête, laissant une trace illisible dans l'avoir-lieu, là, dans le vertige, "où nous croyons être" [...]. Le lieu est pour moi toujours l'incroyable, comme l'orientation. Khôra est incroyable. Cela signifie : on ne peut qu'y croire, froidement, impassiblement, et rien d'autre. Comme à l'im-possible. Foi absolue. Croire - voyager. (Catherine Malabou et Jacques Derrida, "Jacques Derrida. La Contre-allée", La Quinzaine littéraire, Louis Vuitton, Chapitre 11, "Catastrophe khôra-nucléaire", pages 146-147)>>.


(g) C'est une croyance qui trace une ligne de partage entre la mise à mort traditionnelle et la mise à mort perverse. Nous qui ne croyons plus à Baal Moloch ne considérons plus les sacrifices humains comme une mise à mort traditionnelle.


(h) La croyance et le cerveau trompeur de l'espèce Homo sapiens demens sont-ils un avantage (temporaire) dans la sélection naturelle, par la croyance en l'au-delà ?


- <<Dans un numéro précédent, nous avions rendu compte du livre de Matthew Alper, "God part of the brain", qui faisait le point sur les connaissances relatives à la localisation cérébrale des états mystiques ou de croyance. Il citait notamment les expériences de Andrew Newberg et Eugène d'Aquili qui scannent le cerveau de moines tibétains en extase. Une hypothèse de plus en plus partagée, dans la ligne de la sociobiologie et de la psychologie évolutionniste, suppose que les aires cérébrales consacrées aux croyances religieuses se sont développées, très tôt chez les premiers hominiens, lorsque ceux-ci ont pris conscience de leur mort. Face au désespoir existentiel en découlant, n'ont survécu que les groupes et les individus ayant acquis l'appareil neurologique leur permettant de croire en un au-delà rassurant. Aujourd'hui encore, la plupart des humains trouvent dans la foi en un dieu ou en un paradis quelconque la force d'affronter les duretés de la vie - certains y trouvent aussi parfois hélas celle de mourir en martyr. Sur ce sujet très important, "Sciences & Vie" consacre un dossier dans son numéro d'août 2002 : "Pourquoi on croit en Dieu. Les étonnantes réponses des neurosciences". Différents articles sont consacrés aux premières traces d'apparition de rites religieux et de croyances en des divinités bienfaisantes ou malfaisantes. Pour nous l'élément neuf de ce dossier se trouve dans la référence au livre récent de Pascal Boyer, directeur de recherche au CNRS, "Et l'homme créa les dieux", paru chez Laffont en 2001. Nous en tireront prochainement une note de lecture. L'auteur développe l'idée que la religion se comporte comme une épidémie mentale, les croyances se répandant dans la population comme des virus, s'implantant durablement ou périclitant selon la "fitness" ou adaptation qu'elles procurent à leurs hôtes. Il est intéressant de voir repris par un auteur français un propos qui est directement inspiré de la mémétique ou sciences des mèmes, réplicateurs autonomes à la source de la plupart des créations culturelles. L'hypothèse mémétique relative aux idées religieuses n'exclut pas, au contraire, l'hypothèse sociobiologique évoquée plus haut. On considère généralement aujourd'hui, au lieu d'opposer mémétique et sociobiologie ou psychologie évolutionniste, que les deux séries d'explications se complètent. En cas de succès évolutif, il se produit une co-évolution entre des mèmes ou mèmesplexes et les structures cérébrales leur offrant des "encapsulations" favorables. Les croyances se transmettent et s'adaptent ainsi, à la fois par la transmission génétique et par la transmission culturelle. Pour les matérialistes, ceci suffit à expliquer leur vigoureuse persistance. (Automates intelligents, "Bases neurologiques de la croyance", 6 août 2002, document du web)>>.


(i) La croyance et les représentations sont fonction du niveau de la connaissance chez l'individu ou dans le groupe d'appartenance.


- Quand on apprend peu, on croit tout savoir. C'est l'effet Stéphanie de Monaco.


- Quand on apprend beaucoup, on devient certain de ne savoir presque rien.



(j) Au fil de l'apprentissage, en passant du dogme (une forme spontanée du fétichisme, comme le suggère le mécanisme de l'empreinte) au doute pratiqué de manière méthodique (cf. le "Discours de la Méthode" de René Descartes), c'est la représentation ou la conception du savoir qui se transforme.


- <<En religion, dogmatisme désigne la disposition à croire des dogmes, c'est-à-dire des vérités religieuses dont les titres de créance ne relèvent pas d'une appréciation subjective, mais d'une autorité transcendante (celle du dieu qui se révèle ; celle de la société religieuse qui confesse, proclame, atteste que la tradition dont elle vit prend ses garanties dans une objectivité sui generis, dans une expérience du sacré qu'elle regarde comme un a priori fondateur). C'est le christianisme hellénistique et, plus précisément, byzantin qui a forgé le vocabulaire d'une dogmatique de foi relative aux Écritures et aux traditions issues de la communauté apostolique. À partir du premier concile œcuménique (Nicée, 325), on a appelé « dogme » toute définition d'une croyance par voie conciliaire, c'est-à-dire délibérée et décrétée en assemblée plénière (représentant l'Église universelle), puis érigée en orthodoxie officielle, en loi d'État par un édit impérial. De nos jours, le pouvoir de l'Église catholique s'étant concentré entre les mains d'un pontife suprême et s'étant émancipé par rapport au pouvoir civil, l'apparition d'un dogme ne requiert que la promulgation par le pape (à l'occasion d'un concile ou à la suite d'une consultation de l'épiscopat). (Encyclopaedia universalis, article "Dogmatisme")>>.


(k) Formuler une opinion sur le futur relève du pari et de la croyance. C'est ce qui se passe à la Bourse et sur les marchés financiers, d'une manière qui favorise le phénomène mimétique de la bulle spéculative.


- <<Considérons, par exemple, le marché américain de la vente au détail de jouets dominé au début des années quatre-vingt-dix par la très ancienne et vénérable entreprise Toys “R” Us. À partir de 1997, cette domination est brutalement contestée par une toute jeune entreprise, eToys, qui mise sur le développement du commerce en ligne pour arriver à ses fins. Si l'on compare objectivement les deux concurrents, on observe, d'un côté, un poids lourd fort d'un savoir-faire et d'une expérience indéniables, réalisant en 1998 un chiffre d'affaires de plus de 11 milliards de dollars dans 1 156 magasins pour un bénéfice de 376 millions de dollars et, de l'autre, une start-up sans expérience dont le chiffre d'affaires, cette même année, s'élève à 30 millions de dollars pour une perte de 28 millions de dollars. Autrement dit, eToys, qui représente seulement l'équivalent financier de trois magasins de Toys “R”Us accumule des pertes quand son concurrent engrange les bénéfices. En dépit de ces données connues de tous, à la fin de l'année 1999, eToys est évalué en Bourse un tiers de plus que le géant américain du jouet ! Pour que le marché estime de manière aussi surprenante la valeur de ces deux firmes, il faut non seulement qu'il considère que l'avenir de l'économie est tout entier contenu dans le commerce électronique mais également que les vieilles entreprises seront incapables de s'adapter à cette nouvelle donne. Les années suivantes prouvèrent que ces deux jugements étaient aussi erronés l'un que l'autre : en mars 2001, eToys se déclare en faillite, la valeur de son action ne valant plus que quelques cents, alors même que Toys “R”Us s'allie au libraire en ligne Amazon pour développer avec succès son commerce électronique. Cette histoire n'est en rien isolée. La croyance exacerbée dans les prodiges de la Nouvelle Économie a fait perdre aux investisseurs leur capacité à analyser sereinement la situation des entreprises. Les marchés financiers n'ont donc pas su estimer correctement durant cette période les rentabilités à venir des différents secteurs économiques. Ils ont fortement surestimé les capacités de développement à moyen terme du commerce électronique. (André Orléan, "Les marchés financiers sont-ils rationnels ?", in La Recherche, mai 2003, document du web)>>.


(l) Références littéraires et philosophiques :


- <<Le point essentiel de leur enseignement, c'est que les âmes ne périssent pas mais qu'après la mort elles passent d'un corps dans un autre ; ils [les druides] pensent que cette croyance est le meilleur stimulant du courage. (Lucain, "La Pharsale")>>.


- <<Et de là, cette croyance insensée que le Mal avait une substance corporelle, masse terreuse, difformité pesante, qu'ils appelaient terre, et une autre subtile et déliée, comme le corps de l'air, esprit de malice infiltré, suivant eux, dans ce monde élémentaire. Et un reste de piété quelconque me défendant de croire qu'un Dieu bon eût créé aucune nature mauvaise, j'établissais deux natures contraires et antagonistes, infinies toutes deux ; mais celle du bien plus infinie que celle du mal. (Saint Augustin, "Les Confessions")>>.


- <<MARCELLUS. - Holà ! Bernardo !

BERNARDO. - Réponds donc. Est-ce Horatio qui est là ?

HORATIO. - C'est toujours bien un morceau de lui.

BERNARDO. - Bienvenu, Horatio ! Bienvenu, bon Marcellus !

MARCELLUS. - Eh bien ! cet être a-t-il reparu cette nuit ?

BERNARDO. - Je n'ai rien vu.

MARCELLUS. - Horatio dit que c'est uniquement notre imagination, et il ne veut pas se laisser prendre par la

croyance à cette terrible apparition que deux fois nous avons vue. Voilà pourquoi je l'ai pressé de faire avec nous, cette nuit, une minutieuse veillée, afin que, si la vision revient encore, il puisse confirmer nos regards et lui parler.

HORATIO. - Bah ! bah ! elle ne paraîtra pas.

(William Shakespeare, "Hamlet", Acte I, Scène I)>>.


- <<Mais les oeuvres que Dieu réalisa en Egyte par la main de Moïse furent proprement des miracles, parce qu'ils étaient réalisés avec l'intention de faire que le peuple d'Israël crût que Moïse venait à lui, non avec le dessein de servir son propre intérêt, mais en tant qu'envoyé de Dieu. C'est pourquoi, après que Dieu lui eut ordonné de délivrer les Israélites de leur servage d'Egypte, et que Moïse dit en Exode, IV, 1sqq. : Ils ne me croiront pas, mais diront que le Seigneur ne m'est pas apparu, Dieu lui donna le pouvoir de transformer le bâton qu'il avait à la main en un serpent, et de le retransformer en bâton; et, en mettant sa main dans son sein, de la rendre lépreuse, puis, la [mettant et la] retirant de nouveau, de la rendre saine, pour que les enfants d'Israël crussent (comme le dit le verset 5) que le Dieu de leurs pères lui était apparu. Et, au cas où ce ne serait pas suffisant, il lui donna le pouvoir de changer les eaux en sang. Et quand il eut fait ces miracles devant le peuple, il est dit (verset 31) qu'ils le crurent. Cependant, par crainte de Pharaon, ils n'osèrent pourtant pas lui obéir. C'est la raison pour laquelle les autres oeuvres qui furent faites pour affliger Pharaon et les Egyptiens tendaient toutes à faire que les Israélites crussent en Moïse, et elles étaient à proprement parler des miracles. De la même manière, si nous considérons tous les miracles faits par la main de Moïse, et par les autres prophètes jusqu'à la captivité, et ceux de notre Sauveur et ensuite de ses apôtres, nous trouverons que leur but était toujours de susciter ou de confirmer la croyance que ces prophètes ne venaient pas de leur propre mouvement, mais étaient envoyés par Dieu. Et même, nous pouvons observer dans l'Ecriture que le but des miracles n'était pas de susciter universellement la croyance chez tous les hommes, élus et réprouvés, mais de la susciter seulement chez les élus, c'est-à-dire ceux qui, comme Dieu l'avait déterminé, devaient devenir ses sujets. En effet, ces fléaux miraculeux d'Egypte n'avaient pas pour but la conversion de Pharaon, car Dieu avait dit à Moïse, avant qu'ils n'aient lieu, qu'il endurcirait le coeur de Pharaon pour que ce dernier ne laissât pas le peuple s'en aller ; et quand, enfin, il le laissa partir, ce ne sont pas les miracles qui le persuadèrent, mais les fléaux qui l'y forcèrent. (Thomas Hobbes, "Le Léviathan", Chapitre 37)>>.


- <<A la mort du marquis de La Londe, Saint-Taurin, capitaine dans le régiment d'infanterie, vint à Paris pour demander le guidon de la compagnie. L'on le fit parler à M. de Lorraine, pour lui rendre compte de l'état des choses ; et, comme il lui disoit qu'en peu de temps l'on feroit le chemin d'Étampes, marchant jour et nuit, il s'écria : «Quoi ! marche-t-on la nuit en ce pays-ci ?» Saint-Taurin étoit tout étonné de lui entendre faire des réponses et des questions de cette force. Enfin l'on le dépêcha pour aller dire que très-assurément il marcheroit pour les secourir ; et pour donner plus de croyance aux étrangers, il envoya un de ses officiers avec lui. (Grande Mademoiselle, "Mémoires", Partie I, Chapitre 13)>>.


- <<Si je vous demande pourquoi vous croyez à une chose de fait particulière que vous rapportez, vous devez me donner une raison; et cette raison sera quelque autre fait qui est en connexion avec le premier fait. Mais comme vous ne pouvez procéder de cette manière in infinitum, vous serez à la fin obligé de terminer par quelque fait qui sera présent à votre mémoire ou à vos sens, ou vous devrez admettre que votre croyance n'a aucun fondement. Quelle est la conclusion de tout ce discours ? Elle est simple, quoique, il faut l'avouer, assez éloignée des théories courantes de la philosophie. Toute croyance portant sur une chose de fait ou une existence réelle est simplement dérivée de quelque objet présent à la mémoire ou aux sens, et d'une conjonction par l'accoutumance entre cet objet et un autre objet. Ou en d'autres termes : ayant trouvé, en de nombreux cas que deux sortes quelconques d'objets - flamme et chaleur, neige et froid - ont toujours été joints ensemble, si la flamme ou la neige se présente de nouveau aux sens, l'esprit est porté par l'accoutumance à attendre la chaleur ou le froid, et à croire qu'une telle qualité existe, et se découvrira si l'on s'approche davantage. La croyance résulte nécessairement de ce que l'esprit est placé en de telles circonstances. C'est une opération de l'âme, quand nous sommes dans une telle situation, aussi inévitable que de ressentir la passion de l'amour, quand nous recevons des bienfaits, ou de la haine, quand nous sommes confrontés à ce qui nous fait mal. Toutes ces opérations sont une espèce d'instincts naturels qu'aucun raisonnement ou opération de la pensée ou de l'entendement n'est capable de produire ni d'empêcher. (David Hume, "Enquête sur l'entendement humain", Section 5, "Solutions sceptiques de ces doutes")>>.


- <<On pourrait supposer que Mme de Vaudémont ne croit à rien ; mais quand elle est mordue par un de ses chiens qui crève de la rage deux jours après, savez-vous ce qu'elle fait ?... Elle met une robe verte, elle monte dans une voiture verte, il faut absolument que la voiture soit verte ; elle en emprunte une verte si les siennes sont jaunes. Ensuite elle s'en va tranquillement en pèlerinage à Saint-Hubert-en-Ardennes. En passant à Sainte-Ménéhould, elle éprouve un accès d'hydrophobie avec des convulsions à faire crever un taureau ; mais ce n'est pas là ce qui l'inquiète, et tout son embarras, c'est que le vent ne se tourne à l'ouest, à cause de l'humidité qui lui donnerait une fluxion sur les dents. Elle arrive à Saint-Hubert ; elle y boit un verre d'eau de la Source-noire ; on lui met la tête sous une étole verte, en récitant l'évangile selon saint Jean, et la voilà repartie, confiante et pimpante ! On ne saurait douter que deux autres personnes (dont un enfant de 4 ans) ne soient mortes de la rage à la suite des morsures du maudit chien, que sa maîtresse n'en a pas moins fait empailler pour adoucir l'amertume et la sensibilité de ses regrets. On en dira tout ce qu'on voudra, mais elle est encore vivante et bien portante au bout de 14 ans. Les physiciens ou les métaphysiciens expliqueront cela s'ils le peuvent, et comme ils le voudront ; mais toujours est-il que cette princesse est bien payée pour avoir confiance dans les pèlerinages. On n'a jamais eu l'occasion de remarquer qu'elle eût croyance dans l'utilité d'aucune autre pratique religieuse que celle des voyages à Saint-Hubert, et ceci témoigne assez qu'elle est la sûreté de sa judiciaire et la portée de son esprit. (Pseudo, "Souvenirs de Madame de Créquy", Partie III, Chapitre V)>>.


- <<La pièce de vers de Goethe intitulée le Gisant de Mahomet peut nous en fournir un exemple. «Une source sortie d'un rocher, jeune encore, se précipite au fond des abîmes, surgit ensuite et reparaît avec des fontaines et des ruisseaux, puis se répand dans la plaine, reçoit les fleuves ses frères, donne son nom à plusieurs contrées, voit naître des villes sous ses pas, et enfin porte, en frémissant de joie, ses trésors, ses frères et ses enfants dans le sein du Créateur qui l'attend.» Le titre seul nous dit que cette magnifique image d'un torrent et de son cours nous représente le départ de Mahomet, la rapide propagation de sa doctrine et la réunion de tous les peuples confondus dans la même croyance. (Hegel, "Esthétique")>>.


- <<L'effet de la coutume, qui est d'empêcher que des doutes soient émis à l'égard des règles de conduite que les individus s'imposent les uns aux autres, est d'autant complet que c'est une question sur laquelle on ne considère pas nécessaire de produire des raisons, que ce soit pour les autres ou que ce soit pour soi-même. Les gens sont accoutumés à croire, et ont été encouragés dans cette croyance par ceux qui ambitionnent la qualité de philosophe, que leurs sentiments. (John Stuart Mill, 1659, "De la liberté", traduit de l'anglais par Philippe Folliot)>>.


- <<Quand l'homme prend l'univers entier comme une vaste blague, certains moments de cette affaire étrange et bigarrée que nous appelons la vie lui apparaissent terriblement cocasses et, bien qu'il n'aperçoive que vaguement l'esprit de cette blague, et bien qu'il se doute qu'elle se fait à ses propres dépens, rien ne le décourage, rien ne lui semble valoir la peine d'une discussion. Il encaisse tous les événements, tous les credos, toutes les croyances, toutes les persuasions et toutes les choses, pour si dures à avaler qu'elles soient, comme une autruche qui peut digérer des cartouches et des pierres à fusil. (Herman Melville, "Moby Dick", 1851, traduction de Jean Giono, Gallimard, 1941, Chapitre XLIX, "La Hyène")>>.


- <<Car la même sensation reparaît chaque fois que l'ordre établi des choses est renversé, que la sécurité n'existe plus, que tout ce que protégeaient les lois des hommes ou celles de la nature, se trouve à la merci d'une brutalité inconsciente et féroce. Le tremblement de terre écrasant sous les maisons croulantes un peuple entier ; le fleuve débordé qui roule les paysans noyés avec les cadavres des boeufs et les poutres arrachées aux toits, ou l'armée glorieuse massacrant ceux qui se défendent, emmenant les autres prisonniers, pillant au nom du Sabre et remerciant un Dieu au son du canon, sont autant de fléaux effrayants qui déconcertent toute croyance à la justice éternelle, toute la confiance qu'on nous enseigne en la protection du Ciel et en la raison de l'homme. (Guy de Maupassant, "Boule de suif")>>.


- <<- Je demande de nouveau la permission d'abandonner ce thème, répéta Piotr Alexandrovitch. Laissez-moi plutôt vous raconter une autre anecdote fort intéressante et fort caractéristique, à propos d'Ivan Fiodorovitch, celle-ci. Il y a cinq jours, dans une société où figuraient surtout des dames, il déclara solennellement, au cours d'une discussion, que rien, au monde n'obligeait les gens à aimer leurs semblables; qu'aucune loi naturelle n'ordonnait à l'homme d'aimer l'humanité ; que si l'amour avait régné jusqu'à présent sur la terre, cela était dû non à la loi naturelle, mais uniquement à la croyance en l'immortalité. Ivan Fiodorovitch ajouta entre parenthèses que c'est là toute la loi naturelle, de sorte que si vous détruisez dans l'homme la foi en son immortalité, non seulement l'amour tarira en lui, mais aussi la force de continuer la vie dans le monde. Bien plus, il n'y aura alors rien d'immoral ; tout sera autorisé, même l'anthropophagie. Ce n'est pas tout : Il termina en affirmant que pour tout individu qui ne croit ni en Dieu, ni en sa propre immortalité, la loi morale de la nature devait immédiatement devenir l'inverse absolu de la précédente loi religieuse ; que l'égoïsme, même poussé jusqu'à la scélératesse, devait non seulement être autorisé, mais reconnu pour une issue nécessaire, la plus raisonnable et presque la plus noble. D'après un tel paradoxe, jugez du reste, messieurs, jugez de ce que notre cher excentrique Ivan Fiodorovitch trouve bon de proclamer et de ses intentions éventuelles... (Dostoïevski, "Les Frères Karamazov", traduit par Henri Mongault, Gallimard, 1948, page 69)>>.


- <<Je crois bien que mon entourage me tenait à l'époque pour un original. Comme cela était bien naturel, je m'adonnais en outre avec passion à l'architecture. Je l'estimais, à l'égal de la musique, la reine des arts. M'en occuper n'était pas un travail, mais un vrai bonheur. Je pouvais lire ou dessiner tard dans la nuit sans ressentir aucune fatigue. Et ma croyance se fortifiait que mon beau rêve d'avenir se réaliserait, quand je devrais attendre de longues années. J'étais fermement convaincu de me faire un nom comme architecte. (Adolf Hitler, "Mein Kampf", Partie I, Chapitre 2, Années d'études et de souffrances à Vienne)>>.


- <<La réalité métaphysique ne se localise pas derrière le donné expérimental et nous pouvons déclarer aussi bien qu'elle se situe au sein de celui-ci. Tout ce que nous voulons dire, c'est que le monde des sensations n'est pas le seul qui existe et qu'il en existe un autre, inaccessible à notre prise directe, auquel aussi bien la vie pratique que le travail de la science ne cessent de nous renvoyer. En effet, l'affinement de notre connaissance du monde pousse le chercheur à découvrir les structures dernières de celui-ci. Et comme il doit considérer comme réel ce qui fait l'objet de sa recherche, il postule l'existence effective d'un monde réel, au sens absolu du terme. Cette ferme croyance en un réel absolu dans la nature constitue la condition de son travail ; elle fortifie son espoir de se rapprocher un peu plus de la nature objective et d'en dévoiler les secrets. (Max Planck, "L'Image du monde dans la physique moderne", 1933, traduction Cornélius Heim, Gonthier, 1963, page 75)>>.


- <<Les composantes de l'homme du Vieux Monde paraissaient incompatibles avec la nouvelle grâce terrestre que l'Amérique apportait à l'homme. C'est ainsi une croyance religieuse que l'Américain est un homme nouveau : il n'a pas le péché originel, dit une boutade classique. En refusant la solidarité dans le mal, les Américains refusaient du même coup la solidarité dans la souffrance : la souffrance est interdite, ce qui implique que le bonheur est obligatoire. On ne peut en effet conquérir le bonheur qu'en évitant toute forme de « souffrance spirituelle ». « S'abêtiser, c'est recommencer », et recommencer c'est donner, comme gage d'innocence, l'abdication du passé de culpabilité et de souffrance : si le passé éternisé est morbide, la destruction radicale de tout passé l'est autant. (Jean Lacroix, "Philosophie de la culpabilité", Philosophie d'aujourd'hui, PUF, 1977, page 81)>>.


- <<Notons au passage que l'idée d'une origine chrétienne de la science occidentale a intéressé certains philosophes, non pas seulement pour tenter de comprendre comment a pu se trouver stabilisé le discours sur la nature automate et stupide, mais aussi pour mettre au jour une relation qu'ils voulaient plus essentielle entre la science et la civilisation occidentale. En ce qui concerne Alfred North Whitehead, cette relation est de l'ordre de la croyance : il « fallait » un Dieu législateur pour inspirer aux fondateurs de la science moderne la « foi scientifique » nécessaire à leurs premiers travaux... (Ilya Prigogine et Isabelle Stengers, "La Nouvelle alliance. Métamorphose de la science", Gallimard, Paris, 1979, page 55)>>.


- <<De tout temps en effet, les hommes ont pensé en voyant des vers naître dans la viande en décomposition qu'ils provenaient de la viande elle-même, sans l'intervention d'un autre être vivant, comme la mouche qui vient y pondre ses oeufs. Une telle croyance à propos de la viande est d'ailleurs bien étonnante, car rien n'est plus facile que d'observer des mouches en train de pondre : comment donc personne ne s'en est-il avisé ? Contrairement à ce qu'on pourrait croire, beaucoup d'esprits religieux étaient partisans de la génération spontanée, saint Augustin par exemple, et ils ne supposaient une intervention spéciale de Dieu que lors de l'apparition de l'homme. (Rémy et Bernadette Chauvin, "Le Modèle animal", Hachette, 1982, page 15)>>.


- <<Par ce détour à travers l'exemple de l'Église, je voulais poser la question suivante : la crise linguistique est-elle séparable de la crise de l'institution scolaire ? La crise de l'institution linguistique n'est-elle pas la simple manifestation de la crise de l'institution scolaire ? Dans sa définition traditionnelle, dans la phase organique du système d'enseignement français, l'enseignement du français ne faisait pas problème, le professeur de français était assuré : il savait ce qu'il fallait enseigner, comment l'enseigner, et rencontrait des élèves prêts à l'écouter, à le comprendre et des parents compréhensifs pour cette compréhension. Dans cette situation, le professeur de français était un célébrant : il célébrait un culte de la langue française, il défendait et illustrait la langue française et il en renforçait les valeurs sacrées. Ce faisant, il défendait sa propre valeur sacrée : ceci est très important parce que le moral et la croyance sont une conscience à soi-même occultée de ses propres intérêts. (Pierre Bourdieu, "Ce que parler veut dire")>>.


- <<Absurde, impossible, irrecevable : je n'ai pas osé le dire ; non, je n'ai jamais eu le courage d'exposer ce que je crois. Mais d'abord : je ne sais pas si je crois, j'ignore ce qu'il en est de croire, je ne sais quelle pensée, quel acte ou quel sentiment accompagnent la croyance ou la foi. Je sais, un peu, ce qu'il en est de savoir, je sais ce que je sais, quand je le sais, comment je fais pour le savoir, je connais l'ignorance et le doute, la recherche et la question, je connais la connaissance, son bonheur et ses objets, ses chemins multiples, sa quête enthousiaste et ses déserts, sa profonde humilité, son oubli rare et nécessaire de la raison dominatrice. Et je reconnais ce que je ressens, rangé à jamais dans la boîte noire à pudeur. Serait-ce le mélange d'une connaissance incertaine et d'un certain pathétique laissé qu'on appellerait croyance? Je ne le sais pas. Ou je sais que cela m'indiffère. Que m'importe d'apprendre d'où vient ce que je vais oser dire : me voici assez vieux, c'est-à-dire assez fort pour avoir le courage. Je ne sais pas si je crois en Dieu. Je sais que souvent je ne puis croire en Dieu : je suis athée dans les trois quarts de ma durée. Pourtant, par fulgurations intermittentes, je sais que le divin est là, présent, dans mon voisinage, et qu'il règne par l'univers. Régner, ici, ne parle aucunement d'un roi, mais de cette façon de construction que désigne un carreleur quand il dit d'une tomette hexagonale et rouge qu'elle règne par toutes les pièces d'une même maison. Partout dans l'univers, le divin en est le tissu, d'autres disent la loi, je préfère en décrire la matière ou la chair. De cela je suis sûr, non pas maintenant, mais parfois, rarement, de manière extatique. Et quand l'occultation longue succède à l'éclat intuitif bref, me voilà certain que Dieu n'est pas : hypothèse vieillie et sans nécessité. Peut-être, alors, m'abandonne-t-il, sans doute me damne-t-il, en laissant mon intelligence à cette misère. Dieu nous a-t-il tous abandonnés depuis le jour récent où nous l'avons abandonné ? Je ne crois pas, je crois ; cela ne se décide pas, mais s'ensuit. Mécréant mystique, mes assurances rares sont plongées dans la morne incrédulité. (Michel Serres, "Le Tiers-Instruit", François Bourin, 1991, page 228)>>.


- <<Le plafonnement culturel américain ne peut cependant expliquer à lui seul le sentiment d'impuissance qui a envahi le monde développé, et ces chefs de gouvernement soumis « aux marchés financiers », spectateurs résignés ou cyniques d'une histoire qui les dépasse. Ainsi, Bill Clinton et Jacques Chirac, élus au terme de campagnes électorales volontaristes, ont-ils été rapidement transformés en gestionnaires prudents d'un monde trop vaste, menaçant comme un océan. On doit ajouter, pour comprendre la crise, l'hypothèse d'une dissolution des croyances collectives, dans toutes leurs manifestations : déclin des idéologies, des religions, de la conscience de classe, de l'État, du sentiment national. Toutes les croyances qui assuraient la définition et la cohésion de groupes capables d'agir collectivement semblent en voie de disparition, dans un univers social et mental qui ne laisserait plus subsister que l'individu. Mais c'est bien parce qu'il est seul, isolé, dans sa parcelle de rationalité, que l'individu se sent écrasé par l'histoire économique. Nous vivons aujourd'hui l'aboutissement logique de l'absurdité ultralibérale, qui, voulant « libérer l'individu » de tout carcan collectif, n'a réussi qu'à fabriquer un nain apeuré et transi, cherchant la sécurité dans la déification de l'argent et sa thésaurisation. En l'absence de groupes actifs, définis par des croyances collectives fortes - ouvrières, catholiques, nationales - les hommes politiques du monde occidental sont réduits à leur taille sociale réelle, par nature insignifiante. Une abondance de textes nous assurent en particulier que la nation, la plus active des croyances collectives au vingtième siècle, est en voie d'être dépassée. Ultralibéralisme et européisme, apparus dans les années 1980 pour dominer l'imagination des strates supérieures des sociétés occidentales, ont en commun de nier l'existence des nations et de ne plus définir des entités collectives vraisemblables. On doit, pour cette raison, les considérer comme des anti-idéologies, des croyances anticollectives, ou, pour faire court, anticroyances, nettement distinctes des formes doctrinales antérieures dont l'une des fonctions essentielles était la cristallisation de groupes humains. (Emmanuel Todd, "L'Illusion économique. Essai sur la stagnation des sociétés développées", Gallimard, 1998, pages 21-22, Déclin des croyances collectives et sentiment d'impuissance )>>.


- <<L'incompréhension règne dans les relations entre humains. Elle sévit au coeur des familles, au coeur du travail et de la vie professionnelle, dans les relations entre individus, peuples, religions. Elle est quotidienne, omniprésente, planétaire, elle enfante les malentendus, déclenche les mépris et les haines, suscite les violences et accompagne toujours les guerres. Souvent, à l'origine des fanatismes, des dogmatismes, des imprécations, des fureurs, il y a l'incompréhension de soi et d'autrui. L'incompréhension escorte les langues, les usages, les rites, les croyances différentes. Les différences entre codes d'honneur selon les cultures et les individus suscitent de tragiques incompréhensions. (Edgar Morin, "La Méthode", Livre VI, "Ethique", éditions du Seuil, Paris, novembre 2004, page 121)>>.


- <<Ceux qui veulent que la "théorie" de l'Intelligent design soit enseignée à égalité avec l'évolutionnisme ont reçu le soutien de George W. Bush lors d'une conférence de presse au mois d'août. Dans ce contexte, on comprend que le doyen du journalisme américain, Daniel Schorr, soit revenu sur sa longue expérience des drames de la planète pour affirmer, d'un ton ironique, que s'il existait un intelligent design, son auteur portait une lourde responsabilité. Le journaliste qui fêtait ses 89 ans oubliait la réaction de l'Europe éclairée au tremblement de terre de Lisbonne en 1755. La nature, considérée jusqu'alors comme bienfaisante, venait d'engloutir un tiers de la ville. Ce qui disparut avec cette vision béate n'était pas seulement l'optimisme leibnitzien - « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles » - mais aussi la croyance naïve en un progrès continu et sans accros. Sous le choc, Voltaire écrivait Candide, et les Lumières préparaient le basculement de l'Ancien Régime qui mit fin à un " racisme " autrement ancré. Pour sa part, George W. Bush s'est contenté de déclarer que le 16 septembre sera une journée nationale de prière... (Dick Howard, "La Démocratie à l'épreuve", Buchet Chastel, Paris, 2006, page 309, Le 9 septembre 2005)>>.


(l) Références psychanalytiques :


- <<Freud, lui, s'efforce de découvrir un facteur psychologique dynamique qui expliquerait le lien indubitable avec la magie et il le trouve dans la croyance en la toute-puissance des pensées et des souhaits. Mais, étant donné que la croyance en la toute-puissance des pensées se trouve également chez les enfants et chez les névrosés civilisés adultes, Freud est en mesure d'en donner une explication psychanalytique. Cette croyance est un trait caractéristique de la phase narcissique du développement sexuel infantile ; chez les primitifs, l'orientation narcissique persiste presque intacte à l'âge adulte, alors que chez les civilisés, elle ne se manifeste chez l'adulte que dans la névrose et constitue une régression. Or, si nous pouvons dire que le langage est morbide dans la mesure où il contient certaines qualités magiques, dans la mesure où il reflète une croyance à la réalité des pensées et des désirs, alors il nous est possible de rattacher la qualité magique du langage à ses rapports organiques avec la phase narcissique du développement sexuel infantile, la phase dans laquelle l'enfant manifeste le pur «moi-plaisir». (Norman O. Brown, "Eros et Thanatos", Denoel, Paris, 1972, page 97)>>.


- <<La jouissance de l'Autre est un mythe ; c'est la croyance en une jouissance absolue attribuée à la Chose maternelle, et qu'il serait possible d'accomplir dans un rapport incestueux, donc un rapport avant tout sexuel. Or pour la psychanalyse, non seulement l'acte incestueux (au sens mythique) est impossible, mais "il n'y a pas de rapport sexuel" inscriptible symboliquement, pas de signifiant pour inscrire comme telle la jouissance. En matière de signifiant, il faut se contenter du Phallus qui n'est certes pas le signifiant de la jouissance absolue, mais exactement le contraire. On peut bien écrire "sur" la jouissance, mais on ne peut pas l'écrire. Cependant cette question sur laquelle on a justement beaucoup écrit tend à masquer la principale, à savoir l'impossibilité non seulement d'écrire le rapport sexuel mais de théoriser la jouissance comme telle. D'où le recours à une pluralité des jouissances qui tend à en noyer le concept — d'où la complication également infinie du style de Lacan sur ces questions. ("Etudes lacaniennes", un site de Didier Moulinier, article "Jouissances")>>.


(m) Voir Absolu. Ajustement des croyances. Antithéisme. Convertibilité. Crise des fondements. Croyance collective. Croyance enracinée. Croyance intégriste. Curé Meslier. Déterminisme causal. Erreur collective. Fantasme. Intelligence collective. Intégrisme du marché. Jeter l'enfant avec l'eau du bain. Main invisible. Mensonge convaincu. Pensée de groupe. Rumeur.


(n) Lire "Apprentissage Individuel". "Apprentissage Organisationnel". "Haine Autre". "Loi des Débouchés ou Keynes04". "Mise Mutuelle". "Originalité de Keynes ou Keynes01". "Réalité Représentations". "Réseaux Nomades".






* * *


Auteur.

Hubert Houdoy

Mis en ligne le Mercredi 2 Juillet 2008



Explorer les sites.

Réseau d'Activités à Distance

A partir d'un mot

Le Forez

Roche-en-Forez



Consulter les blogs.

Connaître le monde

Géologie politique


Nota Bene.

Les mots en gras sont tous définis dans le cédérom encyclopédique.