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La mémoire trouve son origine dans les affects

La force des émotions que nous ressentons est utilisée par notre cerveau pour mémoriser nos expériences. A titre de simplification, nous pouvons distinguer dans chaque expérience vécue, une partie affective (émotion ressentie) et une partie intellectuelle (la leçon que nous en tirons). C'est ainsi que Freud distinguait l'affect et la représentation.

La représentation (idée, image) est stockée en utilisant l'énergie de l'affect (émotion). Sans être juste ni probante, la comparaison avec l'informatique permet une analogie. Quand nous stockons des informations dans un ordinateur, nous utilisons toujours des fichiers. Pour chaque type d'information nous avons des logiciels spécialisés et des types de fichiers. Nous stockons des textes, des programmes, des images, des schémas, de la parole dans des fichiers appropriés. Il arrive que nous les stockions dans des dossiers ad hoc, en fonction des logiciels utilisés. Mais nous distinguons toujours le nom du fichier et le contenu du fichier. Les répertoires sont des fichiers spécialisés dans la mémorisation des noms des fichiers. Oublier les noms des fichiers est le meilleur moyen pour ne plus retrouver leurs contenus. Il en va, un peu, de même dans notre cerveau. Les mots que nous employons sont comme les noms des fichiers contenant notre expérience. C'est pourquoi il est si important de savoir mettre un nom sur chaque expérience. Une expérience actuelle que nous savons nommer est une expérience dont nous savons tirer la leçon. Elle est une expérience dont nous saurons tirer profit. "Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement. Et les mots pour le dire nous viennent aisément". Une expérience du passé dont nous n'avons pas tiré la leçon est une expérience que nous risquons de reproduire inconsciemment.

Les représentations semblent être mémorisées par proximité sémantique. Il semble que, pendant le sommeil, le rêve serve à classer et ranger les expériences de la veille (état vigile). C'est pourquoi nous ne pouvons nous passer durablement de sommeil sans perdre la mémoire puis la raison. Une idée peut provoquer le retour, la réminiscence, d'une idée similaire. C'est le principe de l'association d'idées (Freud) et de la mémoire associative (Intelligence Artificielle).

L'inscription est le mécanisme par lequel l'expérience s'écrit dans la mémoire. L'expérience est mémorisée sous son aspect émotionnel, affectif, énergétique ou concret et sous son aspect représentatif ou abstrait. Et comme toujours, le plus abstrait (signe) sert d'étiquette au plus concret (symbole). Le plus court (terme) résume le plus long (définition), selon l'élasticité du discours. Le plus léger (formes de la pensée) désigne le plus lourd (formes de la matière) selon la solidarité de la matière et de l'information. Comme l'adresse postale résume la multitude des chemins d'accès possibles.

La réminiscence est le mécanisme par lequel les souvenirs remontent à la conscience. C'est par association d'idées que les mots en appellent d'autres, que les sons évoquent des souvenirs, que les images rappellent des odeurs, que les gestes évoquent des sensations. C'est en multipliant les évocations ou les indices que l'on favorise les réminiscences. De même que sur les moteurs de recherche, c'est en multipliant les mots-clés que vous augmentez les réponses (ou logique) ou que vous précisez la sélection (et logique).

Certaines expériences ne reviennent pas à la conscience. Elles peuvent faire l'objet d'une "censure" du Sur-moi, comme le disait Sigmund Freud. Dans ce cas, la représentation ne revient pas dans la conscience. Mais pourtant elle se trouve dans une zone de la mémoire. Non seulement la représentation, mais toute l'expérience vécue, c'est-à-dire la représentation et les affects. Les noms de fichiers existent, mais ils n'apparaissent pas dans le répertoire système. Les fichiers existent, remplis d'énergie, mais nous ne savons ni les lancer ni les stopper. Ils se déclenchent comme des virus non décelés. Il y a refoulement de la représentation mais il n'y a pas suppression de l'affect. Cet affect, auquel le manque de représentation enlève toute possibilité de contrôle, est responsable de nos actes manqués et de beaucoup de nos échecs. La représentation ne revient pas dans le conscient et reste dans l'inconscient, pour parler comme Freud. La représentation ne remonte pas dans la mémoire de travail et reste dans la mémoire profonde, pour parler comme les informaticiens.

Les émotions qui ne remontent pas à notre conscience sont celles qui parasitent notre inconscient. Elles peuvent absorber une partie considérable de notre énergie. A une période de notre vie où nous avons grand besoin de mobiliser toute notre énergie, il peut être utile de faciliter les réminiscences. C'est pourquoi il importe de bien connaître son passé et de savoir en parler tranquillement. Mais il importe surtout de le faire au meilleur moment. Les questions pièges des recruteurs ne sont pas le meilleur instant pour que notre passé fasse irruption dans notre présent. Il vaut mieux s'y préparer à l'avance. Il faut favoriser les réminiscences dans des situations dont nous pouvons garder, pour partie, le contrôle. L'écriture, pour soi, est une de ses situations. C'est, en tout cas, celle que nous vous proposons. Et après un an d'exercice, nous mettons nos document de travail à votre disposition.

Hubert Houdoy

Créé le 25 Mai 1997

Modifié le 16 Juin 1998