(a) Ce que nous réussissons à comprendre d'un phénomène, d'une situation ou d'un système est fonction de notre capacité à le rapprocher d'une situation, de l'usage d'un instrument (le van ou le crible du vanneur) ou d'un système que nous connaissons déjà.
- <<Les puissances qui la remplissent ne sont plus partout semblables, elles ne s'équilibrent plus en tout point ; par conséquent, l'étendue elle-même n'est plus en équilibre nulle part ; ébranlée par chacune de ces puissances, elle oscille partout d'une manière irrégulière ; réciproquement, une fois mise en mouvement, elle ébranle à son tour chacune de ces formes. Toutes ces formes agitées en tout sens, elle les meut de telle manière qu'elles soient toujours de mieux en mieux distinguées les unes des autres, comme le sont les objets qui tombent, après avoir été secoués et vannés ; sous les cribles ou sous les instruments propres à épurer le froment ; celles qui sont compactes et lourdes sont entrainées dans un sens, celles qui sont fluides et légères sont portées vers un autre lieu ; elle donne ainsi à chacune d'elles sa place. (Platon, "Timée")>>.
(b) Cette analogie se manifeste par une figure de rhétorique (de même que... de même...) :
- <<SOCRATE. —Or, ce que nous voulons montrer, c'est que cette aptitude à apprendre, et l'organe destiné à cet usage, se trouvent dans l'âme de chacun. Et de même que l'œil ne peut se détourner de l'obscurité vers la lumière sans que tout le corps n'accompagne son mouvement, de même cet organe ne peut se détourner des choses qui périssent qu'avec l'âme tout entière, jusqu'à ce qu'elle soit capable de supporter la vue de l'être et de ce qu'il y a de plus lumineux dans l'être — et que nous appelons le Bien, n'est ce pas ? (Platon, "La République", Livre VII, mythe de la caverne)>>.
(c) En ce sens, toute connaissance (conformiste) est reconnaissance. Bien que comparaison ne soit pas raison et bien que chaque discipline scientifique soit très jalouse de son champ et de sa méthode, les sciences n'ont cessé de se copier et d'importer des modèles. Le mouvement du Structuralisme en est une illustration.
(d) La Physique a longtemps été le modèle des autres disciplines. C'est ainsi que la mécanique céleste de Newton a servi de modèle d'intelligibilité et de critère de scientificité pour la science économique. La Physique elle-même puise ses modèles d'intelligibilité dans un vaste réservoir, constitué par la Mathématique, puis, après la crise des fondements, les Mathématiques. Les entités ("les idéalités mathématiques") de celles-ci fonctionnent comme des métaphores du phénomène ou du système étudié.
- <<Les mathématiques connurent alors un nouvel essor comme langage interprétant la nature. Galilée confisquait la cosmologie, Fermat la physique en plaçant le principe variationnel comme primitive d'une explication physique du monde, Newton — qui pourtant restait un adepte de l'hermétisme — la mécanique : d'une simple formule, il donnait une explication lumineuse et en apparence définitive d'une mécanique céleste à la recherche de son Mécanicien, Céleste si possible. C'est par le truchement de métaphores mathématiques que les mathématiciens contribuent à façonner la réalité, hélas réservée à un trop petit nombre de personnes. Contrairement à ce qui est souvent dit, les mathématiques ne sont pas qu'un langage, plus riche ou plus précis. Le raisonnement mathématique est une autre faculté — plus ou moins exploitée — que possèdent tous les cerveaux humains, au même titre que la faculté de composer ou d'écouter de la musique, de peindre, de regarder des tableaux, de croire et d'obéir à des codes culturels et moraux, etc. Il est vain de comparer ces diverses facultés au sein d'une hiérarchie, et en particulier de parler de la supériorité du langage mathématique ! Les mathématiques contribuent à compléter la panoplie de métaphores utilisées pour mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons afin de mieux s'y adapter. Il est d'ailleurs vain de tenter de définir ce que sont les mathématiques, D'une part, c'est maintenant impossible, vu l'étendue des connaissances et le temps nécéssaire pour y accéder. Cela n'interdit pas de tenter de les définir, et chacun alors verse dans la tentation d'identifier les mathématiques à sa propre expérience. Il est difficile de faire autrement, sauf à se résoudre à seulement distinguer cette capacité cognitive donnée aux cerveaux humains, qui s'exprime à chaque moment en fonction de l'évolution du champ des connaissances et du consensus. (Jean-Pierre Aubin, "La mort du devin. L'émergence du démiurge. Essai sur la Contingence, la Viabilité et l'Inertie des systèmes", document du web, Métaphores mathématiques de la réalité)>>.
(e) Ce processus de légitimation des discours les uns par les autres n'est pas innocent. Pour les besoins de la pensée du même, on a cherché et produit des similitudes.
(f) En Economie Politique, on a inventé des fluctuations sinusoïdales même là où les chroniques les plus anciennes montrent des courbes beaucoup plus perturbées. Depuis Benoît Mandelbrot nous pouvons reconnaître et dénommer des fractales.
- <<L'économiste qui se veut objectif et quantitatif méprise facilement les détails des diagrammes que les journaux utilisent pour représenter les variations de prix. Souvent, il se hâte de les "lisser", afin de mettre en valeur une réalité sous-jacente qu'il estime plus essentielle. Plus généralement, le philosophe parle volontiers du contraste entre "les apparences" et "le fond des choses" [...] tout au contraire, j'ai un respect profond pour ce que peuvent révéler les apparences, à condition, bien entendu, que l'oeil les examine de façon répétée et impitoyable. (Benoît Mandelbrot, "Fractales, hasard et finances", Flammarion, Paris, 1997, page 34)>>.
(g) Équilibre général. Hier, on voyait des sinusoïdales dans les séries chronologiques des prix parce qu'on savait les reconnaître et les interpréter. Bernadette Soubirous voyait la Sainte Vierge, là où un enfant contemporain verrait un Jedi, le Capitaine Flamme, Albator ou un OVNI.
(h) Des figures simples nous servent de modèles ou de références, dans notre compréhension. On sait que le cercle et la ligne droite ont permis l'étayage de deux conceptions du temps : l'éternel retour et le progrès indéfini. Depuis peu, disposant de nouveaux outils, André Bonaly évoque un processus fractal du futur. Peut-être un jour, grâce à Alain Connes (médaille Fields en 1982) ou aux travaux de Jean-Marie Souriau, l'astronomie disposera-t-elle d'un nouveau modèle géométrique de l'espace-temps ?
(i) Certains modèle d'intelligibilité ou certaines métaphores se montrent particulièrement trompeurs.
- <<Depuis les travaux d'Ebbinghaus et le classique ouvrage de Bartlett, les recherches sur la mémoire ont mis en évidence que celle-ci ne ressemble aucunement à un ensemble de tiroirs où seraient archivés des dossiers (le "colombie" des Anciens) et pas davantage à un disque dur qui aurait enregistré des traces électromagnétiques précises et fidèles des événements que nous avons vécus (la "tablette de cire"). La mémoire humaine n'est pas assimilable aux artefacts par lesquels on l'assiste. Loin d'être une simple reproduction statique, le souvenir est une opération de reconstruction cognitivement coûteuse dans laquelle intervient une part d'imagination, et qui est fonction de notre attitude envers un ensemble de données. Des recherches ont aussi montré que la façon dont un sujet raconte un événement modifie en retour le souvenir qu'il en a et que, à force de raconter une histoire inventée, un sujet peut en arriver à y croire et à se fabriquer ainsi de "vrais faux souvenirs". Ce fonctionnement dynamique de la mémoire contraste avec la conception d'une mémoire entrepôt et tend à effacer la frontière que l'on croyait très nette avec l'intelligence, à l'époque d'Aristote. À lire des ouvrages de psychologie cognitive, on éprouve même parfois l'impression que l'intelligence est d'abord une façon d'utiliser sa mémoire, qui est décrite comme la "clé de voûte de l'édifice intellectuel. (Christian Vandendorpe, "L'hypertexte et l'avenir de la mémoire", document du web)>>.
(j) Les modèles d'intelligibilité ont une force attractive qui dépasse largement leur cohérence et leur pertinence. Une première raison peut se trouver dans l'effet Stéphanie de Monaco. "On voit partout le peu que l'on connait". Un sketch des "Inconnus" ("Télémagouille, on s'en fout plein les fouilles") illustrait une fan qui voyait son idole partout, sauf quand c'était la réponse adaptée. Pendant la Chrétienté, Dieu, La Création et le dessein divin ont été les briques de base d'un durable modèle d'explication de tout et du reste. Le critère de cohérence servait surtout d'arme de choc entre les écoles, chacune se décrétant le dogme et condamnant toute autre pensée comme hérésie. Si bien que le critère ultime devenait rapidement la violence et "le droit du plus fort". Les Guerres de Religion en témoignent. D'ailleurs, encore au XXI ème siècle, certains "inspirés de Dieu", qui dirigent parfois de très grands Etats, n'ont pas peur de partir en Croisade pour répondre à des fanatiques de leur genre. De fait, si, surtout depuis Galilée, la Science s'est opposée à la Religion, en mettant en avant le critère de la pertinence, beaucoup de contemporains croient encore que la science a la propriété de dire la vérité. Il ne s'agit jamais que de conjectures qui attendent leur plus ou moins proche réfutation. Mais la Science n'est pas indemne d'un processus de sélection des idées, dans lequel la pertinence est absente ou invoquée comme prétexte. Les scientifiques, comme les autres, ont tendance à nier les faits qui les dérangent, principalement ceux qui mettent en cause leur prétendue capacité de prévision. Dans une société d'exclusion, la science n'échappe pas à cette fâcheuse tendance. Il n'y a pas si longtemps que l'on a intenté un procès, pour contrefaçon, au jeune paysan qui avait découvert le site archéologique de Glozel. Et, sur ce point, le message officiel est toujours "Circulez, il n'y a rien à voir !".
(k) Le cas Glozel n'est pas le seul. C'est au point qu'un internaute (Marc Angee) a jugé utile de consacrer un site web ("Les Découvertes Impossibles") à ces "Hérétiques", dont les conjectures sont rejetées par la Science officielle.
- <<Toutes les grandes découvertes, les révolutions scientifiques, sont le fait des hérétiques. Une des plus grandes qualités de ces hommes et ces femmes, brillants et courageux, est sans doute leur grande indépendance d'esprit par rapport à leurs contemporains qui leur donne la capacité de remettre en cause le dogme établi et d'élaborer des théories plus en accord avec les nouvelles observations. Au lieu de dire "je ne comprends pas donc c'est impossible", à partir du moment où les théories en cours ne peuvent expliquer les faits, ils recherchent une nouvelle théorie. Les hérétiques ont un autre point commun, ils sont habités par l'intime conviction, envers et contre tous, d'être un peu plus près de la vérité. Alors que les orthodoxes, plutôt que de remettre en question les théories établies, au mieux, cherchent à faire correspondre ces faits aux dogmes par une interprétation toute personnelle, ou bien, s'en remettent à leur dieu hasard ou au futur qui apportera immanquablement une explication, mais celle-ci sera bien évidemment dans le cadre établi actuel (dormez en paix nous veillons !). Au pire, ils ignorent, ils discréditent, ils dissimulent, sans même prendre la peine de les étudier, effrayés par des implications qui les dépassent, toutes ces découvertes impossibles, dont quelques-unes vous seront présentées dans ce site. (Marc Angee, document du web, http://www.ldi5.com/heret.php)>>.
(l) Dans les domaines expérimentaux, des théoriciens, des expérimentateurs ou des bricoleurs inspirés comme Jean-Pierre Petit, Jean-Louis Naudin ou David M., s'efforcent de diffuser des informations, de reproduire des expériences et d'inciter leurs lecteurs à les reproduire, pour assurer la diffusion d'informations sur des thèmes (fusion froide, transmutation à basse énergie) réputés "impossibles" pour des raisons douteuses.
(m) A l'inverse du pur modèle d'intelligibilité, le réacteur endothermique de Paul Pantone est un processus qui fonctionne en pratique, même si, en théorie, on ne sait toujours pas très bien ce qui s'y passe.
(n) Quelques modèles dont on use et abuse :
- Le corps : <<l'univers n'est qu'une grande société dans laquelle chaque être, uni aux autres, exerce, comme un organe particulier dans un corps vivant, ses fonctions propres, nécessaires pour la conservation intégrale du tout et de son développement... (Lamennais)>>.
- La ruche : <<l'homme n'existe que pour la société. La nature de la société relève du biologique : c'est un véritable être vivant qui a ses fins propres et obéit aux lois naturelles fixées par Dieu. Elle est composée de familles, la famille est l'unité élémentaire de la communauté patriarcale, et face à elle, impuissant, seulement doté de devoirs, l'individu ne bénéficie d'aucun droit de cité... Son rôle n'est certainement pas de repenser et de changer la société. (Louis de Bonald, "Théorie du pouvoir", 1794)>>.
- Le chemin : <<Je soutiens que le chemin étroit qui conduit au ciel, n'est pas plus connu du magistrat que des simples particuliers, et qu'ainsi je ne saurais le prendre pour mon guide infaillible dans cette route, puisqu'il ne la sait peut-être pas mieux que moi, et que d'ailleurs il n'y a nulle apparence qu'il s'intéresse à mon salut plus que moi-même. (John Locke, "Lettre sur la tolérance")>>.
(o) En psychanalyse, les deux modèles de la portance (statique en architecture ; dynamique en aérodynamique) servent à comprendre la délicate acquisition d'une autonomie relative, capable de compenser l'angoisse de séparation. L'enfant qui apprend à faire de la bicyclette se sent "soutenu" dès qu'il atteint une certaine vitesse. C'est alors que le parent peut le lâcher. Idem quand il apprend à nager. Si l'analyste est un bon objet, non-idéalisé, l'analysant peut se risquer à "voler de ses propres ailes", sans qu'il y ait de rupture. Un célèbre article du docteur Donald W. Winnicott (1958) évoque la "capacité d'être seul en présence de quelqu'un".
- <<En physique, on définit la portance comme une force qui s'exerce perpendiculairement à la direction de la vitesse et permet à une masse d'être soutenue. Je rappelle que la vitesse introduit la notion de déplacement (espace) dans le temps (m/s), et que la vitesse acquise sur la surface de l'eau, par exemple, permet au surf de glisser, au bateau de déjauger, modifiant radicalement son rapport avec l'élément liquide. C'est une sensation analogue que connaît l'enfant qui lâche la main pour marcher seul, ou lâche le bord de l'eau pour se mettre à nager. En utilisant ce terme de portance par analogie, je voudrais souligner la possibilité pour l'analysant d'acquérir une stabilité propre par rapport à l'objet, prenant appui mais sans peser sur lui : que l'objet s'éloigne ou se rapproche, le sujet a acquis un sentiment d'exister dans un lieu et dans un temps, et une sensation d'autosustentation qui le rend à la fois partenaire et autonome, sans éprouver des angoisses de chute ou d'effondrement caractéristiques des états de dépendance précoces. Le sujet ne perd pas sa relation à l'objet, pas plus que le surf ne quitte l'eau, mais le rapport change de qualité et obéit à de nouveaux jeux de forces. M. Tomassini (1989) a fait remarquer que le terme de portance, qui vient du latin portare, a deux acceptions. C'est d'abord un terme propre à la technique de construction qui indique la capacité maximale pour une structure (voûte, fondation, etc.) de supporter une charge. Dans sa seconde acception, celle à laquelle je me suis référé plus haut, la portance correspond à la force verticale sustentatrice propre à l'aérodynamique et à l'hydrodynamique. Si j'ai souhaité définir la portance en termes dynamiques plutôt que statiques, la remarque de M. Tomassini n'en est pas moins utile parce qu'elle met en relief deux aspects complémentaires de la notion de portance, lorsqu'on l'applique par analogie à la psychanalyse : un aspect dynamique qui soulignerait la capacité du moi de se soutenir lui-même indépendamment de l'objet, et un aspect structural qui marquerait la capacité du moi de tolérer l'angoisse de séparation sans se cliver. Comme je l'ai mentionné plus haut, cette notion de portance me paraît s'inscrire naturellement dans une vision psychanalytique de l'espace et du temps. Cet espace n'est pas l'espace réel, mais celui de la représentation intériorisée de l'espace temporo-spatial. (Jean-Michel Quinodoz, "Apprivoiser la solitude. Capacité d'être seul, portance et intégration de la vie psychique", document du web)>>.
(p) Dans un même fragment de texte, Michel Serres utilise volontiers de multiples modèles d'intelligibilité (équilibre statique des statues, opposition des arcs en architecture ou des muscles chez l'alpiniste qui ramone dans une cheminée, le risque de toute errance loin de ses bases, le mouvement d'écart de la feinte ou du porte-à-faux, etc.).
- <<Au cours de ces expériences, le temps ne jaillit ni de la position, voilà l'équilibre statuaire, ni de l'opposition, deuxième stabilité d'où rien ne peut venir, ni de leur relation, arche ou arc statique d'immobilité pérenne, mais d'un écart à l'équilibre qui jette ou lance la position hors d'elle-même, vers le déséquilibre, qui l'exclut de son repos, exactement d'un porte-à-faux : la langue usuelle l'exprime expressément par le mot d'exposition. Dans l'axe du fleuve dont le courant flambe, comme quiconque prend un quelconque risque, le nageur s'expose. Le temps s'expose, et, dans l'espace, jaillit des lieux où il n'y a pas d'être-là. L'espace s'ensemence de lieux d'exposition où se déploie le temps. Glissante, la tierce place expose le passant. Mais nul ne passe sans ce glissement. Personne n'a jamais changé, ni telle chose du monde, sans rattraper une chute. Toute évolution et tout apprentissage exigent le passage par la tierce place. De sorte que la connaissance, pensée ou invention, ne cesse de passer de tierce en tierce place, s'expose donc toujours, ou que celui qui connaît, pense ou invente devient vite un tiers passant. Ni posé ni opposé, sans cesse exposé. Peu en équilibre, rarement aussi en déséquilibre, toujours en écart au lieu, errant sans habitat fixe. Le caractérisent le non-lieu, oui, l'élargissement, donc la liberté, mieux encore, le porte-à-faux, cette condition contraignante et souveraine du porter vers le vrai. Voici déjà presque décrit le tiers-instruit dont l'instruction ne cesse pas : de nature et par ses expériences, il vient d'entrer dans le temps ; il a quitté son lieu, son être et son là, son village de naissance, exclu du paradis, a traversé plusieurs fleuves, à ses risques et périls ; voici qu'il décolle maintenant de la terre même : habite-t-il le temps ? Non, nul n'habite le temps, parce qu'il exclut les tiers et qu'il déloge tout le monde, immédiatement. Ce pour quoi nous vivons tous désormais délogés. (Michel Serres, "Le Tiers-Instruit", François Bourin, 1991, pages 34-35)>>.
(q) Références d'usage du vocable :
- <<Cette thèse a pour but d'étudier un modèle de régression exponentielle de l'intelligibilité de la parole masquée. Les scores d'intelligibilité, obtenus par passages de tests «locuteur-auditeurs» dans de grands locaux fortement réverbérants, sont influencés conjointement par le diffuseur de message et le local. La mesure de la réponse impulsionnelle aux mêmes positions que celles des passages de tests permet de mieux décrire le local. On corrige le rapport signal-sur-bruit, variable principale du modèle, qui devient alors un rapport signal-sur-bruit équivalent. L'étude paramétrique du modèle se réduit en conséquence à celle de la seule influence du diffuseur. On montre, à travers l'exploitation de cette réponse impulsionnelle, qu'à chaque type d'enceinte émettrice est associée «une limite t, énergétiquement significative, qui lui est propre et est définie utile à l'intelligibilité. D'autre part, le rapport signal-sur-bruit équivalent caractérise au mieux l'intelligibilité en offrant une bonne corrélation et un écart-type acceptable. On propose un modèle d'intelligibilité propre à chaque diffuseur de message (Randrianarison Andriamanalina Lalatiana et C. Legros, "Modélisation de l'intelligibilité de la parole dans de grands locaux réverbérants. Rôle de la réponse impulsionnelle", présentation de la thèse, site web du CNRS)>>.
- <<1. L'approche weberienne privilégie la recherche des motivations de l'acteur. Celles-ci peuvent être rangées en deux catégories : celles qui sont invoquées par les acteurs et celles qui sont découvertes par le chercheur. Néanmoins, les individus agissent, le plus souvent, sans savoir clairement ce qu'ils font et sans conscience précise de la réaction des autres. L'action sociale doit donc dans la mesure du possible, être évaluée par rapport à une action idéal-typique qui serait rationnelle.
2. L'idéal-type est une reconstruction stylisée d'une réalité dont l'observateur a isolé les traits les plus significatifs, il s'agit donc d'un modèle d'intelligibilité. Par exemple, la bureaucratie est un idéal-type c'est à dire une forme pure dont on ne rencontre jamais aucun exemplaire dans la réalité mais qui permet de cerner les tendances propres à cette catégorie d'organisation sociale (il en va de même pour le modèle du consommateur rationnel).
En ce sens, l'idéal-type va devenir l'instrument privilégié de la recherche du sens et de l'explication causale. Il possède un double statut : il permet de rendre compte d'une situation historique singulière et il permet de rationaliser une pluralité de situations historiques. Il existe 4 idéaux types. Si l'acteur n'a qu'une faible conscience du sens de l'orientation de son action, celle-ci sera gouvernée par un comportement traditionnel (par coutume, par habitude) ou par un comportement affectuel (par sentiment ou émotion). Si l'acteur a une forte conscience du sens de l'orientation, il pourra s'agir d'une action rationnelle en valeur (par conviction) ou d'une action rationnelle en finalité (par confrontation rationnelle des moyens et des buts). (Bibelec, "Max Weber- 1864-1920", document du web, septembre 1999, Motivations et idéal-type)>>.
- <<Les théories physiques permettent de construire des modèles qui rendent raison des phénomènes physiques tels qu'ils nous apparaissent. La notion de modèle n'est pas toujours aisée à assimiler et la tentation peut être grande, dans l'esprit des élèves, de confondre un modèle d'intelligibilité avec la description véridique d'une réalité ontologique. Pour introduire à cette notion, nous proposons une série de questions, simples, mais propres à mettre un terme à quelques idées reçues : «Est-ce la Terre qui tourne autour du Soleil ou l'inverse ?» Nul doute que la classe tout entière répondra unanimement que c'est la Terre qui tourne autour du Soleil et non l'inverse. Le modèle copernicien est bien entré dans les esprits, certainement grâce au fait que l'on parle couramment de «système solaire». (Mag Philo, "Qu'est-ce qu'un modèle théorique ?", document du web)>>.
- <<La problématique identitaire, aussi évidente et nécessaire puisse-t-elle paraître aujourd'hui pour penser la formation du sujet, est encore faiblement investie dans la réflexion éducative. Probablement son invocation tous azimuts et sa connotation statique ne sont-elles pas étrangères au flou qui l'entoure et à sa discrétion dans la recherche en formation. Une élucidation anthropologique de l'identité peut néanmoins renverser ce point de vue. Qu'est-ce que nous enseigne en effet l'identité sur la condition d'un sujet qui ne cesse de se devenir ? Cet ouvrage découvre les potentialités d'un questionnement croisé de ces deux concepts, identité et formation, dont la solidarité, a priori ténue, est éclairée par un recours approfondi à la pensée phénoménologique et herméneutique. Loin de s'opposer, les deux notions sont mises en dialogue dans la perspective de comprendre ce que se former tout en devenant soi-même veut dire. Comment penser l'identité d'un Je en formation ? Accordant un statut prépondérant au lien récurrent entre expérience sensible l'inscription du sujet dans l'espace - et expérience narrative son émergence dans la langue - cette confrontation génère un modèle d'intelligibilité de la formation d'un sujet qui se construit dans un contact réitéré au monde, à autrui et à soi-même. Comment se conjuguent les pôles de ce ternaire dans la vie du sujet ? L'auteur explore cette question de l'élaboration identitaire sur le terrain de la formation des enseignants et dans une perspective comparative franco-britannique. Ancrés dans un espace culturel, entre héritage et projet, comment les enseignants en formation construisent-ils du sens et conquièrent-ils leur identité dans une articulation de ses composantes sociales, culturelles et propres ? (Régis Malet, "L'identité en formation.Phénoménologie du devenir enseignant", Paris, L'Harmattan, 1998, présentation de l'ouvrage)>>.
- <<Les scénarios suivants feront concorder l'opposition raciale et l'opposition sociale. On lit par exemple : « La discussion s'envenimant, elle lui reproche sa basse origine, sa race. Opposition d'Édom et d'Esaü à Jacob, du tétrarque iduméen (qui a de surcroît du sang arabe dans sa famille) et de la femme juive, de la femme de famille royale et du « fils de parvenu » (f° 746), de la patricienne et du plébéien qui a «trop de ménagement pour le peuple» parce qu'il est «de basse extraction» (f° 728) : «Hérodias méprise son mari pour sa basse origine et pour sa race» (f° 730). Dans l'historiographie du XIXe siècle (chez Augustin Thierry le premier, mais aussi chez Michelet et Renan), le conflit racial est un modèle d'intelligibilité qui permet de dialectiser l'histoire. Augustin Thierry a même voulu démontrer que les conflits sociaux du XIXe siècle cachent de vieux conflits raciaux entre les envahisseurs francs et les Gallo-romains : toute l'histoire de France s'explique dans la perspective d'une lutte de la race travailleuse (la race gallo-romaine) contre une aristocratie franque usurpatrice. Mais dans les scénarios d'Hérodias, la question des races ne dialectise pas l'histoire : parce que Flaubert multiplie les oppositions (Iduméens et Juifs, Samaritains et Esséniens, Arabes et Juifs) jusqu'à la confusion et même la race juive se subdivise en Sadducéens et Pharisiens ; parce qu'il réutilise ironiquement un modèle d'intelligibilité de l'historiographie de son époque en le déplaçant dans le domaine de la petite histoire du couple Hérode / Hérodias, sur fond de scène de ménage, et pour montrer que le problème est en fait tout autre : Antipas « ne bande plus » (f° 708), le pouvoir d'Hérodias est donc compromis. Dans le conte, le conflit des races va en sens inverse par rapport à l'usage qu'en faisait l'historiographie : il contribue un peu plus à la confusion puisque même dans la micro-structure familiale la haine et la violence triomphent. Dans les scénarios, l'écriture du politique procède à une dépolitisation de l'histoire : les événements historiques s'enracinent dans l'intérêt privé et les pulsions. (Revue Flaubert , n° 5, 2005, Gisèle Séginger, Université Marne-la-Vallée, "L'écriture du politique dans Hérodias", document du web)>>.
(r) Plus qu'un reflet fidèle de la réalité concrète, un idéal-type est un modèle d'intelligibilité.
(s) Ce sont des modèles d'intelligibilité, liés à la pensée du même, qui ont instauré et perpétué la domination masculine.
- <<Anne Chemin : Quelles traces observez-vous, aujourd'hui, de ce modèle archaïque construit autour de la domination masculine ?
Françoise Héritier, du Collège de France : Ce modèle est encore extrêmement puissant dans nos têtes, que ce soit dans les sociétés que nous considérons comme «traditionnelles» ou dans nos sociétés européennes. Chez les Samos du Burkina Faso, où j'ai longtemps travaillé, j'avais ainsi remarqué que lorsqu'un bébé garçon pleurait, sa mère cessait toute activité pour lui donner le sein. Si c'était une petite fille, elle finissait ce qu'elle avait à faire avant de la nourrir. Quand je demandais pourquoi, on me répondait toujours qu'un garçon a le «coeur rouge», qu'il se met en colère facilement et qu'il serait en danger si on le laissait pleurer. Il faut donc lui donner satisfaction dès qu'il exprime un désir. En revanche, me disait-on, une fille devra être patiente toute sa vie : il faut donc lui apprendre à attendre dès sa naissance. Cette société crée très tôt deux types d'attitudes devant la vie : des garçons qui ont l'habitude de voir tous leurs désirs exaucés sur-le-champ et des filles qui acceptent d'attendre qu'on veuille bien leur apporter ce dont elles ont besoin. Dans nos sociétés modernes, les traces de la domination masculine sont également très vivaces. Au cours d'une expérience de psychologie menée dans une université américaine, des chercheurs ont ainsi demandé à deux groupes d'étudiants de commenter la photographie d'un bébé qui hurle, la bouche grande ouverte et les poings fermés. On en demande la raison. Si les chercheurs affirment qu'il s'agit d'un petit garçon, le groupe répond que le bébé est en colère, qu'il est très fâché et qu'il ne supporte pas d'être contrarié. S'ils prétendent qu'il s'agit d'une petite fille, le groupe déclare qu'elle a eu peur, qu'elle est triste, qu'on lui a fait mal et qu'il faut la consoler. Spontanément, face à la même image, nous associons donc le masculin à la colère, l'action ou la révolte et le féminin à la plainte, la peur ou la tristesse. (in Le Monde 2, le 3 février 2007)>>.
(t) Si les économistes et les démographes voient des sinusoïdes quand ils ont des fractales sous les yeux, c'est à cause de la prégance du modèle du cycle.
- <<Si j'avais aujourd'hui à élever des jeunes, je leurs dirais : méfiez-vous de trois fléaux : la peste, le choléra et les cycles. Le cycle est un extraordinaire repos pour l'esprit. Dès que ce mot est prononcé, l'esprit le plus scientifique perd déjà ses qualités de rigueur, d'austérité, tant il se satisfait. À la place du tourment, à la place du vide, à la place de l'inquiétude, on se repose sur un cycle. Voici un exemple très répandu actuellement chez les démographes et autour d'eux. Un démographe américain, Easterlin, a présenté une théorie d'alternance des générations. Résumons-la sommairement : une génération peu nombreuse a une vie plus agréable et se met à avoir beaucoup d'enfants ; puis la génération suivante, qui sera plus nombreuse, se trouvera moins au large et aura peu d'enfants, et ainsi de suite. Pourquoi une théorie aussi absurde, contraire à la plus élémentaire expérience, a-t-elle un tel succès ? D'abord parce qu'elle est présentée par un Américain. Si elle l'avait été par un Belge ou un Italien, l'écho eût été bien faible : «C'est amusant, mais sans valeur». Mais il y a l'image de marque : la théorie vient des États-Unis. En matière scientifique, notamment en sciences sociales, dès qu'un Américain avance quelque chose, il bénéficie d'un certain crédit. (Alfred Sauvy, "Démographie et refus de voir", L'attrait des cycles)>>.
(u) Voir Alésia. Attracteur étrange. Expérience. Fiction. Fiction méthodologique. Gorgobina. Histoire hypothétique. Loi de reproduction automatique de la société. Modèle économique. Mont-Saint-Vincent. Mythe. Projet d'intelligibilité. Refus du réel. Théorie de la valeur. Théorie des prix. Théorie substantialiste de la valeur.
(v) Lire "AEH Valeur". "Keynes13 ou Taux de l'intérêt". "Réalité Représentations".
* * *
Auteur. Hubert Houdoy Mis en ligne le Jeudi 29 Mai 2008
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