Reseaux Nomades


Vers un Monde de Réseaux et de Nomades


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Septième document du cycle "Marchés et Métiers".


Il est la suite de "Economie Crédit" ; "L'Economie de Crédit" (econcred.htm)


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Les notions, utilisées ici, de nomade, de nomade primitif, de nomade moderne, de système spontané et de réseaux socio-techniques sont explorées dans le Cycle "Robinson Crusoé".


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o Plan


Introduction

1. L'État et l'Entreprise dépassés

2. Organisations Réelles et Marchés Chaotiques

3. La Revanche de l'Individu

4. Produits Financiers et Informatisation de l'Appropriation

5. Réseau d'Ordinateurs, nouveau support de la Représentation

6. Projet Totalisant ou Projets Communicants

7. Du Nomade Primitif au Nomade Moderne

Conclusion


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o Introduction


Nous avons vu, dans l'histoire "Des marchés et des Métiers", que le commerce mondial et l'entreprise industrielle se sont développés dans la mise en contact des domaines féodaux, des royaumes européens et de territoires lointains pillés puis colonisés. Les contradictions féodales étaient exprimées dans une hiérarchie guerrière et aristocratique. Ces contradictions de la domination furent utilisées par les marchands, sous la forme de la séduction. Nous avons assisté à la destruction d'une vision moniste de la société, par une transformation progressive de ses représentations intellectuelles, politiques et symboliques.


Dans cette Histoire, l'entreprise émerge, peu à peu, comme la seconde organisation structurante de la société moderne. Son modèle est celui de l'entreprise industrielle. D'où l'expression de société industrielle forgée par Raymond Aron. En conséquence, d'un point de vue économique, la société est perçue comme une multitude de marchés. L'entreprise est vécue comme une collection de métiers. D'où notre formule "Des Marchés et des Métiers".


En outre, la monétarisation, l'équivalence générale des marchandises et le fétichisme de la monnaie ont permis une dévalorisation du discours fondateur de la religion. Le développement d'un discours de la raison, plus formel et centré sur un objet particulier spécialisé, a favorisé une multiplication d'institutions cloisonnées, gérant des disciplines qui se veulent indépendantes.


Aujourd'hui, nous assistons à deux nouvelles mondialisations. Après la mondialisation Paléolithique du peuplement humain (à partir de Lucy) et la mondialisation du commerce de longue distance (à partir de Christophe Colomb), nous assistons à celle de la production industrielle et à celle de l'automatisation de la transmission des informations. Ces deux mondialisations tendent à faire des industries de vastes réseaux socio-techniques et de l'individu un nomade moderne (parfois immobile devant son écran).


En effet, une "Crise du Salariat" accompagne la mondialisation de la société industrielle. S'y ajoute une crise des relations. Ces crises semblent remettre en question :


- les mécanismes de l'intégration économique,


- ceux de l'appartenance à la société,


- ceux de la structuration psychique de l'individu.


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o 1. L'État et l'Entreprise sont dépassés


L'État territorial et l'entreprise citadelle sont dépassés. Ils sont dépassés en taille, par la mondialisation. Ils sont restructurés en fonctionnement : ils doivent mettre du réseau dans leurs pyramides. Ils sont symboliquement obsolètes comme supports d'identification : ils deviennent insignifiants.


- Financièrement parlant, la crise commune de l'Etat et de l'entreprise peut tourner à l'étreinte mortelle. C'est pourquoi les ultra-libéraux réalistes admettent maintenant l'existence de l'État. En outre, ils appellent de leurs vœux l'émergence d'un troisième secteur.


- Topologiquement parlant, la notion de réseau est étrangère, autant à la continuité territoriale de l'État qu'à la pyramide hiérarchique de l'entreprise. Pourtant, le réseau progresse par l'automatisation et l'informatisation de la société industrielle. Nous assistons à de nouvelles problématiques spatiales, tant pour la compétition des nations que pour la concurrence des entreprises. La construction des réseaux socio-techniques se fait à l'échelle mondiale (Internet et consorts). Elle suppose le partenariat des entreprises et la collaboration des Etats. Aucun d'eux ne peut rester durablement à l'écart. La Chine communiste a du s'ouvrir à l'Internet. De nouveaux services seront distribués par ces réseaux à valeur ajoutée. Mais la conception des services requiert une nouvelle approche du produit, du catalogue et de l'utilisateur. Il s'agit de concevoir le produit et l'usage, l'objet et le sujet, dans le même projet.


- Symboliquement parlant, la crise de l'Etat providence et l'insuffisance d'un salariat sexiste se traduisent déjà par une grave crise de la conciliation. Cette crise est d'abord vécue au féminin. En effet, la reconnaissance sociale de la femme passe par l'accès au salariat. Mais ce dernier se réduit comme peau de chagrin. Pour la génération actuelle et pour les suivantes, l'emploi n'est plus une garantie. Sans l'illusion d'une appartenance, il n'y a plus d'identification à la norme. Entre un travail domestique non payé et la quête de la reconnaissance, il n'est pas facile d'être une femme libérée. Mais la femme n'est pas seule à remettre en cause la division sexuelle du travail, les divisions du travail et la division sexuelle des émotions.


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o 2. Organisations Réelles et Marchés Chaotiques


Pendant le développement, complexe, simultané, de l'Etat centralisé et de l'entreprise industrielle, nous avons constaté la prégnance des mécanismes d'appropriation. Ils n'ont pas disparu dans leur motivation : le besoin de la possession, la recherche d'une valeur-signe, la quête d'une position dans la société. Mais ces mécanismes d'appropriation se sont considérablement transformés dans leurs supports. L'économie de crédit tend à faire de chaque individu un actionnaire, si petit soit-il. D'où l'importance croissante des micro-décisions. Elles produisent un chaos structurant. Si bien que l'entreprise et l'Etat ne sont pas les seuls acteurs. Mais ils sont les seules organisations réelles.


La multiplication du crédit a provoqué le développement de marchés spéculatifs, bien au-delà de ce que pouvait imaginer Keynes. Sur ces marchés, se négocient de nouvelles valeurs-signes : non plus des titres de noblesse, mais des titres de propriété. Ces titres sont de plus en plus abstraits, car ils portent sur la monnaie.


Les placements sur les marchés financiers peuvent être plus rentables que les investissements dans la production. Ils soumettent l'entreprise, toujours à la recherche de capitaux, à de terribles contraintes. Nous n'en finissons pas avec la dialectique de la production et de l'appropriation. Mais cette dialectique rend les marchés de plus en plus chaotiques, car ils sont de plus en plus interconnectés. Leurs fluctuations fractales s'ajoutent, s'amplifient de manière non-linéaire. La concurrence entre les entreprises est renforcée par l'incertitude et par la violence des perturbations. Il faut que soient annoncés des licenciements pour que les actions montent à la Bourse. Le chômage exclut une partie de la société de l'économie capitaliste. Parfois, individus ou régions, ils sont même exclus de l'économie marchande.


Dans le même temps, le chômage réduit les recettes de l'Etat, alors que s'accroît le coût de son "traitement social". C'est le développement de ces activités spéculatives, par le développement du chômage, qui accentue le risque d'étreinte mortelle entre l'entreprise et l'Etat.


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o 3. La Revanche de l'Individu


- Les organisations, publiques ou privées, masquent le pouvoir réel de l'individu.


- Conditionné dans son métier, l'individu est imprévisible sur le marché.


- La source du chaos des marchés financiers réside dans les micro-décisions de millions d'agents anonymes.


- D'où une apparition paradoxale de la responsabilité individuelle. Par son faible poids personnel, chaque individu a tendance à se croire irresponsable des "choix de la société". Chaque individu pense que "ils" décident pour lui (la mode, les programmes de télévision, la hausse des prix, la baisse des revenus, les licenciements, etc). Pourtant ils ne sont que la somme de ces micro-décisions avec celles des autres individus. D'où la forme paradoxale de cette responsabilité.


- La stratégie d'appropriation individuelle (crédit, placement) renchérit le coût de l'investissement des entreprises. Elle inhibe la politique monétaire des États.


- L'entreprise ne peut plus garantir l'emploi ni l'employabilité. L'individu ne se lie plus à elle de la même manière.


- L'Etat ne peut plus garantir la rentabilité de ses diplômes, ni la nationalité des investissements sur son territoire.


La force de l'appartenance ne joue plus de la même manière dans ces grands systèmes, molaires et structurés. L'individu cherche une appartenance plus sauvage. Il la trouve dans des groupes fusionnels, mais dont il peut changer à tout moment. Les sectes récupèrent ceux dont les tendances fusionnelles sont trop fortes. Certaines d'entre elles (terrorisme) mettent en danger et narguent ostensiblement l'autorité des Etats les plus puissants.


La revanche de l'individu n'est pas son retour sur le devant de la scène. C'est à dessein que nous avons choisi le terme négativement connoté de <revanche>. Pour l'instant, l'individu a la force du faible. La capacité d'affaiblir les autres (le vote contestataire aux élections), celle de dégrader (les tags), celle de détruire (le vandalisme), parfois en se détruisant lui-même (le suicide du terroriste). Ce qui manque à l'individu, pour s'autonomiser, c'est la force de croire qu'il n'y a pas de loi de reproduction automatique de la société. L'individu n'a pas compris que <société> n'est qu'un mot. Tandis que lui, il est ou peut être une personne. Que <la société se reproduit> est une formule qui n'est vraie que dans la mesure où il croît qu'elle est vraie. La locution cesserait d'avoir une pertinence le jour où il fera la distinction entre croyance partagée et croyance commune, la seconde étant une croyance partagée à laquelle s'ajoute une croyance sur la croyance des autres. Tant que l'individu ne comprend pas (soit dans la société politique, soit sur les marchés de biens de consommation, soit sur les marchés financiers) son rôle ambigu dans la production de ce qu'il nomme magiquement <la société>, il se croira victime de celle-ci. Karl Marx avait eu l'intuition de ce fétichisme, mais il a complètement échoué à en faire la théorie. Depuis, grâce aux apports successifs de Sigmund Freud, de René Girard et de Michel Serres, un chercheur comme André Orléan en a donné une explication convaincante. Sur la base de ces constats, d'autres stratégies sont envisageables. Les milliers de contributeurs anonymes qui concourent à l'élaboration de Wikipédia illustrent une de ces possibilités. Le fonctionnement de cette encyclopédie collaborative montre qu'il suffit d'une petite organisation réelle pour aider à la réalisation du produit commun d'un vaste ensemble d'"Organisations Virtuelles".


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o 4. Les Produits Financiers et l'Informatisation de l'Appropriation


- Le développement de l'automatisation a donné une importance particulière au prix de l'énergie. D'où une lutte pour l'appropriation de la rente pétrolière (OPEP, 1973). Cette économie pétrolière est une cause de capitaux flottants, capitaux que les pays industrialisés essayent d'attirer.


- Plus généralement, les États ne peuvent plus contrôler la multiplication et la circulation de la monnaie, parce que le crédit s'est développé de manière trop considérable. Les salariés deviennent eux-mêmes les acteurs de la multiplication du crédit (crédit à la consommation, accession à la propriété immobilière) et des placements spéculatifs. Les salariés eux-mêmes spéculent sur l'intérêt (placements) ou sur les plus-values (bourse) qui dévalorisent le salaire et interdisent le plein-emploi (lire "Cycle Keynes"). En effet, le taux de profit industriel doit être supérieur au taux de l'intérêt réclamé par des capitaux anonymes.


- Le marché mondial relie, de manière de plus en plus connexe, des pays dont les niveaux de prix sont encore et durablement très différents. Avec la délocalisation des productions au sein des groupes multinationaux, les monnaies nationales ne protègent plus les salariés des pays à haut niveau de salaires de la concurrence des salariés des pays à bas niveau de salaires. Il existe une relation complexe entre les monnaies nationales (politique économique), les titres de propriété des entreprises et les produits financiers qui les combinent. Les fluctuations monétaires ne peuvent plus être maîtrisées à l'échelle de la nation. La charge de la dette des États devient très coûteuse. D'où l'apparition des unions monétaires (1970-1998). Ce qui contribue au fait que l'Etat nation soit dépassé. Joël de Rosnay pense que nous allons vers un macro-organisme planétaire, mais ce que nous avons dit sur la "revanche de l'individu" montre qu'il y a encore du chemin à faire :


- <<Après la phase cosmique, chimique, biologique, nous inaugurons le quatrième acte, que jouera l'humanité dans le prochain millénaire. Nous accédons à une conscience de nous-mêmes qui devient collective... On pourrait dire que nous sommes en train d'inventer une nouvelle forme de vie : un macro-organisme planétaire, qui englobe le monde vivant et les productions humaines, qui évolue aussi et dont nous serions les cellules. Il possède son système nerveux, dont Internet est un embryon, et un métabolisme qui recycle les matériaux. Ce cerveau global, fait de systèmes interdépendants, relie les hommes à la vitesse de l'électron et bouleverse nos échanges. (Joël de Rosnay, dans La plus belle Histoire du Monde, page 153)>>.


- Il existe un changement de nature dans les moyens de l'appropriation. Des valeurs, de plus en plus abstraites, ne donnent plus que des signaux chaotiques. En Mathématiques, l'invention de la théorie des ensembles, par Richard Dedekind et Georg Cantor, marque la perte du symbolisme du nombre. Depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, l'ordinateur a fait le reste. C'est donc un retour au signal. Par rapport aux signes, plus ou moins transcendants, des anciennes sociétés despotiques, le signal est une dévalorisation ou une démystification du signe. Les nouveaux signaux sont comme ceux qui s'échangent dans le chaos structurant de la nature. Nous avons vu l'échec de la totalisation de la Chrétienté. Le passage du signe au signal transforme radicalement la culture collective. Elle perd cette suprématie apparente du signe qui contribuait à l'illusion ethnique. La transcendance du signifiant contribuait à l'illusion d'une culture hors-nature ou supra-naturelle. Cette fois-ci, le sens ne peut plus être produit que dans l'instant et par l'individu. Il n'y a plus de sens commun hormis dans la standardisation machinique et la normalisation informatique. Aujourd'hui, à la "Bourse des valeurs", l'anonymat des micro-décisions, gérées par des algorithmes, est mis en oeuvre par des ordinateurs. Les institutions politiques de la représentation nationale ne sont plus adaptées pour faire face aux nouveaux défis. Ceux qui ne supportent pas cette perte de sens trouvent refuge dans des mouvements sectaires.


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o 5. Réseaux d'Ordinateurs, nouveaux supports de la Représentation


Corollaire de la mondialisation de la production et des échanges, nous assistons au développement d'un réseau mondial de communications. Son fonctionnement global suppose des normes communes. Ces règles échappent aux anciens monopoles nationaux. Quand ces normes techniques existent, on peut procéder à la dérégulation des télécommunications. Mais les entreprises participantes ne sont pas moins dépassées que les Etats. D'où une nécessaire spécialisation des entreprises. C'est en partenariat que les entreprises et les Etats réalisent la production de réseaux socio-techniques qui les dépassent. C'est la participation ou l'exclusion.


Dans d'autres domaines que les télécommunications, les entreprises sont dépassées par l'évolution des techniques, la lourdeur des investissements et la multiplication des savoir-faire. D'où une externalisation des activités non-stratégiques et un recentrage sur le cœur de métier. Pour mieux contrôler les coûts et pour mieux comprendre les besoins de la clientèle, on met en place une conception simultanée du produit, du process et de l'usage. D'autant que, soumis aux mêmes contraintes, les clients développent la variété et donc la production en petites séries. Ainsi, à l'intérieur et à l'extérieur de chaque entreprise, les activités s'interpénètrent. Le même outil doit permettre de travailler et de communiquer. Ce fait semblait inimaginable à beaucoup, très peu de temps avant sa réalisation. D'où le développement de l'ordinateur comme poste de travail universel. D'où la généralisation d'intranet comme outil de communication interne aux entreprises. Le rapport à l'information est considérablement changé. Le partage de l'information, par sa circulation, tend à remplacer le maintien de la hiérarchie, par la rétention d'informations.


Dans de nombreux domaines, on assiste à une généralisation de la modélisation mathématique. Réalisée par l'informatique, la modélisation autorise aussi un développement de la réalité virtuelle. Cette représentation préalable d'un produit ou d'un processus en cours de conception est un support au dialogue sur les besoins, sur les produits, sur les process et sur les usages. La réalité virtuelle rend possible une communication que ni la monnaie des marchés, ni le cloisonnement des institutions de l'Etat, ni la hiérarchie des métiers ne permettaient à ce jour.


L'automatisation et l'informatisation supposent la mise en place de réseaux interconnectés. Grâce à l'existence de ces réseaux, on assiste au développement des ordinateurs de poche, des assistants personnels, de nouveaux produits nomades. Certain de pouvoir se connecter et de pouvoir être contacté, le travailleur devient plus mobile. De sédentaire, le travailleur redevient nomade. Plus les produits connectables sont miniaturisés et nomades, plus les services doivent être incorporés dans le réseau. Si on achète encore un produit (téléphone mobile), c'est surtout un ensemble de services que l'on loue, d'où la multiplication des tarifs. Peu à peu, pour les mêmes raisons, la même transformation se fera pour la voiture et pour la maison. Une autre cause renforcera le phénomène. Pour des raisons écologiques, l'entreprise sera de plus en plus responsable des effets du cycle de vie de ses produits sur l'environnement. Les écotaxes (ou taxe carbone) seront calculées sur le cycle global. Responsable du recyclage de ses produits en fin de vie, l'entreprise devra passer de leur vente à leur location. Si elle ne le fait pas elle-même, ce sera dans le cadre de partenariats élargis. Le résultat global est le même. Les réseaux socio-techniques sont plus adaptés à une économie de location. Et le locataire est plus nomade que le propriétaire. Il espère trouver, ailleurs, la même qualité de service. D'où le renforcement des normes de qualité.


Le passage de l'économie de propriété à l'économie de location devrait faire baisser le niveau des prix dans les anciens pays industrialisés, pour mieux répondre à la concurrence des NPI. Il devrait aussi pousser à la séparation des activités de conception, de production matérielle, fortement automatisées, et de distribution (location). La location devrait fournir, aux entreprises de distribution, les revenus réguliers que l'économie de propriété ne garantit plus. La location est aussi le moyen de personnaliser un service, à partir de produits dont les fonctions d'usage sont prévues pour leur paramétrage. La location est aussi un moyen de fédérer des associations de locataires qui participent à l'élaboration du concept du produit avec lequel ou dans lequel ils veulent vivre et évoluer.


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o 6. Projet Totalisant ou Projets Communicants


La mise en place des réseaux socio-techniques modifie la prise de décision de l'entreprise citadelle. D'autre part, il n'y a plus d'instance hiérarchique (Etat mondial) pour coordonner l'ensemble. Il ne peut pas y avoir de projet totalisant, comme les grands travaux d'irrigation qui ont contribué à la mise en place des Etats despotiques de l'Antiquité.

D'où des transformations nécessaires dans les trois systèmes enchevêtrés :


- Le système productif doit fonctionner en réseau et non en citadelles.


- Le système d'appropriation doit fonctionner en location et non en propriété.


- Le système de justification doit fonctionner en projet et non en genèse.


Seuls, des projets globalisants et communicants peuvent réaliser la mise en place des réseaux socio-technique à l'échelle mondiale.


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o 7. Du Nomade Primitif au Nomade Moderne


Ainsi apparaissent les réseaux socio-techniques. Sur ces réseaux se déplacent de nouveaux individus. Ils sont libres. Non pas de vendre leur force de travail contre un salaire et une appartenance problématique. Ces individus sont au défi de devenir des personnes. Ils ne sont plus enchâssés dans les cases d'un monde de positions. C'est à eux qu'il incombe de produire un ensemble de significations dans des relations multiples, différenciées, provisoires, chaotiques, dynamiques, fractales. Tous les rôles prévus par les institutions, du fait de leur multiplication et de leurs contradictions, doivent être intériorisés par des instances psychiques capables de dialoguer entre elles. Ce ne sont plus les institutions qui divisent l'Etat. Ce sont les instances qui complexifient la personnalité.


Deux exemples nous ont permis de tracer à grands traits le portrait de ce nouvel individu.


- D'abord le mythe littéraire de Robinson Crusoé. Invité pour illustrer un détail de notre "Economie du Temps", il nous a fait la gentillesse de rester avec nous pour un long dialogue : le "Cycle Robinson". Robinson Crusoé nous a expliqué comment il avait fait de l'île du Désespoir d'un chasseur d'esclaves naufragé, l'île de Robinson Crusoé où l'on se bat avec courage contre le vrai cannibale et contre le cannibalisme social. Depuis le roman de Daniel Defoe, une métamorphose identique, celle de Rodrigo Mendoza, a été décrite dans un autre roman (Arthur Kemp) et portée à l'écran dans le film "The Mission" (Roland Joffé, Palme d'Or, 1986). En partant, Robinson Crusoé nous a fait cadeau du concept de nomade moderne et de la version masculine et solitaire du travail amoureux.


- Ensuite une femme d'Afrique. Elle représente l'Espoir pour beaucoup de gens que nous connaissons. Par son combat contre l'excision du clitoris, elle nous a montré quelles étaient les conditions concrètes du travail amoureux au masculin comme au féminin : la liberté pour la femme. Il s'agit de Waris Dirie, ambassadrice des Nations Unies pour les questions de "Mutilations Sexuelles". Les questions soulevées par son combat vont bien au-delà des ethnies directement concernées. La discussion française sur l'élargissement de l'institution du mariage (PACS) montre que la violence physique que nous avons connue avec les bûchers du Libre Esprit s'est transformée en une violence symbolique. La "Domination Masculine", comme forme de domination culturellement assistée, reste le modèle de la domination comme principe.


Curieusement, cette domination a été renforcée quand les nomades primitifs du Paléolithique sont très progressivement devenus les sédentaires cultivateurs du Néolithique. Et le plus curieux, c'est que la réussite professionnelle de Waris Dirie montre que la beauté de la femme est soumise aux mêmes enjeux et aux mêmes contraintes pour les nomades modernes que pour les nomades primitifs.


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o Conclusion



La compréhension des réseaux et des nomades, dont les outils et lieux d'expérimentation principaux sont le téléphone cellulaire, l'ordinateur portable, le réseau internet et les organisations virtuelles, nous permet de situer le contexte dans lequel des hommes naviguent sur des réseaux en semblant cliquer sur des souris.


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o Auteur


Hubert Houdoy

Créé le 10 Février 1998

Modifié, le 23 Avril 1999, le 27 Octobre 2002, le 2 Août 2003, le 11 Mai 2008


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o Suite


sourhomm : "Souris Hommes" ; "Des Souris et des Hommes"


o Présentation du cycle


marcmeti : "Des Marchés et des Métiers"


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o Définitions


Les termes en gras sont tous définis sur le cédérom encyclopédique.


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Mise à jour des liens hypertextuels : Mercredi 2 Juillet 2008



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