Terme d'Economie Politique.
(a) Une théorie de la valeur, même implicite, est à la base de toute théorie économique, comme le principe de conservation de Lavoisier est à la base de la Physique. Cette théorie inaugure un projet d'intelligibilité. La théorie de la valeur est le coeur de toute modélisation.
(b) Une théorie de la valeur est très dépendante du modèle d'intelligibilité utilisé, consciemment ou inconsciemment (équilibre ou chaos), par les économistes.
- Pour les classiques (Adam Smith, Thomas Robert Malthus, David Ricardo, Jean-Baptiste Say) et pour Karl Marx, la valeur des marchandises vient coût du travail nécessaire à leur production (travail incorporé). Mais les classiques confondent parfois ce coût du travail avec le travail commandé (quantité de travail que l'on peut acheter avec une somme d'argent donnée).
- Pour les néo-classiques, la valeur se résume à l'utilité et celle-ci est mesurée par le prix, à l'équilibre de l'offre et de la demande. Mais ces auteurs ne peuvent expliquer ce qui fait varier les prix.
(c) La théorie de la valeur ne doit pas être confondue avec la théorie des prix. Les deux points de vue ne se situent pas aux mêmes niveaux d'abstraction.
(d) La théorie des prix s'appuie sur des hypothèses ou sur des postulats qui sont fournis par la théorie de la valeur. La théorie des prix s'articule autour d'une notion d'équilibre de l'offre et de la demande. Ce concept d'équilibre est construit par la théorie de la valeur. Ainsi se comprend le statut épistémologique de la loi des débouchés de Jean-Baptiste Say, qui devient "loi de la valeur" chez Karl Marx.
(e) Clivage théorique. C'est pour l'importance théorique de cet équilibre, qui n'est pas une nécessité conjoncturelle mais qui reste une possibilité théorique, que Marx s'oppose farouchement, dans son "Misère de la Philosophie", à la "Philosophie de la misère" de son ancien ami Pierre Joseph Proudhon. Ce dernier faisait de l'équilibre une impossibilité pure.
(f) La différence entre théorie de la valeur et théorie des prix, quant au niveau d'abstraction, est illustrée par la référence qu'André Orléan fait à la scène primitive, selon le vocable hérité de Freud.
- <<F. B. - Partons donc de cette unanimité qui va se constituer à travers le désir mimétique, comment articuleriez vous ce processus au politique et à la violence politique ? On peut voir que dans des tas de conjonctures historiques, pour imposer un pouvoir aux populations soumises, on commence par leur faire accepter la monnaie. Il y a donc une violence qui fait qu'on utilise la monnaie du vainqueur ou de l'Etat qui impose sa loi - sans pour autant susciter la confiance ou l'adhésion.
A. O. - Le modèle mimétique décrit une «scène primitive» de nature conceptuelle, celle où tous les individus marchands en quête de richesse échappent à l'indifférenciation grâce à la polarisation unanime sur un même objet. Cette «scène primitive» a pour fonction de révéler la nature de la monnaie. Elle nous donne à voir de quoi la monnaie est faite. Cependant, il ne faut pas penser qu'elle corresponde à une scène réelle, historique, sauf dans quelques cas extrêmes de crise monétaire. En particulier, si l'on considère des sociétés à État, il est clair que celui-ci va fortement influencer le processus d'adhésion mimétique à la monnaie. Pour le comprendre, il n'est que d'observer le rôle majeur jouer par la fiscalité dans la monétisation des économies occidentales. Cependant, il faut prendre garde de ne pas aller trop loin dans cette mise en avant du rôle de l'État. Il ne faudrait pas aller jusqu'à croire que l'État peut tout, qu'il peut faire de la monnaie un pur instrument au service de sa politique. La monnaie, en tant qu'elle doit recueillir l'assentiment du groupe tout entier, échappe partiellement à la maîtrise de l'État. L'exemple qui me semble, à cet égard, le plus illustratif est celui de l'État révolutionnaire menaçant de la peine de mort les citoyens qui n'accepteraient pas en paiement les assignats, sans résultat. Aussi, contrairement aux thèses défendues par l'économiste allemand F. Knapp, nous nous refusons à voir dans la monnaie une créature de la loi ou de l'État. C'est ce que résume la formule : «Ni marchandise, ni État, ni contrat, mais confiance». Ces remarques n'épuisent cependant pas l'analyse des liens entre politique et monnaie. Loin de là. Pour comprendre l'étroitesse de ces liens, il faut avoir à l'esprit que l'objet premier des rivalités mimétiques portent, non pas tant sur la forme matérielle «réelle» de la monnaie, que sur les principes qui viendront réglementer son émission. C'est cela qui distingue une monnaie d'une autre : choisir entre telle monnaie ou telle autre monnaie signifie choisir quelles dettes donneront accès à la liquidité, conformément à quelles modalités. C'est là un point capital. Selon la manière dont est envisagé l'accès à la monnaie, c'est tel groupe ou tel autre qui se voit privilégier. Ainsi, le système monétaire dit de l'étalon-or qui a dominé le monde capitaliste jusqu'en 1914, privilégiait-il la bourgeoisie créancière en mettant en avant la préservation de l'unité de compte dans le temps. La monnaie du «Fordisme» triomphant des Trente Glorieuses, quant à elle, correspond à une organisation sociale qui accorde au salariat de vastes droits, non seulement en matière sociale via l'État Providence, mais également en matière économique via la mise en place de négociations collectives déterminant la progression du salaire. Pour justifier les réponses qu'elles instituent et légitimer ses choix, chaque monnaie s'appuie sur une doctrine qui revendique une certaine conception du bien commun. Pour tout cet ensemble de raisons, la monnaie doit être dite politique : parce qu'elle organise la vie de la cité, au nom d'une certaine conception de l'être ensemble du groupe, en évaluant les prétentions des uns et des autres à accéder à la liquidité via le crédit. Par le jeu de la monnaie, le groupe marchand se constitue en souverain. Représentation politique et représentation monétaire renvoient à une même réalité : la souveraineté du groupe, son destin et son autonomie. (André Orléan, "La monnaie, opérateur de totalisation", entretien avec Françoise Bourdarias, Journal des Anthropologues 2002)>>.
(g) La théorie de la valeur est une pure fiction. Bien sûr, ce n'est pas le point de vue de Karl Marx qui présente une théorie substantialiste de la valeur. Mais, bien utilisée, cette fiction méthodologique peut présenter un certain intérêt théorique, au même titre que la loi des débouchés de Jean-Baptiste Say.
(h) Voir Déterminisme. Hypothèse de reproduction. Loi de reproduction automatique de la société. Possibilisme. Principe de conservation de l'énergie. Système d'équations simultanées. Théorie des prix. Théorie substantialiste de la valeur. Valeur d'échange. Valeur d'usage. Valeur de la force de travail. Valeur Politique. Valeur symbolique.
(i) Lire "AEH Valeur". "Causes Chômage". "Chômage Classique ou Keynes02". "Chômage Keynes ou Keynes05". "Critiques à Keynes ou Keynes17". "Définir Plus-Value". "Deux Conceptions". "Equilibre Classique". "Inclusion Exclusion". "Plus-Value Marx". "Plus-Value Profit". "Projet Recherche". "Statut Valeur". "Temps Phallus".
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Mis en ligne le Jeudi 29 Mai 2008
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