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Glossaire Détaillé, Lettre M, numéro 20

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Morbidité psychique ou subjective . Toute morbidité fait référence à un mélange d’anormalité des conditions (situation hors norme, loin des moyennes connues) et de pathologie du sujet (souffrance, pénibilité, difficulté particulière). La morbidité peut être constatée (somatique) et déclarée (objective) par l’entourage.

La morbidité peut être ressentie par le patient lui-même. Mais elle est d’abord ressentie comme un doute. Le sujet est seul, personne ne peut lui dire qu’il est malade ni de quoi il souffre. Ou bien le sujet est accompagné, mais de personnes qui souffrent des mêmes conditions et du même doute que lui. Le sujet se demande si son état ne serait pas maladif. Il soupçonne ses sensations d’être morbides. Mais il se demande ensuite si ce ne sont pas ses soupçons qui sont morbides. C’est le cas de Robinson Crusoé dans ses épisodes de maladie et de délire.

(a) Contrairement à Dupont et Dupond, qui:

ne croient pas à la réflexion aérienne ,
ne croient pas à la possibilité de l’ annonce de mirages dangereux ,
croient voir une réflexion aquatique ,
ne voient pas qu’il y a un mirage, par réflexion aérienne,

Tintin, dont l’esprit est plus critique, se demande s’il a ou non des hallucinations.

(b) Robinson Crusoé, totalement solitaire sur l’île du Désespoir, reste durablement dans une telle situation. Cette contrainte particulière fut la base de son évolution psychique. C’est ainsi qu’il pu échapper à la propriété et à la possession.

Voir Sens de l’hallucination . Hallucination auditive . Hallucination visuelle . Morbide. Morbidité somatique ou objective . Douteur. Douteur méthodologique . Douteur pathologique .

Morbidité somatique ou objective . Toute morbidité fait référence à un mélange d’anormalité (hors norme, loin de la moyenne) et de pathologie (souffrance, pénibilité, difficulté particulière).

La morbidité peut être constatée et déclarée par l’entourage. Dans ce cas, la pathologie de la personne concernée est connue. L’anormalité de la situation est reconnue, évidente.

Considérons Dupont et Dupond dans le désert d’Arabie. Ils “voient” un mirage. Mais ils ne savent pas que c’est un mirage qu’ils voient. Ils plongent dans le sable qu’ils prenaient pour de l’eau. Dans ce cas d’école, la morbidité réside dans des conditions climatiques extrêmes par rapport à celles de la bonne santé physique de ces deux policiers belges.
L’anormalité, première cause de la morbidité, est celle d’une atmosphère qui réfléchit beaucoup plus la lumière du ciel que d’habitude. Une réflexion aérienne s’ajoute à l’habituelle réflexion aquatique. Elle tend même à s’y substituer par la raréfaction concomitante de l’eau.
La pathologie, seconde cause de la morbidité, est le fait que Dupont et Dupond ne réfléchissent pas sur les informations que leur procure le sens de la vision . Dans leur mémoire visuelle et même dans une mémoire cognitive, ils ont une information ancienne (le panneau: attention mirage dangereux). Ils ont maintenant une information nouvelle (le palmier et son reflet semblant provenir d’une réflexion aquatique ). La nouvelle information n’est pas référée ou reliée à l’ancienne. Celle-ci semble absente de la mémoire. Elle y est sûrement comme information souvenir (tu te souviens, on a lu un panneau qui nous prenait pour des imbéciles) mais pas comme avertissement ou comme connaissance. Les deux informations (double image + panneau) ne font pas lien et ne produisent pas la connaissance du mirage ici-et-maintenant. C’est le lecteur de l’album de Tintin qui constate la morbidité. Ce sont les policiers qui souffrent (pathos) quand ils constatent la chaleur, la rugosité et la faible pénétration du corps humain dans le sable durci.

Voir Sens de l’hallucination . Hallucination auditive . Hallucination visuelle . Morbide. Morbidité psychique ou subjective .

Morcellement féodal , texte, La force armée du domaine seigneurial ou du royaume monarchique est la base de l’existence de la redevance féodale, origine historique de la rente foncière. La domination n’est pas un phénomène économique (exploitation ouvrière ), mais politique ou religieux. Elle suppose une violence armée pour s’exercer et une violence symbolique pour se justifier et s’intérioriser. Cette violence armée a sa propre logique. Elle explique le morcellement féodal. Pour dominer les paysans, il faut des guerriers. Pour occuper le terrain et obtenir le travail forcé, il faut multiplier les garnisons et leurs occupants. Ces derniers peuvent négocier leur aide. Ils demandent des garanties. C’est l’origine du fief puis celle de son hérédité (tenure féodale ). Quand ils sont loin du suzerain, les vassaux s’autonomisent ou s’allient avec d’autres. L’histoire du Moyen-Age est pleine de ces péripéties. Il existe donc une logique de la domination qui n’est pas de nature économique. Mais elle crée le problème économique de la rareté. La domination permet de prélever un tribut sur les producteurs. Elle pousse à la production d’un produit net . Par contre, si la théorie économique n’explique la la rente, elle explique les différences et les fluctuations du montant de la rente. Chaque domaine féodal a une valeur stratégique (reliefs, cours d’eau, cols) et une valeur économique (fertilité, variété des sols). D’où une tendance au morcellement des domaines dans les régions de montagnes et aux regroupements dans les régions fertiles. En termes marxistes , on pourrait dire que la domination peut entrer en contradiction avec l’ exploitation (du sol). Car la reproduction de la domination est soumise à des conditions économiques de reproduction de ses protagonistes. Il s’agit de limites internes . Le principe est le même que dans les modèles démographiques qui simulent les fluctuations des populations de loups et d’agneaux.

Voir Manque organisé . Biens de luxe . Biens de subsistance .

Morphée. Mythologie grecque. (a) Morphée, fils d’Hypnos (le sommeil) est le dieu des Songes. Son nom vient du mot grec désignant la forme. Morphée est “celui qui transforme”. Les bras de Morphée sont une image de l’endormissement et du sommeil profond. On sait maintenant que le sommeil paradoxal (mouvements oculaires derrière les paupières fermées) est la phase des rêves.

(b) “Cybèle éveillant Morphée” (Fontainebleau) est une tapisserie d’après un carton de Toussaint Dubreuil (né à Paris vers 1561, mort à Paris en 1602). “Hyanthe et Climène à leur toilette”, du même auteur, est au musée du Louvre.

(c) “Iris et Morphée” (1811, au musée de l’Ermitage, à Saint-Petersbourg) est un tableau néo-classique du baron Pierre Narcisse Guérin (Paris, 1774; Rome, 1833). Cet élève de Regnault et de David, deux fois Prix de Rome, fut directeur de l’Académie de France à Rome (1816-1822). A son tour, il forma les peintres Géricault et Delacroix.

(d) Depuis les français F. Derosne (1803) et A. Seguin (1804), puis F. W. Sertürner, pharmacien allemand (travaux publiés en 1805-1806 et 1817), on sait que la vertu dormitive de l’opium lui vient de la morphine, ainsi nommée en référence à Morphée. Bien que la synthèse totale de la morphine ait été réalisée en 1952 par M. Gates et G. Tschudi, la production est toujours naturelle. Les militaires du Triangle d’Or y tiennent dur comme fer . En effet, l’opium fournit les deux tiers de la production licite de morphine, (505 t, en 1990, pour le monde). Mais la production illicite d’opium est au moins égale à la première.

Morphologie du conte . texte. Linguistique. Typologie des personnages et de leurs fonctions dans les contes populaires. Oeuvre de Vladimir Propp à partir du corpus de la tradition russe.

<<Propp développe sa réflexion à partir de la classification, jusqu’alors défectueuse, des contes, en dégageant d’abord ce qu’il appelle les fonctions des personnages, <extrêmement peu nombreuses alors que les personnages sont extrêmement nombreux>. Par fonction, écrit-il, <nous entendons l’ action d’un personnage, définie du point de vue de sa signification dans le déroulement de l’intrigue>. Il isole 31 fonctions (comptant chacune un nombre x de variantes), dont l’éloignement, la transgression, la médiation, la reconnaissance, la punition, etc. Ensuite seulement, il détermine les grands types de personnages, au nombre de sept: l’agresseur (par exemple l’ogre, le dragon, la marâtre, etc), le donateur, l’auxiliaire (par exemple la fée du conte français, la sage-femme du conte allemand, le génie du conte oriental, etc), le héros (ou l’héroïne), le faux héros, et délimite leurs <sphères d’action>, c’est-à-dire l’ensemble des fonctions qui intéressent chacun d’eux. Il donne ainsi du conte la définition suivante: <... du point de vue morphologique, tout développement partant d’un méfait ou d’un manque, et passant par toutes les fonctions intermédiaires pour aboutir au mariage ou à d’autres fonctions utilisées comme dénouement. (Hachette, p. 965)>>.

Sémantique structurale. <<Il faut peut être signaler, à toutes fins utiles, que le terme de morphologie, employé par V. Propp, l’est dans un sens botanique et non linguistique: sa description du conte merveilleux russe ne comporte, en fait de morphologie, qu’un paquet de <dramatis personae> (que nous avons articulé, en l’interprétant, en structure actantielle ) (Greimas, Courtès, p. 237)>>.

Voir Actant. Acteur.

Morsure d’un serpent . Point commun à la tradition religieuse judéo-chrétienne et à la mythologie grecque. Le serpent , par ses paroles ou par sa morsure, provoque des avalanches de conséquences.

(a) Pour avoir écouté le Malin serpent qui, dans un pommier, lui susurrait de goûter le fruit de l’arbre de la connaissance , la première femme selon la Genèse, et le premier homme créé par Dieu, Adam et Eve , furent chassés du Paradis Terrestre . Dieu condamna Eve à être une femme-mise-sous Adam et à enfanter dans la douleur. Il lui donna le serpent pour ennemi héréditaire. Seule la Vierge Marie , indemne de ce péché originel par son Immaculée Conception , est capable de résister au Malin en l’écrasant .
(b) Eurydice, la femme d’ Orphée, est une dryade, une divinité des arbres. <Auprès de mon arbre, je vivais heureux (se). J’aurais jamais dû m’éloigner de mon arbre. J’aurais jamais dû le quitter des yeux>>. C’est le désir d’ Aristée qui lui fut néfaste. Tandis qu’elle courait dans les près pour lui échapper, un serpent la mordit. Eurydice n’était pas immortelle. Elle mourut malgré les supplications et l’amour d’Orphée. C’est ainsi que la funeste morsure d’un serpent incita Orphée à rechercher Eurydice dans le monde d’Hadès . D’où la Descente aux Enfers .

Voir Dieu jaloux . Lucifer. Le péché . La mort dans l’âme .

Mort, texte. (A) Sens étroit. En un sens étroit, la mort s’oppose à la vie comme les deux termes exclusifs d’une catégorie binaire mort/vie.

(a) Mort de l’ individu. La mort est souvent définie comme la cessation définitive de la vie. C’est le cas dans l’expression <mort violente>.
(b) Mort de l’ activité. <Mort> est employé dans le sens d’une cessation complète d'activité. C’est le cas dans l’expression <la mort du petit commerce>.
(c) Les locutions <à mort> et <mortellement> sont des locutions familières signifiant <de toutes ses forces>.
(d) Termes d’un serment ou d’une promesse. L’expression <A la vie et à la mort> signifie <pour toujours>.
(e) < La mort dans l'âme> , est l’expression d’un regret, de quelque chose que l’on fait, par obligation et à contre-coeur. Du fait de la parenté symbolique entre la mort et le péché, mettre la mort dans l'âme est aussi la caractéristique commune du deuil et de la culpabilité.
(f) Sens juridique. Prononcer la peine de mort pour un coupable est une condamnation de l’individu à la peine capitale.

(B) Sens large. La mort et la vie sont deux moments d’un processus biologique commun. Il se manifeste par l’évolution des espèces et le développement de la complexité des formes de la vie. La vie et la mort de la cellule, du tissu corporel, de l’organe, de l’ individu, de l’ organisation réelle ou de la génération humaine sont des étapes de ce développement.

Il n’est pas certain que ce processus soit un tir tendu vers une cible préalable. Mais ce processus existe. Il est déjà visible dans la mort des étoiles. Ce processus chimique, d’avant l’ère industrielle, produit des éléments (atomes) plus complexes que ceux qui avaient constitué le nuage de matière dans lequel la gravitation avait allumé une étoile (fusion thermonucléaire).
Pour l’individu, accompagner ce mouvement est un processus fractal du futur .
Pour l’ humanité en général ou pour les chercheurs en particulier, chercher à comprendre ce processus au fur et à mesure de son développement et de celui de nos connaissances, est le projet d’intelligibilité de la science. Cela ne suppose aucun dogme préalable sur une bien hypothétique vérité. Cela implique pourtant d’admettre l’existence d’une réalité indépendante autant que de la réalité concrète .

Voir Phylum. Présent.

Mort de la chair , (/ mort du verbe ). La mort de la chair est la seule qui soit complète (mais pas pour ses atomes) et inéluctable pour l’individu. Elle manifeste son appartenance à la matière. “Souviens-toi que tu es poussière et que tu redeviendras poussière”. Poussière d’étoiles, bien-sûr. Cette matière sera reprise dans d’autres cycles, malgré ce que veulent/peuvent nous cacher les rites publics de la sépulture. Mais cette mort n’est que la forme extrême d’un renouvellement quotidien de la matière des tissus. La mort absolue de la chair de chaque individu n’est ni la mort de la matière ni la disparition du réel. Pour Robinson Crusoé , la mort de la chair est celle de l’ individu Robinson . Peu importe qu’elle ait lieu sur l’île ou ailleurs. Robinson l’accepte comme un heureux mortel . Car elle n’est, justement, que la mort de la chair, donc, pas la pire. Ce qui importe, selon Gabrielle Roy , à l’heure de mourir, c’est de se souvenir d’un bonheur . Or Robinson a réussi à connaître le bonheur sur l’ île du désespoir . Il y a fallu le dialogue du verbe et de la chair , par la méditation, le travail et l’ amour dans l’ organisation Crusoé .

Voir Mortel. Heureux mortel . Sisyphe. Idiotie du réel . Allégresse. Présent.

Mort du réel , texte, le réel étant, avant tout, le fait qu’il y ait quelque chose plutôt que rien, l’ allégresse ou l’amour du réel survit à la mort de chacun des éléments du réel.

<<Car l’amour du réel est indépendant de la mort du réel. Le réel n’est pas ce qui se conserve mais ce qui à chaque instant est présent, offrande de l’être sur fond d’éventuel non-être qui ne vaut que dans l’instant où il est, pas en tant qu’il a été ou pourrait être dans l’avenir. Aussi la disparition des témoignages du réel, si beaux ou si éminents soient-ils, est-elle finalement indifférente puisqu’elle n’affecte pas le réel lui-même, fondement de toute valeur et de toute beauté. (Clément Rosset, Le Réel, p. 79)>>.

Voir Présent.

Mort du verbe , (/mort de la chair). La mort du verbe peut être l’ennui: “c’est mortel”. Contrairement à la mort de la chair, la mort du verbe, en chaque individu, est toujours présente et jamais complète.

La coupure du verbe et de la chair est déjà une distance quotidienne du verbe et de la chair. C’est un échec relatif du verbe à traduire les affects de la chair. Nous y sommes tous soumis peu ou prou. Mais, quand la société ne peut entendre la réalité de ce que subissent certains de ses membres, les individus concernés constatent que leur vécu n’est pas admis à la verbalisation. C’est là que commence la véritable mort du verbe. “L’écriture ou la vie”, le témoignage de Jorge Semprun, montre un exemple de compromis entre la vérité de l’ expérience et la communication avec les autres.
Les connaissances engrammées dans la chair du cerveau sont traduites en informations et transmises par le discours. C’est l’expérience d’une autre distance. Mais, à la mort de la chair de l’individu, il restera un peu de son verbe. Ni beaucoup plus ni beaucoup moins traduit, distant ni déformé que chaque jour de sa vie. Plus les informations auront circulé, moins la mort du verbe sera absolue.
Si le bonheur suppose un dialogue du verbe et de la chair , on comprend que se souvenir d’un bonheur soit si important avant la mort de la chair. Car alors un peu des émotions de la chair a pu passer dans le verbe et vers d’autres.
Il n’y a aucune synchronisation de la mort relative et permanente du verbe avec la mort absolue et définitive de la chair d’un individu.
La mort relative du verbe est la réalité quotidienne du meurtre du père : un discours tenu mais ignoré.
La mort du verbe est aussi ce que “vivent” les personnes cassées par l’ exclusion: une parole de vérité qui semble ne pas pouvoir être tenue (indicible, inaudible) tant elle s’oppose à un discours de vérité qui la nie. Il est fondamental de trouver une manière artistique, humoristique, amoureuse ou autre de tenir néanmoins cette parole de la vérité (réalité) d’un vécu. C’est le seul moyen d’assurer une percolation des émotions et d’éviter un trop long et un trop profond refoulement.

Voir Oedipe. Apprendre de mes parents . Lieu commun . Présent. Présence. Renaissance. Bizutage. Mobbing.

Texte Harcèlement moral.

Auteur

Hubert Houdoy

Créé le 8 Février 1999

Modifié le 11 Novembre 1999

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Glossaire Détaillé, Lettre M, numéro 21

Lettre N

Glossaire Détaillé, Lettre N, numéro 01

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Mise à jour: 24/12/1999