Guerriers


(a) Les guerriers sont un des trois ordres de l'idéologie tripartite. Les guerriers sont les gardiens de l'ethnie et de son territoire. Ils exercent une domination sur les producteurs qui sont, dans la société traditionnelle, des cultivateurs.


(b) La justification de la domination des guerriers est assurée par l'ordre des prêtres : Dieu crée le monde. Il parle aux prêtres, qui sont ses délégués. Les prêtres éduquent et justifient les guerriers. Les guerriers commandent aux producteurs. Telle est la division politique du travail, selon l'idéologie tripartite ou tripartition en ordres.


- <<La tripartition est explicitement décrite dans le texte indien des Manavadharmasastra ou "lois de Manou" qui énumèrent : les brahmanes ou prêtres, qui ont pour tâche unique l'administration du "sacré" ; les kshatriya ou guerriers, qui ont pour devoir de protéger la société et d'en assurer le maintien ou l'expansion ; les vaishya , commerçants et artisans, qui ont pour obligation d'assurer la subsistance des prêtres et des guerriers. Restent à part les parias , autrement dit tous ceux qui sont indignes de faire partie de l'une ou l'autre des trois classes précédentes. La classification indienne servant de référence de base, on distingue donc : une première fonction, confiée à la classe sacerdotale ; une deuxième fonction, exercée par la classe guerrière ; une troisième fonction ; qui est celle des artisans et des producteurs en général. Les trois fonctions se partagent entre : les prêtres, les guerriers, les artisans, commerçants, agriculteurs, éleveurs. (Encyclopaedia Universalis, Article "Idéologie tripartie ou trifonctionnelle")>>.


(c) Dans la féodalité comme dans la Monarchie, le roi est le chef des guerriers.


(d) Le mépris des guerriers pour les activités de production (féminines ou serviles) est visible chez les pasteurs nomades de la steppe d'Eurasie, comme chez les chasseurs nomades de bisons de la Prairie américaine.


- <<Un mortel n'est pas pour moi digne d'estime, fût-il vainqueur à la course et à la lutte, eût-il la taille et la force des Cyclopes, fût-il plus agile que l'aquilon de Thrace, plus beau que Tythion lui-même, plus riche que Meidas et Cynoia, plus puissant que Pélops, fils de Tantale. Eût-il une voix aussi mélodieuse que celle d'Adraste, eût-il enfin tous les genres de gloire, il n'est rien s'il n'a pas la valeur guerrière. C'est un homme inutile à la guerre s'il ne supporte pas la vue d'un combat sanglant, s'il n'aspire pas à l'honneur d'affronter de près l'ennemi. La valeur est la plus précieuse qualité de l'homme; c'est le plus bel ornement du jeune guerrier. (Tyrtée, III ème Messénique)>>.


(e) En 1868, sous la pression du Parti de la paix, très présent sur la côte Est, le gouvernement des Etats-Unis signe un traité avec des peuples Indiens. Parmi les chefs Indiens se trouve Red Cloud. Le traité (non-lu par les Indiens et mal présenté par les interprètes) prévoit une aide alimentaire contre l'abandon de certains territoires de chasse le long de la route de l'Ouest et contre l'apprentissage de l'agriculture par les chasseurs nomades.


- <<Les quatre années à l'issue desquelles les humanistes de l'Est avaient promis que les Sioux seraient éduqués et transformés en agriculteurs auto-suffisants s'étaient achevées en 1873. En mai 1874, les Oglalas tinrent un grand conseil sur ce sujet, et après d'interminables disputes, ils décidèrent de protéger désormais ceux d'entre eux qui désireraient cultiver la terre. Jusqu'alors, les jeunes guerriers avaient menacé de sévices, voire de mort, tout Oglala qui osait seulement toucher à un instrument aratoire. L'agent Saville convainquit vingt-cinq hommes de s'inscrire comme fermiers, et ceux-ci acceptèrent courageusement de laisser leurs épouses tenter l'expérience. (George E. Hyde, "Histoire des Sioux. Le peuple de Red Cloud", 1975, traduction Philippe Sabathe, éditions du Rocher, 1994, pages 300-301)>>.


(f) Il n'est pas possible de changer en si peu de temps les représentations qui sont à la base de l'organisation, de la division politique du travail d'un peuple.


- <<Une tribu disposant d'un certain nombre de guerriers — alors que ses autres membres s'adonnaient à la chasse ou s'occupaient des enfants — avait un avantage énorme sur celle qui n'appliquait pas la même division du travail. Quand nous considérons l'histoire des civilisations, nous nous rendons compte que seule une action dirigée et concertée a pu bâtir les pyramides, former les sociétés grecques et élever l'homme de son pitoyable état de créature luttant pour survivre à sa condition actuelle de maître de la planète. En donnant au groupe la stabilité et l'harmonie des relations entre ses membres, l'organisation sociale le favorise aussi bien sur le plan externe que sur le plan interne : d'une part, elle le met en mesure de réaliser ses objectifs, d'autre part, elle réduit au minimum les risques de friction inhérents à la collectivité en définissant clairement le statut de chacun. Quand une bande de loups a terrassé une proie, par exemple, le chef a le privilège de s'attaquer au festin le premier, puis c'est le tour du second et ainsi de suite jusqu'au dernier. Le fait que chacun sache exactement la place qui lui revient dans la hiérarchie maintient la cohésion de la bande. Il en va de même pour les groupes humains : l'harmonie interne est assurée quand tous ses membres acceptent le statut qui leur est assigné. Par contre, toute contestation de l'ordre hiérarchique aboutit souvent à la violence. (Stanley Milgram, "Soumission à l'autorité", Calmann-Lévy, 1974, pages 156-157)>>.


(g) Pendant des millénaires, courage à la guerre et mépris du travail modèlent l'image de la vertu et du courage.


- <<Est courageux l'homme qui est capable, lorsque les circonstances l'exigent, de se conduire en bourreau. Le courage, c'est, dans sa forme première, la capacité d'aller à la guerre pour affronter la mort et l'infliger à autrui. «L'andreia, mot grec post-homérique le plus courant pour signifier le courage, est la qualité de l'anèr, du mâle, au sens du guerrier. Ainsi dans l'Iliade, on trouve fréquemment l'exhortation : "Soyez des hommes (aneres este), ne laissez pas mollir votre valeur ardente» (Smoes, 1992). Mais cette vertu de l'âme est-elle humanisante ? Ce n'est pas certain : elle forme des hommes virils, mais peut-être pas des humains, elle n'est pas sans ambiguïté vis-à-vis de l'humanitude. Celui qui ne serait pas capable de vaincre sa peur et d'aller au combat ne serait pas un homme courageux. N'est-il pas un homme pour autant ? On n'exige pas, en général, cet apprentissage des femmes. Et l'homme qui ne parvient pas à neutraliser sa peur est renvoyé, invariablement, à la gente des femmes, ce qui est infamant au regard de son identité sexuelle et de sa virilité. Mais, être du côté des femmes, n'est-ce pas être un humain ? (Christophe Dejours, "Souffrance en France", La banalisation de l'injustice sociale, Seuil, L'Histoire immédiate, 1998, page 163)>>.


(h) Cette représentation du courage est au cœur de la pensée des hommes violents.


- <<Expliquer que les hommes sont plus forts que les femmes (ce qui est vrai en termes de statistiques à l'époque actuelle dans une définition restrictive de la force) n'a en tous cas que peu de choses à voir avec le cadre social dans lequel les hommes utilisent la violence. La violence masculine domestique, phénomène social, correspond dans le couple à une division homme guerrier/femme s'occupant des enfants, c'est-à-dire une division sociale, culturelle et patriarcale. Les énoncés sur la naturalité de cette violence sont comme un écran de fumée qui cachent la réalité de sa fonction. La violence est d'abord le langage de la domination masculine, que celle-ci s'exerce en privé ou en public. (Daniel Welzer-Lang, "Les Hommes violents", Lierre et Coudrier Editeur, Paris, 1991, page 62)>>.


- <<Dans la construction sociale du masculin, la création de la figure de l'homme guerrier, utilisée dans l'ensemble des organismes de contrôle social (armée, police...) nécessite un certain nombre d'abandons. Dans la plupart des corps masculins, où la femme n'est pas présente par principe, par exclusion ou par soumission aux stéréotypes, nous pouvons constater que des contacts physiques entre hommes sont canalisés exclusivement dans l'affrontement, la concurrence et la violence. (Daniel Welzer-Lang, "Les Hommes violents", Lierre et Coudrier Editeur, Paris, 1991, page 112)>>.


(i) Cette image du courage viril est aussi à l'origine du harcèlement sexuel, puis du harcèlement moral de ceux qui ne se comportent pas ainsi.


- <<La virilité se construit dans la souffrance, mais elle donne aussi des droits, des privilèges : ceux que s'arrogent les guerriers, les dominants. Dans les hauts lieux de la masculinité, les garçons se forgent une certaine idée de la femme. On en parle, on se vante, on s'échange les informations, on mesure les pénis et la force du jet urétral. On s'échange des revues cochonnes. Les succès féminins servent à étalonner la virilité. On se livre à une surenchère permanente. Et on devient un «homme», qui peut enfin se lancer à la conquête des «meufs», considérées comme la juste récompense attribuée aux valeureux guerriers qui ont surmonté glorieusement les épreuves. C'est là l'une des racines du harcèlement sexuel qui sévit dans certaines entreprises. ("Il n'est jamais trop tard pour... Cesser d'être une victime", Gérard Lopez et Arianne Casanova, Editions La Martinière, 2001, page 203)>>.


(j) L'écriture de l'Histoire reflète cette primauté des vertus et des faits de guerre.


- <<L'histoire de l'amour a eu ses respectables pionniers : Michel Foucault, Jean-Louis Flandrin, Georges Duby... Elle n'a jamais été écrite dans la continuité. Nous avons osé, quitte à faire tomber quelques vieux clichés. La fouille des intimités est une tâche difficile : l'amour ne laisse pas de fossiles, et il efface souvent les traces de ses pas. Ne subsistent qu'illusions, évocations fugitives, voilées, déguisées... Les grandes chroniques l'ignorent, lui préférant les exploits guerriers. (Dominique Simonet et alii, La plus belle histoire de l'amour, Seuil, Paris, 2003, page 10)>>.


(k) La division politique du travail, qui fait la place des guerriers dans l'aristocratie, échappe à une vision rationaliste de la société de production. Vient alors la systématisation de la violence.


- <<Il apparaît vite, d'ailleurs, que le rationalisme est la mort du privilège. La réflexion authentiquement noble se résigne à cette mort, de même que le guerrier authentiquement noble se résigne à mourir sur le champ de bataille. La noblesse ne peut pas se penser et rester noble sans se détruire en tant que caste. Et comme la révolution contraint la noblesse à se penser, le seul choix qui reste à cette classe est celui de son trépas. La noblesse peut mourir noblement, en accomplissant le seul geste politique digne d'elle, celui qui met fin à son existence privilégiée : la nuit du quatre août ; elle peut mourir bassement, bourgeoisement, sur les bancs de quelque Chambre des Pairs, en face des Valenod auxquels elle finit par ressembler, à force de leur disputer leur proie. C'est la solution des ultra. (René Girard, "Mensonge romantique et vérité romanesque", Pluriel, Grasset, 1961, pages 149-150)>>.


- <<Cette sophistication et cette diversité, orientées de plus en plus vers la mécanisation, l'automatisation et la maîtrise de la fiabilité et de la précision des effets, commande une spécialisation technique des personnels, qui deviennent des professionnels hautement qualifiés, bien rémunérés, constituant une véritable catégorie sociologique, comme les guerriers pouvaient l'être dans les sociétés antiques. Les armées se sont professionnalisées et font appel à des militaires hyper-entraînés (troupes de choc et d'intervention rapide) et à des ingénieurs (officiers, pilotes, personnel de commandement et de logistique). Cette tendance s'étend au monde du terrorisme et de sa répression, ainsi qu'aux services de renseignement. A certaines formes de crimes ou d'actes terroristes inédits (prises d'otages, détournements d'avions), les autorités peuvent opposer avec succès des groupes spéciaux remarquablement équipés et préparés (brigade antigang, Special Air Service anglais, Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale en France). Cette évolution technique et professionnelle s'est étendue à la torture elle-même, qui, dans la plupart des pays, s'est médicalisée. (Encyclopaedia Universalis, Article "Violence")>>.


(l) Le rôle des prêtres est explicable par la nécessité de conjurer la violence des guerriers, à leur retour victorieux de la guerre. Les mythes d'Horace et d'Héraclès le suggèrent.


- <<Une impureté toute particulière s'attache au guerrier qui rentre dans la cité, ivre encore des carnages auxquels il vient de participer. On admet sans peine que ses terribles travaux aient pu accumuler sur Héraklès une quantité prodigieuse d'impureté. Le guerrier qui rentre chez lui risque de ramener la violence dont il est imprégné à l'intérieur de la communauté. Le mythe d'Horace, étudié par Dumézil, est un exemple de ce thème. Horace tue sa sœur avant toute purification rituelle. Dans le cas d'Héraklès, l'impureté triomphe du rite lui-même. Si l'on regarde attentivement le mécanisme de la violence dans les deux tragédies, on s'apercevra que le sacrifice, quand il «tourne mal», entraîne chaque fois une réaction en chaîne au sens défini dans le premier chapitre. Le meurtre de Lycos apparaît dans la pièce d'Euripide comme un dernier «travail», comme un prélude encore rationnel à la folie sanglante ; dans une perspective plus strictement rituelle, il pourrait bien constituer un premier maillon de la violence impure. Avec cet épisode, on l'a déjà noté, la violence pénètre à l'intérieur de la cité. Ce premier meurtre correspond à celui du serviteur dans Les Trachiniennes. (René Girard, "La Violence et le sacré", Grasset, Paris, 1972, pages 66-67)>>.


(m) Les meilleurs des guerriers sont les nomades. Parmi ceux-ci, les chasseurs nomades (de la Prairie américaine) sont moins préparés à la discipline que les pasteurs nomades (de la steppe d'Eurasie).


- <<Les T'ou-kiue ne sont pas un sur cent par rapport aux Chinois. Ils cherchent les eaux et les pâturages, se livrent à la chasse, n'ont pas de demeure fixe et s'exercent à la guerre. Quand ils se sentent forts, ils vont de l'avant. S'ils se croient faibles, ils s'enfuient et se cachent. Ils compensent de la sorte l'avantage du nombre qu'ont les Chinois et qui ne sert à rien à ces derniers. Si vous établissez les T'ou-kiue dans une ville murée et que vous soyez une fois vaincu par les Chinois, vous deviendrez leur prisonnier. Quant au Bouddha et à Lao-tseu, ils enseignent aux hommes la douceur et l'humilité ; ce n'est pas science qui convienne à des guerriers. (Discours de Tonyouqouq, vieux conseiller de Mo-ki-lien, qaghan des Turcs T'ou-kiue, selon un annaliste Chinois)>>.


(n) La fin du nomadisme est la fin de ces guerriers, dans une société, sédentaire, de production de masse.


- <<La construction des chemins de fer a définitivement brisé la résistance des Indiens et repoussé, puis fait disparaître la Frontière. Depuis 1830-1840, les Indiens de l'Est avaient été parqués sur des réserves situées dans le territoire Indien. Ceux des Plaines voyaient leurs terrains de parcours se restreindre de jour en jour et le bison devenir de plus en plus rare. Cet animal leur fournissait traditionnellement une excellente viande, des peaux très appréciées et un poil laineux qui servait à confectionner des vêtements. L'avance de l'homme blanc entraîna un massacre systématique du bison et une rupture dans l'écologie des Indiens, qui réagirent par la rébellion. Les meilleurs guerriers furent les Sioux qui à plusieurs reprises se soulevèrent et massacrèrent des troupes fédérales. L'affaire de Little Bighorn, en 1876, au cours de laquelle les troupes de G. A. Custer tombèrent dans une embuscade, déclencha la dernière vaste opération contre Sitting Bull, qui se rendit en 1881, mettant fin ainsi à la résistance des Sioux. (Encyclopaedia Universalis, Article "Etats-Unis - Histoire")>>.


(o) Référence littéraire :


- <<Oeil-de-Faucon lui donna quelques instructions en peu de mots, en langue delaware, et dès que le jeune Indien eut appris ce dont il s'agissait, il s'éloigna de quelques pas, s'étendit le visage contre terre, et, aux yeux d'Heyward, parut y rester dans un état d'immobilité parfaite. Quelques minutes se passèrent. Enfin le major, surpris qu'il restât si longtemps dans cette attitude, et curieux de voir de quelle manière il se procurait les renseignements qu'on désirait, s'avança vers l'endroit où il l'avait vu tomber ; mais, à son grand étonnement, il trouva en y arrivant qu'Uncas avait disparu, et que ce qu'il avait pris pour son corps étendu par terre n'était qu'une ombre produite par quelques ruines.

-- Qu'est donc devenu le jeune Mohican ? demanda-t-il au chasseur dès qu'il fut de retour auprès de lui ; je l'ai vu tomber en cet endroit, et je pourrais faire serment qu'il ne s'est pas relevé.

-- Chut ! parlez plus bas ! Nous ne savons pas quelles oreilles sont ouvertes autour de nous, et les Mingos sont d'une race qui en a de bonnes. Uncas est parti en rampant : il est maintenant dans la plaine, et si quelque Maqua se montre a lui, il trouvera à qui parler.

-- Vous croyez donc que Montcalm n'a pas emmené tous ses Indiens ? Donnons l'alarme à nos compagnons, et préparons nos armes ; nous sommes cinq, et jamais un ennemi ne nous a fait peur.

-- Ne leur dites pas un mot, si vous faites cas de la vie ! Voyez le Sagamore assis devant son feu ! n'a-t-il pas l'air d'un grand chef indien ? S'il y a quelques rôdeurs dans les environs, ils ne se douteront pas à ses traits que nous soupçonnons qu'un danger nous menace.

-- Mais ils peuvent le découvrir, et lui envoyer une flèche ou une balle presque à coup sûr. La clarté du feu le rend trop visible, et il deviendra très certainement la première victime.

-- On ne peut nier qu'il y ait de la raison dans ce que vous dites, répondit Oeil-de-Faucon d'un air qui annonçait plus d'inquiétude qu'il n'en avait encore montré ; mais que pouvons-nous faire ? le moindre mouvement suspect peut nous faire attaquer avant que nous soyons prêts à résister. Il sait déjà, par le signal que j'ai fait à Uncas, qu'il se passe quelque chose d'inattendu, et je vais l'avertir par un autre que nous sommes à peu de distance de quelques Mingos. Sa nature indienne lui dira alors ce qu'il doit faire. Le chasseur approcha ses doigts de sa bouche, et fit entendre une sorte de sifflement qui fit tressaillir Duncan, comme s'il avait entendu un serpent. Chingachgook avait la tête appuyée sur une main, et semblait se livrer à ses réflexions quand il entendit le signal que semblait lui donner le reptile dont il portait le nom. Il releva la tête, et ses yeux noirs se tournèrent à la hâte autour de lui. Ce mouvement subit, et peut-être involontaire, ne dura qu'un instant, et fut le seul symptôme de surprise et d'alarme qu'on pût remarquer en lui. Il ne toucha pas son fusil, qui était à portée de sa main ; son tomahawk, qu'il avait détaché de sa ceinture pour être plus à l'aise, resta par terre à côté de lui. Il reprit sa première attitude, mais en appuyant sa tête sur son autre main, comme pour faire croire qu'il n'avait fait ce mouvement que pour délasser l'autre bras, et il attendit l'événement avec un calme et une tranquillité dont tout autre qu'un Indien eût été incapable. Heyward remarqua pourtant que tandis qu'à des yeux moins attentifs le chef mohican pouvait paraître sommeiller, ses narines étaient plus ouvertes que de coutume ; sa tête était tournée un peu de côté, comme pour entendre plus facilement le moindre son, et ses yeux lançaient des regards vifs et rapides sur tous les objets. -- Voyez ce noble guerrier ! dit Oeil-de-Faucon à voix basse, en prenant le bras d'Heyward ; il sait que le moindre geste déconcerterait notre prudence, et nous mettrait tous à la merci de ces coquins de ...

Il fut interrompu par un éclair produit par un coup de mousquet ; une détonation le suivit, et l'air fut rempli d'étincelles de feu autour de l'endroit où les yeux d'Heyward étaient encore attachés avec admiration. Un seul coup d'oeil l'assura que Chingachgook avait disparu pendant cet instant de confusion. Cependant le chasseur avait armé son fusil, se tenant prêt à s'en servir et n'attendant que l'instant où quelque ennemi se montrerait à ses yeux. Mais l'attaque parut se terminer avec cette vaine tentative contre la vie de Chingachgook. Deux ou trois fois les deux compagnons crurent entendre un bruit éloigné dans les broussailles ; mais les yeux exercés du chasseur reconnurent bientôt une troupe de loups qui fuyaient, effrayés sans doute par le coup de fusil qui venait d'être tiré. Après un nouveau silence de quelques minutes qui se passèrent dans l'incertitude et l'impatience, on entendit un grand bruit dans l'eau, et il fut immédiatement suivi d'un second coup de feu. (James Fenimore Cooper, "Le Dernier des Mohicans", Chapitre XIX)>>.


(p) Voir Domination. Domination comme principe. Domination masculine. Principe. Principe d'intelligibilité. Principe d'organisation. Principe de la domination.


(q) Lire "Domination Masculine". "Harcèlement Moral".



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Auteur. Hubert Houdoy. Le 17 Mai 2008.


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