Théorie substantialiste de la valeur


(a) La théorie substantialiste de la valeur est une intuition de Karl Marx, probablement pas partagée par Friedrich Engels (quoique !), selon laquelle la valeur serait une substance passant du travail vivant aux marchandises produites et permettant ainsi l'émergence de la plus-value.


(b) Issue de la substance, catégorie héritière d'une longue tradition philosophique, la théorie substantialiste de la valeur expliquerait que l'Histoire soit celle de l'exploitation de la force de travail et de la lutte des classes que cette exploitation implique.


(c) Pour nous, la valeur est une hypothèse, d'ordre méthodologique et non pas ontologique. Cette hypothèse est nécessaire pour expliquer les déterminations particulières de l'économie capitaliste de marché. Mais cette valeur n'est pas une substance. Elle est un peu comme l'espace pour Leibniz ou pour Ernst Mach. C'est une idée commode, invasive, mais trompeuse.


(d) C'est la théorie substantialiste de la valeur qui imposait à Marx le délicat problème de la transformation des valeurs en prix. Par contre, si la valeur est une valeur-signe, ce problème ne se pose pas. C'est le cas dans "l'Economie Politique du Signe", dont Jean Baudrillard a fait la critique.


(e) Le problème mathématique de la transformation des valeurs en prix de production a trouvé une solution mathématique en 2006. Dans un article intitulé "Des valeurs aux prix absolus. Essai de théorie économique rationnelle" (in Innovations, Cahiers d'économie de l'inovation, n° 24, éditions L'Harmattan, Innoval, 2006-2, pages 171-198), Laure van Bambeke révolutionne la théorie économique académique en introduisant la diachronie (qui peut entrer en contradiction avec la synchronie, principalement du fait du capital fixe constant). En outre, par rapport aux schémas de Marx, dans le Livre III du Capital, Laure van Bambeke introduit une distinction entre Biens de Consommation et Biens de Luxe. Celle-ci pourrait permettre le passage à la valeur comme signe, (Jean Baudrillard, "Pour un critique de l'Economie Politique du Signe") dans un modèle plus complexe qui introduirait le secteur de la distribution commerciale. Car, comme l'ont montré nos propres modèles de simulation, il est toujours possible de vendre un bien de consommation pour un bien de luxe et réciproquement, selon le lieu (commune, quartier) où il est distribué. A Carrefour Vénissieux le whisky est plus cher (pour la clientèle locale, ouvriers, employés, il est un luxe et doit être "cher" si on veut "marquer le coup") qu'à Carrefour Ecully (pour la clientèle locale, cadres, entrepreneurs, professions libérales, il est un bien de consommation courante, sur lequel on surveille le prix).


- <<Nous tirons de cette brève évocation de la théorie du cycle du capital plusieurs conclusions pratiques primordiales pour l'analyse du processus de transformation des valeurs des marchandises en prix de production :

1. Le capital fixe est l'interface entre le passé et le présent. En tant qu'élément du capital mort il transmet sa valeur au produit total de la période, sans redéfinition, par fractions constantes dont le montant dépend exclusivement de sa durée sociale d'utilisation.

2. La valeur de la production d'un cycle est la somme de la valeur transmise des périodes antérieures par les moyens de production et de la valeur ajoutée de la période considérée. Elle est égale à la somme des dotations aux amortissements du capital fixe, des salaires et des profits de la période.

3. Dans une branche, le capital consumé, c'est à dire les coûts de production, doit être distingué du capital engagé. Le taux de profit se calcule sur la base du capital engagé exprimé en prix de production (Kf+ x1ci + x2vi) et non pas du capital consumé (ai + x1ci +x2 vi).

4. Le capital total engagé en début de cycle de production est le fruit du travail des périodes antérieures. Son montant total, exprimé en équivalent général, est constant. Mais sa ventilation entre les branches est conditionnée par la structure des prix. Nous admettons qu'il n'y a pas de plus-value créée lors des échanges et que l'échange équivalent contre équivalent sert de point de départ de l'explication de la transformation de l'argent en capital.

4. La concurrence répartit les capitaux entre les branches de façon à satisfaire le besoin social :

Nous développons ici l'hypothèse que le marché existe comme une entité autonome par les mouvements des capitaux entre les branches. Selon les classiques, du fait de la mobilité des capitaux vers les emplois les plus productifs, le prix de marché tend à s'aligner sur le prix naturel ou valeur d'échange, et le taux de profit devient uniforme. Cette thèse fut développée par Ricardo dans le chapitre IV des Principes. K. Marx la reprend intégralement et évoque fréquemment à ce propos les écarts entre prix de marchés et prix de production. Mais il n'utilise pas la mobilité du capital dans sa théorie de la transformation des valeurs des marchandises en prix de production. Ainsi, pour illustrer ses propos concernant la formation du taux de profit moyen, il prend, au chapitre IX du livre III du Capital, l'exemple d'une économie rassemblant cinq branches dans lesquelles sont investis des montants de capitaux égaux. Ses exemples numériques sont construits sur l'hypothèse d'un capital engagé dans chaque branche égal à 100 unités monétaires. Ces capitaux possèdent des compositions organiques différentes, de 5% de capital variable à 40%. Tandis que le taux de plus-value est uniforme et égal à 100 %. En insistant sur le rôle des différences des compositions organiques, il en vient à négliger les transferts de capitaux d'une branche à l'autre et l'incidence des différences du volume de capital engagé dans chaque branche.

Cette hypothèse a été ensuite reformulée par la théorie académique sous une forme appauvrie : le taux de profit est égal dans toutes les branches mais son niveau est indépendant de la répartition du capital social entre les branches, du taux d'exploitation et des compositions organiques du capital. Cela revient à considérer une immobilité du capital entre les branches. Dans notre modèle nous adoptons une conception plus dynamique de la concurrence. Celle-ci est saisie à trois niveaux :

4.1. La concurrence entre les producteurs au sein d'une même branche (ou filière) qui produisent une même espèce de marchandise. L'homogénéisation des travaux individuels se fait alors autour de la notion de produit et se traduit par l'unicité du prix de vente de marchandises équivalentes ou substituables. Peuvent alors apparaître des sur profits relatifs en fonction de la dispersion des producteurs autour des conditions moyennes de production. Ceux-ci étant d'ailleurs toujours remis en cause par de nouveaux investissements, la recherche de nouveaux gains de productivité et la substitution du capital au travail. Ce niveau d'analyse joue un rôle primordial dans la compréhension de la dynamique du capital, notamment dans la tendance à l'élévation de la composition organique du capital dans les branches les plus concurrentielles, et, en conséquence, de celle de la composition organique sociale. C'est aussi à ce niveau que le phénomène d'obsolescence des machines, et plus généralement des process de production, doit être analysé.

4.2. La concurrence entre les capitaux et entre les branches : Elle se manifeste par des retraits des capitaux des branches où la rentabilité est significativement inférieure à la moyenne et à des transferts vers les branches à haute rentabilité ou à fortes potentialités. Nous considérons ces flux de capitaux entre les branches non comme une hypothèse abstraite mais comme le processus qui réalise l'égalisation d'un taux de profit homogène entre toutes les branches. Autrement dit, il ne peut y avoir égalisation des taux de profit sous l'hypothèse d'une rigidité de la répartition du travail social entre les branches, et notamment dans le cadre de la «reproduction simple». L'hypothèse première n'est pas l'établissement d'un taux de profit moyen mais la fluidité des capitaux entre les branches, qui est la condition nécessaire pour qu'un taux de profit moyen puisse exister.

4.3. La satisfaction du besoin social : Cette hypothèse nouvelle joue un rôle fondamental dans l'établissement d'une nouvelle solution au problème de la transformation des valeurs des marchandises en prix de production. Certains argumentent que les déplacements de capitaux entre les branches ne modifient pas les taux de profits individuels, avant péréquation. C'est tout à fait exact. Ces flux n'établissent pas un taux de profit moyen identique dans toutes les branches, mais ils modifient le niveau du taux de profit moyen, car, dans notre modèle,le taux de profit est déterminé dans l'espace des prix par la théorie de l'exploitation, selon la formule

p =e/ (a1 k1+a2 k2+a 3 k3+a4 k4 ) +1

Autrement dit, il dépend du taux d'exploitation, des compositions organiques de chaque branche et de la répartition du capital social. Il n'est plus défini par les seules conditions techniques de production comme dans la théorie dominante. (Laure van Bambeke, "Des valeurs aux prix absolus. Essai de théorie économique rationnelle", in Innovations, Cahiers d'économie de l'inovation, n°24, L'Harmattan, Innoval, 2006-2)>>.


(f) Contrairement à l'approche institutionaliste de la monnaie, la théorie substantialiste de la valeur est une croyance sociale en l'objectivité de la valeur.


(g) Voir Contradiction entre synchronie et diachronie. Croyance. Croyance collective. Domination. En soi. Exploitation ouvrière. Nombre. Schéma de transformation. Thermodynamique. Unité.


(h) Lire "AEH Valeur". "Statut Valeur".


(i) Sur le site web du Réseau d'Activités à Distance :


- "De Marx à Bill Gates, par Bruno Lemaire"

http://rad2000.free.fr/lemaire2.htm




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Auteur.

Hubert Houdoy

Mis en ligne le Jeudi 29 Mai 2008



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