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Pourquoi l'externalisation ?


Ce texte est la suite de L'Origine Complexe des Organisations Virtuelles
* Plan

Introduction

1. Le besoin de souplesse

2. Le coût des investissements

3. Les termes de l'échange

4. La fin de l'inflation

5. Le fléchissement de la consommation

6. Le recul de la technostructure

7. Le retour des actionnaires

Conclusion provisoire


* Introduction

Le texte précédent, Origine complexe des Organisations Virtuelles a retracé l'évolution concomitante du marché, de la concurrence et de l'organisation des entreprises. Nous sommes restés au moment où le développement des relations de sous-traitance avait atteint un seuil de maturité. Le partenariat commençait à rentrer dans les moeurs quand un ensemble de contraintes ont poussé les entreprises à l'externalisation de leurs activités soudainement jugées non stratégiques. En conséquence, les entreprises s'organisent autour d'un noyau restreint. Cette réduction des effectifs compte parmi les causes du chômage. Non pas que la productivité soit trop forte. Mais parce que les entreprises ne réussissent plus à maintenir le rythme de leur course à la productivité.

Alors, pourquoi l'externalisation?

Ce phénomène échappe à l'explication classique de la concurrence par les prix. Il est contradictoire avec la volonté de conquête. Il remet en cause la culture grégaire qui a produit la technostructure. Nous avons besoin d'une explication hybride. Une généalogie historique dans laquelle les mobiles ne correspondent pas toujours aux conséquences. Une multitude de déterminations contradictoires qui laissent une place aux événements. Et tout d'abord, disons que l'externalisation est multiforme. Certes, elle se traduit toujours par une réduction du travail interne. Elle consiste en l'achat des produits ou des services correspondants. Mais ses causes sont multiples. Sans prétendre à l'exhaustivité, nommons: le besoin de souplesse, le coût des investissements, les termes de l'échange, la fin de l'inflation, le fléchissement de la consommation, le recul de la technostructure et le retour des actionnaires. Efforçons-nous de leur donner un peu de cohérence globale, même si notre présentation est plus pédagogique que chronologique. Chaque entreprise est passé par des formes et des étapes différentes. Il n'y a pas de loi générale, mais un faisceau convergent de contraintes. Le résultat marque la fin d'une époque.


o 1. Le besoin de souplesse

Disons-le clairement, l'entreprise citadelle a vécu. L'emploi à vie est derrière nous. L'organisation bureaucratique de la grande entreprise manque de souplesse. Elle doit rivaliser avec des petites entreprises très spécialisées. Chacune l'attaque sur un de ses trop nombreux domaines d'activités. Celles qui ont échappé au laminage des coûts ont fait leur spécialisation un redoutable cheval de bataille. C'est la raison majeure de la création de centres de profits. Ils doivent se comporter, au sein du groupe, comme de véritables PME.


o 2. Le coût des investissements

La plupart des activités sont fortement instrumentalisées. La grande entreprise aime se sentir à la pointe de la technologie. Quand certaines PME se contentent de matériels moins performants, les GE choisissent le haut de gamme pour marquer et maintenir leur avance. Les ateliers de production et les services informatiques sont très sensibles au renouvellement des matériels obsolètes. Le meilleur moyen d'amortir les investissements est de les faire travailler pour d'autres que pour l'entreprise d'origine (essaimage) ou de les confier à des spécialistes très pointus (facility management).


o 3. Les termes de l'échange

A ces causes purement internes, s'ajoutent des causes internationales. Pendant de nombreuses années, la détérioration des termes de l'échange entre les pays sous-développés et les pays d'origine des multinationales, a financé pour partie la politique de hauts salaires des entreprises motrices. L'achat de matières premières à bas prix et la vente de biens de consommation coûteux permettaient d'échanger une heure de travail contre quatre, dix ou quarante.

Ce cadeau colonial prolongé était masqué pour des raisons idéologiques évidentes. On mettait en avant des différences locales de productivité. Mais parmi les pays sous-développés, certains ont réussi à sortir du cercle vicieux de la dépendance. Ils ont réussi à devenir producteurs. Le mécanisme qui favorisait la hausse des salaires au Nord et leur stagnation au Sud a fini, dans certains cas, par se transformer en mécanisme de transfert des productions du Nord vers le Sud.

Les hauts salaires du Nord qui ne s'appuient pas sur une véritable rareté de la compétence deviennent délocalisables. Curieusement, ce sont les délocalisations actuelles qui réfutent les justifications idéologiques d'hier. Car si les productivités avaient réellement été différentes, comme on l'affirmait hier, les délocalisations n'auraient jamais eu lieu.

Si les hauts salaires du Nord ne se justifient pas par une productivité supérieure, alors deux conséquences désagréables en découlent:

Le commerce international et l'usage de nos monnaies comme devises internationales (zone franc, dollar) nous permettaient d'exporter cette inflation et de nous raconter des histoires sur notre productivité.


o 4. La fin de l'inflation

Notre croissance était dopée par l'inflation. Notre inflation était exportée dans le monde entier. Une politique de croissance, prétendument keynésienne, a combiné les hauts salaires du Fordisme, le crédit à la consommation, les plans de relance par la consommation et les déficits publics. Le summum de cette politique fut pratiqué aux Etats-Unis dont le déficit de la balance des paiements était compensé par les fortunes des pays sous-développés venant se placer dans les banques américaines. La crise du système monétaire international s'est aggravé avec la non convertibilité de l'or. L'OPEP, les pétrodollars, la multiplication des capitaux flottants et la baisse de la productivité ont provoqué la compétition des Etats-Unis, de l'Allemagne et du Japon, dans une surenchère des taux d'intérêt. Nous étions dans une logique de guerre économique.

Nous avons progressivement basculé dans une nouvelle logique économique et politique. La technostructure des entreprises motrices menait le jeu. Elle profitait des hauts salaires privés et de la relance étatique de la consommation. Elle pouvait multiplier ses investissements au fur et à mesure que les salaires, abondés par le crédit à la consommation et portés par des consommateurs ébahis, revenaient acheter ses marchandises. L'inflation creusait l'écart entre les salaires des pays riches et ceux des pays pauvres. Les Etats-Unis faisaient financer leur croissance par le reste du monde. Jusqu'à ce que les " Cinq Dragons ", l'Allemagne et le Japon imposent un nouveau jeu.

Selon un mécanisme, parfaitement expliqué par Keynes, la hausse des taux d'intérêts offerts par le Dollar, le Deutch Mark et le Yen a fortement concurrencé l'efficacité marginale du capital, déja maltraité par la stagnation de la productivité dans les services. Tout ceci s'est traduit par une réduction de l'incitation à investir et une augmentation du chômage. Car l'emploi n'augmente qu'avec l'investissement. Et les entrepreneurs n'investissent que lorsque l'efficacité marginale du capital reste supérieure au taux de l'intérêt.

Peu à peu, la technostructure a perdu les cartes maîtresses de ce jeu. Les marchés monétaires, boursiers et financiers sont devenus le coeur du nouveau système. Les entreprises sont devenues opéables. " L'espoir changea de camp, le combat changea d'âme. La mêlée, en hurlant, grandit comme une flamme. " ou comme une bulle financière.


o 5. Le fléchissement de la consommation

La hausse internationale des taux d'intérêt a pris la place de la hausse des salaires et du crédit à la consommation. Particulièrement le marché de la construction n'a plus été dopé par l'inflation. Elle qui avait si facilement payé les intérêts des emprunts, à la grande époque de l'accession à la propriété. Pour le consommateur, il devient trop coûteux de s'endetter quand les taux d'intérêt augmentent, que l'inflation diminue et que le chômage menace. Aujourd'hui, il vaut mieux être créditeur que débiteur. Les revenus du capital progressent plus vite que ceux du travail.

Le moteur de la croissance change de nature. Peu à peu, le marché de l'automobile est touché par cette contagion. D'autant que les délocalisations à l'étranger font douter de la sécurité de l'emploi et renversent la tendance à l'endettement des ménages. Ce n'est pas une mondialisation nouvelle qui fait apparaître le chômage. Un jeu inégal a été initié par la première colonisation. Il s'est développé de manière complexe. Il a déployé des conséquences imprévues. Il se retourne contre ses initiateurs. Il nous oblige à changer de règles ou de jeu.


o 6. Le recul de la technostructure

Revenons à l'intérieur de l'entreprise. La croissance passée des grandes entreprises n'est pas explicable par la théorie de la concurrence. La technostructure s'explique beaucoup mieux par des phénomènes psycho-sociologiques.

La prouesse technique soudait le monde des ingénieurs, des concepteurs, des vendeurs et des techniciens. La productivité n'était pas toujours au rendez-vous (Concorde). Des consommateurs ébahis en demandaient toujours plus. Les entreprises motrices drainaient le pouvoir d'achat artificiellement dopé par le crédit à la consommation. Les conséquences inflationnistes étaient exportées sur le Tiers-Monde, dont les dictateurs rapatriaient les profits. Au-delà d'un certain seuil, l'écart injustifié des salaires a rendu possible un autre jeu. L'écart des salaires et la réduction des droits de douane permettent la délocalisation des emplois. La technostructure perd sa cohésion grégaire. Les logiques de la valeur d'usage, de la valeur d'échange et de la valeur politique ne convergent plus aussi facilement quand elles ne sont plus dopées par l'inflation.

Aujourd'hui, la baisse de la consommation et celle de la rentabilité du capital industriel ont provoqué un changement dans l'organisation et le contrôle des entreprises. Le pouvoir a changé de main, il est passé des techniciens aux financiers. La culture du développement interne et auto-suffisant a fait place à la logique de la rentabilité à court terme des capitaux financiers. Elle n'est pas toujours synonyme de productivité.

Mais les nouveaux critères d'évaluation de la performance industrielle n'ont pas diffusé dans les niveaux supérieurs. Poussée à la croissance, par la dynamique de la technostructure, la grande entreprise n'est pas encore une organisation apprenante tournée vers l'exploration des possibles. Elle est encore très loin de maîtriser la capitalisation de ses connaissances.


o 7. Le retour des actionnaires

Les actionnaires sont devenus plus présents dans la gestion des entreprises. Et d'autant plus que les investisseurs institutionnels représentaient de plus en plus souvent des fonds de retraites, des fonds de placement ou des milliers de petits porteurs anonymes. Ce motif purement spéculatif augmentait la mobilité du capital. Face à ce capital, le travail est relativement immobile. Et c'est pourquoi les usines se déplacent si facilement vers les pays dynamiques à bas salaires.

Dans cette nouvelle logique, la grande entreprise a perdu un certain esprit de corps. Gérée par des financiers, au nom des actionnaires, elle est perçue comme un ensemble de centres de profits. L'externalisation, si étrangère à la technostructure, s'explique par ce changement d'orientation. Il semble que les entreprises dont l'histoire n'est pas une succession de fusions et d'OPAs mal vécues aient plus de chance que d'autres de résister à une spirale implosive.

Témoin, la société GSI, décrite par Michel Crozier. Comme d'autres, elle a connu le " temps des cow-boys ". Elle rachète des concurrents et passe de 100 à plus de 2 000 personnes en moins de dix ans. Cette époque est révolue quand les dirigeants, au lieu de focaliser sur la valeur d'échange (le chiffre d'affaires) se concentrent sur la valeur d'usage (le métier et la qualité). Finie la centralisation. " Les créateurs sont des individualistes forcenés. Ils ne peuvent être efficaces que dans la mesure où on leur assure le maximum de liberté et de soutien ".


o Conclusion provisoire

Nous avons décrit l'amorce d'un processus de transformation de l'entreprise. Nous assistons à une disparition de l'emploi à vie. L'un et l'autre provoquent une profonde remise en question de la nature du travail. Pour certains, et ils sont nombreux, il s'agit de l'angoissante disparition du travail. L'organisation taylorienne échangeait un salaire certain contre l'abandon de l'organisation du travail. C'était le règne des ingénieurs du Bureau des Méthodes. Avec le marketing, ils constituaient le coeur de la technostructure. Cette organisation est limitée. Les activités immatérielles échappent à son mode de penser. Dans les secteurs de haute technologie, l'entreprise citadelle a vécu. La réorganisation des processus en témoigne.

De nombreux facteurs ont contribué à la fluidification des frontières de l'entreprise. La sous-traitance puis le partenariat l'amènent à nouer des contacts. Il se basent autant sur la valeur d'usage que sur la valeur d'échange. L'intensification du dialogue avec ses clients, avec ses fournisseurs voire ses concurrents, aboutit parfois à l'entreprise étendue. Puis l'accentuation de la crise et le renversement de la logique économique la pousse à changer la définition même de son activité. Le mouvement croissant d'externalisation confie à des filiales ou à des intervenants extérieurs des activités classiquement réalisées en son sein. Elles ne sont plus considérées comme stratégiques dans le nouveau contexte du marché mondial, du fait de la concurrence des nouveaux pays industrialisés.

Pendant ce temps, les secteurs de la haute technologie et de la fluidité expérimentent de nouvelles formes d'organisation. Netscape, Yahoo, Alta Vista sont des exemples récents. Venues de l'Internet, elles témoignent de la naissance des organisations virtuelles.

Hubert Houdoy

Créé le 18 Mai 1997

Modifié le 23 Mars 1998


* Suite

Naissance des Organisations Virtuelles


* Précédent

L'Origine Complexe des Organisations Virtuelles


* Bibliographie

the new business revolution

James Martin

Amacom, 1997

Apprendre le management post-industriel

Michel Crozier

Seuil, 1994

ou les nouveaux modes de travail

Denis Ettighoffer

Odile Jacob, Paris, 1992

Penser, organiser, vivre la structure en réseau

Hervé Sérieyx, Hervé Azoulay

Village Mondial, Paris, 1996

252 pages

146 F

Égaux et différents.

Alain Touraine

Fayard, Paris, 1997

395 pages

140 F


* Définitions

Les termes en gras sont définis dans le glossaire alphabétique du Réseau d'Activités à Distance.


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Mise à jour: 16/07/2003