illustration

Réseau d'Activités à Distance

rad2000.free.fr

Sommaire



Vous lisez

http://rad2000.free.fr/approrg1.htm


L’Apprentissage Individuel




* Racine


Ce document appartient au Cycle des Apprentissages Individuels et Organisationnels.





* Plan


Introduction

1. L’apprentissage individuel

2. La mémoire individuelle

Conclusion





* Introduction


Après les explications sur le déficit de connaissance et la découverte de la contradiction entre Apprentissage et Organisation, cet article est une première plongée dans le thème de l’apprentissage organisationnel. Nous commençons donc par ce que chacun de nous a déjà pratiqué et qu’il n’est pas question d’abandonner sous prétexte de capitalisation informatique des informations dans des systèmes à base de connaissances . Nous abordons aux rives de l’apprentissage individuel. Sans lui, aucun apprentissage organisationnel ne serait possible.


La compréhension de ce texte suppose la connaissance de quelques articles déjà publiés sur le Réseau d’Activités à Distance. Ces articles sont cités dans cette introduction. Ils sont accessibles par des liens hypertextuels. D’où les trois rapides préambules:


(a) L’Organisation apprenante


Un nombre croissant d’auteurs considère l’entreprise comme une organisation apprenante . C’est ainsi que nous décrivons l’activité de conception comme un déplacement dans un Graphe d'Exploration des Possibles. La généralisation de la conception simultanée du produit et du process provoque un décloisonnement de l’entreprise. Mais l’entreprise doit aussi s’ouvrir sur l’extérieur. Les Trente Glorieuses, qui avaient vu le développement de la technostructure, sont maintenant derrière nous. Nous l’expliquons dans L'Origine Complexe des Organisations Virtuelles. Pour vendre, il ne suffit plus de séduire. Pour convaincre une clientèle exigeante, l’entreprise doit Concevoir le Produit et l'Usage en partenariat avec ses clients leaders. Les outils de la conception assistée par ordinateur facilitent ce Dialogue Technique en proposant des images virtuelles des produits en cours de conception. Mais ces techniques ont un coût matériel, logiciel, cognitif et méthodologique considérable. C’est pourquoi les investissements supportés lors de la conception doivent profiter à l’utilisateur industriel. Ce souci est à l’origine du projet français de normalisation des Bases de Composants Mécaniques. Sans supprimer la concurrence sur le marché, on passe de la compétition au partenariat, de l’entreprise-citadelle à l’entreprise en réseau. La recherche, comme exploration des possibles, et le dialogue avec ses partenaires en font une entreprise apprenante.


(b) La société apprenante


Il est plus rare de considérer la nation ou la société civile comme une organisation apprenante. Pourtant ce changement de perspective est encore plus nécessaire que pour l’entreprise. Il participe de la même évolution. Il relève le même défi. Les discours qui prophétisent la fin du travail témoignent d’une totale indifférence à la problématique de la productivité. Les travaux de la nouvelle école classique, que nous avons abordé dans Flexibilité, Inflation et Chômage manifestent les conséquences désastreuses des illusions sur la productivité. Si les entreprises doivent instaurer un dialogue technique sur la base de la valeur d’usage , les partenaires sociaux doivent introduire la productivité du mode de vie au coeur du dialogue social. Nous le suggérions dans Syndicats et Chômage. Plus généralement, il est temps d’explorer les liens entre Mode de Vie et Chômage. Car nous avons pris de mauvaises habitudes en exportant notre inflation à la périphérie d’un monde hérité du pacte colonial. Notre obsession pour la valeur d’échange masquait l’échange inégal d’hier. Elle provoque, aujourd’hui, un déplorable fatalisme devant la délocalisation des productions industrielles. Une analyse erronée suggère des remèdes trompeurs. Les conditions ne sont plus réunies pour les plans de relance . C’est pourquoi il est urgent de comprendre que la théorie keynésienne du chômage ne concerne pas le pouvoir d’achat mais la convergence des anticipations. Il est d’autant plus intéressant de comprendre en quoi l’entreprise devient une organisation apprenante que nous sommes persuadés que la société doit se comporter de la même manière. Évitons que la mondialisation ne fasse de nos sociétés, tétanisées par la peur, des paralytiques guidés par des marchés aveugles.


(c) Le sujet apprenant


Il n’y a pas d’apprentissage organisationnel sans apprentissage individuel. Car les connaissances ne trouvent place que dans les cerceaux individuels. Mais l’apprentissage individuel est fortement limité par le conformisme et toutes les idées fausses sur l’apprentissage. C’est pourquoi nous aurons à faire le point sur la Psychologie Génétique.


Mais l’apprentissage individuel est encore conditionné par l’idée que l’individu se fait de lui-même et de ses possibilités d’apprentissage autonome. D’où l’importance de l’émergence du Sujet dans notre troisième forme de modernité.


Le mythe littéraire de Robinson Crusoé nous donnera une bonne idée de cette évolution technique, écologique, politique, morale, affective et cognitive du sujet apprenant .


Est-il nécessaire de rappeler que nous suggérons à chacun de se comporter comme un sujet apprenant ? C’est ce que le Réseau d’Activité à Distance vous propose avec la recherche par le dialogue. <<Ce qui caractérise en effet le monde de la liberté, de la qualité et de la primauté des rapports humains dans lequel nous entrons, ce n’est pas moins d’organisation mais plus d’organisation. Le paradoxe moderne, c’est que plus les individus sont libres, plus une anarchie humainement acceptable ne reste possible qu’avec un supplément extraordinaire d’organisation (Michel Crozier, p. 40)>>.


Il nous reste à explorer les voies qui mènent de l’ apprentissage individuel à l’ apprentissage organisationnel . Pour cela, nous rendrons compte d’un travail de Daniel H. Kim de la MIT Sloan School of Management. Nous le confronterons à des travaux plus anciens de Jean Piaget.





1. L’apprentissage individuel


C’est toujours par leurs individus que les organisations apprennent. Mais toutes ne favorisent pas l’ apprentissage individuel . Il n’y a pas si longtemps, chercher à comprendre c’était déjà désobéir. Et plus rares sont les organisations qui se préoccupent de capitaliser les connaissances acquises par leurs membres. Mais il est un troisième point, peu traité par la littérature académique: il concerne la multitude des formes d’apprentissage. Toutes les formes d’apprentissage ne sont pas tournées vers la formulation écrite, la verbalisation orale voire la soutenance d’une thèse de doctorat. Et les chercheurs ont tendance à privilégier les apprentissages qui se manifestent dans les formes qui leur sont coutumières. L’entreprise, jusqu’à ce jour, n’avait pas un tel souci. Au fur et à mesure qu’elle se préoccupe de capitalisation des savoirs-faire et des connaissances, elle leur donnera des formes adaptées à son contexte particulier. Il nous semble que les nouvelles formulations sont aussi différentes de la tradition industrielle (savoir-comment) que de la tradition académique (savoir-pourquoi). En effet, chaque tradition correspond à un objectif particulier, limité, parfois auto-suffisant, dans un monde qui changeait lentement. Aujourd’hui, chaque organisation doit modifier ses formes d’expression et ses règles de formalisation. Elle doit mobiliser plus rapidement ses connaissances dans des environnements plus versatiles.


Le Cycle OADI


Daniel Kim appuie son modèle sur le cycle d’apprentissage décrit par Kofman au MIT Sloan School of Management. Le Cycle OADI (Observe-Assess-Design-Implement) décrit un apprentissage que nous qualifierons de normatif. Il combine un apprentissage opérationnel (savoir-comment) et un apprentissage conceptuel (savoir-pourquoi). Dans le cycle OADI, l’Observation de l’expérience concrète est suivie par une Évaluation ou une réflexion sur les observations. Puis la Conceptualisation produit des concepts abstraits. Elle met fin à un mouvement qui va du concret à l’abstrait et amorce le mouvement inverse. La Réalisation teste la pertinence des concepts via leur implémentation dans la réalité par une nouvelle expérience concrète. Une nouvelle séquence OADI peut commencer.


Le cycle <<Observation - Évaluation - Conceptualisation - Réalisation>> nous paraît très satisfaisant. C’est une norme. Mais nous devons reconnaître qu’il n’est pas généralement observable. Ce point mérite quelques explications. Nous sommes persuadé que l’apprentissage réussi et transmissible implique la généralisation conceptuelle d’une expérience concrète. Cela correspond aux nombreux exercices que nous avons réalisé dans notre enfance studieuse. L’apprentissage, comme l’intelligence, est donc un équilibre entre l’ accommodation et l’ assimilation (Piaget). Il traduit un double mouvement qui va du concret à l’abstrait puis de l’abstrait au concret. Il combine donc le know-how avec le know-why. Il correspond à une situation optimale, normative, donc rare. Nous avons appris cela à l’Université. Mais nous avons rencontré de nombreuses résistances à ce modèle, tout particulièrement dans le milieu industriel. Dire que le changement organisationnel exige une analyse du concret, une formalisation abstraite et un retour au concret n’est pas une évidence pour tout le monde.


Les opérations propositionnelles


Dans le dernier chapitre de “La Psychologie de l’Enfant”, Jean Piaget décrit <<Le préadolescent et les opérations propositionnelles>>. Décrivant cette période cruciale de notre système scolaire, il écrit: <<On voit ainsi que, sans connaître aucune formule logique, ni la formule des “groupes” au sens mathématique (pas plus que le bébé ne la connaît quand il découvre le groupe pratique des déplacements), le préadolescent de 12-15 ans sera capable de manipuler des transformations selon les quatre possibilités: I (transformation identique), N (inverse), R (réciproque) et C (corrélative). Or N=RC; R=NC; C=NR et I=NRC, ce qui constitue un groupe de quatre transformations ou de quaternalité réunissant en un même système les inversions et les réciprocités, et réalisant ainsi la synthèse des structures partielles construites jusque-là au niveau des opérations concrètes (p. 111)>>. Nous voyons tout l’intérêt de l’ acquisition de cette double réversibilité. Pourtant, ceux qui savent la formuler en logiciens manifestent, d’une certaine manière, qu’ils ont su, mieux que d’autres, dégager les opérations formelles de leur gangue concrète et affective. Mais cet idéal abstrait rencontre de nombreux obstacles, de tous types. Sinon, comment expliquer qu’il soit plus simple de se séparer d’une vieille chaussette que de l’être aimé? Comment expliquer que l’opération de licenciement ne paraisse ni symétrique ni réversible au licencieur et au licencié? Le formalisme abstrait est bien universel et généralisable, mais son application à des objets concrets n’est pas indifférente au contexte, existentiel ou organisationnel, ni à la charge affective des objets . C’est d’ailleurs une des critiques souvent faite à la formulation piagetienne.


Ce difficile dégagement de la gangue concrète et affective n’est pas donné ou acquis par tous. Si le système scolaire fonctionne comme une machine de sélection, c’est bien sur ce point. Et c’est même là que se détermine le choix entre les études générales classiques et les études professionnelles spécialisées. Dans Pourrons-nous vivre ensemble?, Alain Touraine rappelle que <<L’école moderne voulut fonder une hiérarchie sociale nouvelle, fondée sur la compétence et non plus sur l’origine sociale, et elle hiérarchisa les connaissances selon leur niveau d’abstraction ou de formalisation (p. 329)>>. Ainsi, dans notre société industrielle , à la hiérarchie d’abstraction, acquise à l’école, correspond une hiérarchie sociale et organisationnelle. Selon le nombre d’années pendant lequel les études ont été poursuivies et selon le cursus suivi, cette capacité d’abstraction n’a pas été acquise au même degré.


L’exclusion de la parole


Qui plus est, ce dégagement n’est pas permis à tous. L’ organisation taylorienne est basée sur cette exclusion. <<Pour Taylor, et avec lui pour la fondation du modèle classique de la fin du XIXème siècle, il est impératif que les ouvriers soient exclus de la définition des nouvelles méthodes de travail et d'élévation de la productivité. Son objectif est précisément de priver les ouvriers de l'initiative qu'ils détenaient dans ce domaine pour la faire basculer du côté de la direction>> (Ph. Zarifian). C’est ce que nous rappelions dans notre contribution au travail collectif Évaluation de la Performance Industrielle. Or si notre époque assiste à la disparition de la classe ouvrière, c’est par la migration de ses membres dans les bureaux des entreprises. D’où la fameuse tertiarisation de l’industrie.


L’entreprise d’aujourd’hui demande à son personnel, en milieu ou fin de carrière, de développer des compétences qu’elle refoulait ou réprimait en tout début de carrière. C’est pourquoi Dominique Schnapper parle de génération sacrifiée. Il est d’observation courante que beaucoup de gens ont du compter sur leurs loisirs pour mettre en oeuvre, personnellement et concrètement, le cycle <<Observation -Évaluation - Conceptualisation - Réalisation>>. Pour d’autres, l’association inconsciente entre hiérarchie et abstraction provoque toutes sortes de blocages. Nous l’avons souvent constaté dans les groupes de réflexion que nous avons animé. Ces blocages peuvent être de trois types:





Spécialiste incontesté, Hervé Sérieyx a donné de nombreux exemples des obstacles organisationnels rencontrés par les cercles de qualité. Sans remettre en cause le cycle OADI , nous le considérons comme un modèle idéal (Max Weber, idéal-type). Nous devrons envisager les nombreux cas où il fonctionne de manière très incomplète. D’ailleurs, Daniel Kim le décompose en apprentissage opérationnel (Réalisation - Observation) et en apprentissage conceptuel (Évaluation - Conceptualisation) montrant que le cycle peut connaître toutes sortes de pondérations.





2. La mémoire individuelle


L’apprentissage n’est pas compréhensible sans le rôle de la mémoire. Or, la mémoire est un processus actif. Elle se distingue de l’enregistrement passif. Nous verrons, dans le cycle consacré à la sémantique psychologique, qu’il s’agit d’une mémoire énergétique et signifiante . Pour l’instant, voyons en quoi la mémoire des connaissances se distingue de l’enregistrement ou de la mémoire des informations . <<Toute conservation du passé n’est pas mémoire. (Jean Piaget)>>. Elle implique justement une abstraction des circonstances particulières et l’acquisition d’un schème. <<Car un schème (du schème sensori-moteur jusqu’aux schèmes opératoires: classement, sériation, etc.) se conserve par son fonctionnement, même indépendamment de toute mémoire: ou, si l’on préfère, la mémoire d’un schème c’est ce schème lui-même (Piaget, p. 64)>>. Parmi les mécanismes de la mémoire, on peut donc distinguer <<la récognition, qui joue en présence seulement de l’objet déjà rencontré et qui consiste à le reconnaître, et la mémoire d’ évocation qui consiste à l’évoquer en son absence par le moyen d’un souvenir-image (Piaget, p. 63)>>.


Si la récognition est précoce dans l’ontogenèse comme dans la phylogenèse, la mémoire d’évocation n’apparaît qu’avec la construction des images-mentales et la maîtrise du langage. La récognition est individuelle et inconsciente. On peut supposer qu’elle concerne des symboles et non pas des signes. Comme les réminiscences, elle suppose un système d’enregistrement et des liens largement inconscients. Par contre, l’évocation est constructive. Elle requiert l’élaboration de structures mentales, parmi lesquelles se trouvent les modèles mentaux.


Les modèles mentaux contiennent notre représentation, très personnelle, du monde. Ils conditionnent non seulement nos actions mais notre perception. Même notre vision et notre discrimination des sons dépendent de nos modèles mentaux permanents ou transitoires (contexte). Les modèles mentaux sont nécessaires à notre re-connaissance du monde. Mais ils sont aussi des filtres polarisant dans notre perception de la réalité.


Daniel Kim distingue deux types de modèles mentaux individuels: les cadres (frameworks) et les habitudes (routines). Ils sont liés aux deux modes d’apprentissage. Ils participent aux deux dominantes possibles du cycle OADI.







* Conclusion


Une première présentation de l’apprentissage individuelle était nécessaire pour aborder la métaphore de l’apprentissage organisationnel puis les formes de la mémoire organisationnelle.


Mais un véritable apprentissage organisationnel dans l’entreprise soulève d’autres exigences psychologiques et politiques. Il n’y aura pas d’ organisation apprenante qui ne soit constituée par des sujets apprenants et active dans une société apprenante . C’est pourquoi nous chercherons, dans le personnage de Robinson Crusoé les conditions du sujet apprenant.





* Auteur


Hubert Houdoy

Créé le 27 Juin 1997

Modifié le 20 Juin 1999





* Suite


L’Apprentissage Organisationnel





* Bibliographie


The Link between Individual and Organizational Learning

Daniel H. Kim

MIT Sloan School of Management

Sloan Management Rewiew/Fall 1993


From Decision to Action in Organizations:

Decision-making as a Social Representation

Hervé Laroche

Organization Science

Volume 6, Numéro 1, January-February 1995


Commenté dans La Prise de Décision comme représentation sociale


Face à la complexité

Mettez du réseau dans vos pyramides

Hervé Sérieyx, Hervé Azoulay, Groupe CFC

Éditions Village Mondial,

Paris 1996

252 Pages

146 F


Commenté dans Mettez du réseau dans vos pyramides


Organizational Learning: A Theory of Action Perspective

C. Argyris et D. Schon

Reading, Massachusetts

Addison-Wesley, 1978


Lecture slides

F. Kofman

MIT Sloan School of Management

Cambridge, Massachusetts, 1992


La Psychologie de l’Enfant

Jean Piaget et Bärbel Inhelder

Que Sais-je 369

PUF, Paris, 1975


Commenté dans Épistémologie Génétique


Pourrons-nous vivre ensemble? Égaux et différents

Alain Touraine

Fayard, 1997.


Commenté dans Pourrons-nous vivre ensemble?


L’entreprise à l’écoute

Apprendre le management post-industriel

Michel Crozier

Seuil, 1994


Commenté dans L’entreprise à l’écoute


Travail et communication

Essai sociologique sur le travail dans la grande entreprise industrielle

Ph. Zarifian

Sociologie d'aujourd'hui

PUF, Paris, 1996







* Définitions


Les termes en gras sont définis dans le glossaire alphabétique du R.A.D.









* Retours







* Pour votre prochaine visite


Quoi de neuf sur le Réseau d'Activités à Distance?


Reproduction interdite
Association R.A.D. - Chez M.Houdoy - 18, rue Raoul Follereau - 42600 Montbrison - FRANCE.
* Fax: 04 77 96 03 09
Mise à jour: 24/12/1999