(I) Marche



(a) Définition. Une marche, terme de 1354, est la "trace d'un animal ou d'un homme".


(b) Evolution. Au XVI ème siècle, la signification du mot devient "action de marcher".


(c) Diversification. En 1528 apparaît l'acception "gradin dans un escalier".


(d) Etymologie. Le francique <markon> signifie "marquer", "imprimer le pas".


(e) De la marche à la marque. Les prostituées d'Alexandrie ont décidé d'aménager la trace de leurs pieds dans le sable, pour imprimer leur marque propre et promouvoir leur image de marque. Si l'un d'eux le reconnaît volontiers, à demi-mot, les fils de pub sont des fils de putes.


(f) Pour Montaigne, <suivre une marche> et <tenir un marché> sont deux expressions du choix personnel d'un itinéraire.


- <<A quoy Cinna s'estant escrié qu'il estoit bien esloingné d'une si meschante pensee : "Tu ne me tiens pas, Cinna, ce que tu m'avois promis, suyvit Auguste ; tu m'avois asseuré que ie ne seroy pas interrompu. Ouy, tu as entreprins de me tuer en tel lieu, tel iour, en tel compaignie, et de telle façon." Et le veoyant transi de ces nouvelles, et en silence, non plus pour tenir le marché de se taire, mais de la presse de sa conscience : "Pourquoy, adiousta il, le fais tu ? Est ce pour estre empereur ? (Michel Eyquem, seigneur de Montaigne, "Les Essais", 1595, Livre I, Chapitre XXIII)>>.


(g) Voir Marches. Michel Serres.


Mot utilisé dans : Marche basse du horst. Marche intermédiaire du horst. Marche supérieure du horst. Peuple en marche. Première marche du horst.



(II) Marché



(A) Généralités.



(a) Définition courante. Polysémique, le mot <marché> est doté de plusieurs acceptions. Un marché, est :


- un "lieu public où l'on vend toutes sortes de denrées et d'objets" ;


- "une ville, une région, un pays où se font des transactions commerciales avec les nations étrangères" ;


- une "convention passée entre un vendeur et un acheteur" ;


- "ce qu'on achète au marché", d'où l'expression <faire son marché> ;


- "l'état de l'offre et de la demande", <le marché est très actif>, <le marché est instable>, <le marché est attentif>, <le marché est nerveux> ;


- "se dit de toute affaire, de toute convention".


(b) Apparitions du terme. En 980, dans la "La Passion du Christ", on trouve la forme <marched>. En 1080, dans "La Chanson de Roland", la graphie est devenue <marchiet>.


(c) Etymologie. Le nom latin masculin <mercatus, us> "commerce", "négoce", "trafic", "place de commerce", "marché", "foire", "assemblée", "réunion solennelle à l'occasion d'une fête religieuse", "fête populaire", vient du nom latin féminin <merx, mercis, génitif pluriel mercium> signifiant "marchandise", "denrée", "prix des marchandises", "récompense". Les deux féminins <merces, is> et <mercis, is> sont des formes archaïques.


(d) Figures de rhétorique. Le figure de la métonymie a fonctionné de la partie (marchandise) vers le tout (la place du marché), puis du tout vers la partie (l'échange entre offreur et demandeur).


(e) Dérivés :


- Un marché noir est une transaction commerciale illégale. Pendant l'Occupation nazie de la France, le marché noir a financé aussi bien la Collaboration que la Résistance.


- L'expression <à bon march>, datant du XIII ème siècle dans le "Roman de Renart", signifie "à un prix peu élevé". D'où le paradoxe ou sophisme suivant : Tout ce qui est rare est cher ; or un cheval bon marché est rare ; d'où <un cheval bon marché est cher>.


- <Faire bon marché d'une chose> signifie "en faire peu de cas". C'est tout à fait vrai lorsque l'on dit <je ne donne pas cher de votre peau>. Comme le fait remarquer le toujours judicieux et parfois impertinent Astérix, <c'est normal, puiqu'il nous a à l'oeil>.


- Selon les bons ouvrages, c'est sous la plume de Marivaux, en 1735, qu'apparaît l'expression <par-dessus le marché> signifiant "en outre", "de plus". A dire vrai, Jean de La Fontaine l'employait déjà dans sa "Vie d'Esope le Phrygien" (1688).


(f) Après que la Révolution française ait posé le principe de la propriété privée, même la Providence divine, jadis objet de mystères, devient redevable au terme <marché>.


- <<Le brevet de Napoléon ne peut être du premier ministère de Servan, puisque la pièce porte la date du 30 août 1792 ; il doit être de son second ministère ; cependant il existe une lettre de Lajard, du 12 juillet, adressée au capitaine d'artillerie Bonaparte. Expliquez cela si vous pouvez. Bonaparte a-t-il acquis le document en question de la corruption d'un commis, du désordre des temps, de la fraternité révolutionnaire ? Quel protecteur poussait les affaires de ce Corse ? Ce protecteur était le maître éternel ; la France, sous l'impulsion divine, délivra elle-même le brevet au premier capitaine de la terre ; ce brevet devint légal sans la signature de Louis, qui laissa sa tête, à condition qu'elle serait remplacée par celle de Napoléon : marchés de la Providence devant lesquels il ne reste qu'à lever les mains au ciel. (François-René de Châteaubriand, "Mémoires d'outre-tombe", 1850, Partie II, Brevet de capitaine)>>.


(g) Il est vrai que, depuis longtemps, les événements étaient censés être déjà écrits sur le livre du destin païen (le fatum latin) ou de la Providence des Chrétiens.


- <<JACQUES. - Mon maître, mon maître, je vois que vous avez la tête corrompue, et qu'à votre agonie le diable pourrait bien se montrer à vous sous la même forme de parenthèse qu'à Ferragus.

LE MAITRE. - Cela se peut. Mais tu fus déniaisé, je gage, par quelque vieille impudique de ton village ?

JACQUES. - Ne gagez pas, vous perdriez.

LE MAITRE. - Ce fut par la servante de ton curé ?

JACQUES. - Ne gagez pas, vous perdriez encore.

LE MAITRE. - Ce fut donc par sa nièce ?

JACQUES. - Sa nièce crevait d'humeur et de dévotion, deux qualités qui vont fort bien ensemble, mais qui ne me vont pas.

LE MAITRE. - Pour cette fois je crois que j'y suis.

JACQUES. - Moi, je n'en crois rien.

LE MAITRE. - Un jour de foire ou de marché...

JACQUES. - Ce n'était ni un jour de foire, ni un jour de marché.

LE MAITRE. - Tu allas à la ville.

JACQUES. - Je n'allai point à la ville.

LE MAITRE. - Et il était écrit là-haut que tu rencontrerais dans une taverne quelqu'une de ces créatures obligeantes ; que tu t'enivrerais...

JACQUES. - J'étais à jeun ; et ce qui était écrit là-haut, c'est qu'à l'heure qu'il est vous vous épuiseriez en fausses conjectures ; et que vous gagneriez un défaut dont vous m'avez corrigé, la fureur de deviner, et toujours de travers. Tel que vous me voyez, monsieur, j'ai été une fois baptisé.

LE MAITRE. - Si tu te proposes d'entamer la perte de ton pucelage au sortir des fonts baptismaux, nous n'y serons pas de si tôt. (Denis Diderot, "Jacques le fataliste et son maître", 1792)>>.


(h) Autres références littéraires :


- <<Comment Renart et Primaut allèrent à la foire, et du bon marché qu'ils firent en chemin. Au point du jour, les deux amis se levèrent et plièrent les vêtemens du Curé, à la guise des marchands. Primaut coupa une hart, et les pendit à son cou ; Renart se plaça derrière lui comme son valet et, dans cet appareil, ils prirent gaiement le chemin de la foire. Ils ne marchèrent pas longtemps sans faire la rencontre d'un prouvère, qui justement se rendoit à la foire pour y acheter un surplis, une étole et une aumusse ; mais il vouloit commencer par aller déjeuner chez un de ses confrères, auquel il portoit une oie des plus tendres et des plus grasses. Renart fut le premier a l'appercevoir. "Bonne aventure, compain," dit-il à Primaut, "je vois, là devant nous, un prêtre qui, si je ne me trompe, va nous être de grand secours. Peut-être nous achètera-t-il nos habits, ce seroit autant de gagné ; car, en pleine foire, on peut nous soupçonner de les avoir volés, et nous paierions alors un mauvais l'écot. D'ailleurs, le prouvère porte un bel oison dont nous aimerions assez à goûter. Que vous en semble ? - Il faut faire ce que tu dis là". (Anonyme, "Le Roman de Renart", 1200, Livre I, Chapitre XI)>>.


- << Ha! que vous feriez bien plus sagement de renoncer tout à coup à l'ambition ! Peut-être qu'elle vous donnera de temps en temps quelques légères inquiétudes ; mais toujours, en aurez-vous bien meilleur marché, et il vous sera bien plus aisé de la retenir que lorsque vous lui aurez laissé prendre goût aux honneurs et aux dignités. Vivez donc content de ce que vous êtes, et surtout que le désir de faire du bien ne vous fasse pas désirer une condition plus relevée. (Jacques-Bénigne Bossuet, "Sermon sur l'Ambition", 1643)>>.


- <<Comme je parlais haut, on s'aperçut que j'étais éveillé ; on entra chez moi, et je revis l'écueil de ma raison. Il avait l'air désintéressé, modeste, soumis, et ne m'en parut que plus dangereux. Il m'annonçait un tailleur et des étoffes ; le marché fait, il disparut avec lui jusqu'à l'heure du repas. (Jacques Cazotte, "Le Diable amoureux", 1772)>>.


- <<Nous possédions outre-mer de vastes contrées : elles offraient un asile à l'excédent de notre population, un marché à notre commerce, un aliment à notre marine. Nous sommes exclus du nouvel univers, où le genre humain recommence : les langues anglaise, portugaise, espagnole servent en Afrique, en Asie, dans l'Océanie, dans les îles de la mer du Sud, sur le continent des deux Amériques, à l'interprétation de la pensée de plusieurs millions d'hommes ; et nous, déshérités des conquêtes de notre courage et de notre génie, à peine entendons-nous parler dans quelque bourgade de la Louisiane et du Canada, sous une domination étrangère, la langue de Colbert et de Louis XIV : elle n'y reste que comme un témoin des revers de notre fortune et des fautes de notre politique. (François-René de Châteaubriand, "Mémoires d'outre-tombe", 1850, Partie I, Anciennes possessions françaises en Amérique)>>.


- <<Grandet regarda sa fille sans trouver un mot à dire. Il était un peu père, lui. Après avoir fait un ou deux tours dans la salle, il monta promptement à son cabinet pour y méditer un placement dans les fonds publics. Ses deux mille arpents de forêts coupés à blanc lui avaient donné six cent mille francs ; en joignant à cette somme l'argent de ses peupliers, ses revenus de l'année dernière et de l'année courante, outre les deux cent mille francs du marché qu'il venait de conclure, il pouvait faire une masse de neuf cent mille francs. Les vingt pour cent à gagner en peu de temps sur les rentes, qui étaient à 70 francs, le tentaient. Il chiffra sa spéculation sur le journal où la mort de son frère était annoncée, en entendant, sans les écouter, les gémissements de son neveu. Nanon vint cogner au mur pour inviter son maître à descendre : le dîner était servi. Sous la voûte et à la dernière marche de l'escalier, Grandet disait en lui-même : "Puisque je toucherai mes intérêts à huit, je ferai cette affaire. En deux ans, j'aurai quinze cent mille francs que je retirerai de Paris en bon or". (Honoré de Balzac, "Eugénie Grandet", 1833, "Amours de province")>>.


- <<Personne, dans l'Anjou, n'entendait mieux et ne pouvait prononcer plus nettement le français angevin que le rusé vigneron. Jadis, malgré toute sa finesse, il avait été dupé par un Israélite qui, dans la discussion, appliquait sa main à son oreille en guise de cornet, sous prétexte de mieux entendre, et baragouinait si bien en cherchant ses mots, que Grandet, victime de son humanité, se crut obligé de suggérer à ce malin Juif les mots et les idées que paraissait chercher le juif, d'achever lui-même les raisonnements dudit Juif, de parler comme devait parler le damné Juif, d'être enfin le Juif et non Grandet. Le tonnelier sortit de ce combat bizarre, ayant conclu le seul marché dont il ait eu à se plaindre pendant le cours de sa vie commerciale. Mais s'il y perdit pécuniairement parlant, il y gagna moralement une bonne leçon, et, plus tard, il en recueillit les fruits. Aussi le bonhomme finit-il par bénir le juif qui lui avait appris l'art d'impatienter son adversaire commercial ; et, en l'occupant à exprimer sa pensée, de lui faire constamment perdre de vue la sienne. (Honoré de Balzac, "Eugénie Grandet", 1833, "Promesses d'avare, serments d'amour")>>.


- <<Le spectacle de cette transformation accomplie par les souffrances qui consumaient les lambeaux de l'être humain dans cette femme agissait, quoique faiblement, sur le vieux tonnelier dont le caractère resta de bronze. Si sa parole ne fut plus dédaigneuse, un imperturbable silence, qui sauvait sa supériorité de père de famille, domina sa conduite. Sa fidèle Nanon paraissait-elle au marché, soudain quelques lazzis, quelques plaintes sur son maître lui sifflaient aux oreilles ; mais, quoique l'opinion publique condamnât hautement le père Grandet, la servante le défendait par orgueil pour la maison. (Honoré de Balzac, "Eugénie Grandet", 1833, "Chagrins de famille")>>.


- <<Monte-Cristo s'aperçut que Morrel se retournait ; il attendit.

Le jeune homme, en effet, voyait avec surprise que pas un mot n'avait été prononcé par ceux qui l'avaient amené, qu'il ne les avait pas payés et que cependant ils étaient partis. On entendait même déjà le battement des avirons de la barque qui retournait vers le petit yacht.

"Ah ! oui, dit le comte, vous cherchez vos matelots ?

- Sans doute, je ne leur ai rien donné, et cependant ils sont partis.

- Ne vous occupez point de cela, Maximilien, dit en riant Monte-Cristo, j'ai un marché avec la marine pour que l'accès de mon île soit franc de tout droit de charroi et de voyage. Je suis abonné, comme on dit dans les pays civilisés."

Morrel regarda le comte avec étonnement.

"Comte, lui dit-il, vous n'êtes plus le même qu'à Paris.

- Comment cela ?

- Oui, ici, vous riez. "

Le front de Monte-Cristo s'assombrit tout à coup.

(Alexandre Dumas père, "Le Comte de Monte-Cristo", 1845, Chapitre 117, Le 5 octobre)>>.


- <<En vain, pour agrandir ses horizons, pour oublier un peu le cercle et la place du Marché, en vain s'entourait-il de baobabs et autres végétations africaines ; en vain entassait-il armes sur armes, kriss malais sur kriss malais ; en vain se bourrait-il de lectures romanesques, cherchant, comme l'immortel don Quichotte, à s'arracher par la vigueur de son rêve aux griffes de l'impitoyable réalité... Hélas ! tout ce qu'il faisait pour apaiser sa soif d'aventures ne servait qu'à l'augmenter. La vue de toutes ses armes l'entretenait dans un état perpétuel de colère et d'excitation. Ses rifles, ses flèches, ses lassos lui criaient "Bataille ! bataille !" Dans les branches de son baobab, le vent des grands voyages soufflait et lui donnait de mauvais conseils. Pour l'achever, Gustave Aimard et Fenimore Cooper... (Alphonse Daudet, "Les Aventures prodigieuses de Tartarin de Tarascon", 1872, Episode I, Chapitre IV, Ils !!!)>>.



(B) Economie Politique ou Science Economique.



(a) Le marché est, avec le tissu social de la filiation et la pyramide de l'État, une des machines sociales les plus importantes dans l'organisation ou l'inorganisation de la société.


- <<Dans le Mogo, c'est-à-dire dans le pays des Mossi, on ne sait pas exactement quand le premier marché a été institué. Certains le font remonter au règne de Naaba Zombré qui a régné de 1681 à 1744, dont la mère aurait été l'initiatrice du premier marché. Il semblerait que les gens venaient voir son fils parce qu'il avait des audiences et elle a eu pitié de tous ces gens qui étaient assis, qui pendant des jours, parfois, n'avaient pas à manger. Elle a demandé l'autorisation à son fils de faire des galettes pour que les gens qui sont là puissent manger. Et d'autres ont certainement eu l'idée de faire du dolo, etc... Et finalement voilà le premier marché qui a été créé. Et la ville de Zignare aujourd'hui semble avoir été le lieu où le premier marché du pays Moaga s'est installé. À tel point que c'est ça qui a donné son nom à la ville Zignare. Zignare veut dire "du jamais vu". Et donc, quand les autres Mossi venaient voir qu'on "vendait", qu'on "échangeait" des galettes contre autre chose, ils disaient "on a jamais vu ça". À force de dire "on n'a jamais vu", ils ont fini par donner le nom au coin, de "jamais vu". Donc Zignare ça veut dire "jamais vu". Et c'est le marché que la mère du roi aurait créé qui lui aurait donné son nom. (J. P. Guingané, Conférence donnée en Afrique, cité par Dominique Temple, document du web)>>.


(b) Le marché est la plus récente de ces trois inventions.


- <<Polanyi souligne que le rôle des marchés, dans la vie économique de l'humanité jusqu'au XVème siècle, n'a jamais été que secondaire : les systèmes économiques étaient organisés selon les principes soit de la réciprocité ou de la redistribution, soit de l'administration domestique, soit d'une combinaison des trois ; de tels systèmes économiques peuvent durer fort longtemps sans que le besoin d'institutions marchande ne se fasse sentir. (Michel Aglietta et André Orléan, "La monnaie, entre violence et confiance", Odile Jacob, 2002, Chapitre II, marchandise et monnaie : l'hypothèse mimétique, page 39)>>.


(c) Selon l'étymologie retenue, le marché est rattaché aux limites géographiques de l'Etat (les marches tenues par des marquis) ou à la monnaie qui met en mouvement les marchandises.


- <<L'échange est un acte lié à la vie en société. Acheter ou vendre des biens, des services ou des valeurs mobilières sont des actes économiques d'échange ou de transactions économiques. Ces actes peuvent avoir été réalisés soit dans un magasin, une bourse, un salon, soit par téléphone, par télex, par télématique. Le lieu concret (physique) ou abstrait (théorique) de l'échange entre agents économiques s'appelle le marché. Le mot d'origine latine mercatus a pour racines merx et merci qui désignent les marchandises, c'est à dire les biens onéreux dont l'acquisition nécessite l'offre d'une contrepartie monétaire (échange monétaire) ou réelle (troc). Certains auteurs font dériver marché du mot allemand marka qui veut dire marche, autrement dit , une province frontière d'un État. Le marché apparaît alors comme un front (lieu de combat) ou une frontière où se rencontrent des vendeurs potentiels (offre) et des acheteurs potentiels (demande) de biens et de services. L'échange signifie que toute demande est une offre réciproque : un demandeur de biens offre de la monnaie et un offreur de biens est un demandeur de monnaie. Passer un marché, c'est faire un pacte ou un contrat qui revient à fixer les conditions de l'échange : déterminer le prix de l'unité de marchandises, les quantités fournies, la nature des moyens de paiement, la date de la livraison et la date de paiement. (Ahmed Silem, "Dictionnaire d'Economie", page 114)>>.


(d) Une société de marché est-elle possible ? A lui seul, le marché est incapable de produire une société. Le marché spécule sur des différences institutionnelles produites, au moins, par la filiation et par l'État. En outre, la puissance de l'Etat (police, armée, justice) doit faire respecter le principe de la propriété privée et l'accomplissement des termes des contrats marchands. Et si ces forces étaient à vendre, il n'y aurait bientôt plus de marché.


- <<La recherche du profit constitue l'essence de l'économie de marché. Mais lorsque tout est à vendre, la cohésion sociale s'effrite et le système s'effondre. (Jacques Delors, Jacques Santer, Helmut Schmidt, Massimo d'Alema, Lionel Jospin, Pavvo Lipponen, Goran Persson, Poul Rasmussen, Michel Rocard, Daniel Daianu, Hans Eichel, Par Nuder, Ruairi Quinn, Otto Graf Lambsdorff, "La finance folle ne doit pas nous gouverner", in Le Monde, Jeudi 22 Mai 2008)>>.


(e) Mais le marché à ses propres lois, en particulier la loi de l'offre et de la demande, ce qui suppose que la société lui fasse une place, en aménageant ses propres lois, ne serait-ce que pour reconnaître pleinement (capitalisme libéral) ou pour limiter (capitalisme d'Etat) la propriété privée.


- <<A l'origine du marché capitaliste, il y a la mise en vente du temps humain, notre vie. Le marché capitaliste n'existe pas s'il ne parvient à sectionner notre temps de vie, à en transformer au moins une partie en marchandise. Il faut que nous procédions à cette mise en vente pour pouvoir obtenir en échange ce qui est présenté sur le marché. Et comme le marché étend son empire sur des biens qui nous sont absolument nécessaires, il nous est absolument nécessaire, pour survivre, de vendre une part de notre vie et d'en perdre ainsi le contrôle. Cette partie de nous-même passe alors sous l'empire des fameuses lois du marché, lois qui échappent à l'organisation consciente et concertée des hommes (c'est à dire la part civilisée des relations humaines, la part démocratique de la vie sociale), lois auxquelles, sous peine, nous dit-on, de catastrophes infernales, nous sommes invités à nous remettre. (Jean-Louis Sagot-Duvauroux, "Pour la gratuité", Desclée de Brouwer, 1995, mais aussi document du web)>>.


(f) Marchés aveugles. Hormis les lois sociales et politiques qui lui font une place, le marché est un lieu où règnent l'inconscience naturelle et les automatismes, prétendument conduits par une main invisible vers un optimum. En effet, la règle des marchés est de se soumettre au jeu de l'offre et de la demande.


(g) La séparation du producteur et du consommateur, comme offre et demande, permet de masquer bien des contradictions. Melville se plait à relever ces paradoxes.


- <<... les points qu'avaient jadis occupés les yeux de la baleine étaient remplacés par des protubérances aveugles, horriblement pitoyables à voir. Mais il ne pouvait être question de pitié ici. Malgré sa vieillesse, son unique nageoire, et ses yeux aveugles, elle était vouée à la mort par assassinat, afin de donner de la clarté aux joyeux mariages et autres festins de l'homme, et aussi à illuminer les solennelles églises dans lesquelles il est prêché que tous doivent être absolument inoffensifs envers tous. (Herman Melville, "Moby Dick", 1851, traduction de Jean Giono, Gallimard, 1941, page 381)>>.


(h) Voir Esclavage. Esclave. Marché d'acheteur. Marché de vendeur. Marché du travail. Marché physique. Marché à terme. Marché homogène. Marché national. Marché risqué. Marché spéculatif. Marchés. Marchés d'esclaves. Marchés financiers. Tentation.


(i) Lire "Equilibre Classique". "Chômage Classique". "Chômage Keynes". "Critiques à Keynes". "Inclusion Exclusion". "Causes Chômage". "Don Mauss".


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Auteur. Hubert Houdoy le Vendredi 23 Mai 2008



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